70 Voyage - août 2009 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 28 août 2009

Jardin cubiste


Nous nous découpons en ombre chinoise sur le jardin cubiste de la Villa Noailles au-dessus de Hyères. J'avais découvert son architecte, Robert Mallet-Stevens, grâce à son décor pour la résidence de l’ingénieur Norsen dans L'inhumaine de Marcel L'Herbier. Lorsque j'étais étudiant à l'Idhec, on pouvait encore aller sonner rue Mallet-Stevens à Paris pour visiter l'une de ses magnifiques constructions. Mécènes à qui l'on doit Les Mystères du Château du Dé de Man Ray, Le sang d'un poète de Jean Cocteau et L'âge d'or de Luis Buñuel, Charles et Marie-Laure de Noailles commandent en 1926 à Gabriel Guévrékian un jardin sur le terrain triangulaire situé en contrebas du parvis de leur villa. Si nous apprécions le site, les grandes terrasses et le dernier étage qui abrite la piscine, nous sommes surpris par la petitesse des chambres et de la salle à manger. Les fenêtres à miroir nous ravissent. Faisant face à un mur aveugle, on peut voir le ciel depuis ces fenêtres grâce à l'habile stratagème d'un miroir incliné. La visite nous permet de comprendre ces aristocrates éclairés qui firent œuvre de mécénat pendant un demi-siècle, commandant des œuvres à de nombreux artistes en les laissant libres d'agir à leur guise. On aura depuis longtemps saisi qu'il n'est d'œuvre aussi réussie que lorsque l'on fiche la paix à son auteur en lui accordant une confiance absolue. Nombreux producteurs devraient en prendre de la graine !

jeudi 27 août 2009

À la traîne


Retour au réel. Façon de parler tant le décalage est flagrant dès que l'on change ses habitudes. Levés à 4h pour être sur le lieu de pêche avant le lever du soleil, nous embarquons une dernière fois à bord du pointu. La ville dort à poings fermés. La veille, le vent d'est nous a empêchés de sortir avec Maurice pour aller plonger autour des deux frères, d'énormes rochers au large de Fabregas. Nous sommes restés nous baigner près de la cale où nous avons pique-niqué avec Pascale et Françoise. Je me mélange les pinceaux en accrochant à l'envers les feux indiquant normalement babord, vert, et tribord, rouge. Heureusement, Jean-Claude, à la barre, s'en aperçoit. Les étoiles cèdent la place à un ciel rouge sang, digne des plus kitsch cartes postales. Les premiers nuages de notre voyage filtrent le soleil qui projette ses rayons vers l'infini comme une gloire renversée. Pendant que je rêve allongé sur le pont les bias n'arrêtent pas de mordre à la ligne de Pascale Je les attrape avec la grande épuisette pour ne pas les perdre au dernier moment. Françoise l'aide à décrocher les hameçons. Dès que le poisson mord, il faut ramasser la traîne sans à-coup. S'il est trop gros, lui lâcher du mou et reprendre. Le temps a changé. Il fait carrément frais le matin, mais l'après-midi la chaleur humide nous assaille. Jean-Claude accompagne d'une rémoulade la chair un peu sèche des maquereaux espagnols et nous nous écroulons pour une sieste réparatrice.

Recette de la rémoulade : hacher (mais pas à la machine, cela ferait de la purée) de la ciboulette ou à défaut de l'oignon avec une ou deux gousses d'ail, des câpres en quantité, deux ou trois anchois dont on a enlevé l'arrête centrale, du persil, pourquoi pas un tout petit peu de coulis de tomate (deux cuillérées à café pour un bol), du poivre ou du piment. Touiller avec le jus d'un citron et trois à quatre cuillérées à soupe de mayonnaise à l'huile d'olive, parfois corser avec un peu de rouille. Jean-Claude varie selon les jours en ajoutant ici du curry, là de l'harissa yéménite que je lui ai offert.

samedi 22 août 2009

La journée d'un pêcheur


Il est 5 heures du matin. En descendant au port des Capucins pour embarquer, nous croisons une bande de jeunes fêtards qui vont se coucher. Nuit noire sans lune. Dans les lumières de la côte les goélands, ici on les appelle des gabians, ressemblent à des étoiles filantes. Doucement le jour tend son voile laiteux sur le ciel bouffé aux mites. Je m'allonge sur le pont du pointu pour admirer la voûte. Nous pêchons à la traîne dès que le soleil se lève. Françoise attrape un bia ou maquereau espagnol de plus de 1 kg, l'honneur est sauf, mais ce n'est pas un grand jour. Nous espérons faire mieux en nous rapprochant des pierres tombées. Trois oblades se laissent prendre aux rusquiers. Nous ne rentrons pas bredouille, la pêche suffira largement au dîner de ce soir avec nos invités. Il fait très chaud, 38°C dehors, 26°C sous la surface, nous plongeons dans l'eau turquoise depuis le bateau avant de rentrer faire la sieste. Il est midi, voilà huit heures que nous sommes levés, la journée d'un pêcheur...