Agréable manière de commencer l'année avec un article de Pierre Durr dans le n°126 de Revue & Corrigée (décembre 2020) à propos de mon dernier album sorti chez GRRR (dist. Orkhêstra, Les Allumés du Jazz et Bandcamp).

JEAN-JACQUES BIRGÉ
PIQUE-NIQUE AU LABO
GRRR, 2xCD, 2031-32 – 2020

On retient l’idée. En ces temps de confinement, on nous interdit d’aller rendre visite à nos amis. En revanche, on peut travailler. Alors pourquoi ne pas aller dans un studio d’enregistrement, bien sûr pour travailler, mais aussi pour rencontrer d’autres personnes ? Et la musique, c’est aussi le partage d’un savoir-faire et d’émotions que l’on communique aux auditeurs... Certes, ce double enregistrement n’a pas été réalisé lors des confinements : la chronologie des 22 titres (d’octobre 2010 à décembre 2019) n’inclut pas l’année 2020... Mais ouvre une piste (c’est le cas de le dire) pour contrer les interdictions de sortie. Tout au long de ces dix dernières années, Jean-Jacques Birgé a donc accueilli pour chaque titre, ici présenté, une ou deux personnes, histoire d’enregistrer ensemble. Car pour paraphraser Guigou Chenevier, le musicien est le meilleur ami du musicien*. ll est vrai qu’en son temps, Un Drame Musical Instantané ouvrait lui aussi la porte à d’autres musiciens**. Pour ce Pique-Nique au Labo, la plupart des invités sont français, ou tout du moins résidents : violoncellistes (Vincent Segal, Karsten Hochapfel), violonistes (Mathias Lévy, Jean-Francois Vrod), saxophonistes ou clarinettistes (Antonin-Tri Hoang, Sylvain Rifflet, Alexandra Grimal, Jean-Brice Godet), guitaristes (Julien Desprez, Hasse Poulsen, Christelle Séry), batteurs et/ou percussionnistes (Edward Perraud, Samuel Ber, Linda Edsjö, Sylvain Lemêtre), vocalistes (Birgitte Lyregaard, Médéric Collignon), accordéoniste (Pascal Contet), platiniste (Amandine Casadamont), et quelques autres encore à la basse, aux flûtes, etc. Cette somme vous plonge dans des effets euphorisants (« Improvisation »), vous entraîne dans des ritournelles déjantées (« Sur trois pattes »), dans des ambiances tour à tour tendres, espiègles, savoureuses (« Je pense a ton cul »), déconcertantes (« La Patience de la dame »), entourées de mystérieux halos (« Sous Surveillance », « Masked Man »), de rires et de parenthèses conviviales (« Soyez extravagant », ou l’intro de « Accretion »), épisodiquement plus lugubre (« In Total Darkness »), sans oublier quelque référence à des tragédies (les détonations et tirs dans une ville assiégée in « Dans l’Œuvre et hors d’œuvre »***). Au-delà du choix et de la variété des sonorités et couleurs mises en jeu, le souci de la continuité et de la progressivité permet à cet enregistrement d’éviter l’écueil des compilations disparates — sachant toutefois que ces 22 pièces ne sont que des éclats scintillants issus d’une vingtaine d’albums (parmi 60 autres !) numériques conçus ces dix dernières années, et disponibles sur drame.org.

* Guigou Chenevier, Le Batteur est le meilleur ami du musicien, in PolySons, 2003.
** Voir Urgent Meeting, GRRR, 1991, et Urgent Meeting 2 : Operation Blow-up, GRRR, 1992.
*** On pense à « Starry Night » de Mazen Kerbaj.