70 Voyage - mars 2013 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 26 mars 2013

Trop loin


C'est loin. Dix heures de train. Dans les couchettes de seconde classe le tissu a remplacé le skaï bombé qui faisait suer. C'est déjà loin. On a repris ses petites habitudes. Là-haut elles sont plus grandes. Remplir les réservoirs avec l'eau glacée de la source sans les laisser déborder. Alimenter le feu dans l'âtre. Compter le nombre de repas avant la prochaine sortie. On s'est tous goinfrés sans prendre un gramme. Parquer les voitures en haut du chemin et faire le reste à pied. On s'enfonce. Le temps peut changer en quelques secondes. Le soleil fait fondre la glace. Un coup de vent emporte le linge qui sèche, transformant les draps en décor de carton pâte. Une quinzaine de vautours tournent au-dessus de la vallée. Les charognards voient tout. Le brouillard s'épaissit. Une fouine traverse la route. La biche hésite. Un camion verse dans le fossé. Pour une fois les 4x4 se justifient. Un coup de volant maladroit et nous voilà collés par la glace. La dameuse est le couteau suisse de ce bourbier. Il n'y avait personne. Maintenant il n'y a vraiment plus personne. Seul le son aigu des flocons qui tournoient dans le blizzard cinglant ou le grave des avalanches lorsque le thermomètre est plus clément.

lundi 18 mars 2013

Ravitaillement


Il n'arrêtait pas de neiger. À raison de quarante centimètres par jour nous risquions d'être submergés par les vagues blanches que le vent dessinait sur la poudreuse. Soufflant à soixante kilomètres à l'heure il faisait voler les flocons parallèlement à la pente. Sur les pistes on n'en était pas encore au jour blanc, mais on s'en rapprochait. Lorsqu'il est impossible de distinguer entre le ciel et la terre nombreux skieurs perdent l'équilibre et, ne serait-ce qu'à l'arrêt, s'écroulent sur eux-mêmes. Les luges nous permettent de rapporter les vivres jusqu'à la grange.


Deux jours plus tard il faisait très froid, mais le ciel était bleu. On s'enfonçait jusqu'à la taille. Et puis le soleil a fait fondre la neige qui dégringolait du toit en petites avalanches. Le blanc a de nouveau effacé le bleu. Il a gelé. La température est remontée.
J'aurai lu la Trilogie berlinoise de Philip Kerr (polar passionnant qui se déroule en 1936, 1938 et 1947, mis à part les poncifs éculés alcool et petites pépés), Tokyo de Mo Hayder (trop convenu si l'on connaît le massacre de Nankin et les perversions nippones), L'homme qui ne voulait pas fêter son anniversaire de Jonas Jonasson (la bonne surprise, inventif et explosif), Une opérette à Ravensbrück de Germaine Tillion (qui valide la valse macabre dont j'ai écrit le texte pendant mon séjour en montagne).

mercredi 13 mars 2013

Tombe la neige


Jean-Pierre chante le vieux tube d'Adamo pour nous donner du courage. Il faut rejoindre la 4x4 en nous enfonçant dans la neige jusqu'au dessus du genou pour aller faire le marché en bas dans la vallée. Mais passerons-nous ?
Ces derniers jours Christian et Christophe avaient fait marcher la dameuse pour dégager le chemin, mais ça tombe dru depuis cette nuit. La chatte Poussière refuse de se mouiller les pattes et reste avec nous à la maison où il fait bon chaud. Les deux premiers jours Françoise et Jean-Pierre ont dévalé les pistes pendant que Michèle et moi bouquinions. Nous n'avons encore aucune idée de ce que les prochains jours nous réservent, d'où l'importance de faire des provisions !

vendredi 8 mars 2013

Déconnexion


Si l'on se fie à la photo envoyée par Adriana la grange est sous la neige. D'après d'autres témoignages il y aurait 1,50 m de poudreuse, bonne nouvelle pour les skieurs, mais légère angoisse à mon petit niveau. Je mesure à peine 20 cm de plus! Comment allons-nous atteindre la maison ? Les fenêtres sont enfouies et il va falloir pelleter pour dégager la porte dont les cadenas sont certainement gelés. Chargés de nos affaires personnelles et des provisions pour tenir une dizaine de jours nous risquons de nous enfoncer jusqu'au cou à notre arrivée. Comme tout le reste de l'équipement, les raquettes sont dans la grange ! Dès que nous aurons réussi à nous faire un chemin et à pénétrer à l'intérieur il faudra encore pomper l'eau depuis la source en espérant que le tuyau n'est pas gelé. Françoise me répète de ne pas m'en faire, que c'est comme au Canada, sauf qu'eux là-bas sont équipés et organisés pour ce genre d'expédition ! Je soufflerai quand nous aurons de l'eau au robinet et du feu dans l'âtre... Je pourrai alors jouir du paysage et de cette halte salutaire, loin d'Internet et du téléphone. Bien au chaud et au sec, la bande d'Odeia en profite pour enregistrer son album à la maison en notre absence. En regard de ce qui nous attend dans les Pyrénées toute inquiétude à ce sujet ne peut avoir de prise ! Retour à la civilisation le 18 mars.

P.S.: j'ai fermé les commentaires pour ne pas avoir à effacer un par un plus d'un millier de spams à mon retour. Je n'ai hélas trouvé aucune parade efficace sur DotClear 1.2.5. En cas d'irrésistible envie de m'écrire vous pouvez tenter jjbirge(at)gmail.com que je relèverai peut-être si nous descendons dans la vallée...