70 Voyage - septembre 2022 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 22 septembre 2022

Rencontre du troisième type


Monsieur Django n'est pas content que Madame Aubergine lui pique la vedette et tienne seule le crachoir au Spoutnik qui ressemble comme deux gouttes d'eau à un chou-rave. C'est un tendre, mais il y a des ovnis qui lui font peur, d'autres qui l'attirent. Django préfère donc le violet clair au foncé, les tiges fanées à la moumoute verte. J'ai dû lui arracher pour mon déjeuner. Mariné dans l'huile d'olive et du sel, puis arrosé de citron et saupoudré de graines de sésame, le chou qui garde son croquant est délicieux. Je crois me souvenir que c'est une recette d'Ottolenghi. Quant à celle au grand nez, je n'ose (in French) pas la cuire comme si de rien. Le chat, lui, a quitté hier sa résidence estivale pour rentrer au bercail. Toutes ces dernières semaines il dormait pas loin, dans les fourrés. Il a donc réintégré ses pénates hier soir, a regardé le film avec la petite Oulala et moi, et s'est endormi sur le lit. Il fait froid à Paris, alors qu'à Nantes nous étions en T-shirt l'après-midi. J'ai allumé le feu dans la cheminée et cuisiné une nouvelle ratatouille dont je garde une partie au congélateur pour cet hiver lorsque Boris, notre extraordinaire maraîcher de l'Amap, ne fournira plus que des tubercules. J'ignore comment il sculpte ses solanaceae, car il n'utilise aucun engrais, même biologique. En tout cas, ça ne nourrit pas seulement l'estomac, mais comble mon esprit en quête de raconter n'importe quoi avant le billet plus sérieux de demain.

mardi 20 septembre 2022

Sur l'eau là c'est Lola


Nous prenons le bac à vélo, en auto ou à pied. Il fait le va-et-vient toute la journée entre les deux rives. C'est gratuit. Il s'appelle Lola. Nantes oblige. J'y suis en perme. De l'autre côté de la Loire l'herbe est plus verte. C'est de là que je filme. Pas facile de manœuvrer quand le fleuve coule à contre sens de la marée. Avec la sécheresse l'eau là est plus salée qu'auparavant. La salinité et la boue posent des problèmes inquiétants pour la rendre potable. Cet été la limite avait été atteinte. On continue à faire comme si de rien. Au bord, les maisons sont en zone inondable. En période de crue les prés que nous traversons sur des pontons deviennent des marais. Je me demande si des sous-marins nucléaires sortent de l'usine Naval qui est en face de Basse-Indre. On se pense au vert, mais les maisons sont construites sur le granit, comme une grande partie du pays. Pour compenser la radioactivité il est nécessaire d'aérer dix minutes par jour minimum, hiver comme été. Sans compter les gigantesques poteaux haute tension qui enjambent la Loire à Haute-Indre. Et partout s'implante la 5G dont les ondes s'ajoutent au rayonnement de nos smartphones. Je n'y connais rien, si ce n'est au rayon culinaire, mais je sens bien que la donne n'est plus du tout la même depuis que Demy a filmé Lola en 1960...


Nous marchons vers La Roche Ballue ou La Montagne. De temps en temps j'imagine déménager par ici, histoire de me rapprocher de ma fille, de mon petit-fils, et respirer plus profondément que dans la torpeur du Bassin parisien. Mais il faudrait que la maison soit au moins aussi accueillante que l'actuelle, avec en plus un studio-théâtre. Je souhaiterais enregistrer les séances d'improvisation en public. J'aime jouer en concert, mais ranger, déplacer, monter, démonter, remporter, replacer et recâbler mon imposant matériel a toujours été pénible. Le rêve est de laisser tout branché et qu'il n'y ait plus qu'à allumer. L'actuel studio GRRR permet de recevoir une demi-douzaine de joyeux drilles, mais il n'y a pas de place pour des spectateurs. Les invitations courraient sur plusieurs jours au lieu d'une journée, histoire de prendre l'air, l'air et les paroles, parce que ce sont avant tout des rencontres d'amitié, une manière d'apprendre à se connaître, sans contraintes sociales ou économiques, pour retrouver les sensations de notre jeunesse quand il n'y avait d'autre enjeu que la passion. C'est le propos de tous nos Pique-nique au labo qui se poursuivent sur la Toile, et plus tard, au gré des affinités découvertes. L'idée est aussi de créer localement du lien social. Je ne me plains pas. Mes pieds nus sont vernis. S'il est déjà formidable de partager ce qui est, on ne peut se contenter des acquis. Il est indispensable de voir toujours plus loin. Remettre son titre en jeu, jouer comme les enfants que nous n'avons jamais cessé d'être, être au futur, cet état vectoriel qui m'anime depuis toujours.

jeudi 1 septembre 2022

Miroir, miroir...


Les petits moineaux qui se balançaient sur les hauts bambous ont disparu depuis plusieurs années. Heureusement les mésanges charbonnières sont restées fidèles. Elles me rendent souvent visite par quatre. Les mésanges ont une prédisposition pour la vie de couple. Comme moi. Enfin, comme j'aime. Les merles, incomparables solistes jazz, ne sont pas en reste, mais il y a une chose que j'adore, c'est en admirer une se regarder dans la glace. Une demi-douzaine de miroirs sont installés dans le jardin pour agrandir l'espace et créer quelques illusions d'optique. La mésange dévore probablement de minuscules insectes, mais sa propre image l'intrigue, sous son loup de Zorro. Je n'ai jamais vu qu'un geai se livrer comme elle pendant des heures à cet exercice narcissique.


J'ai pris de nombreuses photos depuis le studio. Caché par les deux fenêtres parallèles qui m'assurent un complet silence, je peux m'approcher sans qu'elle perçoive ma présence. Par contre, la sienne fut signalée en amont par ses coups de bec saccadés sur une vieille branche du kiwi. La semaine dernière, depuis la vitre du sauna, j'ai suivi un pinson et des rougequeues noirs. J'ai toujours peur que Django n'en croque un, mais les souris, et faute de grives les vers de terre, sont des proies plus faciles à attraper.