Depuis cet article du 6 février 2009, le clavier de cloches tubulaires est entre les mains de la percussionniste Linda Edsjö quelque part dans le Perche, et le Dragon serait revenu à Françoise Achard. Ces instruments imaginés et construits par Bernard Vitet auront au moins échappé au triste effacement dont mon camarade aura été victime après son décès.

En 1983 Bernard Vitet construisait un clavier de cloches tubulaires pour le répertoire du grand orchestre d'Un Drame Musical Instantané. Il trouvait intéressant d'en jouer à plat tel un vibraphone plutôt que de les suspendre sur un portique comme dans les orchestres symphoniques. On peut l'entendre dans le disque Les bons contes font les bons amis, sur les pièces Ne pas être admiré, être cru et Révolutions. Durant quelques années nous l'avions prêté à Gérard Siracusa qui avait tenu un des deux pupitres de percussion. Je l'ai retrouvé chez Bernard où il encombrait son studio. J'ignore encore où je vais stocker l'imposante valise qui lui sert de caisse de résonance que l'on place sur des tréteaux pour en jouer. Les seize tubes en métal du la bémol au do sont posés sur du polystyrène qui à sa connaissance est le meilleur matériau pour cet usage, analogue à l'air contenu dans une caisse de violoncelle. On en joue par exemple avec des baguettes sur lesquelles on a collé des superballs entourées de mousse ou des mailloches dures et feutrées. Sur la photo ci-dessous, la caisse en bois trapézoïdale, également façonnée par Bernard avec longue poignée élégante et roulettes, est à sa droite, le long de la paroi du monte-charges. Je ne suis pas très rassuré de voir mon camarade suspendu en l'air par un câble, accompagnant une partie de notre matériel dont les trompes qui font aussi partie de sa lutherie originale, des tubes en PVC avec entonnoirs en guise de pavillons.


Bernard a conçu de nombreux claviers accordés avec des objets très divers. Dans le parc en plein air de St Quentin-en-Yvelines il posa d'immenses lames de marimba au-dessus d'une fosse pour que les enfants en jouent en sautant dessus. Dans le cadre des Gémeaux à Sceaux, il a également été l'initiateur d'étonnantes parties de tennis-poêles (accordées) avec blackballs. Le proviseur qui l'avait engagé avec Françoise Achard fut l'objet d'innombrables plaintes du voisinage. Plus tard, lors de la création du Unit avec Michel Portal il inventa le clavier de poêles à frire que Bernard Lubat s'empressa d'imiter aussitôt. Pour l'opéra Histoire de loups de Georges Aperghis, il avait construit avec Bruno Schnebelin des claviers de limes de toutes tailles et des gongs réalisés à partir de panneaux de signalisation récupérés dans la rue ! J'aurais bien aimé installer le Dragon qui figurait dans les spectacles avec Françoise Achard et que Bernard enregistra pour son disque Mehr Licht !, mais mon propre studio n'y suffirait pas, tant en hauteur qu'en largeur ; c'est un balafon géant avec des résonateurs en résine de polyester (les moules étaient des ballons de football gonflés à la bonne taille) munis de membranes en plastique pour les timbres ; son mât est équipé d'un clavier de pot de fleurs et les haubans de différents métallophones. Les pots de terre pendent aujourd'hui dans les archives et je peux en jouer de temps en temps à condition de grimper sur une échelle...