En exprimant mon humeur du moment, plutôt en l'imprimant, oserais-je dire, même si les caractères à l'écran sont volatiles, je risque chaque fois le décalage. À l'usage je peux affirmer que ce n'est plus un risque, mais une réalité, puisque la publication du moindre article date au mieux de la veille. L'horodateur affiche souvent minuit, l'heure du crime, ou les minutes qui suivent. Or au dateur la bascule des humeurs s'est forcément déjà produite. N'y voir là aucune inconstance, mais une résilience à toute épreuve, que ce soit dans un sens ou dans l'autre. Les bonnes nouvelles succèdent aux mauvaises, mais le cycle imperturbable est pour chacun, chacune, inévitable. J'ai inlassablement répété que, si le cycle touche toutes nos actions, le son et la lumière, la vie sur Terre, les merveilles et les revers, il est toujours possible d'entretenir les crêtes et d'en réduire les creux sur l'axe des abscisses. Puisqu'il semble impossible d'agir sur celui des ordonnées. C'est à ce fabuleux désordre que je dois mon bonheur, la faculté de se reprendre en mains et d'envisager l'avenir de façon vectorielle. Le présent est si fugace que longtemps je ne sus le saisir. Comme en arabe, seuls l'accompli et l'impératif guidaient mes pas. C'est bien d'une discipline qu'il s'agit, une autodiscipline, probablement la seule qui me sauve des routines imposées auxquelles je n'ai jamais pu me plier, ce qui revient aux mèmes. Les amies qui savent me lire entre les lignes s'inquiéteraient facilement si je ne les avertissais avant publication que la misère est déjà derrière moi. Pratiquant scrupuleusement ce que je prône, la rémanence des heureuses nouvelles a le mérite d'éclairer souvent les jours qui suivent. Il n'est par contre pas question de prévenir qui que ce soit que le soufflé est retombé. La bienveillance dont je suis l'objet ne mérite pas qu'on y jette l'ombre de ce qui est hélas révolu. On notera que lors de ces révolutions le soleil est de face. Éblouissant, aveuglant si l'on n'y prend garde, réchauffant à condition de s'y prélasser. Fi de ces généralités, on comprendra que j'ai failli décrire un petit moral, mais en utilisant certains verbes au passé je suggérai que je pouvais espérer que ce soit déjà de l'histoire ancienne. Et en m'adressant à vous je minimisais l'effet sur mon conscient. L'autre fait ce qu'il veut, je n'ai que très peu de prise. On se fait des montagnes de vaguelettes, les éléments se déchaînent, les séries font la loi, mais la nuit porte conseil. Sauf qu'à ce jeu de la veille on finit par piquer du nez l'après-midi. Et puis le soir on se réveille. Au loin j'entends pourtant les violons de l'automne.

La photo est un instantané de Gerridae, réponse oraculaire à ce qui généra le petit texte du jour.