70 Multimedia - février 2010 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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dimanche 21 février 2010

Mascarade, fantaisie musicale pour deux présentateurs


" Mascarade est une performance audio-visuelle live dans laquelle deux performers sur scène utilisent le flux audio provenant en temps réel des chaînes d'information continue pour construire un drame musical instantané d'environ 30 minutes. Détournant la scénographie des journaux télévisés contemporains, les bustes-troncs des deux newsmen apparaissent en vidéo sur grand écran en fond de scène. Grâce à un logiciel développé spécifiquement pour l'occasion, ces mêmes bustes, que l'on voit retraités et analysés dans leurs formes et leurs mouvements, servent d'instruments de musique, déclenchant boucles, filtres, mémoires de samples, etc. selon des modalités de mashup et de plunderphonics. Avec la concentration des vrais directs, les deux newsmen transforment les flux d'information, leur contenu, leur musicalité, leurs timbres, leurs rythmes, pour leur donner une forme neuve, une nouvelle dramaturgie musicale. Mascarade porte un regard distancié, critique, joyeux et désespéré sur les médias comme instruments de manipulation. "
Voilà, on a tout dit, on n'a rien dit. Lors des tests la musique se précise. Le flux submerge l'auditeur. Sa densité impose des choix, une certaine forme de dialogue entre Antoine Schmitt et moi. Présenter Mascarade à Victoriaville en première partie de Nabaz'mob, notre opéra pour 100 lapins, oblige à une certaine retenue dans les dernières mesures. Nous imaginons trois mouvements dont celui du milieu est le seul en véritable tension. Les radiophonies sont tellement chargées de sens que le cerveau produit d'innombrables connexions qui nous échappent. Le trafic du flux me pousse vers une musique à laquelle je ne m'attendais pas plus que lors de la composition de Nabaz'mob. Le sujet impose sa forme. Je me découvre un autre visage. La mutation m'est apparue lors de l'enregistrement de G10 pour Sun Sun Yip. Si le puzzle et le drone ont toujours été présents dans mes travaux je n'imaginais pas que le temps les révélerait comme une évidence. Je redécouvre par hasard le travail de Charlemagne Palestine qui est également programmé au Festival de Victoriaville où nous créerons l'œuvre. Tout a un temps et il y a un temps pour tout. Si nous avons travaillé ensemble sur différents projets depuis 1995, la collaboration artistique avec Antoine prend tout son sens dans la durée, depuis Machiavel en 1998 jusqu'au futur Mascarade en passant par Nabaz'mob.

Image extraite du reportage de Migu TV.

vendredi 19 février 2010

Les ondes de Mascarade


Hier, nous avons trouvé les deux postes de radio dont nous avions besoin pour Mascarade, la prochaine création réalisée avec Antoine Schmitt. Il a pris le noir, j'ai choisi le rouge. La marque Etón fabrique de jolis objets et les nôtres peuvent fonctionner grâce à une dynamo. Il suffit de s'acharner sur la manivelle comme un malade et le tour est joué ! Ils sont également équipés d'une lampe et d'une sirène, mais ne sont pas waterproofs ni ne fonctionnent à l'énergie solaire comme d'autres modèles de la marque. Certains ont même une connexion USB pour recharger un iPhone tandis que les nôtres ont des connexions téléphoniques classiques qui ne nous servent à rien. Ils ont par contre les trois gammes de fréquence, FM - AM - ondes courtes, ainsi qu'un réglage fin pour syntoniser les stations. Leur sortie mini-jack nous permettra de récupérer le signal pour le transformer grâce à l'application originale qu'Antoine met au point avec SuperCollider. Je crois que je vais tout de même commander deux petits transfos pour éviter de me démettre l'épaule.
Mascarade ouvrira le Festival de Victoriaville le 20 mai au Québec (FIMAV) en première partie de Nabaz'mob, notre opéra pour 100 lapins, et en première mondiale. D'ici là, nous ferons quelques présentations-tests en public, probablement à Paris vers la mi-avril, avant de nous envoler pour Bucarest.
À suivre pour connaître bientôt la nature de Mascarade...

