Parfois le réel est si prenant que la distance s'efface. Ce jour-là je n'ai pris aucune note. Les photos me ravivent la mémoire. Kampong Phluk est un village sur pilotis auquel on accède par bateau. À la saison sèche, le lac Tonlé Sap est quatre fois moins étendu qu'en période de mousson. Le cours du fleuve qui mène à Phnom Penh s'inverse alors, coulant dans un sens ou dans l'autre selon la saison.


Les échasses en bambou qui portent les baraques en planches ou en feuilles prennent tout leur sens. L'eau peut monter jusqu'en haut. N'étant jamais venu si tôt dans l'année, le chauffeur de tuk-tuk qui nous amène à l'embarcadère n'a pas l'habitude de faire une si longue route.


Les porcheries sont souvent accrochées au-dessus des viviers. Leurs déjections nourrissent les poissons qui y sont enfermés. On mangera les cochons comme les poissons.


Nous nous enfonçons plus loin dans la mangrove. Une petite fille de cinq ans aide sa mère qui conduit la pirogue en poussant avec un bâton pour nous désembourber.


Nous nous laissons porter dans le silence seulement dérangé par les clapotis. Nous ne verrons aucun reptile. Au fil de l'eau la gamine chante un air khmer...