Diabolique, le sablier égrène son sable fin et c'est déjà le soir. Il m'a manqué les minutes nécessaires à penser mon billet. Discipliné, je m'exécute en refusant que l'on me bande les yeux. La salve me cloue sur mon siège. De toute manière je ne sais pas taper sans perdre de vue le champ du clavier. Toute la journée j'ai pédalé, marché, raviné, changé de fauteuil autant de fois que je me suis levé, le travail filait comme sur des roulettes. J'ai travaillé sur les Rencontres d'Arles avec Olivier pour les Monuments aux Morts aux Prêcheurs, enregistré et traité l'intégralité de l'interface sonore de Dig Deep, l'oracle que Sonia a imaginé pour Les Inéditeurs, j'ai cherché des musiciens pour différents spectacles en les appelant d'un continent à l'autre, résolu des problèmes informatiques, soutenu des camarades dans l'embarras quand la lumière dorée du soir m'a appris qu'il était déjà l'heure de m'arrêter. Bonnes nouvelles. Gros appel d'offre gagné pour un projet passionnant avec une équipe en or. Concerts à la rentrée avec Médéric Collignon d'un côté, la reformation du Drame d'un autre, et probablement Rêves et cauchemars. Et la vacance qui se profile pour l'été, loin du bruit et de la fureur. La photo d'un tableau, Le Faune d'Édouard Reynart, prise à La Piscine de Roubaix a simplement guidé mon bras. J'avais commencé la journée en récitant trois fois à voix haute le poème de Mallarmé qui me servira de caution. Un coup de dés jamais n'abolira le hasard. Et l'oracle de me livrer des réponses que je ne comprenais qu'à moitié. La moitié de la moitié c'est encore un quart. Continuons avec un huitième, la moitié de ce quart. Et un seizième s'y ajoutait encore alors que la solution réside probablement dans les derniers octets qui resteront à charger. Je suis suspendu en vol, papillon épinglé sur le ciel apaisé en attendant la lune, pleine, prête à accoucher, mais de qui, de quoi ? L'énigme est diabolique. Je passe. Alors j'ai fait revenir du céleri chinois dans le wok avec de l'ail, des oignons blancs et des piments verts, mélangé le tofu soyeux, arrosé de nuoc-mâm, sauce de soja, vinaigre de riz et huile de sésame, avant d'aller nous vautrer devant un Sidney Lumet de notre rétrospective domestique.