vendredi 12 février 2010

Le temps n'a pas de prise sur Servovalve


L'univers technoïde du binôme de l'entité Servovalve échappe aux effets de mode. La ferveur d'Alia Daval et Gregory Pignot fait plaisir à voir et à entendre. Leurs images évoluent au gré des algorithmes bidouillés sur la machine qu'ils domptent comme on dresse un animal. Jamais à l'abri d'une révolte du code dont les mâchoires peuvent être redoutables, ils chevauchent des serpents de mer microscopiques qu'ils projettent en grand sur les murs de leur maison vide ou devant un public immergé dans leur univers halluciné. Dans le documentaire que Laurent Carlier et Joan Giner leur consacrent, ils semblent tout droit sortis d'un film de Cronenberg. Qui de l'œuf ou de la poule ? Qui de l'homme ou de la machine ? Les sons électroniques accompagnent les mouvements programmés dont l'indétermination est gelée sur le DVD, Time Creatures taxidermisées mais étrangement vivantes dans le CD-Rom. Les deux galettes sont insérées dans la pochette de Temps Fixe dessinée par Kros et publiée par Optical Sound. Si Temps Fixe est bloqué sur 130 minutes, Time Creatures se joue à l'infini quel que soit le module, Skrone, Neon9 ou Public Anemie, chacun se déployant en huit chapitres génératifs dont la logique échappe au commun des mortels, mais dont la succession structure l'espace. Servovalve fait passer notre existenz dans un continuum où le temps n'a plus de prise.

jeudi 11 février 2010

Complet


Quatre heures après l'annonce sur Internet il ne restait plus une place disponible pour le 11ème volume de PechaKucha qui se tiendra au Centre Pompidou dans le cadre de Hors-Piste(s). Histoire de faire pester toutes celles et ceux qui ne pourront y assister, les douze participants de ce soir seront le Collectif H5, Nicolas Clauss (avec qui je travaille sur 2025 Ex machina), Maroussia Rebecq pour le collectif Andréa Crews, Germain Bourré, Eric Dalbin (pour qui j'ai composé la musique du rideau d'eau du stand de la RCZ), Marina Weiner et Valérie de la Chapelle, Gwenola Wagon et Stephane Degoutin, Thierry Fournier, Anne Lise Dugat et Anne Charlotte Blanchot (Les bouchées doubles), Jacques Perconte (avec qui je planche sur la refonte de mon site drame.org !), Étienne Mineur et Bertrand Duplat (dont quelques uns de mes sons devraient accompagner les livres interactifs) et moi-même qui présenterai Machiavel à l'occasion de sa mise en ligne récente en téléchargement gratuit.
Initiées à Tokyo en 2003 par Marc Dytham et Astrid Klein et "répandues" dans 279 villes du monde entier les soirées PechaKucha sont un spectacle vivant consacré au design et à la création. 12 designer(s), toutes disciplines confondues, sont conviés sur scène pour présenter leur travail en public, dans un format concis et imposé de 20 images projetées et commentées durant 20 secondes.
Si je suis incapable de me plier au règlement technique des 20 vues fixes, je ne suis pas le seul. Comme moi, Nicolas Clauss manipulera la souris de son environnement interactif. Jacques Perconte et Étienne Mineur auront recours à la vidéo. Mais tous respecteront la durée de 6mn40s. Il y a toujours des limites, mais certaines sont plus frustrantes que les autres. La jauge de 154 places est complètement idiote devant le succès remporté par les soirées PechaKucha : pourquoi avoir cantonné l'évènement dans la petite salle du Centre lorsque toutes les précédentes éditions au Divan du Monde réunissent plus de 500 personnes emballées par la variété des expériences exposées ?
Avant de partir je prépare mon petit laïus. Si en général je préfère improviser, l'exercice d'expliquer en manipulant m'impose d'écrire ma présentation, d'autant que Machiavel, objet comportemental farceur, est assez coquin pour se jouer de moi lorsque je serai en scène ! Antoine, avec qui j'ai créé ce scratch vidéo interactif en 1998, me fournit une nouvelle référence en la personne de Schopenhauer qui compare la vie à un pendule oscillant, de gauche à droite, entre la souffrance et l'ennui, sauf qu'ici il s'agit de plaisir et non de souffrance. Mais l'inconscient ignorant les contraires...

