70 Multimedia - novembre 2013 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 21 novembre 2013

Comment lire S.


Fort d'être un livre, S. est d'abord un objet étonnant dont la version sur tablette ôterait le plaisir de le feuilleter comme on tient un trésor entre ses doigts. L'étui recèle le roman Ship of Theseus du mystérieux auteur V.M.Straka. Dans ses marges les annotations des lecteurs qui l'ont emprunté à la Bibliothèque Laguna se sont muées en une conversation qui ajoute un nouveau récit à l'énigme du roman. Des articles de journaux, cartes postales, nappe de restaurant griffonnée, lettres, photographies sont glissés entre les pages. À la dernière se trouve un casseur de code.
Imaginé par le scénariste/réalisateur J. J. Abrams (Armageddon, Mission Impossible 3, Star Trek, Super 8, Star Wars épisode VII, créateur des séries télévisées Alias, Lost et Fringe), mais entièrement écrit par le romancier américain Doug Dorst (Alive in Necropolis, The Surf Guru), S. est un objet ludique, roman à clés dont on ne serait pas surpris qu'il s'agisse du premier mouvement d'une œuvre multimédia avec justement un film à la clé.


Merveilleux cadeau pour Noël, l'objet a un avantage, son prix modeste au regard du travail qu'il a exigé (28€), et un inconvénient, il n'existe pour l'instant qu'en anglais. L'éditeur Michel Lafon annonce la sortie de la version française pour le 9 janvier (24€), mais c'est alors fichu pour Noël !


Je me suis demandé comment lire S. tant la conversation des jeunes lecteurs dans les marges du roman sont prenantes. Ça tricote sévèrement. Il semble que le meilleur moyen consiste à lire Ship of Theseus sans s'en préoccuper, puis de le reprendre depuis le début pour une nouvelle aventure avec les jeunes protagonistes qui l'ont découvert avant vous. Peut-être faut-il marquer délicatement au crayon les indices insérés avant de les mettre à part, pour ne pas risquer de les faire tomber pendant la lecture et perdre les endroits où ils ont été glissés ? S. rappelle évidemment dans sa conception la correspondance de Sabine et Griffon par Nick Bantock que Peter Gabriel avait plus tard adaptée en CD-Rom. Une chose est certaine, si vous pénétrez son mystère, l'ouvrage d'Abrams et Dorst vous occupera un bon moment !

lundi 18 novembre 2013

Réminiscences interactives pour *di*/zaïn #9


Alphabet est définitivement le plus beau et émouvant CD-Rom de cette époque, un vrai jouet vidéo !, twitte Étienne Mineur comme je suis à l'antenne pour le 9ème *di*/zaïn qui a investi La Gaîté Lyrique. Le thème de la soirée, Réminiscences interactives, permet d'évoquer l'histoire des interfaces dans le monde de l'informatique.


À 32'30 Jean-Baptiste Labrune montre que tout ce que nous utilisons aujourd'hui a été inventé entre les deux guerres mondiales. Il fait ainsi défiler avec humour et à propos des interfaces de 1918 à 1977, souvent imaginées pour l'Armée : projection rétinienne de 1945, console SAGE de 1950, des multitouch précédant la souris, la Sensorama, le Sketchpad de 1963, etc. Vers 44'45 Geoffrey Dorne présente quelques tendances actuelles autour de la mémoire et du rêve, et de leur rematérialisation. À moins d'y sauter directement il vous faudra attendre la 52ème minute pour m'entendre présenter Alphabet. La soirée organisée par Les Designers Interactifs voit également défiler Philippe Michel et Daniel Sainthorant, Fabienne Schouler, Rémy Bourganel, Sylvie Tissot, chacun d'entre nous intervenant 10 minutes montre en main. Enfin des étudiants planchent en temps réel sur des questions ayant trait à l'inflation mémorielle et au droit à l'oubli...

lundi 11 novembre 2013

Passe-passe chorégraphique au Triton


L'ajout récent d'une seconde salle a donné aux propriétaires du Triton des idées délirantes de spectacles s'appuyant sur les ressources uniques de ce lieu principalement dédié à la musique. Jacques Vivante a imaginé un dispositif qui permet de faire communiquer le son, mais aussi les images d'une salle vers l'autre et réciproquement. Tant et si bien que des musiciens dans une salle peuvent jouer avec ceux de l'autre salle, ou accompagner une chorégraphie interprétée dans la pièce à côté !


Les participants au festival chorégraphique Dodécadanse s'en sont donnés à cœur joie. Vendredi soir, c'était au tour de la chanteuse Élise Caron, du batteur Edward Perraud et des danseurs Marlène Rostaing et Julyen Hamilton de glisser d'une scène à l'autre comme un changement de décor sur le plateau d'un théâtre. Le numéro de jonglage le plus acrobatique revenait aux techniciens contrôlant la lumière et les flux migratoires des coulisses en plus du son et de la vidéo. La partition des musiciens et des danseurs transformait les musiciens en danseurs, les danseurs se servant à leur tour de la voix pour évoquer la difficulté d'être ou commenter l'action. Ce jeu de vases communicants proposait aux spectateurs de chaque salle d'en changer à l'entr'acte. La permutation nous rappelait Lapin chasseur des Deschiens dont le décor représentait un restaurant côté salle et côté cuisine avec le public découvrant l'envers du décor à mi-parcours, la même scène rejouant deux fois.


Bitter Sweets, le CD d'Élise Caron et Edward Perraud paru chez Quark (L'autre distribution), m'avait énormément plu, kaléidoscope de saynètes pop déjantées. Si la chanteuse à facettes est une excellente comédienne, elle joue aussi remarquablement de la flûte. Quant au percussionniste il avale régulièrement son micro contact branché sur une application iPhone dont les sons trafiqués par un vieux KaosPad élargit sa palette orchestrale. Ainsi hameçonné il fait voler ses lignes au-dessus de sa tête tandis que la cantatrice virtuose incarne de multiples personnages, tel Alec Guiness dans Noblesse oblige. Sur scènes, Julyen Hamilton ne dédaigne pas non plus l'humour et Marlène Rostaing virevolte en s'appropriant les surfaces qu'elle rencontre sur son passage. La partie carrée s'improvise alors selon le planning des couples qui se font et se défont.