70 Pratique - décembre 2022 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 26 décembre 2022

En selle !


Après l'horrible grippe qui m'a assailli, comme beaucoup de camarades, dix jours d'affilée, j'ai surtout une extinction de voix tenace. Autour de moi, il y en a que cela repose. J'avais repris l'habitude de parler seul, des commentaires entre moi et moi, histoire de valider que j'étais bien là, bien à ce que je faisais, et pas ailleurs, dans mes rêves, avec cette manie de toujours faire plusieurs choses à la fois. Ne pas pouvoir l'ouvrir me met dans une situation univoque, ne pensant que dans l'unicité, sans possibilité de dialectique, interne évidemment, mais externe également puisque ne pouvant rien émettre on ne me rétorquera rien. Mon goût du partage s'en trouve fortement lésé. Je peux toujours écrire, mais le délai de réponse est à l'échelle de celui de l'émission. J'ai remplacé mon vieil iPhone par un aPhone de dernière génération. Il paraît que murmurer retarderait la guérison. Je trouvais plutôt amusant de prononcer lentement les syllabes sur un souffle, mais, bon, je n'en ferai rien. Sauf urgence.
D'urgence il n'y en a plus. La semaine qui se profile devrait être calme. Le toit de la maison a été isolé, traité, consolidé. Il était temps. C'est réglé. On dit "comme sur du papier à musique", mais on sait bien ce que je fais des lignes à longues portées. Les usines fonctionnent au ralenti. Il aura d'ailleurs fallu treize mois pour qu'un pressage en sorte. Le vinyle allemand Toxic Rice avec la pièce Très toxique d'Un Drame Musical Instantané sur la face A et Es Gibt Reis ! de Kommissar Hjuler und Frau sur la B traversera bientôt la frontière. Je possède quatre exemplaires de la version de luxe avec vitrine 30x30 cm, quatre sculptures uniques produites par le label Psych.org. J'ignore qui cela peut intéresser par ici. Je ne suis pas marchand d'art. Par contre il est très probable que nous mettions en vente quelques exemplaires d'une version réduite à la Face A, celle du Drame, sous label GRRR. De l'autre côté un noir immaculé, comme un "mirnoir". Trois éditions différentes du même vinyle à une époque de ralentissement du marché, c'est étrange. Il y en aura pour toutes les bourses. Notre enregistrement a été réalisé le 21 décembre 1976, juste avant Trop d'adrénaline nuit. Ce sont les premiers balbutiements d'un nouveau bébé. Quelle énergie ! Dix-neuf minutes où je joue de l'ARP 2600 et des cassettes, du sax alto, de la flûte et des trompes, de la guitare, de la mandoline et du frein, de la percussion... Avec Francis Gorgé à la guitare électrique et Bernard Vitet aux percussions, appeaux, sax alto, trompette à anche, violon et frein. Le frein est un instrument électrique qu'il avait inventé, une sorte de contrebasse à tension variable, comme un immense gopitchang. La trompette à anche était aussi une idée à lui. J'avais remasterisé la pièce l'année dernière.
Je digresse, par impatience, alors qu'on a tout le temps. Rentré à la maison je me suis remis en selle. Avec la crève cela faisait quatorze jours que je ne l'avais pas enfourchée. Cela fait un bien fou. Comme le Phó que j'ai commandé chez Dong Huong. Cela vous remet son bonhomme d'aplomb. À midi, en gare de Nantes, j'avais été obligé de mettre mon déjeuner de Prêt à manger à la boîte à ordures. Ce que j'avais avalé est passé en rentrant, grâce au Gaviscon. Tous les commerces viables étaient fermés. Pour les commentaires réclamés par la SNCF je n'ai pas manqué le couplet sur l'accueil des contrebasses dans les rames. Quelle honte ! Je passe du coq à l'âne, mais quand on n'a rien de particulier à faire on se disperse sur mille petites choses en ayant l'impression d'avoir perdu son temps. C'est que je compte faire cette semaine, perdre mon temps. J'avais bien commence il y a deux semaines avec la grippe. Il faut que je profite de ma lancée, à commencer par dormir. Il semble que la mélatonine fonctionne. Je tiens au moins cinq heures. Quel progrès ! On verra si je suis à la hauteur de ma paresse revendiquée et d'une procrastination aussi peu prouvée. L'idée des prochains jours est donc essentiellement de me requinquer.
Pourtant, me relisant, mieux, tentant de numéroter mes abattis, je ne suis pas certain que ma grippe soit totalement passée. On dirait que son virus s'est inspiré de celui de sa cousine, la Covid. Chacun, chacune, y fait face à sa manière, en fonction de ses propres ressources, mais je note que plusieurs fois il m'a semblé que c'était terminé, et cela repartait le lendemain, de plus belle ou sous une nouvelle forme. En tout cas, ça vous déglingue et ce n'est pas un petit épisode.

mercredi 21 décembre 2022

Ascenseur !


