70 Humeurs & opinions - février 2022 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 28 février 2022

Perspective du vide


En éclairant la scène d'une lumière insoupçonnée, l'envers du décor découvre des angles magiques qui retournent nos convictions. Le contrechamp interroge la réalité comme si elle n'était qu'un théâtre où se joue une pièce dont nous ignorons si nous en sommes les auteurs ou les acteurs. Les fils qui pendent des cintres sont autant de leurres auxquels nous sommes prêts à mordre au moindre signal. Pas un bruit, pas un mouvement. Par un petit trou dans le rideau rouge, on aperçoit les spectateurs, mais le moindre courant d'air pourrait révéler notre présence. Sur les coursives, les cellules abritent des travailleurs de l'ombre. Sous les corbeilles, pour peu que l'on s'y penche, on devine le silence des galeries. Les lustres sont ceux du soleil, ils réfléchissent un océan de gaz vital, une perspective d'avenir qui plonge dans la nuit des temps. Leur nombre érige la surprise en système. Il donne le vertige pour nous éloigner des bords. La photographie tendrait à prouver qu'il ne s'agit pas d'un rêve, mais d'une élucubration.

J'ai choisi de republier cet article du 13 juillet 2009 en écho à celui de samedi dernier sur le conflit en Ukraine. Comprenne qui pourra, ou qui voudra !

samedi 26 février 2022

Je suis bien ennuyé


L'acte guerrier de la Russie est injustifiable, car il ne respecte en rien le droit international, même si d'autres ne le respectent pas non plus. C'est jouer avec le feu, comme par exemple se battre sur le site de la centrale de Tchernobyl. Il faut user de tous les moyens diplomatiques pour enrayer un processus extrêmement dangereux. Seules des négociations où les opposants assumeront leurs responsabilités mutuelles, garantissant à toutes les parties leur sécurité, peuvent résoudre le conflit.
Mais je suis bien ennuyé. Devant les cris unanimes dénonçant unilatéralement la Russie dans la guerre en Ukraine et la menace brandie d'une troisième guerre mondiale qui affole les foules, je crains de ne pas être compris, mais ai-je d'autre choix que d'essayer de comprendre ? J'ai eu ce même sentiment d'isolement par exemple à l'époque de Solidarność ou Je suis Charlie...
D'abord, je souhaiterais rassurer les plus jeunes qu'on terrorise à l'école en brandissant le spectre de la guerre sur notre sol national. C'est complètement idiot. Cela me rappelle les anti-communistes primaires qui, au siècle dernier, craignaient une invasion soviétique alors que nous étions explicitement inféodés aux États Unis, ce que nous sommes toujours d'ailleurs, et que les Russes avaient d'autres chats à fouetter que de conquérir toute l'Europe. Cette polarisation sur l'Ukraine masque surtout les vrais problèmes, sociaux à un petit niveau, écologiques si on prend conscience de ce que signifie réellement le dérèglement climatique d'ici cinq à huit ans. À ce propos, et ce n'est pas totalement étranger à ce qui se passe en Ukraine : ce n'est pas en remplaçant les énergies fossiles et en avançant des solutions technologiques qu'on peut repousser la catastrophe, mais en optant définitivement pour la décroissance. Je ne m'égare pas tant que cela, parce que l'enjeu énergétique est fondamental dans la guerre actuelle, comme dans la plupart des autres. Les USA ont d'abord tout intérêt à monter leurs alliés européens contre la Russie à laquelle nous achetons son gaz pour nous refourguer leur gaz de schiste excédentaire qu'ils nous enverraient par bateaux réfrigérés ! D'un autre côté il est impossible de soutenir la Russie revancharde dans sa brutalité meurtrière, même si elle a été humiliée par le non respect des accords passés au moment du démantèlement de l'Union soviétique. Je fais référence à l'implantation des bases militaires de l'OTAN tout le long de la frontière russe, ce qui peut être logiquement compris comme une menace du point de vue des Russes. Mais pointer le Traité de Versailles et la crise de 1929 ne disculpe pas le nazisme !
Je rappelle que j'ai toujours été non violent, même s'il peut m'arriver de soutenir des mouvements de libération dans des circonstances où la légitimité est indiscutable, et que le recours à la violence m'apparaît le plus souvent comme l'aveu de l'impuissance. Pour ne pas être trop long, je dirais que toute guerre est avant tout économique, et qu'il est donc nécessaire de comprendre les enjeux pour pouvoir juger des responsabilités des uns et des autres. Dans tous les cas l'industrie de l'armement se goinfre sur les conflits, sachant que les États Unis et la Russie en sont les principaux fabricants et exportateurs avec 31% chacun de la production mondiale. Dans le cas de l'Ukraine, c'est sans parler des céréales (le "grenier à blé de l'Europe"), ni des ressources minières (fer, charbon, uranium, potasse, etc.). La paix retrouvée, l'industrie de la reconstruction embraye ensuite cyniquement le pas. Dans certains cas, on règle aussi quelques problèmes de populations, soit pour se débarrasser de secteurs sociaux encombrants (exemple: la Première Guerre Mondiale avec la paysannerie), soit pour assumer avec retard des découpes frontalières si imbéciles qu'on peut les taxer de criminelles (exemple : l'Inde et le Pakistan).
Au jeu des comparaisons, on peut aussi se demander si la levée de boucliers contre la Russie aujourd'hui trouve son équivalent sur l'invasion par les Américains de l'Afghanistan ou de l'Irak, ou nos bombardements en Lybie ? Ces pays ne me semblaient pas menacer nos frontières ! Question proximité, comparons avec l'annexion de Jérusalem Est par Israël ou des territoires occupés, à grand renfort de bombardements et de mesures de rétorsion contre les Palestiniens. Les camarades qui font flotter des drapeaux ukrainienns sur le Net connaissent-ils la nature du régime de ce pays, mélange de néo-libéraux et de nazis historiques ? Ce n'est évidemment pas notre problème. Si nous espérons arrêter la guerre en Ukraine, ce n'est pas en rendant Poutine unilatéralement responsable, mais en réunissant honnêtement tous les protagonistes autour d'une table pour que les populations qui prennent tout sur la figure sans y être pour grand chose puisent vivre dans la paix. C'est certainement un vœu pieu, car c'est faire fi des intérêts économiques du capitalisme, qu'il soit de l'ouest ou de l'est. Le problème réside bien dans les contrats énergétiques qui assassinent la planète au lieu de militer activement pour une décroissance indispensable.
Restons mesurés. Les choses ne sont pas noires et blanches. Lorsqu'un couple se sépare, amoureusement ou professionnellement, j'ai l'habitude de défendre les arguments de l'autre, comme récemment j'essayais d'expliquer ceux des provax aux antivax et réciproquement. Si l'on veut changer le monde, et il y a urgence, il est indispensable de ne pas avaler les couleuvres diffusées par les gouvernements sur les canaux respectifs qu'ils possèdent. L'information a toujours été le quatrième corps d'armée, or je reste farouchement antimilitariste !