mardi 9 février 2010

2025 ex machina


Le premier des six modules de 2025 Ex machina est mis en ligne aujourd'hui. "Serious game" à destination des 12-16 ans, ce jeu est censé les sensibiliser à comment leurs actes d'aujourd'hui sur Internet pourront influencer leur avenir. Sorte de thriller de science-fiction, il oscille entre deux périodes, 2010 et 2025. La découverte est également binaire avec l'histoire proprement dite suivie d'une enquête. De même, la narration peut être interactive ou linéaire, selon les supports utilisés. L'originalité de l'aventure commence par le choix audacieux de Nicolas Clauss dont l'univers graphique très personnel, sa noirceur dramatique, son goût pour l'interactivité contrastent forcément avec les jeux existants. Les personnages sont traités en ombres chinoises, les décors sont des à-plat sombres (2010) ou clairs (2025), mais nous sommes très loin des tons vifs qui ont fait longtemps la mode sur la Toile. Saluons l'équipe de Tralalère qui, dès le début du projet, sut lui apporter sa confiance.
Je suivis mon camarade en proposant un monde sonore, sans commentaire, où tout est musique. La partition rassemble des bruits organisés interactivement et des compositions plus classiques, le futur proche autorisant quelques hardiesses pour ce projet grand public. Dans l'introduction générale, le thème sifflé, personnifiant le joueur face à son clavier, surgit de la communauté en pleine fête et réapparaît dans le silence au moment de la réflexion à la fin de la séquence, annonçant le début de l'épisode. Entre temps, les images ont envahi l'écran. Pour le film du Chat démoniaque réalisé par les jeunes protagonistes j'ai composé un environnement symphonique quasi hollywoodien avec le logiciel GarageBand comme ils auraient pu eux-même le faire. Le reste de la partition, enregistré sur Cubase, a une couleur électro confectionnée avec mon V-Synth et toute ma panoplie de synthétiseurs vintage en dur. Je fais ce que je peux pour éviter les instruments virtuels dont les commandes sont toujours limitées, ce qui ne m'empêche pas de retraiter ensuite ce que j'ai joué en temps réel. La finalisation s'exécute en général sur Peak. J'ai également utilisé quelques rares bruitages et ma propre voix. J'apprécie également les silences qui laissent la place aux intertitres et permettent de tourner la page entre des passages très variés. L'unité s'imposera au fur et à mesure des épisodes.
Loin d'être un gamer, je suis plus gauche avec la partie "enquête" sur laquelle travaille la scénariste Anne Schiller. N'empêche que j'y suis arrivé du premier coup à ma grande surprise ! Mon inquiétude naturelle me fait craindre que les impatients zappent les passages interactifs qui ont fait la renommée de Nicolas, comme les mélodies que l'on compose soi-même en cliquant sur la scène à la montagne ou le mix de boucles symphoniques sur celle du Chat. Il me reste à rejouer et faire tout mon possible pour perdre afin d'admirer la séquence de fin qui se déclenche en cas d'échec.

samedi 6 février 2010

Les lapins à toutes les sauces et le jardin des délices


Ayant reçu copie d'un reportage réalisé par Marc Helfer pour la télévision finlandaise autour de Nabaz'mob avec entretien au Studio GRRR et extrait du film de Françoise, je me promenais parmi nos bestioles lorsque j'aperçus un enregistrement vidéo en haute définition de notre opéra réalisé par Heinz Sambs (caméra) et Ramsy Gsenger (montage) à l'occasion de notre passage au Musée Lentos de Linz en Autriche pendant le Festival Ars Electronica qui venait de nous remettre l'Award of Distinction 2009 pour la musique numérique. Leur petit montage en fondus rend bien le spectacle que nous avions donné au musée d'art moderne et l'ambiance de la soirée. Il existe nombre de vidéos tournées ici et là, à New York ou Amsterdam, Paris ou Strasbourg (ci-dessus), sans compter les passages au Journal Télévisé et tous les extraits pirates capturés avec des téléphones portables. D'autres disparaissent, découverte beaucoup plus angoissante que les mises en ligne sauvages, comme le joli film tourné aux Arts Décoratifs, brutalement effacé sans que l'on ne nous en ait avertis ni que l'on sache pourquoi. YouTube permet pourtant de stocker tout ce que l'on souhaite sans coûter un centime ni occuper la moindre mémoire sur nos sites ou nos disques durs. L'éradication laisse un grand trou noir en illustration de mon article d'alors et une certaine amertume devant les usages cavaliers de personnes ou d'institutions avec qui nous avons collaboré. Internet n'est pas un modèle de courtoisie, porteur d'autant de de goujateries qu'ailleurs.

P.S.: au moins le Blog aura servi à quelque chose. Le film tourné par Olivier Souchard a été réintégré sur DailyMotion.


