70 Humeurs & opinions - mars 2020 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 26 mars 2020

Les assurances rapaces surfent sur le virus


Surprise hier matin de recevoir un coup de téléphone de Provitalia pour me proposer un contrat complémentaire à ma mutuelle, la Smacem. L'assureur, déjà condamné l'an passé pour non respect de ses obligations d’information envers ses clients, m'explique qu'il travaille avec toutes les mutuelles de France, mais comme j'insiste pour savoir comment il a mes coordonnées il me raccroche au nez.
M'être inscrit sur BlocTel ne m'évite pas de recevoir plusieurs coups de téléphone par jour de télédémarcheurs outrepassant leurs droits. Depuis le début du confinement, ces intrusions téléphoniques avaient totalement cessé, mais les rapaces se sont ressaisis, surfant sur la vague de la peur d'une éventuelle hospitalisation. Nous avons des tas de manières d'envoyer paître ces insupportables coups de téléphone, raccrocher, les faire attendre dans le silence, menacer de l'amende de 15000€, les tourner en dérision, compatir avec les employés, argumenter, etc. J'ai récemment choisi de leur demander chaque fois comment ils avaient mon numéro. La fois précédente, j'ai été surpris d'apprendre que leur source était les notaires de France ! Il n'y a pas de petit profit. Notre gouvernement, le premier, fait passer des lois dégueulasses pour supprimer les 35 heures ou faire prendre ses congés payés sur le temps de confinement, et ce n'est qu'un début avec ce que lui permet l'état d'urgence sanitaire. Le virus a bon goût, les rapaces n'en ratent pas une miette.

Illustration : petit musée d'un collège de Victoria, Transylvanie, Roumanie

mardi 24 mars 2020

Logorrhée virale


Comment échapper à la logorrhée virale qui nous secoue dans le roller coaster des informations sociales ? On y lit tout et son contraire, choisissant de croire celles qui répondent le mieux à notre névrose ou correspondent à nos opinions politiques. On se fait aussitôt insulté si l'on émet un doute sur les consignes officielles comme du temps de Je suis Charlie. S'interroger tient automatiquement de l'inconscience et de l'incivisme. Les médias aux ordres montent les Français les uns contre les autres. Ici ce sont les Parisiens qui apportent la peste sur les plages, là ce sont les campagnes qui se pensent en dehors du coup, quand ce ne sont pas les Chinois ou les jeunes des cités. Le pouvoir interdit globalement au lieu de sérier précisément les risques. Or les Français ont toujours été rétifs à l'ordre imposé sans comprendre. Dans certaines périodes de l'Histoire cette indiscipline sauva le pays des pires dérives. Nos concitoyens ne sont pas des enfants, du moins ils ne se pensent pas tels. La manière de s'adresser à la population est contagieuse. Si les responsables au plus haut niveau de l'État ont des pratiques imbéciles, elles s'attrapent.
Faut-il confiner ou dépister systématiquement ? Porter des masques ou rester chez soi ? Utiliser dès maintenant la chloroquine ou attendre les longs protocoles habituels imposés par l'Ordre des Médecins ? D'un pays à l'autre, les gouvernements font des choix plus ou moins judicieux. Il est certain qu'il serait plus malin d'analyser les méthodes et les résultats en Chine, à Hong Kong, en Corée du Sud, mais aussi en Italie, en Suisse, en Allemagne, etc. au lieu de s'enferrer dans un confinement dit total, car cette totalité est de toute manière inapplicable en France, en en profitant pour déclarer l'état d'urgence sanitaire autorisant tous les abus politiques et économiques. Supprimer les libertés individuelles n'a heureusement jamais été efficace dans notre pays, particulièrement en temps de véritable guerre. Ainsi je voudrais qu'on m'explique en quoi l'exercice solitaire du jogging met-il en danger qui que ce soit ? Ou encore pourquoi fermer les marchés couverts et laisser ouverts les super et les hyper ! Au marché des Lilas par exemple, la police avait astucieusement installé des chicanes, les consommateurs restant à bonne distance les uns des autres et rejoignant les commerçants au compte-goutte tant et si bien qu'il n'y avait pas un chat à l'intérieur. Le maraîcher qui nous livre chaque semaine les légumes qu'il fait pousser sans aucun engrais, même biologique, pourra-t-il franchir les barrages ? Sa camionnette remplie de cageots et nos contrats devraient convaincre de le laisser passer. Les mesures idiotes favorisent les grands groupes au détriment des petits producteurs, or plus que jamais ces circuits courts montrent leur efficacité en cas de crise. De même les arrêtés sur les congés payés que les entreprises peuvent décompter honteusement sur les jours de confinement vont encore profiter aux plus gros. Celles qui vont morfler sont surtout les PME. À moins que les actionnaires des grands groupes et les salariés fortunés qui les dirigent crachent au bassinet, dans un surprenant élan de solidarité. Mais rappelez-vous que les banques, que nous avons renflouées avec nos impôts en 2008, n'ont jamais rendu l'argent après s'être refait une santé...
À l'Amap de Bagnolet, par exemple, tous les paniers sont prêts à emporter, les distances de sécurité sont matérialisées, personne ne touche rien d'autre que son panier, on répartit par tranche horaire en fonction de l'ordre alphabétique du nom de famille, il n'y a aucun échange d'argent puisque tout est payé en amont dans ce système d'économie solidaire... Quel supermarché offre les mêmes précautions ? Les amis qui sont partis se confiner chez leurs parents à la campagne sortent avec les enfants dans la forêt totalement déserte, empruntant les petits chemins pour ne pas rencontrer de gendarmes. Quelle critique leur opposer ? Prendre le soleil renforce les défenses immunitaires, contrairement au stress qui les affaiblit. Vaut-il mieux vivre à la cave si l'on ne s'approche de personne et ne touche à rien ? Seul le bon sens nous sortira des ornières de la psychose générée par le virus et entretenue par les autorités.

