70 Multimedia - avril 2012 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 25 avril 2012

Plus de 100 designers graphiques répondent par Étapes


Le n°200 d'Étapes, paru en janvier, interroge 106 designers graphiques sur leur profession. De grandes lignes se dégagent des 128 pages hyperfournies, elles ne sont pas toutes réjouissantes alors que le domaine est de plus en plus couru : nouvelles pratiques informatiques, transmission indispensable, déprofessionnalisation, budget à la baisse, mauvais payeurs, perte de sens, etc. Alors que je découvre quantité de propos passionnants, la revue finit par me tomber des mains, car sa maquette n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Les textes constituent une fastidieuse continuité typographique qui ne met aucun en valeur, les citations très fades semblent avoir été tirées dans un chapeau, les illustrations apparaissent totalement arbitraires et sans mise en pages cohérente. Au bout du compte, rien ne ressort et aucune analyse n'accompagne l'énorme corpus. C'est dommage, alors que les propos des designers, enseignants, collectionneurs sont riches et variés, malgré les nombreux points de concordance. L'intelligence qui s'en dégage laisse entrevoir la misère du design sonore, très en retard en regard des secteurs d'intervention considérables qui devraient y avoir recours. Art appliqué, le design graphique doit avant tout s'imprégner de son sujet et proposer des solutions adaptées au propos. Le temps de recherche n'est hélas plus pris en compte dans le cadre des commandes, le fond et la forme devant pourtant faire corps. Le parti-pris du designer est le gage d'un réel point de vue qui se démarque du formatage hypnotisant la clientèle. Il serait temps de s'échapper du marketing qui coûte si cher et fait tant de ravages. Pour "voir", on se reportera aux autres numéros de cette revue incontournable !

mardi 3 avril 2012

L'utopie au Cube


Le second numéro de La Revue du Cube, consacré à Territoires numériques, nouvelles cités de l’utopie ?, est composé de perspectives (Gilles Clément interrogeant nos pratiques expansionnistes, Claudie Haigneré promouvant l'apprentissage, Emmanuel Mahé décortiquant l'imaginaire, Marie-Anne Mariot inventoriant l'arsenal des utopies pour en choisir les plus généreuses), d'un débat en direct ce soir à 20h30, d'un panorama du Web, d'une sélection de livres et de points de vue de Nils Aziosmanoff, Serge Soudoplatoff, Hugo Verlinde, Jacques Lombard, Pierre De la Coste, Vincent Lévy, Agricola de Cologne, Karen O'Rourke, Yann Minh, Christian Globensky, Jean-Gabriel Ganascia et moi-même, reproduisant ici ma modeste contribution alors que la candidature de Jean-Luc Mélenchon laisse entrevoir de nouvelles perspectives que je n'imaginais pas lorsque j'écrivais ce texte intitulé ¡Vivan las utopías!, nom d'une des chansons d'Un Drame Musical Instantané...

J’ai la chance d’appartenir à une génération élevée au biberon des utopies. Nous avons cru faire la révolution, nous avons seulement réformé les mœurs. D’une seule voix nous avons crié notre révolte contre l’exploitation de l’homme par l’homme, comprenant que le changement ne se ferait jamais par les urnes. Et chacun dans notre coin nous avons imaginé de nouveaux mondes qui furent rapidement convertis en art. Que l’on choisisse alors les barricades ou les fleurs, les pavés découvraient la plage. La réaction fut brutale, insidieuse, mensongère, diffamatoire. D’un côté, on impute régulièrement à mai 68 ce qui ne fut que la réponse du Capital, de l’autre, les marchands s’emparèrent de la poule aux œufs d’or et trahirent la passion qui animait une jeunesse montrant les dents ou s’époumonant. De là naquirent aussi les rêves de jeunes informaticiens qui allaient révolutionner les usages, croquant la pomme et dispensant leurs utopies au monde entier.
Comme à la première question de la Revue du Cube, je réponds d’abord que les nouvelles technologies ne sont que des outils, et qu’à la liberté qu’elles nous offrent répondent aussitôt le commerce dévoyant des voyous, les services civiques de l’institution et les tentatives de mainmise du pouvoir. Lorsque la résistance s’est installée, on légifère, on flique, on confisque, on punit, parfois l’on tue. On tue plus souvent que nous ne le percevons, mais les rebelles s’organisent chaque fois pour réinventer de nouveaux espaces de création et de liberté, avant qu’elles ne deviennent surveillées.
Chaque nouvel outil est un jouet entre les mains des créateurs. À nous d’en faire une arme contre le crime organisé, la manipulation de masse, le cynisme et le défaitisme. Tant qu’il restera ne serait-ce qu’une seule brindille de braise l’espoir de voir le feu reprendre sera légitime. Plus que jamais toutes les forces sont nécessaires pour faire naître de nouvelles utopies.
Je terminerai par la chanson ¡ Vivan las utopias !, que j’ai écrite avec Bernard Vitet en 1996 pour le magnifique double album Buenaventua Durruti (nato 3164-3244), et chantée par ma fille Elsa qui avait alors onze ans, puisque l’on dit qu’en France tout commence et finit en chansons :

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