Le dernier disque d'Étienne Brunet est un livre de 130 pages au format A5. Comme chacun de ses précédents albums, Berlingot est porté par un concept fort, ici une écriture rythmée à la manière des poètes de la Beat Generation sur des sujets contemporains. Ça tourne autour de la musique, le style et l'idée, tribulations d'un musicien imaginatif qui se heurte au réel comme une mouche contre la vitre, un cri romantique dans la jungle Internet. Sa course après une mère morte lorsqu'il avait six ans est une ronde où les permutations mènent sans cesse à la chute. Les chapitres sont de courtes pièces, parfois déjà publiées dans différents magazines, mais qui font sens, s'emboîtent et se succèdent comme les mouvements d'un petit opéra. L'impudeur de l'auteur mêle le sang et les larmes, le sperme et la voix, dans une danse parano que la confrontation à notre société du spectacle analyse et valide. Passés au crible du free jazz, les textes rendent hommage à Brion Gysin et à la ville de Berlin, la musique à Wagner, Satie et Cage, le saxophone à Ayler et Coltrane. Des partitions récentes bouclent l'ouvrage qui ravira les amateurs de musiques alternatives. Étienne Brunet est un compositeur trop atypique pour être adoubé par ses pairs. Les électrons libres dérangent la confortable classification des genres. Il a publié son livre à compte d'auteur, ce qui est devenu le lot de la plupart des créateurs inventifs de notre siècle.

Berlingot, Longue Traîne Roll, 8,50 + 3 euros de port