Les jazzmen finissent parfois dans de sombres circonstances : Albert Ayler dans l'East River, Oliver Johnson sur un banc à Paris... Cette fois, le pianiste Hilton Ruiz, compagnon, entre autres, de Roland Kirk, a été retrouvé le crâne défoncé dans une ruelle de la Nouvelle Orleans. Il avait 54 ans... C'est la réédition d'un disque de Ruiz qui avait valu à Gérard Terronès son procès contre le photographe Yves Carrère, procès honteux quelle que soit la responsabilité du producteur du label Futura/Marge. Pendant que ceux-ci s'écharpent, les musiciens crèvent dans le noir.
Disparu à 83 ans dans des conditions moins dramatiques, György Ligeti était un des derniers grands compositeurs du XXième siècle. Indépendant, sans lien avec aucune école, Ligeti avait su renouveler son inspiration au cours d'une vie musicale bien remplie. Je l'avais découvert à New York en 1968 lors de la sortie de 2001, l'Odysée de l'espace du cinéaste Stanley Kubrick qui avait utilisé des extraits d'Atmospheres, Lux Aeterna, Aventures et Requiem. La remarquable intégrale publiée par Sony montre toutes les facettes de cet esprit ouvert au jazz comme aux musiques africaines. Je me souviens ainsi d'une magnifique soirée au Théâtre du Chatelet où étaient programmées ses œuvres avec les chants pygmées et les trompes centrafricaines. Si ses œuvres dramatiques peuvent donner l'impression de baroque contemporain, Ligeti conserve l'image d'un compositeur qui flirta avec la musique des sphères, et avec les étoiles.

La photo de Ruiz est de Dennis C. Owsley, mais j'ignore qui a pris celle de Ligeti.