Pozzallo et Solo dépaysage sont les quatrième et cinquième albums chez GRRR auxquels je participe depuis le début de l'année après dans tous les sens du terme avec Vincent Segal et Antonin-Tri Hoang, Récréation avec Alexandra Grimal, Rêves et cauchemars avec Edward Perraud et Antonin-Tri Hoang. En cette période de vaches maigres, travailler, créer, rêver, s'activer restent les meilleurs remparts contre la déprime. Trois de ces cinq disques virtuels ont pourtant été enregistrés en concert moyennant salaire, mais les tarifs sont à la baisse et, même avant les restrictions budgétaires, il faut jouer énormément pour arriver à boucler son mois. Seules les commandes assurent un revenu décent. Tandis que certains préfèrent se tirer dans les pattes plutôt que profiter de la solidarité, se retrouver pour des créations collectives est un plaisir absolu. Toutes les séances et les spectacles enregistrés ici furent des moments de grâce, des arrêts du temps qui tendaient vers l'infini, des tranches de gâteau comme les appelait Jean Renoir, plus délicieuses encore que des tranches de vie.

Il en fut donc ainsi de la rencontre du plasticien Nicolas Clauss et moi-même avec le compositeur-clarinettiste Sylvain Kassap avec qui ni l'un ni l'autre n'avions jamais joué sérieusement, mais que nous avions souvent évoquée. Pour cette création organisée à Aix-en-Provence par Seconde Nature, Sylvain avait apporté sa clarinette et son ancêtre le chalumeau, sa clarinette basse et deux Kaospads dans lesquels il pouvait également diffuser quelques sons préenregistrés sur son iPhone. De mon côté je jouais essentiellement d'un clavier commandant divers instruments virtuels tels glassharmonica, piano électrique préparé (Arpettes) ou même orchestre à cordes (Pozzallo). J'utilisai le Tenori-on pour la pièce répétitive Entraves et transformai les sons interactifs de Nicolas sur Jumeau Bar et Fès ou la clarinette basse de Bâches avec mon H3000. La première partie se déroula comme sur des roulettes, mais Nicolas appuya malencontreusement sur la touche de son clavier numérique au début de la seconde, générant chez lui une panique l'obligeant à redémarrer toutes les machines alors qu'il eut suffi de réappuyer sur la touche fatale ! Au grand soulagement de tous, le spectacle s'étala à nouveau sur les trois grands écrans, détails retravaillés en direct de la scène capitale, un orage en pleine mer que j'accompagnai également du son d'un naufrage, paraphrasant l'accident dont nous venions de sortir plus ou moins indemnes. En rappel, nous reprîmes Pozzallo (qui donne son titre à l'album) en remplaçant le calme adagio de la première partie par une rythmique brutale avec Sylvain éructant dans son instrument comme un damné, manière vigoureuse de terminer une soirée riche en surprises et dont l'enregistrement rend bien la complicité lyrique et les évocations quasi radiophoniques.


Le précédent album fut aussi enregistré en public, cette fois dans le cadre d'I.R.L. Performances à Paris et en binôme avec le vidéaste Jacques Perconte. J'ai déjà raconté mon peu d'appétence pour le solo, mais à la réécoute je comprends que je fus le seul frustré de la soirée, les spectateurs ne pouvant être conscients de mes réserves, puisqu'elles concernaient mes difficultés techniques à me déhancher comme un malade pour que les spectateurs puissent jouir au mieux de la composition musicale que j'improvisais en suivant la projection. Une fois n'est pas coutume, Solo dépaysage est donc une expérience que je peux enfin partager en toute quiétude, mais que je ne souhaite pas reproduire, préférant de très loin accompagner en trio les manipulations en temps réel de notre camarade vidéaste comme prévu le 4 juin prochain à Pantin par le Festival Côté Court.

Sur drame.org, en marge des disques physiques (LP et CD) vendus sur le site, 43 albums (97 heures de musique inédite) sont offerts gratuitement en écoute et téléchargement, avec possibilité de faire une donation par PayPal ;-) En page d'accueil réside une radio aléatoire tandis que chaque album est accessible indépendamment...