lundi 23 mars 2020

Prolongation du confinement


Jeudi soir, Air France annonce l'annulation de tous ses vols jusqu'au 31 mai. Cela vous donne une idée du délai supposé de confinement.
L'idée que nous sortirions de cette crise par un voyage génial au pays du soleil levant s'est envolée en fumée. Et me voilà enchaînant les annulations avec le même zèle que j'avais eu à choisir l'itinéraire, les ryokans, onsens, transports, etc. Si Booking et Nissan sont d'une clarté et probité exemplaires, je n'ai pas réussi à me faire rembourser intégralement par un malhonnête Tokyoïte sur AirBnB qui y pourvoira peut-être. L'agence Keikaku semble correcte, quitte à faire jouer l'assurance complémentaire liée au paiement par carte. Quant à Opodo et Air France, submergés par les demandes, c'est une prise de tête qui me fait remettre à plus tard l'opération soustractive.
J'avais besoin de me changer d'air, de vivre une expérience inédite qui remette en question mes habitudes. Je ne vais pas me plaindre. Avec l'assignation à résidence je suis servi. N'en jetez plus ! C'est moins sympa que de se plonger dans la nature sur l'île de Shikoku, mais beaucoup plus confortable que la prison ou ce que j'avais vécu à Sarajevo pendant le siège. Au moins ici, ce n'est pas la guerre, on ne risque pas de prendre un obus sur la figure. Quant aux malades adeptes de la gâchette, il n'y a qu'aux USA qu'ils font la queue devant les boutiques d'armuriers. En France on préfère le papier hygiénique et les provisions de bouffe.
Certains amis ont plus de difficultés que d'autres à supporter le confinement. Les conseils bienveillants affluent sur les réseaux sociaux, la télévision, les journaux. Ils sont certainement plus utiles que les avis et commentaires relativisant la pandémie, qu'ils soient monstrueusement alarmistes ou plus ou moins rassurants. Les toux nerveuses sont légion. À l'issue de la crise, les divorces vont exploser et dans neuf mois ce sera au tour des maternités ! L'incompétence crasse du gouvernement me fait craindre une dérive autoritaire accentuée, comportement déjà bien avancé. Il est aussi possible que cela fasse réfléchir beaucoup de monde sur nos manières de vivre. En quelques jours l'air est plus pur dans les villes, les oiseaux affluent, les poissons rejoignent les canaux de Venise, et beaucoup d'humains formatés sont dans l'obligation de sortir de leur coquille, puisqu'il n'y a plus nulle part autre où aller.

