La violoniste alto Séverine Morfin signe un album remarquable. Le travail d'orchestration est dans la lignée des compositeurs classiques qui savent manier les timbres sans qu'on en comprenne directement les alliages. Cela me rappelle ma lecture assidue du Traité de Koechlin ! Pourtant l'instrumentation est réduite à un trio : l'altiste évidemment, Élodie Pasquier aux clarinettes et un petit synthétiseur, le monotron (elle fait aussi partie de l'excellent trio La litanie des cimes), Guillaume Magne à la guitare, à la basse et au banjo (entendu dans encore un autre trio, YOU, qui sort cette semaine un album enthousiasmant). Ajoutez Céline Grangey au son (chroniquée récemment pour le duo Lila Bazooka) et vous obtenez une petite merveille aux couleurs délicates. C'est que le violon alto est un instrument ingrat, coincé entre la virtuosité du violon et la voix humaine du violoncelle, encombrant sous le menton à en attraper de vilaines tendinites, mais indispensable rouage pour lier la sauce du quatuor ou au milieu des pupitres de cordes. L'alto apprend à se glisser dans le son sans en faire des tonnes. Pour cet érable fou (Mad Maple est le titre du CD), les titres forment la phrase "À l'aube / dans la forêt / les murmures / s'évanouissent / glacés / avant la / tempête", et la musique suit ce mouvement dramatique à la lettre. On ne quitte jamais les bois. La guitare tient souvent le rôle d'une batterie quand ce ne sont pas les slaps de la clarinette basse.


Les musiciennes (3 femmes sur 4, c'est le féminin qui prime, non ?) étirent les paysages sonores naturalistes, elles les courbent, dans un lyrisme s'appuyant essentiellement sur leur proximité de tessitures. C'est peut-être le secret de cet érable fou qui délivre un nectar onctueux, sucré juste comme il faut, ravissant nos papilles auriculaires, parce que la musique est avant tout une aventure collective.

→ Séverine Morfin, Mad Maple, CD gArden Records, dist. inOuïe, à paraître très prochainement