70 Voyage - avril 2015 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 8 avril 2015

Tofu, Têt et rillettes


Hier pré-jury Design Sonore à l'École des Beaux-Arts du Mans avec Sacha Gattino et Ludovic Germain. Deux projets vraiment formidables, un autre sympa. En rentrant je ne pouvais faire autrement que de rapporter un pot de rillettes de Conneré, mais cela ne suffisait pas pour remplir le réfrigérateur vide depuis six semaines. Halte à Belleville chez Super Tofu pour deux bols de tofu nao à emporter et des brioches à la pâte de riz (je ne me souviens plus comment cela s'appelle : enveloppées dans un petit sachet transparent elles sont plus petites que les paotze) et Paris Store pour de délicieux rouleaux (Tet) et des pyramides (Ù tè) de riz gluant au porc enveloppés dans des feuilles de bananier et fabriqués par les Trois Frères. Dans mon panier j'ai ajouté un chou chinois, de longues aubergines violet clair, des petites aubergines rondes et vertes, des eddoes ou malangas (sorte de taro poilu), des pousses de petits pois, du poivre vert et du curcuma frais. On y trouve aussi quelques produits indiens et japonais. J'ai du mal à résister devant une nouvelle sorte de piment. De même que je n'accepte de travail à l'étranger que s'il y a autant de jours de tourisme que de boulot, je ne peux imaginer faire un saut en province ou dans le quartier d'une communauté sans rapporter quelque spécialité culinaire...

lundi 6 avril 2015

La Ciotat 2015


Retour. Déjà. La Ciotat se transforme. D'un côté une superbe médiathèque et la rénovation de l'Eden (salle historique où les Frères Lumière projetèrent pour la première fois un film en public), toutes deux avec des programmations exemplaires. De l'autre des constructions immondes pullulent, l'acculturation se sent partout depuis que la droite a repris la ville. Le dimanche, le marché du port est devenu un traquenard pour touristes et gogos locaux adeptes de la junk universelle. Il faut se frayer un chemin pour trouver d'authentiques petits commerçants ciotadens. Nous achetons de jolis poissons frais de la veille ou du matin-même. Et puis il y a la mer. Immense. Calme. Qui bêle doucement. En surface elle semble immuable. J'ai mis ma capuche et mes lunettes noires. Le Mistral glace les os. Le soleil les réchauffe.
Retrouvé Nicolas pas vu depuis deux ans. Il revenait tout juste d'un périple qui l'avait mené de New York à Hanoï en passant par Barcelone, Bogota, Alexandrie, l'Inde du Sud, Séoul et Pékin. Je suis impatient de découvrir Agora(s), son projet pharaonique autour de grands espaces urbains qui prendra forme à Marseille à l'automne, “anthropologie poétique entre esthétique des foules et chorégraphie documentaire”.


Jean-Claude libère les canetons de la dernière couvée après avoir raccourci les plumes d'une de leurs ailes pour qu'ils ne s'envolent pas. Il cueille les herbes sauvages du jardin pour composer une salade colorée (lilas d'Espagne, crannié, cardelle, engraisse pouarc, doucette, roquette blanche, jeunes feuilles de blettes sauvages, coquelicot, pissenlit avec ses fleurs jaunes, fleurs de bourrache violettes, pétales de rose...) que nous agrémentons d'une sauce épaisse dont il a le secret (aïoli, moutarde, coulis de tomate, pignons de pin et noix de cajou pilés, miel, vinaigre balsamique, huile d'olive, piment, ail des ours, sauge...). Maurice a apporté les oursins et les poulpes qu'il a pêchés et des asperges sauvages pour l'omelette. Et puis Glacier du Roi à Marseille. Colline de sable à St Cyr...
Mais déjà le train entre en gare...

vendredi 3 avril 2015

Les mille yeux du Dr Mabuse


Tandis que nous nous promenons dans le quartier du Panier à Marseille Simon pointe les caméras dissimulées sous le globe en verre fumé accrochées au coin des rues. Big Brother is Watching You. La CIA nous écoute. Coucou c'est nous ! Après le cambriolage chez Elsa la police scientifique prend l'empreinte de mes paumes parce que les voleurs en ont laissé "une belle" sur la vitre brisée. J'ignore qui me renifle, mais je ne me sens pas bien. Il n'y a rien de rassurant dans Les mille yeux du Dr Mabuse. Et The Peeping Tom rend malade son propre fils au point d'en faire un criminel. Les home movies révèlent parfois des monstres, Capturing The Friedmans. Pensons-nous vraiment éviter les angles morts ?


Pendant que nous avons le nez en l'air constatons que les étages les plus élevés ont une hauteur parfois deux fois moindre que les rez-de-chaussée. La différence de classes s'exerçait progressivement sur les quatre niveaux. Le dernier étage est souvent minuscule, offrant une terrasse réduisant d'autant la profondeur. Je me souviens qu'à Phnom Penh les rez-de-chaussée sont recherchés, confortables, voire luxueux, et plus on monte vers le ciel plus les conditions de vie se détériorent. Tout en haut des familles vivent sur un chantier ou dans une sorte de bidon-ville.


Comme partout l'ancien trouve de nouveaux amateurs. À proximité du Vieux Port le quartier populaire du Panier avec ses ruelles pittoresques et escarpées se boboïse. Les concept-stores et les brocanteurs remplacent les petits commerces de jadis. Heureusement les enfants continuent à faire les singes tandis que les touristes mitraillent. Ce sera bientôt Montmartre, un Disneyland poulbot transformant la vie de ce quartier populaire livré aux piétons. Nous n'échappons pas à la règle.


La roue tourne. Mais le Mistral empêche les âmes de s'élever. Il souffle. Comme Le K de Buzzati. Rien ne sert de faire des rondes, les soupirs marquent le tempo. Dans le ciel bleu la lune pleine qui rend fou est translucide comme un œil vitreux...

jeudi 2 avril 2015

Avez-vous des hippopotames ?


Dans le TGV pour Marseille des gamins sud-africains de la chorale gospel du collège et lycée Mitchell House me posent trois questions : "avez-vous des malls ? Y a-t-il des coupures d'électricité ? Est-ce qu'il y a des hippopotames ?" Les malls sont des supermarchés géants à l'Américaine, les coupures électriques seraient dues aux grèves de mineurs (!), la même question animalière portait sur les grizzlis ! De toute manière il n'y a plus d'hippopotames en France depuis que nous avons soigneusement planté à intervalles réguliers des piquets rouges et des piquets bleus le long des nationales. Si l'on me fait remarquer que nous n'avons aucun hippo dans notre pays, je répondrais, comme mon père me le racontait pour les éléphants, que c'est la preuve que le dispositif est efficace. En repensant à mes voyages en Afrique du Sud pre et post Mandela, je constate à quel point les séquelles de l'apartheid puis le pardon lié à l'évangélisation empêchent les populations noires de se sortir de la pauvreté. Arrivé à la Gare Saint-Charles je prends une photo du lion en haut des escaliers avec Notre-Dame de la Garde qui se découpe dans le contre-jour.