vendredi 20 mars 2020

L'odeur du large


Les nouvelles technologies nous désenclavent efficacement. J'appelle ma petite famille en Bretagne. Ils sont évidemment mieux au grand air, au bord de la mer, que confinés à Paris, surtout avec un enfant en bas âge. Certains autochtones prennent mal que les citadins leur apportent la peste, alors qu'ils étaient si bien entre eux. La consanguinité, réelle ou communautaire, a toujours produit des imbéciles. Pour ceux-là, délation sonne mieux que solidarité. Par exemple, lors de l'exode en mai-juin 1940, les Français étaient divisés entre ceux qui fichaient le camp, ceux qui les accueillaient et ceux qui les dénonceraient. Il est certain que les populations qui ne vivent que du tourisme l'ont généralement en horreur parce qu'elles en dépendent exclusivement. Heureusement tous ne partagent pas ces vues étriquées, préférant partager le vent et les embruns, quitte à se parler de loin. Il y a toujours des gens pour râler et d'autres pour se réjouir, ou du moins apprendre à profiter de la situation, fut-elle contrariante.
La commune où ils sont est déserte l'hiver, surpeuplée l'été. Même en juin ou septembre il n'y a pas d'autre chat que ceux qui vivent là, avec les mouettes et les goélands. La plage est immense et s'y promener ne risque pas de propager l'épidémie. Pourtant les pandores sont susceptibles de vous coller une contredanse à 135 euros au lieu de vous laisser vous livrer à la dérobée, l'an-dro, la ridée ou la gavotte bigoudène. On peut se rouler un palot à la maison, à ses risques et périls certes, mais sur le sable c'est interdit, même si le plus proche promeneur est à des centaines de mètres à la ronde. À croire que les verbalisateurs aient consigne de l'attraper ?! Les chanceux qui ont fui les villes, où le virus est susceptible de se propager plus vite qu'ailleurs, sont condamnés à faire semblant d'avoir "une activité physique individuelle" ou de promener leur animal de compagnie. Les couples se tiendront donc à vingt mètres de distance, des fois que la police assimile leur footing à "une pratique sportive collective". On pourra aussi arguer qu'un enfant de deux ans a besoin de se dépenser, qu'on ne peut pas le laisser tout seul à la maison pendant sa gymnastique matinale, que la condition physique (et, par delà, mentale) des humains renforce leur immunité contre les attaques virales ou autres, etc. Il est toujours difficile de se battre sur plusieurs fronts à la fois. C'est peut-être même la condition sine qua non pour tomber, ou pas, malade...


S'il faut empêcher les idiots de propager la maladie, il est indispensable de montrer un peu de jugeote au lieu de déclarer l'état de guerre, terme disproportionné en face de circonstances beaucoup plus graves. Je me souviens que l'école communale de ma fille avait simulé une attaque terroriste sans prévenir les gamins que c'était pour de faux, générant des crises traumatisantes. Le danger encouru ou engendré peut susciter une loi, mais pas d'appliquer stupidement un arrêté dont le flou n'a rien d'artistique. Cela me rappelle une histoire d'humour noir que les Sarajeviens m'avaient racontée pendant que je filmais le Siège en 1993. Alors que le couvre-feu est à 22 heures, un type passe à proximité de deux gars chargés de le faire respecter. Comme l'un d'eux abat le passant, l'autre s'insurge qu'il n'est que 21h50. Alors le tireur lui répond : "Peut-être, mais je sais où il habite. Il n'avait pas le temps de rentrer."
Franchement, si j'habitais au bord de la mer, j'en profiterais au lieu de rester à contempler l'horizon derrière la vitre. Mais je n'y suis pas, et plutôt que de jalouser celles et ceux qui ont eu la chance de pouvoir prendre la poudre d'escampette ou de vivre à la campagne, je préfère les laisser me faire rêver. Car le temps de taper ces mots, j'ai réussi à m'évader et à sentir l'odeur du large...

