70 Pratique - août 2008 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 20 août 2008

Le parfum de la presqu'île


Le cidre de la ferme de Combrit ne fait pas mal à la tête parce que le fermier n'y ajoute pas le soufre qui stabilise la fermentation. Il arrive qu'une âme charitable me rapporte quelques bouteilles du verger de Poulamul (ça ne s'invente pas). La madeleine est intacte. Hélas, la langoustine est un animal qui ne voyage pas. On dit cela des mets dont le goût est altéré par la distance. Ce crustacé doit être acheté vivant. Il est impossible d'en retrouver la saveur si l'on n'est pas en Bretagne, et j'irais jusqu'à penser "si possible proche de la criée pour les emporter aussi vite arrivées" ! Plongées dans l'eau bouillante salée avec un filet de vinaigre, leur chair est plus ferme. Après réébullition, deux ou trois minutes suffisent. Du temps où je vivais une partie de l'année face à cet horizon dont les couleurs évoluent sans cesse, je m'en goinfrais comme ma fille et ses amis le font de temps en temps lorsqu'ils y passent leurs vacances. Les langoustines me manquent. L'image qu'Elsa m'en laisse me permet de me souvenir de leur parfum et de leur consistance. C'est l'Île.

lundi 11 août 2008

La mort sauve des vies


Alain a enfin été transplanté d'un nouveau rein. En dialyse depuis plus de trois ans ("4500 heures passées avec des patients détestables, geignards, doucement résignés, agressifs avec celui qui ne rentrait pas dans le jeu de l'assistance infantilisante...", m'écrit-il), les séances se suivant au rythme d'une fois tous les deux jours, il "commençait" à déprimer salement ! Sans rentrer dans les détails, il ne pouvait boire aucun liquide, ressentait "des modifications en profondeur de son métabolisme, perte de libido, fatigue permanente plutôt que souffrance, à part les crampes musculaires, le mal de dos, etc.". Mon ami ne pouvait quitter Paris sans qu'il y ait un centre de transfusion correct à proximité et surtout ne pas s'éloigner de son téléphone portable sans prendre le risque d'être absent lors d'un coup de fil lui annonçant que l'on a enfin trouvé un donneur. La liste d'attente est très longue et le rein doit être prélevé immédiatement et transplanté dans un délai idéal le plus court possible (ischémie froide) jusqu'à vingt-quatre heures. L'opération en dure environ quatre. Retour global à la normale dans les trois mois sauf problèmes de rejet intersticiel (traitable) ou chronique (retour à la dialyse). La première fois, il y a quinze ans, il avait hérité du rein d'une jeune fille. Cette fois, il apprend qu'il doit son nouvel organe à un homme de 35 ans mort par "autolyse (arme à feu)".
Si le suicide de l'un permet à l'autre de vivre, voilà qui apporte une lumière fort différente sur les êtres qui choisissent de se supprimer. Déjà que je n'avais aucun jugement moral sur le suicide, cet exemple tendrait à lui conférer des lettres de noblesse, à condition que les candidats au trépas donnent leur corps à la médecine, ultime et paradoxal geste civique pour une société dans laquelle ils ne pensent plus avoir leur place.
De même, la loi interdisant la vitesse sur les autoroutes réduit le nombre de morts par accident de la route, mais diminuent les chances de vie de malades qui n'ont souvent commis aucune folie pour se retrouver handicapés. Il y a en effet beaucoup moins de donneurs qu'auparavant. Ce serait pourtant juste que les fous du volant aient le choix de s'envoyer dans le décor en sauvant ainsi des vies humaines. Oui je sais bien que les suicidaires routiers sont aussi des assassins, mais cela devrait actualiser les statistiques de manière plus objective... En ces périodes de crise du pétrole, il serait de toute façon raisonnable de prendre le train plus souvent...
Dans tous les cas, en donnant son corps à la médecine et en autorisant le prélèvement d'organes en cas de mort accidentelle, on sauvera autant de vies qu'il en disparaîtra, voire plus, puisqu'un même donneur pourra sauver plusieurs patients affectés de dysfonctionnements différents !
Cette histoire montre qu'il y a une vie après la mort, même en petits bouts... Rien ne se perd, rien ne se crée. Tout n'est qu'affaire de décomposition et recomposition. Une sorte de Lego atomique dont les issues nous échappent, mais qui recale nos angoisses à l'échelle de l'univers, un petit rien dans un grand tout.

dimanche 10 août 2008

Online encore off line


Notre hébergeur est gonflé. Jusqu'ici, chaque fois qu'il y a eu une panne, et cela est arrivé cinq fois en un mois, ce qui donne sérieusement envie de changer de crèmerie, Online.net n'a pas prévenu ses usagers qui se sont retrouvés sur le tchat à partager leurs angoisses. La quatrième fois, c'était plus clair, notre hébergeur annonçant que le site Internet était en maintenance (image). Sauf que les lignes suivantes font de la retape pour le fournisseur défaillant ! Il joue évidemment sur une ambiguïté : "le site Internet" (ici le blog) est de mon fait tandis que le gestionnaire de la plate-forme est celui à qui je loue l'espace de stockage. Escamotage des responsabilités. Tous ces déboires se sont multipliés depuis que Online a décidé de migrer vers un système plus puissant. C'est réussi ! La dernière fois, on a eu le droit à un mot d'un des administrateurs sur le tchat pour nous faire patienter... Ces silences rappellent le scandale de la Hotline de Free avant qu'ils n'engagent du personnel à tours de bras. Online et Free appartiennent tous deux au Groupe Iliad.
Comme je sais déjà me mettre en colère, de mon côté j'apprends la patience.

dimanche 3 août 2008

Régime vacances


Depuis quelques jours, Scotch était tout penaud. Il ne sortait presque plus, restait allongé sur le lit ou le carrelage du matin au soir et du soir au matin. La vétérinaire avait dû lui enfiler une colerette pour lui éviter de se lécher l'arrière-train. Notre chat s'est fait piquer par un insecte, abeille, guêpe ou puce, à un endroit très délicat. Cortisone, antibiotique, puis nettoyage à l'alcool à 70°, bétadine iodée et pommade, deux ou trois fois par jour. Il miaule doucement, mais se laisse faire. C'est pathétique. Il marche la tête basse, raclant le sol avec son costume en plastique, rasant les murs. Son accoutrement lui permet-il d'écouter les sons du monde avec plus d'acuité ? Il entend le moindre lézard, les ailes du papillon, une feuille qui tombe du platane, mais il reste plaqué au sol, engoncé dans son carcan. Quelle ne fut pas sa joie lorsque nous lui avons enfin ôtée !
Contrairement aux idées reçues, nous apprenons que l'on appelle puces du chat les puces des hommes et qu'elles peuvent se passer à tout le monde contrairement à celles du chien. Heureusement Scotch n'en a pas. Il ne manquerait plus que ça. Nous espérons lui enlever sa fraise Henri III avant le voyage en train pour lequel Rose nous a donné un panier solide, ses huit kilos ayant eu raison du précédent, pardon, 7kg800, il faut bien que les vacances servent à quelque chose. Par solidarité, j'ai arrêté le fromage, les laitages, les graisses cuites, la charcuterie. J'ai appris que j'avais un peu trop de cholestérol. Voilà ce que c'est d'abuser des bonnes choses ! J'attendais une bonne occasion pour perdre quelques kilos, mais je refuse d'enfiler des moufles pour ne pas me gratter la tête lorsque je réfléchis à mon nouveau régime... Cela ne fait pas rire le chat. Celui-là est gentil, mais il n'a jamais eu aucun humour.