Mission accomplie : la balance terminée, nous avons pris le temps d'aller nous dégourdir les jambes jusqu'au Passage Pommeraye. À droite sur la photo, l'enseigne de Photomaton Services nous a échappé. Je retourne l'iPhone vers nous. Clic clac du tac au tac. J'aurais dû avoir la même présence d'esprit en demandant à ce que le concert du Pannonica soit enregistré ou enclenchant mon nouveau petit Nagra. Mais non, concentré sur notre entrée en scène dans l'obscurité, j'ai oublié. Claude Lévi-Strauss hantait les loges : comme Vincent Segal exhibe son élégante veste pleine de poches due au tailleur de l'anthropologue, Antonin-Tri Hoang sort Tristes tropiques de sa musette. Je leur raconte les matins où nous croisions le vieux monsieur rue des Marronniers. Son évocation marquera cette première.

Le Tenori-on dessine ses notes de lumière. Confort d'écoute dû au niveau sonore calibré sur la puissance acoustique du violoncelle et de la clarinette basse. Une partie de plaisir encore plus agréable qu'annoncée. Vincent et Antonin-Tri sortent de l'ombre après le prologue radiophonique de la Mascarade Machine. Zapping France Culture. Face à moi, les deux encyclopédistes s'en donnent à cœur joie. Leurs instruments tissent une toile harmonique merveilleuse. Il est rare que je garde à l'oreille ce qui fut improvisé. Dans le TGV qui me ramène à Paris je me repasse les meilleurs moments comme s'ils avaient été enregistrés. Dans la pièce qui précède l'entr'acte je transforme le son de mes camarades avec le H3000, peignant des nuages spectraux qui les enveloppent. Je me vois les écouter. On plane.

Le trio avec piano préparé fonctionne au delà de nos espérances. La boîte à musique de l'array mbira insiste sur le lyrisme et la tendresse de notre ensemble. Le public semble s'amuser autant que nous. Blues au ballon de baudruche, pop à la Sigur Rós, samba du XXIe siècle, musique d'un film que nous avions composée, rien n'était prévu. Nous prenons date pour une séance de studio qui immortalisera nos élucubrations oniriques. Entre temps nous aurons joué Dépaysages à Montreuil le 18 novembre prochain, avec les images travaillées en temps réel du vidéaste Jacques Perconte.