Ce soir minuit, l'heure du crime. Chaque fois que je joue à La Java je repense à Anna la bonne, grinçante chanson parlée de Jean Cocteau interprétée par la virulente Marianne Oswald. "Elle voulait partir pour Java... Ah la java !" Sauf que cette nuit les night-clubbers danseront sur d'autres rythmes que cette valse rapide.
Cette fois encore je jouerai d'abord seul comme le Britannique Bass Clef avant de nous produire ensemble. Ce devrait être de 2h à 3h du matin. Jeudi soir. The Hustler tiendra ensuite les platines jusqu'à 6 heures. N'ayant jamais rencontré Bass Clef nous serons en impro totale, comme pour ma prestation solo. Improviser n'est pas travailler sans filet. Je jouerai sur du matériel que je n'apporte plus très souvent en concert, "techno" oblige, encore que celle-ci soit très expérimentale ! Deux synthétiseurs vintage reliés en midi à mon ordinateur par un hub me permettront de contrôler mes applications virtuelles par l'un ou l'autre, voire tout l'ensemble avec le V-Synth. J'ajoute deux pincées de Tenori-on, je saupoudre d'applis iPad, je passe à la moulinette du H3000, fromage ET dessert, en cas de pépin ou pour épicer le virtuel j'ai près de moi trompette à anche, guimbardes et d'autres petits choses acoustiques... Bass Clef vient lui-même de Londres avec boîte à rythmes, échantillonneur, trombone et percussion.
Lors du premier concert de la série Freed organisé par le label DDD les spectateurs me demandèrent depuis combien de temps je jouais cette musique ? Plus de 40 ans ! Le solo me force à jongler avec les instruments, le temps de chargement des virtuels m'obligeant à me transformer en Kali, la déesse aux huit bras. Comme je suis plutôt du matin je risque d'être un peu décalqué le lendemain. Mais l'énergie donne des ailes et je compte bien planer au-dessus de la foule. Concert de noctambule ou de somnambule ?