70 Voyage - avril 2023 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 7 avril 2023

Zoom arrière


[... Ce 13 septembre 2010] j'avais remarqué le texte de la pancarte vissée, pour ne pas dire clouée, sur un arbre le long du Gave de Pau, juste en face de la grotte où Bernadette Soubirous vit ses apparitions. Comme le tronc était également planté entre deux modernes fontaines d'eau miraculeuse, je notai l'humour de la situation. Mais je n'avais pas remarqué la variation de ponctuation selon les langues, ni surtout le dessin central. Faut-il se méfier des robinets disséminés partout sur le site, vu l'affluence en ce lieu "ceint" ? Ou les rayons entourant la main du noyé potentiel signalent-ils l'imminence d'un bras salvateur ?


Il est évident que les déçus, tentés de se jeter à l'eau, devraient être légion. Rappelons que la Vierge apparut à Bernadette en 1858, mais rien n'indique que depuis elle y ait élu domicile ou choisi comme lieu de villégiature. C'est pourtant de cet emplacement exact que la "simple d'esprit", je cite Zola, eut sa dix-huitième et dernière apparition. Nous ne sentons rien d'autre que l'angoisse égoïste de centaines de pèlerins, concentrés sur leur mal-être...


Comme nous faisons sagement la queue dans la grotte, deux femmes nous bousculent pour toucher la roche devant nous. Ce geste incivique en dit long sur la place du sacré dans ce supermarché de l'image pieuse. Il est une chose d'avoir la foi, une autre d'avoir les foies. La poudre d'or qu'on jette aux yeux de celles et ceux qui veulent à tout prix avoir une réponse à leurs angoisses sent le soufre. Les croyants exigent la quadrature du cercle. Seuls les scientifiques et les matérialistes ont le goût du mystère.

jeudi 6 avril 2023

Il n'y a pas de miracle


Journée Lourdes et humide. Pas de miracle. [Ce 7 septembre 2010] le temps semblait tourner à l'orage. La ville de Bernadette Soubirous exhalait un parfum morbide. L'angoisse des clients s'exprimait unanimement. Est-ce véritablement la dernière station avant l'autoroute ? Les auxiliaires en blanc s'affairaient autour des plus mal portants. Les chaises roulantes glissaient péniblement vers la grotte de Massabielle où les fidèles faisaient la queue pour palper la roche noire. Elles repartaient pourtant comme elles étaient venues. Autodafé du XXIe siècle, d'énormes cierges flambaient comme un bûcher. Seuls les colverts s'épanouissaient sur le gave de Pau qui traverse le site. Sans nous concerter, l'un et l'autre avons évité le contact avec la chasse d'eau. L'eau qui coule des toilettes puant la vieille urine est-elle aussi bénite ? Boulevard de la Grotte on vend toutes sortes de flacons à remplir aux dizaines de fontaines éparpillées sous la basilique de l'Immaculée-Conception. Les plus kitsch ont la forme de la Vierge avec un petit bouchon bleu sur la tête. La barre qui commençait à nous plomber les sinus était-elle due aux vibrations du sanctuaire ou étions-nous seulement affamés ? Devant un jambon de porc noir et une énorme côte de veau garnie de cèpes et de truffes je racontai à Sonia Lourdes et ses miracles, le fantastique film de Georges Rouquier, commande du Diocèse qu'il transforme en enquête à la fois sincère et pleine d'humour, sentiment résolument absent hier matin devant la piscine où attendaient sagement les pèlerins. Aux marchands du Temple qui s'égrènent tel un chapelet sur les deux côtés de la rue principale j'ai acheté une petite cloche en céramique et deux briquets à l'effigie de Bernadette. Nous avions opté pour le Palais du Rosaire, grand bazar aux prix vraiment attrayants : 2,50€ la cloche, moins d'1€ le briquet, et à partir de 5€ vous avez droit à un cadeau, en l'occurrence trois images pieuses. Mécréants à l'esprit définitivement mal tourné, nous avons fui cette ville de débauche batracienne et repris l'avion pour Paris avant que le ciel ne se gèle, grève oblige !