Le taux de TSH était bon, mais mes proches étaient tous d'accord, j'étais en dessous de mon énergie légendaire. Je me trouvais moi-même fragile émotionnellement. J'avais pleuré quatre fois en revoyant La vie est belle de Frank Capra pour la énième, c'était trois fois de trop, pas de le revoir, mais de renifler comme un gamin. La chirurgienne a remonté le milligrammage du Lévothyrox à 87,5. Ce doit être psychologique parce qu'aussitôt j'ai repris du poil de la bête et j'ai recommencé à faire du bruit. On ne peut pas appeler cela jouer, parce que je fais des gammes de timbres en associant des banques de sons s'accordant bien entre elles pour plus tard alimenter de nouvelles compositions. J'attends avec impatience la livraison du Enner de Soma, un synthétiseur analogique dont les commandes intègrent les propriétés électriques du corps humain. La peau produit des résistances, des capacités et des réactions non linéaires tandis qu'on caresse l'objet avec les doigts et les paumes. Un truc de ouf de plus à ajouter à mon incroyable panoplie. J'écris ces lignes juste après avoir relu l'article du 19 janvier 2009 reproduit ci-dessous. Né nu phare, me serais-je dit en regardant la photo...

Du vide
Lorsque l'on est très actif, on a beau savoir que l'on a quatre semaines sans vraiment de rendez-vous, ce n'est pas facile de décider de s'arrêter pour prendre des vacances. Suis-je encore capable de rester contemplatif, devant une toile, un paysage, un livre, devant le vide qui vous happe et laisse enfin de l'espace pour l'inattendu, le renversant, le renversé ? La fatigue évite la bousculade, la cohue des idées. Au lieu de cela se forme un encombrement, un goulet d'étranglement, un vide stérile. Il y aurait donc deux formes de vide, le vide peau de chagrin et le vide appel d'air. Expansion ou trou noir ? L'interrogation sur l'infini me plonge toujours dans une mélancolie métaphysique qui remet à sa place l'infiniment microscopique de notre condition humaine. Le vertige de la mort m'attrape lorsque je pensais l'avoir vaincu. Le magnétiseur m'assure que les petits dormeurs vivent vieux, c'est double bonus. Les anciens nous montrent la voie. Est-ce rassurant ou paniquant de sentir que son tour approche ? Pourtant, dès le début, chaque pas est dirigé vers la sortie. Toute sa vie on oscille entre le mûrissement et la régression. Faire l'amour, rire et fou rire, se saoûler ou rechercher le vertige, ne serait-ce que se souvenir, sont des manifestations régressives. La sénilité permet in extremis de boucler la boucle. Retomber en enfance est une recherche permanente et nécessaire. Le vide est sanitaire, pardon, salutaire.