70 Voyage - août 2007 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 31 août 2007

Fin du voyage


Les éclats des voyageurs se mêlent au boogie woogie ferroviaire pour une bande son tricot digne d'un Godard : un jazzman américain évoque les continents traversés de sa voix de stentor, un grand beur et un petit black aident une vieille dame peroxydée en la charriant sur sa valise pleine de lingots, une blonde mouche son chien à nœud nœud, une famille nombreuse de petites filles sautille autour de leurs jeux vidéo, une jeune suisse allemande fait des efforts d'articulation, les sacs à dos se bousculent, les wagons s'échangent, la barmaid fait sa Betty Boop et la contrôleuse aux ongles vernis assortis à son uniforme gris, mains et pieds, chtonque le billet... Nous avons quitté Pascale dans le décor western de la petite gare de Saint Geniès de Malgoirès pour faire la course avec Xana dont l'avion barcelonais atterrit à Orly pendant que notre TGV freine derrière son pareil en panne. Françoise est plongée dans une fourmilière littéraire et je recommence à penser utile.

jeudi 30 août 2007

L'épave


Visite très gore d'une cave vinicole abandonnée aux pigeons. L'atmosphère est acre, irrespirable. Cinq mille mètres carrés de cuves, chambres d'écho naturelles, d'escaliers métalliques, coursives d'un cargo crasseux, de terrasses surplombant les vignes et les collines sous un soleil couchant, pleine lune brûlante à l'échelle du navire de béton échoué. Rentrés, nous prenons une vraie douche.

mardi 28 août 2007

Fissures


Depuis une dizaine de jours, mes billets laissent transparaître une certaine paresse. J'avais besoin de me relâcher. C'est à cela que servent les vacances. Ce matin, j'hésite entre l'avion à réaction qui a déchiré le ciel en rase-motte et ma visite chez un étiopathe adulé dans la région. Le son du premier, s'il dénotait une arrogance stupide de notre force nationale, était à couper le souffle. J'ai eu l'impression que la Terre s'entrouvrait, dessinant un spectre inouï, la richesse de l'enfer. Le second, traitant des énergies qui nous traversent, ne pratiquait aucune manipulation, mais volait entre psychologie, ostéopathie, magnétisme et je ne sais quelle recherche paramédicale qui laisse entrevoir les possibilités insoupçonnées du corps et de l'esprit. Si le praticien laissait deviner un nouveau souffle, dans les deux cas la faille s'ouvrait sur un monde à l'envers.

Illustration du mur du son récupérée sur Internet.

lundi 27 août 2007

C'est le fond qui manque le moins


Du haut de l'ancien chais, on devine en contrebas, tout au fond à gauche, après une enfilade de pièces, la fenêtre d'une chambre reculée où Jean, assis en tailleur, travaille sa flûte zavrila, lorsqu'il ne joue pas les maçons ou les serruriers. Je le surprends dans la cuisine avec Pascale, un étrange complexe plombier à la main. Ils rêvent et transforment les grands espaces intérieurs. En perpétuelle mutation, les volumes se contruisent et se meublent, dessinant doucement leur destination définitive. Dans l'immense cave voûtée de la petite maison, Jean défonce un mur à la recherche d'un trésor comme s'il était le héros d'une fable de La Fontaine... Le soir, pour changer, nous refaisons le monde.

dimanche 26 août 2007

Du bateau


D'abord horrifié par La Grande Motte, je l'ai trouvée plutôt chouette en comparaison du reste de la côte. Peut-être que dans trois siècles, s'il reste quelqu'un sur Terre, on imaginera que ces pyramides abritaient quelques rituels magiques devenus depuis obscurs aux nouvelles civilisations.
Partis à cinq à Sète chercher Fani, nous étions assis à six en revenant au port, fuyant les joutes du Grau du Roi et nous pâmant, au passage, devant les troupeaux de flamands roses pêchant devant Aigues-Mortes. Le vent nous a soûlés, le soleil tannés, le dîner rassasiés...

jeudi 23 août 2007

Somnolence


J'ai toujours eu l'impression que faire la sieste me plombait, me réveillant complètement crevé alors que je m'étais endormi en forme. J'ai les jambes coupées, les paupières lourdes, à moins que ce soit le contraire, les yeux déchirés et les jambes qui pèsent une tonne. Serait-ce un mal nécessaire, comme les enfants qui grandissent après une poussée de fièvre ? À terme, les heures de sommeil s'ajoutant au relâchement des tensions, me referais-je une santé en repartant du bon pied, le troisième œil s'entrouvrant sur le monde comme une genèse, le point zéro recherché, la perte indispensable pour regagner son centre, un jeu de pistes battu, coupé, rebattu, qui laisse monter la bonne carte sur le dessus du paquet ?
La maison de Pascale et Jean ne me facilite pas le travail. Si l'ancien chais abrite une salle immense, open space rehaussé de chambres modernes se cachant derrière des voiles indiennes, murs de pierres grimpant à plus de dix mètres, escaliers de métal, empilement de terrasses menant à l'horizon comme un promontoire surplombant des collines de végétation romaine, l'ancienne maison où nous avons élu domicile est un labyrinthe de pièces dramatiques mettant chacune en scène un petit théâtre de rêve. L'escalier blanc mène à quelque île grecque tandis qu'une antichambre aux papiers peints d'origine laisse espérer que l'une des pièces qu'elle dessert abrite le trésor convoité. Est-il besoin de sonder chaque mur ou devrions-nous nous diriger directement vers la cave conçue pour que s'y écoule une rivière entre ses arches fraîches en cas d'inondation ? Mais, contrairement au reste du pays, aucun déluge n'est programmé pour ces jours-ci.


