Étienne Brunet livre son nouvel album en hommage à Sun Ra, Albert Ayler, John Coltrane et Georges Boulanger (le violoniste, pas le général !), cinq morceaux lyriques au saxophone alto, accompagné par un canevas électronique qui fait voguer la mélancolie paranoïaque sur l'air du temps. La nostalgie annoncée par le titre de l'album virtuel, enregistré le mois dernier du 5 au 20 février 2011, renvoie aux souvenirs de notre jeunesse, quand la musique était avant tout affaire de morale et que les artistes s'interrogeaient sur les raisons de leurs choix.
Tous les disques d'Étienne Brunet sont des albums-concepts, du groupe Axolotl à son White Light autour de poètes sonores, du Post-Communism Atmosphere de son Zig Rag Orchestra à ses hommages répétés à Steve Lacy en passant par La Légende du franc Rock and Roll et le free jazz recomposé de B-Free/Bifteck. Cette fois Sun Ra Nostalgia, orphelin du label Saravah, rassemble cinq prises sans coupure où la musique est la source d'énergie qui permet de tenir malgré la solitude de chacun. Construite à l'aide du logiciel max4live et de quelques effets électroniques dont l'autonomie contrôlée accompagne l'art brut du musicien superbement naïf, elle rappelle la foi qui aurait pu sauver plus d'un Ayler de la noyade, ce cri fantasmé à l'extrême, poussé dans un désert où ne fleurissent plus que des machines gourmandes en matière première, prisonnières d'une toile dont la démographie est autant fabuleuse qu'inquiétante.
Et puis, c'est , tout de suite. Comme nos soixante heures inédites du Drame, Brunet offre l'album gratuitement. On clique pour écouter, on tient la touche option (alt) appuyée pour télécharger chaque pièce. En laissant flotter vos oreilles vous prouverez au souffleur que sa solitude est plus virtuelle que son art, parce que nous créons dans un isolement du monde sans savoir s'il nous entend. Si nos cris sont des bouteilles à la mer, il est des enfants qui font sauter le bouchon sur les plages et découvrent les bons génies qui s'en échappent.