jeudi 17 février 2022

Choucroute


Je recycle encore une fois, débordé par mes activités présentes. En haut lieu on raconte en effet qu'il est question d'une reconstitution de ligue dissoute, en l'occurrence Un Drame Musical Instantané, fondé en 1976 et officiellement dissous en 2008. Ce groupe mythique sortirait un nouvel album enregistré lundi dernier et mixé le jour suivant ! Un concert de résurrection avait bien eu lieu en 2015, mais rien ne laissait présager cette édition phonographique... Si le sandwich de 2009 qui suit était bourratif, les agapes de cette semaine s'avéreraient légères comme une plume ou même un poil...

UN SANDWICH BIEN BOURRATIF

Par beau temps, les marches de l'église sont prises d'assaut par les pique-niqueurs des quartiers d'affaires. La reconversion des lieux de culte m'apparaît chaque fois une excellente idée. Leur désertion les transforme en havre de fraîcheur l'été, mais en attrape-la-mort l'hiver, façon douce de se suicider sans mettre en retard les usagers du métro.
Tandis que l'Église de Scientologie est justement jugée pompe à fric arnaqueuse de gogos en mal de vivre, on peut se poser la question de l'histoire du catholicisme, religion quasi nationale qui ne fut jamais exempte ni de bourrage de crânes ni de dépenses somptueuses au-delà de ce que le luxe ne pourra jamais représenter pour n'importe quel richard de la planète. Expliquez-nous la différence!
Les églises, 40 000 en France, pourraient astucieusement être reconverties en centres d'art, d'hébergement, de relaxation, salles de sport, que sais-je, toutes les propositions seront les bienvenues...
Pour information, ce sont les communes qui sont propriétaires des églises, sauf les cathédrales qui appartiennent à l’Etat. Chaque commune assure le clos et le couvert, voire l’électricité et parfois le chauffage... Contribuables, nous finançons donc tous l'Église comme nous savions déjà le faire pour l'Armée, autre exemple vivement contrariant.

Il est néanmoins essentiel de signaler que l'État ne finance directement aucun lieu de culte depuis la loi de 1905, si ce n'est en Alasace-Lorraine où le Concordat de 1801 est toujours en vigueur, permettant aux municipalités de subventionner directement les lieux de culte ! Pour autant, par rapport à cet article du 19 juin 2009, mes convictions face au communautarisme ne m'autorisent pas à octroyer aux autres religions ce dont je souhaiterais priver le catholicisme... Je ne vois pas non plus de différence entre une religion et une secte si ce n'est leur taille et donc leur puissance de nuisance...

Passant du coq à l'âne, je tiens à rappeler que la France est le troisième fournisseur d'armes de la planète avec 9% des crimes à son actif, il est vrai loin derrière la Russie et les États-Unis.

Quel rapport avec la choucroute ? On aura compris qu'il n'y en a aucun entre l'introduction de ce 16 février 2022 et l'article de 2009, mais comme demain nous faisons cap vers les plages de Normandie, fief du tourisme de guerre, ça se bouscule un peu...