mercredi 18 mars 2020

Par les toits


Comme je travaille d'habitude chez moi, et beaucoup, je ne sens pas trop la différence avec le confinement obligatoire. La maison est grande, il ya un jardin et tout ce qu'il faut pour tenir un siège. J'ai imprimé l'attestation de déplacement obligatoire pour traverser la rue et risquer un échange verbal avec mes voisins. Mais je pense à celles et ceux qui vivent dans un 15m², seul ou hélas parfois nombreux. Si vous avez accès au toit, par un vasistas, un vélux ou en retirant quelques tuiles, c'est une manière sûre de prendre l'air et changer de point de vue.
Vous avez vraiment peu de chance d'infecter qui que ce soit, de prendre une contravention, d'y être intercepté par des types en armes ou les mêmes qui vous ont cassé la gueule lors des récentes manifestations. Leur présence m'inquiète. Je comprends qu'on refroidisse les kakous qui font prendre des risques à leurs congénères (entendez qu'on les calme, pas qu'on les fusille), mais je crains que la population s'habitue plus tard à croiser l'armée ou la police encore plus souvent que par le passé. Rencontrer des jeunes gens en uniforme avec une mitraillette en bandoulière m'a toujours plus angoissé que d'être victime d'un hypothétique attentat terroriste. S'ils sont là pour faire peur, c'est réussi, mais bizarre dans une société qui met en avant les concepts de liberté et de démocratie. De même que les mesures Vigipirate n'ont jamais été levées plus de vingt ans après leur instauration, je crains que notre gouvernement, qui laisse régulièrement le police braver la loi, prenne goût à nous laisser les treillis militaires quadriller nos rues. "Nous sommes en guerre", martèle le représentant élu des banques, manière de nous faire avaler les couleuvres. Déclarera-t-il un jour l'armistice ? Il semble surtout qu'il se la joue ! Plus tard, cela fera peut-être au moins un truc pas totalement négatif de son règne putride, mais cela ne rétablira jamais l'équilibre avec le saccage du service public vendu au privé, du système de santé, de la protection sociale, du soutien à la culture, ni avec la brutalité de la répression, l'incompétence de ses équipes, l'arrivisme de ses députés aux ordres, etc.
Donc on ne prend pas de risques en évitant de refiler le virus potentiellement assassin, mais on garde la tête froide face au déploiement de forces armées. À l'issue de cette période traumatisante, on constatera l'efficacité du dispositif et s'il était adéquat. Il est surtout important de protéger nos vieux et les personnes fragiles. On glissera donc les tranches de jambon sous la porte et on évitera les câlins avec les petits porteurs, bien que je doute que les plus jeunes comprennent pourquoi on les boude. Bonnes lectures, laissez vous porter par la musique, faites le ménage, il y a tant de choses à faire chez soi qu'on prétend ne jamais avoir le temps de résoudre... Et autant que vous le pouvez, prenez l'air, par le fenêtre ou les toits... Ce matin, un rouge-gorge est venu se poser à côté de moi, il s'est évidemment envolé, mais il m'accompagnera toute la journée...

