Il y a ceux que j'envoie directement au recyclage et ceux que j'étale à vue. Ces derniers, qui sont les premiers, finiront sur les étagères, tranche lisible, ordre alphabétique par genre musical. Parmi eux j'ai choisi 3 nouveaux albums qui flirtent avec la pop, un terme daté correspondant pourtant mieux au style que celui du rock.
Comme le suggère le guitariste danois Hasse Poulsen à propos du trio formé avec son compatriote claviériste Johan Dalgaard et le saxophoniste anglais Peter Corser, c'est le temps des mélanges. Tous les trois vivent depuis plus de vingt ans à Paris, ville cosmopolite dont le melting pot attire toujours autant d'artistes étrangers malgré la politique discriminatoire qui rejette essentiellement ceux venus d'Europe de l'Est ou d'Afrique. On sera donc heureux d'écouter leurs invités, l'Égyptien Abdullah Miniawy et le Tunisien Mounir Troudi, qui chantent leurs textes ou ceux du poète ancien Al Hallaj. Si Poulsen vient plutôt du jazz, Corser fréquente quantité de milieux artistiques et Dalgaard a fait ses armes auprès de chanteurs de variétés, mais aucun d'eux ne dessine de frontières entre les genres musicaux, du folk aux improvisations contemporaines. Il n'y a donc aucune raison de s'étonner de la présence d'André Minvielle, Sanseverino ou Claudia B. Poulsen sur ce recueil de chansons pop aux tourneries répétitives qui doivent autant aux minimalistes américains qu'au soufisme. S'ils ont fait le choix d'appeler leur musique du jazz, c'est que le terme rassemble aujourd'hui toutes celles et ceux qui mettent en avant la recherche de formes et de timbres liée à une pratique instrumentale, le plus souvent collective, où l'improvisation ne fige jamais les œuvres, si ce n'est dans les enregistrements discographiques. SighFire figure un éventail d'émotions enthousiasmantes où planent les flammes de la pop...


En sous-tirant son album Voyage imaginaire dans les ruines de Detroit, la référence est claire pour Sylvain Daniel et son Palimpseste. S'inspirant des photographies de Romain Meffre et Yves Marchand, le bassiste qui n'a jamais mis les pieds dans la Motor City, a réécrit une ville de toutes pièces dans son imaginaire musical. Contrairement aux albums de l'ONJ dirigé par Olivier Benoit dont il fait partie et dont les concepts ciblés sur des capitales (Paris, Berlin, Rome, Oslo) m'apparurent comme des prétextes capillotractés, il réussit son Detroit par transposition fantasmatique. Ni vraiment techno, ni si soul, l'ambiance est pourtant là. Sylvan Daniel le doit probablement à la place prédominante de la basse électrique autour de laquelle s'échafaudent les pièces, plus construites que le sous-titre ne le laisse supposer ! Le saxophoniste ténor Laurent Bardainne, le pianiste Manuel Peskine et le batteur Matthieu Penot font tourner les chaînes de montage comme si l'industrie était toujours en activité.


Rebel Diwana, le plus rock des trois albums, est un tournant dans le travail de Titi Robin, entièrement électrique, avec claviers (Nicholas Vella), basse (Natalino Neto) et batterie (Arthur Alard). Le guitariste devient chanteur de rock à la voix caverneuse et celle de l'Indien Shuheb Hassan s'envole en volutes psychédéliques, nous rappelant les influences de l'Asie Centrale et du Rajasthan dans la musique de l'Angevin. Le virtuose du sarangi Murad Ali Khan imprime ses couleurs exotiques aux rythmes planants du nouveau groupe. Si les textes de Robin sont souvent sombres, déclamés par lui-même ou chantés en hindi par Hassan, la musique est entraînante, retour aux sources d'une pop que les jeunes refusent de dater comme ancienne parce qu'elle véhicule toujours un romantisme adolescent qui refuse la perte des illusions des années 60 et 70.



→ Peter Corser/Johan Dalgaard/Hasse Poulsen, SighFire, cd Das Kapital, dist. L'autre distribution
→ Sylvain Daniel, Palimpseste, cd ONJ, dist. L'autre distribution
→ Titi Robin, Rebel Diwana, cd Suraj, dist. PIAS