Ma nièce devait avoir trois ans lorsque sa maman lui demanda d'appeler l'ascenseur. Prenant la chose à cœur elle cria de toutes ses forces : "Ascenseur !".
[L'aînée avait grandi et n'était déjà plus l'as en sœur ;-)]
Quelques années plus tard, elle fera comme tout le monde, elle appuiera sur le bouton. J'avais douze ans à mon premier voyage aux États Unis quand je découvris qu'il n'y avait pas de treizième étage. On passait directement du douzième au quatorzième. Trois ans plus tard, le liftier nous emportait directement jusqu'à l'appartement improbable que l'on nous avait prêté sur un toit de Manhattan, encombré de Moore, Arp et de Calder ! Dans l'ancien hôtel de chasse de Richelieu de la rue Vivienne j'empruntais le vieil ascenseur en bois verni pour monter au troisième où mes parents louaient une partie d'un meublé au-dessus d'un cercle de jeu. Rue Léon Morane notre rez-de-chaussée en gravier aggloméré escamota la cabine. Rue des Peupliers je préférais l'escalier qui allait toujours plus vite à un âge où l'on monte quatre à quatre et où l'on saute des demi-étages. Route de la Reine notre neuvième nous épargnait la grimpette sauf les jours de panne. Rue du Château notre jeunesse nous rendait forcément paresseux. Rue de l'Espérance j'avais pignon sur rue. L'ascenseur du boulevard de Ménilmontant était beaucoup trop capricieux pour être pris autrement que lorsque nous étions chargés... Anh-Van s'est d'ailleurs retrouvé coincé dedans au mois d'août avec personne dans l'immeuble. Il avait calculé combien de jours il pourrait tenir en buvant son urine. Les ascenseurs m'ont toujours fait penser à des cercueils en route pour les étoiles ou les ténèbres, un sous-marin renversé, une cellule pas si moderne. Le mari de Claudette avait eu le temps de sauter avec sa môme avant qu'il ne s'écrase en bas...
Ces pensées se télescopaient tandis que je quittais le magnétiseur. En général, je grimpe avec et redescends sans [...]. Habitant une maison à quatre niveaux, j'ai l'impression de vivre en abscisse et ordonnée pour entretenir ma santé. Si un jour je construisais quelque part un ascenseur je voudrais qu'il soit suffisamment grand pour en faire une pièce à part entière, chambre ou petit salon avec vue sur la nature ! Mais rien de tout cela ne vaudra jamais le garçon d'ascenseur des Galeries Lafayette de mon enfance, annonçant les rayons à chaque étage, dont celui des jouets... Et Bourvil de chanter en 78 tours, sa mélodie suivant aller et retours : "Ça monte toujours en l'air, puis ça redescend en bas !"

