Quitte à écouter de la musique planante autant qu’elle nous fasse voyager ! Cartography survole des paysages glacés où nulle trace humaine ne se voit du ciel. Pas d’histoire, juste de la géographie. Est-ce la saison ou le moment de la journée, comme entre chien et loup, qui donnent à ce disque l’impression d’éternité ? La carte est une partition. Pour préparer son vol, le trompettiste norvégien Arve Henriksen s’est entouré d’un équipage d’électroniciens qui savent traiter les instruments acoustiques comme des nuages imaginaires. Jan Bang échantillonne, Erik Honoré synthétise. La trompette d’Arve Henriksen vient s’accrocher comme une lune argentée, sonorité feutrée, soufflée, rappelant le son de Jon Hassell ou de Bernard Vitet lorsqu’il jouait sans embouchure. On croit entendre un shakuhachi, la flûte japonaise qui nous promène d’île en île, un archipel de morceaux où les voix brumeuses des sirènes attirent les voyageurs, mais aucun ne s’échoue. Sur deux d’entre eux, David Sylvian récite ses textes sans poser ses bagages. Il campe. L’album a beau avoir été enregistré en studio, toutes les scènes sont d’extérieur. Le plan devient le territoire. Pour une fois, l’abstraction floue de la pochette ECM colle au sujet comme une écume nordique, la mousse indiquant le nord. Il ne manque que les moustiques !