lundi 16 mars 2020

Cadenassés


Imaginez d'abord que nous serons confinés, assignés à résidence, dès demain mardi. Armée, couvre-feu sont des mots qui pendent au-dessus de nos têtes.
Jusqu'ici je me demandais comment faire ? Comment feraient les travailleurs dont les enfants en bas âge sont en crèche ? Comment se comporteraient les usagers des transports en commun ? Comment conduiraient sur la route ceux qui ne pensent qu'à ça ? Ces questions ne se poseront plus demain ! Mais comment feront tout de même les intermittents dont les spectacles sont annulés et qui n'auront pas leurs heures ? Comment les artisans et les petites entreprises survivront à la crise ? Comment le capital saura-t-il en profiter ? Et les gouvernements ? Auront-ils un sursaut de lucidité sur le saccage du monde hospitalier et la santé ? Comment ne pas se refermer sur soi ? Comment ne pas se méfier de tous et de tout ?
Trop de questions. De quoi rendre fou. La déraison guette les plus fragiles. En période de crise, chacun, chacune révèle son humanité. Jusqu'où la solidarité peut-elle s'exercer ? Travaillant chez moi, j'étais peu sorti ces dernières semaines. J'envoie ma musique et mes articles par Internet. Privilégié, ma bibliothèque, ma vidéothèque, le congélateur, la fibre, le jardin me permettent de tenir un siège. Pas trop long. J'en ai connu un, terrible, qui dura trois ans et demi. Ma compagne emprunte un Vélib', elle prend le métro, elle assure la permanence de son exposition collective. Peut-être rapportera-t-elle le virus à la maison ? Je lui demande ce qu'elle a touché, si elle s'est chaque fois lavée les mains, si elle a réussi à ne pas se frotter les yeux, le nez... ? Même à vivre en scaphandre le risque zéro n'existe pas. Sauf à s'empêcher de respirer ou de toucher quoi que ce soit...
L'ambiance générale est déstabilisante quel que soit son propre caractère. Les cerveaux sont démantibulés. Comment penser juste ? Comment faire la part des choses ? Comment accepter cet état d'urgence sans sombrer dans la paranoïa ? Comment relativiser les mesures alarmistes sans prendre de risques imbéciles ?
Il est évident qu'il y aura un avant et un après. Continuerons-nous à délocaliser, à importer autant de Chine, d'Inde ou d'ailleurs ? Certains pays seront-ils tentés de reconstruire leurs barrières frontalières ? Si l'ultra-libéralisme se renforce, la résistance saura-t-elle s'organiser ? Quel bilan saurons-nous tirer de cette Europe du fric et de ce monde embourbé dans son cynisme eugéniste ? Ce genre de crise change la donne, gauchit le sens. La gestion de la crise du coronavirus marquera une nouvelle ère. Comment fera-t-elle évoluer les mentalités ? Je n'en ai pas la moindre idée. Cela dépend de chacun et chacune d'entre nous. Seul nous ne pouvons rien. Ensemble nous pouvons tout. Or nous sommes confinés, ou plus exactement nous allons le devenir. Mais rien ni personne ne peut nous empêcher de réfléchir, à condition de ne pas céder à la panique. On se téléphonera, on se retrouvera sur les réseaux sociaux, on se parlera aux fenêtres.
Pour les détails, suivez les informations qui ne sauraient tarder...