Comme je jetais un œil à ce qui est en ligne, je tombe avec surprise sur une captation linéaire d'une scène du Jardin des Délices que nous avions créé avec Frédéric Durieu et la graphiste Veronica Holguin. Le projet que j'avais initié à Hyptique était resté à l'état de pilote faute de subsides, l'éclatement de la bulle Internet en l'an 2000 ayant pulvérisé toutes nos ambitions dans ce domaine pour un moment. Cherchant une idée pour un CD-Rom adulte, j'en avais eu l'idée le soir-même où nous avions terminé Alphabet. Il s'agissait d'adapter librement le tryptique de Jérôme Bosch.
Nous avions terminé la grande introduction avec navigation parmi les étoiles et les planètes du système solaire (utilisant son système en 2D½, Fred avait poussé la précision jusqu'à les situer à leur endroit exact dans le cosmos !) pour arriver sur la Terre, un globe que les éléments naturels malmenaient brutalement sans atténuer l'effet poétique de ces boules de verre que l'on retourne pour faire tomber la neige. C'était ainsi que Bosch a peint le Jardin lorsque le tryptique est fermé. J'avais fait traduire dans toutes les langues la phrase inscrite tout en haut "Ipse dixit et facta sunt, ipse mandavit et creata sunt" en substituant le pronom personnel "il" par le "on" impersonnel qui correspondait à notre perception du monde à savoir que ce n'est pas Dieu qui crée les hommes, mais le contraire : "Comme on le décide les choses sont faites", les ambiguïtés du Hollandais permettant cette interprétation sacrilège ! Il reste une trace de l'avant-propos avec le module Big Bang où matière et anti-matière se frottent l'une à l'autre pour produire le résidu qui donna naissance à l'univers d'où nous sommes issus, poussières d'étoiles. Le tryptique s'ouvrait après que nous ayons reconstitué son cadre. Nous avions également réalisé la première des sept scènes du Paradis, Forever, qui produit une musique répétitive infinie, différente à chaque redémarrage. Les deux modules Shockwave furent plus tard recyclés avec PixelbyPixel pour former Time. La première scène de l'Enfer du Musicien ne fut jamais complètement terminée. Y défilait l’histoire de la musique pendant qu’un eugénisme imbécile et cruel résolvait avec terreur la question démographique.
Le tableau qui est montré ci-dessus est le seul réalisé du tryptique central dit le jardin des délices proprement dit. Y poussent plantes, fleurs et champignons aux formes plus que suggestives, vulves et phallus suggérés par ces photographies de nature prises en forêt et dans les champs. Le rythme varie chaque minute tandis que des flûtes mélodiques accompagnent les apparitions, on entend les herbes écartées, les caresses portées aux fleurs génèrent des râles de plaisir. Les rythmes de cette forêt d’émeraude y sont moites, les flûtes si calmes qu’elles nous laissent respirer à notre tour… J'ignore comment ce module a pu se retrouver sur YouTube. Il ne fonctionne qu'en OS9 et n'a jamais été commercialisé. Il s'agit probablement d'une personne à qui nous avions offert l'un des exemplaires du pilote... Quoi qu'il en soit, il est préférable que les œuvres circulent plutôt qu'elles disparaissent sous prétexte de protection !

lundi 1 février 2010

Un livre dont les pages tournent toutes seules


Ce n'est plus un secret. Le 28 avril dernier, Étienne Mineur avait présenté son projet de livres interactifs au volume 8 de Pecha Kucha auquel je participais pour FluxTune. Depuis, j'étais allé lui rendre visite dans les nouveaux locaux des Éditions Volumiques qu'il a fondées avec Bertrand Duplat. Puisque les deux comparses ont des idées à revendre et que les prototypes s'accumulent en attendant que les investisseurs se décident, Étienne m'a demandé de m'occuper du design sonore de livres qui auront recours à l'ouïe. Cette fois je ne sais pas ce que je peux révéler, mais ça décoiffe ! Leur idée est de s'inspirer des nouvelles technologies et de les appliquer au livre, puisque leur première maxime est "In Paper We Trust" (en français, nous faisons confiance au papier). Pour fêter l'année qui s'annonce riche en projets hirsutes, Bertrand et Étienne ont confectionné une carte de vœux sur le modèle de leur livre qui tourne seul ses pages. Ce que vous entendrez en vous rendant sur leur site est le son de l'objet capté par le micro de la caméra d'Étienne, sa mise en branle, ses tournes, mais j'ai composé la sortie de champ en faisant passer une feuille de papier dans mon Eventide qui l'a traitée en temps réel, modeste contribution à un grand œuvre. Que vive l'Arduino ! Le petit film est suivi d'un making of et on peut aussi souscrire à la newsletter. Étienne a ajouté quelques images sur son blog...