Article du 15 avril 2010

lundi 19 décembre 2022

Grippe et sommeil



Cela semblera évident pour certain/e/s, mais il faut parfois se coltiner l'expérience pour comprendre ce qui est en jeu, en l'occurrence le sommeil et le rhume, a fortiori la grippe. J'ai beau tourner cela dans tous les sens, et suivre le mouvement dans mon lit, changer souvent de position ne produit pas d'effet positif, bien au contraire. Il n'existe aucune bonne solution. L'obturation des fosses nasales altère les facultés de bouger à tel point que je le vis de manière claustrophobe. Le principe des vases communicants appliqué aux narines permet d'aborder le sujet de manière objective. De même, l'impression de suffocation empêche de traiter la question de l'insomnie potentielle. C'est fichu, quelle que soit la médicalisation adoptée.
À noter que les conseils amicaux reproduisant sa propre ordonnance tiennent du matérialisme mécaniste en négligeant le travail des professionnels qui ont peaufiné une recette appropriée à un individu bien précis. Exemple : le fait que je sois potentiellement asthmatique m'empêche d'utiliser certaines huiles essentielles qui ont fait leurs preuves pour d'autres. Il n'empêche qu'il existe des produits magiques, en allopathie comme en homéopathie, là tout le monde n'est pas d'accord et ses adeptes sont pris pour des gogos bénéficiant de l'effet placebo, mais je ne cherche nullement la polémique, allez en parler à mon cheval ! D'un continent à l'autre certaines pratiques peuvent sembler contradictoires tout en ayant prouvé leur efficacité depuis parfois plusieurs millénaires. Enfin malgré mes sérieux doutes sur la qualité des vaccins promus et la probité des laboratoires pharmaceutiques, il est hors de question que je me coltine un Covid ou une grippe carabinée dans les années qui viennent, je me ferai donc piquer, n'ayant pas grand chose à en craindre à mon âge !
Je cherchais donc à bien dormir alors que j'avais le nez pris. C'était forcément un vœu pieu. La première chose à régler était de m'éviter de consommer deux boîtes de Kleenex en une seule nuit ou d'être victime de quintes de toux toutes les deux minutes. Passé ces périodes critiques on peut retrouver une fluidité de positions de sommeil propre à chacun/e. Ce n'est pas tout ça, je me suis levé au milieu de la nuit pour me débarrasser de ces réflexions qui me trottaient dans la tête, mais j'y retourne, évidemment perturbé par quelques éternuements, toux, irritations de la gorge et obstructions nasales très contrariantes. Quant à la pharmacopée ordonnée elle fut tout simplement en rupture de stock, aussi le commerçant crut bon de me refiler un sirop aux plantes totalement inefficace. M'étant couché très tôt en espérant rattraper mes cinq nuits blanches, à trois heures du matin j'étais donc debout à taper ces mots au coin du feu que j'avais heureusement préparé. Plus tard un voisine m'apportera du Néo-codion en espérant que cela atténuera les quintes de toux qui m'empêchent de dormir et m'épuisent, dos au sol. D'ailleurs je n'ai plus de voix, ce qui pourrait plaire à certains de mes proches !


En y repensant je me demande comment samedi j'ai réussi à enregistrer la musique de Pierre-Oscar, bégayant Ah vous dirais-je maman et un leitmotiv de quelques notes sur divers instruments d'époque. Sur sa photo je me trouve bien fatigué et pâlichon. Ce n'est pas qu'une impression en ce septième jour d'absences !