L'atmosphère de fin d'été est douce, reconstituante, tendre comme le nuage qui semble enrober les hôtes de ces lieux, une collection de mammifères aimables, placides ou sautillants. Ce havre de paix abrite des chimères ancrées dans le réel. L'illusion est parfaite. Il existerait à portée de train une vie alternative qui s'appuierait sur les conclusions morbides que le monde d'aujourd'hui nous donne en pâture, une autre façon de marcher. Point de spéculation à en croire les témoignages sur pattes de ceux qui la traversent, mais une foule de questions laissées en suspens.

mercredi 22 août 2007

Répit


Même couleurs pour Françoise en plissé d'Issey Miyake et Pascale en gentille woman fermière servant leur petit déjeuner à Dada, Flika et Pilgrim tandis que Bambou et Médor, hors champ, gambadent allègrement dans la prairie attenante. Toute une faune gardoise, moustiques nocturnes et matous matois inclus, volettent et se frottent à nous aux heures des siestes du Midi. Jean travaille sa flûte zavrila dans une chambre du fond pendant que Mathilde roule vers Nîmes où Björk, ce soir, envahira les arènes. Je ne fais rien.

lundi 20 août 2007

Du poisson frais au soleil


Après le lever du soleil, on n'attrape plus rien. Tout se passe à l'aube ou au crépuscule. Jean-Claude a pêché un monstre de près de 4 kilos, appelé denti à cause de ses dents pointues, et des bias, une sorte de maquereau espagnol. Les petits sont beaucoup plus vivaces que le gros. Si l'on tire trop fort sur la ligne, ils la cassent vite fait. La photo tient des poids et haltères. Le denti suffit à huit gourmands pour le repas de midi, les bias pour le dîner et il en reste pour aujourd'hui.
Ce matin, nous devions nous lever aux aurores pour accompagner le père de Françoise sur la Cuilleras, son pointu ou barquette marseillaise, mais le Mistral s'est levé, donc pas nous. L'an passé, nous avions fait une pêche miraculeuse de sévereaux. Une autre fois, j'avais rapporté un petit baracuda. Jean-Claude connaît les coins comme sa poche et la manière de les approcher... Il sait aussi les cuisiner !

dimanche 19 août 2007

Troc


Pascale a eu pitié de mes oignons et nous a invités dans son havre de paix où nous la rejoindrons dans quelques jours. Au vu des prix pratiqués par la SNCF en période estivale lorsque l'on ne s'y prend pas trois mois à l'avance, nous avions décidé de rester là malgré mon impérieux besoin de changer d'air. Françoise a tenté le coup sur Trocdesprems et miracle, elle a dégotté deux billets pour Toulon à 20 euros ! Il ne restait plus qu'à trouver quelqu'un pour la maison et Scotch, et nous voilà repartis sur la route. Première escale, La Ciotat, sa plage, ses poissons, ma seconde famille.
À Paris, je n'arrivais plus à me reposer. Il fallait recharger les batteries en vue d'une rentrée qui s'annonce animée : les lapins toujours, Nabaztag lui-même et l'opéra avec Antoine qui réunit cent de ces petites bêtes (représentations les 19 et 20 septembre à Nantes pour Scopitone, le 6 octobre à Amiens pour la Nuit Blanche, le 20 à Amsterdam...), la suite des enregistrements avec Franck Vigroux, de nouvelles écoles où dispenser la bonne parole du son sur l'image (Autograph, Sainte Geneviève...), les finitions du film de Pierre-Oscar, un Pop'Lab pour Annick, le nouveau numéro des Allumés, etc. Idem pour Françoise qui prépare son nouveau Ciné-Romand et la rétrospective de ses films à l'Entrepôt, Peep-Chat avec le Théâtre Paris-Vilette, la sortie dvd de Appelez-moi Madame, etc.
Mais oublions tout ça et consacrons-nous aux joies de la villégiature ! Pour me mettre dans le bain, je picore tomates, raisins, figues, prunes et dévore à pleines dents les canards sauvages que les filles ont plumé pendant que je plantais un poivrier et un caprier. Jean-Claude part à la pêche à cinq heures du matin, mais je n'ai pas le courage de me lever pour l'accompagner...

jeudi 16 août 2007

Consolation


Il n'y a pas de quoi pleurer !
Si nous ne partons nulle part,
nous pourrons toujours tailler un bout de gras
avec les petits vieux sur le banc...

dimanche 12 août 2007

Deux parallèles se croisent à l'infini


Personne ne monte, personne ne descend, on ne voit pas le bout de la ligne, mais je frappe tout de même. Entrez ! Très bien, et maintenant, qu'est-ce que je fais ? C'est une question d'équilibre. On ne part plus ? Demi-tour. Pas (de) photo. Au pas. Comment faire autrement ? Sur un rail ou les traverses, mais pas sur le ballast, en aucun cas. Comment faire ailleurs ? Le chemin. Où, quand, comment ? C'est trop. Top. Top. Et le chat, c'est une colle ?