Peut-être suis-je surpris de bien prendre les revers de fortune, les mauvaises nouvelles ou les agressions dont je pourrais être victime ? Si l'on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même, pourquoi s'infliger tristesse, énervement, angoisse lorsqu'on est confronté à ces contrariétés ? Le mal que l'on nous prodigue parfois ou les mauvaises surprises que la vie nous réserve n'ont que peu de poids face à la manière dont on en gère les effets. Pas la peine d'en rajouter ! Selon les figures, j'ignore les malveillances ou je prends à bras le corps la résolution des problèmes incontournables. Du moins je fais tout mon possible. Quel rapport avec l'article de 2008 qui suit ? Probablement la différence entre les choses qui nous arrivent inévitablement et le choix qui s'offre à nous sur la manière de les vivre, façon de revendiquer qu'en définitive il n'y a (presque) rien de fatal, à condition de se demander ce qui nous semble juste de penser ou de faire...

La nouvelle gargouille prend des images pieuses
Article du 2 juin 2008

Le matin, j'avais terminé Bienvenue dans le désert du réel de Slavoj Žižek. Sa façon de renverser les évidences me plaît. Si "l'inconscient ignore les contraires", ce concept freudien appliqué à l'analyse politique ne peut que faire mouche. Dès lors qu'un terme est employé, un concept ou une opinion proférés, il devient psychologiquement indispensable d'en interroger le sens et les raisons qui les ont produits. Schématisons : une personne avançant "je ne suis pas raciste" pointe son racisme, car autrement la question ne se poserait pas. Ou encore, méfiez-vous de quelqu'un vous annonçant qu'il ne va pas vous arnaquer, car l'idée l'aura forcément effleuré pour qu'il l'évoque. Les régimes dits démocratiques en prennent pour leur grade. La fonction du philosophe n'est-elle pas de refuser les conventions pour argent comptant, d'interroger sans relâche ce qui prétendument ne pourrait être autrement. Ainsi, Žižek fait remarquer que s'il est courant d'envisager la fin du monde, celle du capitalisme semble aujourd'hui inimaginable.
Dimanche avait été très calme. Le soleil s'était couché plus tôt que prévu, transformant le côté plage en un ciel menaçant avec, en prime, une atmosphère glaciale. Je n'avais pas grand chose à ajouter, ayant exceptionnellement passé mon après-midi à bavarder et rêvasser. Comme je me suis fixé de rédiger autant que possible un billet quotidien, je m'en tire parfois de justesse en plongeant dans le fond photographique accumulé, espérant y trouver quelque inspiration. Cherchant une photo, je tombe sur un photographe ! L'image envoyée par Brigitte il y a quelques mois fait fonction de mise en abîme. Placée à l'extérieur d'une des sept chapelles absidales, en face de l'Hôpital Saint Barnabé, la gargouille orne la cathédrale de Palencia en Espagne. Comme la sculpture m'intrigue, Bri me retrouve un article d'El Païs de 1980 qui dévoile le "poteau rose" : vers 1908 ou 1910, l'architecte Jerónimo Arroyo, chargé de la restauration de la cathédrale, choisit de remplacer la gargouille tombée il y a fort longtemps par le portrait d'un ami intime. Depuis, "Monsieur Alonso" occupe une place d'honneur parmi les harpies, lions ailés, squelettes et autres figures du XIVe siècle, immortalisant les passants et les visiteurs sous un angle original qui ne peut qu'enrichir ma rêverie.
Au moment de mettre en ligne, je suis frappé par l'étrange ressemblance physique entre la statue espagnole et le philosophe slovène...