Denrées de première nécessité. L'ancienne station-service a été transformée en dépôt de pain. À l'emplacement des pompes se dressent deux grandes armoires distributrices. Le boulanger est malin et il a de l'humour. On a toujours le choix, mais ce n'est plus du super ou du diesel. Baguette, ficelle ou chocolatine ? Le prix est payé en espèces et le pain chaud tombe comme une canette. Aux heures d'ouverture on peut aller directement à la boutique; sinon on s'arrête au drive-in : emballé, c'est pesé.
J'ai acheté une diesel, parce que que cela consomme moins et la pub disait que c'était moins polluant que l'essence. Il y avait du moins des sigles "éco" un peu partout. Aurais-je confondu économique et écologique ? L'année suivante je lis que le diesel est si polluant qu'il mérite d'être taxé. Comme si on ne pouvait pas intervenir en amont, auprès des constructeurs et des raffineurs. Comme si on ne pouvait pas inventer autre chose. Privilégier les transports en commun, construire des parkings aux portes des villes ou devant les gares. À Montpellier on paye un forfait parking + tramway. Il y a de la place. C'est simple et efficace. Les lobbys automobiles et pétroliers empêchent que l'on repense le système.
Comme les transports urbains, le pain devrait être gratuit, mais mon boulanger n'est pas d'accord. C'est pareil. Si l'on veut changer les choses on ne peut pas se contenter de réformettes. Il faut inventer, bousculer, recycler, prendre le risque de mécontenter. Il n'y a qu'à changer aussi le système électoral. Tout est coincé, sclérosé. Le pays est trop vieux. Les radoteurs sont à la solde des banques. La pente raide nous fait glisser vers le pire, l'illusion du changement. Les faits sont pourtant là, mais on préfère glisser son bulletin de vote pour se donner bonne conscience, pas pour que cela change. Ce sera chaque fois pire.
En attendant la catastrophe on fait le plein pendant que le gouvernement fait le vide.