Vendredi soir, Adriana pensait aller chercher Anny pour venir dîner à Bagnolet, histoire d'étrenner sa nouvelle auto livrée la veille. Au moment de partir, elle a la désagréable surprise de retrouver sa petite voiture coincée entre deux grosses, pare-chocs encastrés, manœuvre absolument impossible. Derrière elle, le capot de l'Audi est encore chaud. Un petit bonhomme l'aide en vain à pousser les deux monstres, espérant faire sonner les alarmes. Silence, rien ne bouge. Les flics ne peuvent que lui donner le nom d'un des deux propriétaires et son adresse. Pas de réponse chez G. rue des Sablons. Pendant plus d'une heure, un type gentil tient compagnie à la désespérée, c'est le chauffeur de J.G., grand couturier. Il y a du beau monde au cabinet de chirurgie plastique au-dessus, des stars en veux-tu en voilà. Défilé. L'heure passe. Malgré les encouragements des passants, Adri n'ose tout de même pas crever les pneus ni rayer la carrosserie. La préfecture de Beauvais refuse de l'aider bien qu'elle connaisse le propriétaire de la vieille Golf de devant, "parce qu'elle n'est pas du coin" : une 75 contre un 60... Deux heures trente plus tard, elle jette l'éponge et, déprimée, regarde n'importe quoi à la télé. Lavage de cerveau.
Le lendemain matin, premier jour des vacances scolaires, aïe aïe aïe, Adri remet des petits papiers sur les pare-brises et refile rue des Sablons où elle apprend que G. est parti six mois à l'étranger. Mais ce n'est pas lui le chauffard, c'est l'Audi qui a poussé la Smart contre la Golf. Le commissariat propose de passer dans la journée, évidemment on ne les verra jamais. Coups de téléphone aux vingt-cinq nommés G. du quartier pour trouver la cousine qui met des sous dans le parcmètre. Vers 15h, Monsieur Chouqui qui passait là avec son fils voudrait bien porter main forte à Adriana, mais c'est shabbat... Il reviendra après 19h, avec des copains pour pousser. Des complicités naissent, les passants passent et repassent. Adriana remonte chez elle écrire pour se changer les idées. Difficile de se concentrer. Elle redescend et, grâce à une miraculeuse lumière rasante, déchiffre un numéro de portable écrit à la main au dos d'une carte de visite posée sous le frein à main. Répondeur. Personne ne décroche... C'est shabbat, on vous dit !... Le soleil acceptant finalement d'aller se coucher, le propriétaire daigne rappeler pour prévenir qu'il arrivera dans un quart d'heure. Le gentil Chouqui est de retour avec ses potes, et comme l'heure tourne, il rappelle le propriétaire en se faisant passer pour le commissariat du XVIème. Une voix masculine est plus impressionnante. Il menace l'Audi d'enlèvement. Ça marche ! Trois minutes après, le mufle raconte des chars et, acculé par Adri, termine en penaudes excuses.
Vingt-quatre heures plus tard, sans une égratignure, la Smart arrive à Bagnolet. C'est le nouvel an chinois, l'année du cochon ! Adriana a de quoi écrire un nouveau scénario.