dimanche 15 mars 2020

Le virus, mutant social


Ce qui suit ne remet pas en cause le danger du coronavirus. Ce sont simplement quelques constatations et interrogations qui en découlent.
À la pharmacie, devant moi, une femme souhaite acheter du gel hydroalcoolique et un thermomètre frontal. La pharmacienne lui répondant que ces deux produits sont épuisés, la femme demande à ce qu'on lui en réserve. La pharmacienne lui explique qu'aucune réservation n'est envisageable, mais qu'il lui reste des thermomètres rectaux. La femme, dépitée, lui répond : "J'en ai déjà un, mais je vais en prendre un quand même, on ne sait jamais !".
Où s'arrêtera le virus de la paranoïa ? S'il est indéniable que cette méchante "grippe" peut être fatale majoritairement aux séniors déjà fragilisés par la maladie, le coronavirus est-il le monstre apocalyptique annoncé ? Comme d'habitude avec les manipulations d'opinion, on ignore la réalité de la pandémie, mais on peut juger de la manière dont les gouvernements s'en servent. Pour eux, c'est une aubaine. Non parce qu'elle va permettre de résorber le nombre des retraités à indemniser (voir Boris Johnson et son immunisation de groupe, prêt à sacrifier 500 000 Britanniques : « beaucoup de familles vont perdre des proches de façon prématurée »), mais la gestion de la menace fera accepter la crise économique mondiale qui nous pendait inévitablement au nez et que les puissants ne savaient pas comment nous servir. Le virus aura bon dos. Il y aura un avant et un après, comme le fut le 11 septembre 2001 ou, à un moindre niveau, le Plan Vigipirate. L'attaque sur le World Trade Center permit à Bush de faire voter les lois scélérates une semaine plus tard et d'envahir l'Afghanistan, puis l'Irak. En France voilà plus de 20 ans que la psychose des attentats est entretenue ; j'y pense chaque fois que je passe près d'une école maternelle devant laquelle il est interdit de se garer ! Avec le Coronavirus nous allons prendre l'habitude de fermer les frontières à telle ou telle population, nous accepterons les interdictions de rassemblements trop importants, etc. Notez que ces mesures seront prises pour notre bien ! L'important n'est pas que les migrations climatiques et politiques ou les manifestations de colère des opprimés soient jugulées, mais que ces choix soient acceptés, entérinés par l'opinion publique.
En regardant la photo des chaises vides que j'ai prise dans un blockhaus roumain construit du temps de la Guerre Froide, j'ai pensé à Kafka et au film La route parallèle de Ferdinand Khittl. Pourtant, c'est juché sur un tabouret que l'auteur du Château lisait son roman en public, s'étranglant de rire. Et les protagonistes du film allemand achevé en 1962 ne comprenaient pas ce qu'on attendait d'eux et apprenaient trop tard l'enjeu dont ils étaient victimes.
On ferme tout, mais interdira-t-on les attroupements de brutes casquées qui dépassent largement la centaine ! Comme beaucoup, je n'ai pas compris que les élections municipales soient maintenues. J'irai voter avec mon stylo et j'appuierai ganté sur le bouton puisqu'à Bagnolet c'est informatisé. Pour s'insurger, reste l'espace virtuel où je m'exprime encore sans risque. Sans risque d'attraper une mystérieuse maladie létale. Mais on y lit aujourd'hui n'importe quoi.
Car "en même temps", le pouvoir tente de faire taire ce qui remet en cause le discours officiel sous prétexte de fake news, avec la complicité des opérateurs que sont, entre autres, FaceBook, YouTube ou Google. Or l'État est le premier fournisseur de ces fake news ! Et lorsque j'écris l'État, je ne parle pas seulement de notre pays, mais de presque tous les États de la planète aux mains d'une mafia bancaire internationale servant les intérêts d'un tout petit nombre d'êtres humains. Humains, j'en doute. Des animaux dénaturés plus certainement, comme les appelait Vercors ! Certains m'imagineront complotiste, comme si Edward Bernays n'avait pas cyniquement inventé la société de consommation, que les services secrets de tous les pays étaient là seulement pour faire fantasmer les amateurs de romans d'espionnage, que l'industrie pharmaceutique n'était motivée que par une honnête compassion. Le complot n'est jamais l'évènement, mais son exploitation par le pouvoir.
La Bourse dégringolant, les petits épargnants vendront à la baisse et les gros magouilleurs rachèteront au plus bas. La peur est toujours mauvaise conseillère. La panique fait bizarrement vider les rayons de papier hygiénique, de pâtes et de riz. En 1968, c'était le sucre. Pendant ce temps, on ne pense pas aux migrants qui se noient, aux populations déplacées qui se meurent, aux millions de victimes de la famine, aux Gilets Jaunes qui se serrent la ceinture en fin de mois, à l'incompétence de ceux et celles qui nous gouvernent. L'ennemi est ailleurs. C'est un alien. Comme jadis le juif ou le communiste. L'ennemi est petit, sournois. L'ennemi est partout. Chez vos voisins. Dans votre propre famille. Le virus est en nous. Comment ne pas se méfier de tout et de tous. C'est ainsi que se façonnent les opinions de masse et que mutent les sociétés...

vendredi 6 mars 2020

Mouais, bof, pfff !


