70 Multimedia - mai 2012 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 29 mai 2012

À la recherche du bug perdu


D'habitude ça marche comme sur des roulettes, sauf que nos lapins n'ont ni pattes ni roulettes. En octobre notre opéra avait subi une panne inexpliquée, aussitôt réparée sans que l'on sache pourquoi ni comment. Une œuvre qui a recours aux nouvelles technologies ne peut se permettre des dératés. Nabaz'mob jouant les 9 et 10 juin à La Gaîté Lyrique à Paris dans le cadre du festival Parizone@Dream, nous avons la nécessité de comprendre ce qui s'est passé en reproduisant le bug.
Pour ce faire nous avons installé les 100 bestioles et nous faisons rouler l'installation jusqu'à ce que ça plante. Mais ça ne plante pas. Antoine Schmitt scrute les données sur l'écran de l'ordinateur. Désespérément nous assistons au spectacle en boucle sans aucune anicroche. Pas de croche-pattes à l'animal, malgré les incidents divers et variés que nous inventons pour faire flipper le clapier. Il est arrivé qu'un lapin soit atteint de surdité (la carte wi-fi a cédé), d'artériosclérose (le moteur d'une oreille se grippe), des séquelles d'un accident de la route (les transporteurs ne sont pas des anges). Nous engageons aussitôt un remplaçant, hésitant à envoyer les récalcitrants à l'hôpital ou à la morgue. On verra plus tard. Pour l'instant les candidats au spectacle féérique sont légion. Bien que nous éteignions les feux quand vient le soir je deviens maboul à entendre les rongeurs jouer leur musique de fous toute la journée.
Au bout de quelques jours, Éric Vernhes nous suggère qu'il aurait pu s'agir d'une défaillance dans le système électrique de la salle de spectacle fermée au public depuis douze ans, qui plus est, dans un bâtiment du XVIe siècle ! Les alimentations des routeurs wi-fi pourraient avoir mal supporté les variations de tension. Il suffirait d'ajouter un onduleur à notre installation pour la stabiliser. Et la meute des robots de reproduire sans faute son hallucinante partition. Car là-haut dans le salon cinéma où nous l'avons déployée, il ne se passe rien, ou plus exactement tout est normal, les cent lapins bougent leurs oreilles, jouent les ventriloques et jonglent avec les couleurs sans faillir ni défaillir. Surréaliste.

vendredi 25 mai 2012

La disparition


Ma tante Arlette Martin a récemment reçu une commande de porte en marqueterie qu'elle ne pourra pas honorer. Au delà du fait qu'elle manque aujourd'hui un peu de place pour réaliser de grandes surfaces, les sous-traitants auxquels elle avait recours ont disparu. Les entreprises qui s'occupaient de plaquage ne répondent pas. Plus moyen de trouver un bon vernisseur et, pire, les bois exotiques comme le palissandre et l'ébène de Macassar qu'elle utilisait sont interdits d'importation ou inaccessibles. À 87 ans elle doit se faire une raison, l'art de la marqueterie est de l'histoire ancienne.
Les artisans disparaissent, la transmission se perd. Le commerce de l'ivoire ou la déforestation sont évidemment criminels. Il n'y a pas que le virtuel à subir les assauts du marché. Tandis que l'évolution des techniques rend les œuvres informatiques rapidement inaccessibles, les objets physiques deviennent les vestiges d'un temps passé où les compétences s'évanouissent de manière absurde. Les premières, obsolètes, perdent toute valeur, ni les pouvoirs publics ni les musées se préoccupant de leur pérennité, tandis que les seconds sont rangés au rayon des objet rares. L'art contemporain accède au statut patrimonial du vivant des artistes sans que cela leur profite. Un beau gâchis.

jeudi 24 mai 2012

Patience et impatience sur iPad


Je ne suis pas un gamer ! Non, ce n'est pas un refrain de Daniel Balavoine, mais le fait est qu'après avoir imaginé un nombre étonnant de jeux de société et d'en avoir pratiqué autant je changeai de hobby lorsque j'eus 15 ans pour me consacrer à la musique... Pourtant, de temps en temps, je me laisse prendre. Les dernières fois j'avais offert une Wii puis une Wii-Fit à ma compagne, mais cela fait deux ans que nous ne les avons pas allumées. À l'arrivée de l'iPad j'avais bien essayé quelques jeux gratuits, téléchargé les applications réalisées pour le Biophilia de Björk, conçu le design sonore de Balloon avec Sacha pour Les Éditions Volumiques, mais aucun jeu ne m'avait encore fait oublier le dîner. Adolescent, je pensais que mes copains perdaient leur temps au flipper. Me voilà donc régresser ! J'avais apprécié Labyrinth sur iPhone, mais sa déclinaison en Labyrinth 2 sur l'iPad me tient éveillé tard dans la nuit. Pour 5,99 € on peut télécharger un nombre incroyable de plateaux, il est même possible de créer les siens et de jouer à plusieurs. Avec ses billes multiples, bumpers, canons, barrières, aimants, ventilateurs, redimensionneurs, manèges, duplicateurs, lasers, ce jeu tient à la fois du labyrinthe à bille... Et du flipper ! Hypnotisant.


Comme si cela ne suffisait pas, Nicobuq m'indique Zen Bound 2, un jeu méditatif de boundage consistant à ficeler des figurines en bois ou en pierre. La 3D et le multitouch rendent la partie très sensuelle. Pour 2,39 € j'aurais eu tort de m'en priver, même si je ne suis pas certain que ces patiences m'accaparent plus d'une semaine. On ne se refait pas, car quitte à jouer je préfère de loin la musique... Quant à l'iPad, Gwen Catalá (publie.net) m'annonce les avancées dont va bénéficier mon prochain roman, farci de photos, de musique, de vidéo et de liens hypertexte ! Cette fois je piétine d'impatience...

lundi 14 mai 2012

Les ballets quantiques d'Antoine Schmitt


Est-ce son passé de night-clubber qui entraîne Antoine Schmitt dans la danse ? Son nouveau cantique des quantiques renvoie-t-il à son Christ mourant sans cesse et profane en diable ? Le danseur projeté au rez-de-chaussée de la Galerie Charlot (jusqu'au 16 juin), tronc composé de seulement huit segments, subit un autre martyre de ne pouvoir s'arrêter qu'à l'extinction des feux, rappelant Le Masque de Maupassant filmé par Ophüls et Les chaussons rouges d'Andersen par Michael Powell. Condamné à vivre éternellement sous la loi du code informatique, il danse, il danse selon et contre toute logique. Au sous-sol de la galerie les créatures comportementales qui sont chair (virtuelle) à Antoine Schmitt se multiplient sur les écrans et se rassemblent comme le Christ articulé de Salvador Dali au Musée de Figueras. Le même algorithme quantique anime les quatre écrans des Ballets quantiques où les danseurs sont réduits au plus simple appareil, le pixel, avec Le pixel blanc originel de toute l'œuvre de l'artiste projeté en grand à côté d'une photo noir et blanc d'un instantané figé de la chorégraphie. À regarder dans le silence ces mouvements infinis réglés par l'indétermination, on se prend à y deviner des portés lorsque les points s'empilent ou des chassés lorsque leur nombre explose. Antoine Schmitt suggère "des forces invisibles à l’œuvre derrière les systèmes complexes, comme les particules, les peuples, les sociétés". Ses travaux jouent du va-et-vient entre le réel et le virtuel, le concept et sa réalisation imaginaire, l'inconscient de l'individu et les mouvements de masse... Le mystère de la création doit composer avec la trivialité de la moindre interprétation.