mardi 13 décembre 2022

Circonflexe


Il fait froid. Tout le monde le sait par ici. Je brûle quelques bûches dans l'âtre. Trois accents circonflexes dans une phrase indépendante. Étonnant pour un diacritique exprimant une suppression. Sur un autre plan on en rajoute tout en haut. Les couvreurs vont insérer de la laine de verre entre les tuiles et le placo. Le toit aussi est circonflexe. J'y grimpe rarement, mais c'est toujours magnifique et surprenant de regarder le quartier sous un nouvel angle. Le 14 juillet nous nous asseyons sur les tuiles faîtières lorsque tombe la nuit. Sur le toit on trouve souvent des coquilles de noix ou des os que les corneilles ont lâché pour les briser et s'en repaître. Il fait froid. C'est rassurant en cette saison.
J'avais une autre idée en commençant cet article, mais je l'ai perdue en route. Peut-être pensais-je évoquer les films que j'ai regardés calfeutré ? Desquels me souviendrai-je ? She said de Maria Schrader est de facture plus classique que ses précédents, façon enquête journalistique d'inquisition à l'américaine, mais le sujet est d'actualité, l'affaire Weinstein ayant généré toute la vague MeToo & Co; il y aura un avant et un après. Les Nuits de Mashhad (Holy Spider), excellent thriller sur le machisme, aurait-il pu être réalisé si Ali Abbasi avait été iranien au lieu de danois d'origine iranienne ? La nuit du 12 de Dominik Moll est un bon polar français qui annonce la couleur en intro, énigme non résolue, c'est triste. Amsterdam est un film loufoque de David O. Russell avec des comédiens qui ont dû bien s'amuser, j'aime bien les films loufoques, mais ce n'est pas du niveau des Rois du désert ou de Happiness Therapy du même réalisateur. Armaggedon Time de James Gray est très fin, comme d'habitude. Ce n'est pas le cas de As Bestas de Rodrigo Sorogoyen, insupportable, trop de violence imbécile et de racisme ordinaire même si c'est le sujet. Ce ne sont pas des critiques, juste un pense-bête. J'ai trouvé intéressant Moonage Daydream sur David Bowie, bonne utilisation du 5.1. Par contre Tár de Tood Field est caricatural de l'autorité abusive d'une cheffe d'orchestre. J'en ai vu beaucoup d'autres. Trop. J'en oublie beaucoup. Circonflexe et circonspect. Il faisait trop froid pour que je grimpe plus haut photographier les deux pentes !
C'était peut-être une autre idée. Je ne me souviens plus de rien. Semaine rock déglingué. Essais techniques avec ma nouvelle pédale d'effets Eventide, la H90. Week-end grand-père de garde. Musique de film à enregistrer aujourd'hui mardi. L'emploi du temps pourrait ressembler à une période de fêtes dès demain. Sauf qu'en fin de journée je découvre, un, qu'Eliott ou son père m'ont refilé leur crève, deux, que la chaudière est tombée en panne ! J'ai beau anticiper, préparer, rêver, rien ne se passe jamais comme prévu. Cela fait partie du jeu. Trouver des solutions à des problèmes qui n'en sont pas. Qui n'en sont plus. Forcément. L'un après l'autre. Ou bien tous en même temps. La liste des choses à faire est un puits sans fond. C'est vivre, et rêver.
Et me voilà à rajouter un nouvel addendum au moment de publier. Le dépanneur est resté de 21h30 à minuit. Conscience professionnelle. Cela remonte la moral de rencontrer des personnes qui aiment se sentir utiles, comme dans la chanson écrite par Roda-Gil que j'ai fait écouter à Stéphane cet après-midi-même...

jeudi 8 décembre 2022

Surtout pas Fedex


Les entreprises dans leur routine font parfois preuve d'une telle mécanorigidité qu'elles sombrent dans une incompétence incommensurable qu'aucun humain, fut-il le pire imbécile, ne saura jamais égaler. On nage alors dans le vaudeville kafkaïen qui mérite qu'on en rit plutôt qu'on en pleure. On raconte d'ailleurs que Franz, juché sur un tabouret, avait du mal à lire à haute voix son Château tant son roman le faisait se bidonner. La mésaventure dont sont aujourd'hui victimes certains clients de Fedex explique ainsi pourquoi je n'ai jamais reçu un instrument de musique envoyé d'Allemagne et arrivé en France près de chez moi, malgré mes doléances dûment formulées. L'entreprise américaine spécialisée dans le transport international de fret qui avait égaré mon colis ne s'expliqua ni ne s'excusa jamais. La taxe douanière avait même été réglée, ce qui ne m'empêcha pas de faire le deuil de cet achat réalisé deux ans plus tôt sur KissKissBankBank. Pour avoir subi les affres des transports routiers et aériens lorsque nous tournions avec Nabaz'mob, notre opéra pour 100 lapins connectés, je sais à quel point les chauffeurs sont doués de fantaisie ambulatoire...
Il y a donc une dizaine de jours fut livré à mon domicile un très lourd carton qui ne m'était pas destiné. Je m'en ouvris au livreur qui me montra une étiquette avec mes nom et adresse collée sur le colis. À l'intérieur étaient empaquetés des centaines de tubes stériles destinés à recevoir l'ADN de personnes en quête de leur passé. Ayant répété plusieurs fois la cérémonie consistant à tchater avec une personne prénommée jusqu'à ce que la communication soit interrompue, je décidai de ne pas recommencer à donner mes coordonnées et celles chiffrées du paquet. J'envoyai un mail à l'expéditeur aux États-Unis et au destinataire en Inde, au Bengalore. Vous vous demandez avec justesse comment ces éprouvettes avaient traversé les barrières douanières pour atterrir chez moi, alors que je me fais taxer systématiquement lorsque je reçois des objets hors communauté européenne. Le pompon revient à la réponse de Fedex : "Cher Monsieur Birgé, nous sommes désolés que le traitement de votre commande n’ait pas suscité votre entière satisfaction. Nous avons le regret de vous informer que Fedex France ne peut pas gérer votre situation, votre colis provient de 2 pays dont aucun n'est la France. Veuillez contacter l'un des deux pays concernés par votre colis...". J'ai répondu que ce n'était pas mon colis et tutti quanti, reçu une réponse d'excuse du transporteur et c'est reparti pour un tour. La même lettre idiote automatique resurgit une semaine plus tard. De nouveau des excuses. J'ignore quoi faire, le destinataire et l'expéditeur ne s'étant pas non plus manifestés. Mettre tout cela à la poubelle au lieu de passer des heures à régler un problème auquel je suis totalement étranger ? C'est tentant. Ce qui est sûr, c'est d'éviter consciencieusement un transporteur injoignable, et celui-ci en particulier. Malgré toutes les attentes, Colissimo était jusqu'ici le service le plus fiable, la Poste elle-même n'étant plus à la hauteur de sa réputation passée. Si je me réfère à mes expériences passées, GLS m'en a fait voir aussi de toutes les couleurs. Quant au transport de voyageurs vous avez probablement apprécié le foutoir de la SNCF. Mais là c'est probablement une manœuvre pour dézinguer le service public et le vendre au privé. Privé qui marche sur la tête, on l'aura compris, nous sommes loin de la promptitude et de la probité de ce qu'étaient les PTT. Ce ne sont plus des services, mais des échanges commerciaux. Le monde tourne au vinaigre. Comme la Sécurité Sociale devenue l'Assurance Maladie. Au moins là les mots sont explicites.