Je n'arrive pas à faire l'école buissonnière du blog. J'ai l'impression que si je manquais à cette discipline, je risquerais de m'arrêter à tout jamais. On me prend pour un hyperactif alors que je me vois comme un flemmard. Mais chaque jour et à peu près dans cet ordre, je passe une quinzaine de minutes au sauna, me lave, me brosse les dents, me rase, m'habille fut-ce tard, fais mon lit, cuisine, ne saute aucun repas, même si l'une ou l'autre de ces obligations me gave. Je ne parle pas du travail qui m'occupe de très tôt le matin jusqu'au dîner, parce qu'il m'arrive de flâner, pas assez à mon goût, ou de partir en vacances. La même discipline m'interdit de bloguer pendant les grandes, histoire de débrancher la perfusion dont je suis victime comme tant de monde. Je serai donc absent du 19 mai au 12 juin, quitte à relater notre séjour japonais au retour. Par contre, les petites incartades ne justifient aucune défection et je trouve toujours le moyen d'envoyer mon article où que je sois sur la planète. Ce n'est pas tout à fait vrai puisque j'avais continué à bloguer lors des récents séjours à Venise et en Roumanie.
Je raconte cela car il m'arrive tout de même de manquer d'inspiration alors que l'heure tourne. Je feuillète alors les images en attente, mais j'ai déjà exploité la plupart de celles susceptibles de produire un déclic dans mon ciboulot. Je jette un œil aux infos, via les mails, FaceBook, Mediapart, mais c'est généralement déprimant. J'aimerais prendre de la hauteur comme sur la photo, même si j'y vois une ombre au tableau, éviter de transformer mon blog en rubrique nécrologique ou en chroniques musicales ou cinématographiques, mais plutôt rapporter des idées séduisantes, en soignant le style par dessus le marché. Mais voilà, non, cela ne marche pas à tous les coups, en particulier les jours où j'ai travaillé comme un fou, pratiquant le forcing qui met en danger toutes mes bonnes résolutions disciplinaires. Par exemple aujourd'hui, j'ai bouclé mon nouvel album sur lequel je sue depuis un an, envoyé les dernières mises en son du MOOC sur l'intelligence artificielle et fait d'ultimes corrections à la partition musicale de l'installation générative Omni-Vermille d'Anne-Sarah Le Meur qui nous occupera la semaine prochaine puisque nous partons lundi à Karsruhe pour la mettre en place. J'ai parfois l'impression que je vais avoir le temps de me reposer, mais le téléphone sonne, il faut que je prépare la newsletter de mars, les réservations pour Hiroshima et la fin de notre périple nippon urgent, car même deux mois à l'avance beaucoup d'endroits sont déjà complets et il faut qu'ils coïncident avec les trajets en train, en automobile qui roule à gauche, en ferry, en bus, à bicyclette, que sais-je... Parfois, je reçois un disque, un film, une nouvelle qui éclaire ma journée et me donne envie de partager ma joie avec vous. Je préfère évoquer ce qui me sourit, évitant de dégommer ce qui m'ennuie et m'endort, sauf pour des raisons politiques. Vous ai-je d'ailleurs raconté que je suis 39e sur 39 de la liste Bagnolet en commun pour les élections municipales ? Inéligible donc, mais avec l'espoir de redresser une ville gangrénée par les dettes, la corruption et le clientélisme. Je sais bien que le vote est un leurre de notre pseudo démocratie, mais le combat de proximité est un des rares atouts qu'il nous reste, si ce n'est faire la révolution, qui est une idée qui ne me déplaît pas...
Enfin, même si ce 4371ème billet me semble faible, si je rabâche, il reste les liens hypertexte qui renvoient à des jours où j'étais plus en verve...

