C'est loin. Dix heures de train. Dans les couchettes de seconde classe le tissu a remplacé le skaï bombé qui faisait suer. C'est déjà loin. On a repris ses petites habitudes. Là-haut elles sont plus grandes. Remplir les réservoirs avec l'eau glacée de la source sans les laisser déborder. Alimenter le feu dans l'âtre. Compter le nombre de repas avant la prochaine sortie. On s'est tous goinfrés sans prendre un gramme. Parquer les voitures en haut du chemin et faire le reste à pied. On s'enfonce. Le temps peut changer en quelques secondes. Le soleil fait fondre la glace. Un coup de vent emporte le linge qui sèche, transformant les draps en décor de carton pâte. Une quinzaine de vautours tournent au-dessus de la vallée. Les charognards voient tout. Le brouillard s'épaissit. Une fouine traverse la route. La biche hésite. Un camion verse dans le fossé. Pour une fois les 4x4 se justifient. Un coup de volant maladroit et nous voilà collés par la glace. La dameuse est le couteau suisse de ce bourbier. Il n'y avait personne. Maintenant il n'y a vraiment plus personne. Seul le son aigu des flocons qui tournoient dans le blizzard cinglant ou le grave des avalanches lorsque le thermomètre est plus clément.