jeudi 1 décembre 2022

Adjugé !


Ayant confié quelques objets à une commissaire-priseur, je suis allé pour la première fois de ma vie à Drouot. J'y suis resté trois heures, totalement fasciné par le spectacle. Franchement, cela vaut la visite à la Tour Eiffel ou au Zoo de Vincennes ! Si je suis resté la majorité du temps dans la 6 où officiait Maître Lynda Trouvé, j'ai pris le temps d'aller voir ce qui se passait dans la quinzaine d'autres salles réparties sur deux niveaux de l'Hôtel des ventes de Drouot. Le style de chacune est très varié, compassée ou bon enfant, et certaines salles servaient juste d'exposition. La vente à laquelle j'assistai est dite courante, regroupant livres, tableaux, bijoux et objets de périodes et valeurs différentes sans qu'ils soient décrits dans un catalogue. Je participerai à une seconde vente en mars, mais celle-ci sera cataloguée.
La vente ressemblait à une ruche, nécessitant une douzaine de personnes, la commissaire-priseur, ses clercs, le crieur, les manutentionnaires. À gauche trois jeunes gens, dont certains experts, prennent les ordres sur leurs téléphones portables, à droite cela se passe en "live" sur Internet, certains sont déjà inscrits auprès de la commissaire-priseur et dans la salle on lève le bras pour signifier son enchère. Parfois cela va très vite, d'autres fois ça rame. La salle est pleine, elle se vide, elle se remplit à nouveau, il y a foule, des gens assis, debout, de passage. Des lots qui ne partent pas sont légèrement baissés, d'autres sont regroupés pour devenir plus attrayants. J'ai vu des caisses de livres d'art partir pour trente euros, on les appelle mannettes, et un seul bouquin afficher 1800 euros. Tant que le marteau n'est pas tombé et que la commissaire n'a pas dit "Adjugé !", on tergiverse, on plaisante... Des éditions originales de Verlaine ne trouvent aucun preneur et sont retirées de la vente. Elles seront probablement représentées un autre jour. Des "premiers" acheteurs donnent leur carte bleue au crieur. Les manutentionnaires n'arrêtent pas de se croiser, entre ceux qui apportent et exposent l'objet, ceux qui les remportent et ceux qui les préparent. Ce jour-là ce sont des centaines de lots qui sont mis à prix. Je vois partir les soldats de plomb de mon père avec lesquels je n'ai jamais joué, un Vian illustré par Boullet, Le zoo des vedettes, quelques bijoux fantaisie et des petits tableaux vraiment pas à mon goût, mais qui trouvent preneur. Je suis hélas obligé de partir avant la mise en vente des objets qui m'intéressent le plus... Je reviendrai, d'autant qu'on entre à Drouot comme dans un moulin, sans avoir de compte à rendre à personne. Le spectacle est permanent.