mercredi 4 mars 2020

L'arme biologique


L'été dernier en Roumanie, lors de notre voyage d'études pour le projet sur la ville utopique de Victoria, lieu de mon prochain gros travail discographique en 2021, nous avons visité un bunker souterrain en zone protégée pour ne pas dire interdite. Au gré de nos fouilles nous avons découvert d'inquiétantes affiches sur diverses armes de destruction massive, chimiques, nucléaires, biologiques, etc. Appréciez l'etcétéra s'il-vous-plaît ! La proximité du Coronavirus m'a incité à prendre une loupe pour observer les phylactères de cette bande dessinée dystopique, avec la difficulté que représente pour moi de traduire ces précautions élémentaires depuis le roumain. Le premier article répertorie les différentes menaces, bactériennes, virales, et puis les rickettsies (je ne connaissais pas cette spécialité gastronomique dont nous sommes les proies), champignons, parasites, toxines... Certaines images évoquent la pulvérisation d'agents pathogènes dissimulés dans des véhicules anonymes, des avions, des bombes, des sprays. Il est ensuite conseillé de protéger ses denrées alimentaires, faire bouillir l'eau ou de consommer de la minérale en bouteille hermétique, prendre systématiquement sa température, collecter les ordures dans des containers spéciaux, désinfecter, se faire vacciner quand c'est possible... La liste est séduisante, mais vraiment pas rassurante !
On tempérera en se disant que les alertes amplifient souvent le danger, principe de précaution oblige. On pourra se dire que l'épidémie tombe à pic, que ce soit pour camoufler les problèmes économiques que rencontrent actuellement presque tous les états lancés dans un ultralibéralisme suicidaire pour ne pas dire criminel, ou pour réduire le nombre de retraités qui les préoccupe souvent tout autant ! On comparera avec le nombre de décès en France dus à la grippe saisonnière (8 100 en 2018-19), aux accidents de la route (3 500), et surtout aux autres causes qui relativiseront la panique ou la créeront selon votre caractère : cancer 147 500, cardio-vasculaire 140 000, tabac-alcool-drogue 90 000, obésité 55 000, diabète 32 150, maladies infectieuses 25 600, accidents domestiques 16 500, poumons 16 000, suicides 12 900, accidents du travail 1 300, homicides 740, noyade 700, avion 8 ! J'ignore où ce classement place les 48 000 morts de la pollution ? Ces chiffres mortels vous permettent de choisir la manière dont vous souhaitez vivre. J'ai raconté que lors de mon séjour à Sarajevo pleuvaient 1 000 obus par 24 heures et que j'en suis revenu indemne (du moins physiquement !) alors qu'un ami resté à Paris s'y était tué en voiture le jour de mon retour...
Les conséquences de cette crise sont intéressantes, car souvent contradictoires. On pourra par exemple constater que le scandale est bien à pointer dans la gestion de la santé par notre gouvernement. La crise hospitalière ne va pas s'arranger avec les mesures concernant le Coronavirus. On peut aussi se demander si choisir cette épidémie mondiale pour interdire les manifestations, les grands concerts, les marchés en plein air (la police a parfois de drôles d'initiatives, surtout lorsqu'elle ferme les yeux sur le supermarché situé en face), etc., n'est pas carrément contreproductif de la part de notre état policier qui s'assoit régulièrement sur la démocratie. En tout cas l'économie mondiale va en prendre un coup. Notre exploitation des produits manufacturés en Chine apparaît clairement, et par là-même notre dépendance au détriment de la production locale. Les gens vont se cloîtrer chez eux et se méfier du moindre éternuement de leur voisin. Mais franchement, à bien regarder les chiffres plus haut, l'inquiétude devrait saisir chacune et chacun sur la manière dont les gouvernements et l'industrie pharmaceutique traitent notre santé. Chaque cause de décès et son nombre me plongent dans de perplexes interrogations et d'étonnantes réflexions. Tout cela pour signifier que du Coronavirus je me fiche comme de ma première chemise, malgré mon âge avancé me rendant plus fragile que les plus jeunes qui s'en émeuvent. Faites surtout attention en traversant la rue, ne mangez pas n'importe quoi, faites de l'exercice, aimez votre prochain, et prenez le temps de vous révolter contre cette société absurde qui nous abrutit et nous formate en nous faisant oublier l'art de vivre.