70 Théâtre - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 19 octobre 2023

Débrayage ou L'augmentation ?


Ayant remarqué que L'augmentation repartait en tournée, je republie cet article du 10 octobre 2011...

Je me souviens du rire à s'en étrangler de Georges Perec lisant à haute-voix un texte de Bobby Lapointe à la radio. Il aurait certainement été plié en deux à la mise en scène de L'augmentation qu'Anne-Laure Liégeois présente au Théâtre du Rond-Point à Paris. Je me souviens aussi de Sami Frey sur son vélo, mais la pièce de ce soir appartient à la veine plus caustique, moins nostalgique, de son auteur. Deux acteurs fantastiques, Anne Girouard et Olivier Dutilloy récitent mécaniquement « Ayant mûrement réfléchi ayant pris votre courage à deux mains vous vous décidez à aller trouver votre chef de service pour lui demander une augmentation...». La salle rit jaune. Vont-ils débiter ainsi leurs phrases en boucle ? La fantaisie critique d'Anne-Laure Liégeois est aussi huilée que la mécanique imperturbable du rouleau-compresseur de Perec. J'ai tellement ri que j'en ai oublié la dureté des bancs de la petite salle.


Trois heures plus tôt, nous assistions à Débrayage de Rémi de Vos, une autre mise en scène d'Anne-Laure Liégeois dans cette même salle avec les mêmes acteurs augmentés (façon de parler, quand vous aurez vu la précédente) de François Rabette, tout aussi remarquable. Les temps ont changé. En 1968 le pauvre salarié exploité rêvait d'une augmentation, aujourd'hui il est à la recherche d'un emploi ou risque de se faire virer. Devant le décor déprimant des alpages collés sur le mur du couloir, les trois comédiens affublés de diverses perruques interprètent chacun plusieurs rôles si pitoyables qu'ils en deviennent hilarants. Je me souviens d'Alec Guiness dans Noblesse Oblige, sauf qu'ici c'est Misère Oblige. Le monde du travail inspire Anne-Laure Liégeois, qui prépare d'ailleurs une troisième pièce sur le sujet, qu'elle traite chaque fois incisivement, malgré la tendresse pour ses personnages bafoués par la hiérarchie et l'exploitation dont ils sont victimes.


Supposons que vous hésitiez entre l'adaptation fidèle (dans les limites du texte), mais explosive dans sa mise en scène, de L’Art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation (article de Christine Marcandier avec l'organigramme du texte !) et les quatre extraits et un inédit de Débrayage. Ou bien vous y êtes, ou bien vous n'y êtes pas. Si vous y êtes, enchaînez les deux, De Vos à 18h30, Perec à 21h (2 petites vidéos en ligne), "les deux peuvent être vus le même soir", je dirais même plus, l'ensemble fait sens et la montée en puissance est d'autant plus jouissive.

Illustration de Stéphane Trapier et photos de Christophe Raynaud de Lage.

jeudi 19 janvier 2023

La fille de la mer


C'était il y a douze ans (l'article date du 28 mai 2010). Ma fille Elsa a depuis abandonné le trapèze et la contorsion pour se consacrer aux spectacles musicaux et au chant. Avec la vibraphoniste Linda Edsjö elles ont même récemment reçu le Grand Prix de l'Académie Charles Cros pour leur CD Comme c'est étrange, un prix dont je rêvais lorsque j'étais jeune homme. Le troisième spectacle avec le groupe Odeia est également sur les rails, ainsi que plein de nouveaux projets qui font forcément plaisir au papa. Il y eut d'autres succès que l'on peut retrouver sur son site... Quant au festival Si la mer monte, mélange d'art et de science, en juin 2023 il en sera à sa quinzième édition ! Pendant ce temps, cette semaine, je joue les grand-père de garde au bord de la Loire...

Un jeu de mots charmant donne son titre au spectacle monté par Elsa Birgé et Michèle Buirette à l'occasion du festival "Si la mer monte" dont Michèle a assuré la programmation artistique. Ma fille et sa mère ont donc créé ensemble La fille de la mer dimanche dernier à la pointe de l'île Tudy, Finistère Sud, sous un soleil brûlant, devant une foule conquise. Depuis quelques années Michèle chante en solo les paroles qu'elle compose en s'accompagnant au piano à bretelles tandis qu'Elsa vole et nous venge dans des airs aussi slaves que parigots. Ayant acquis sa réputation de contorsionniste sur trapèze au sein du fameux Vrai-Faux Mariage de La Caravane Passe, elle ajoute aujourd'hui ses cordes vocales à son arc céleste. Mon enthousiasme peut s'épanouir sereinement depuis qu'elle en a fait sa profession, heureusement plus prudente qu'enfant lorsqu'elle grimpait sur son trapèze pendant que nous avions le dos tourné. Combien de fois est-elle tombée dans sa chambre pour avoir désobéi ? Pire, de cette même cale de l'île Tudy qu'elle arpente depuis qu'elle est née, elle fit son plus beau vol plané, quatre mètres de haut avec atterrissage sur la tête et le vélo en prime qui l'achève pour l'avoir enfourché pieds nus, sans freins et trop grand pour elle alors que nous étions partis faire des courses à Pont-L'abbé... Une des pires nuits de ma vie. Ou à l'École du Cirque époque Annie Fratellini : "ne vous inquiétez pas, votre fille est avec son professeur à l'Hôpital Robert Debré, mais elle n'a rien..." Elle avait hurlé à sa copine de lâcher la longe pendant qu'elle faisait le saut périlleux ! Les enfants finissent par comprendre que nous nous inquiétons pour eux simplement pour avoir commis nous-mêmes toutes ces bêtises quand nous avions leur âge et avoir eu la chance d'être passés au travers. Elsa pratique aujourd'hui sa discipline avec le même sérieux que n'importe quel professionnel évitant de mettre les ciseaux dans la prise pour vérifier s'il y a du courant. Le spectacle qu'elle a imaginé avec Michèle est à la fois drôle et émouvant. Certains îliens avaient les larmes aux yeux de voir voler et chanter celle qui fut à six ans une miraculée de la grève. En regardant le film, j'ai adoré les arrière-plans tatiesques derrière le chapiteau sans voile comme cette barque de rameurs suant sang et eau qui traverse le champ ou la grosse dame reculant dangereusement vers les rochers pour prendre la photo-souvenir, sans parler d'Erik oubliant qu'il filme et entonnant en chœur et complètement faux "si la mer monte..." tandis que les deux filles font leur numéro, Elsa palmée et masquée, Michèle virevoltant autour du portique. Si le cadre était idyllique on peut maintenant leur souhaiter d'autres cieux où continuer le spectacle...

samedi 8 janvier 2022

Pain maudit d'Élise Dabrowski


Pain Maudit d'Élise Dabrowski joue encore demain samedi et lundi à L'Échangeur de Bagnolet (20h30). Le terrible sujet lysergique colle parfaitement avec le traitement lyrique, sorte de mise en boîte de l'opéra où l'électro-acoustique s'intègre parfaitement aux voix des trois chanteurs. Quand je pense à la gueule ouverte qui plonge sur le néant ou au cercueil contrebasse je crains de faire des cauchemars cette nuit à l'instar des hallucinations ressenties par les habitants de Pont-Saint-Esprit (Gard) en 1951.


Si la mise en scène est sobre, elle diffuse un humour sophistiqué et glacé qui me rappelle de drôles de souvenirs...

samedi 27 juin 2020

Théâtre [archives]


Articles du 14 janvier 2007 et 22 février 2013

UN COMMENCEMENT À TOUT

Il y avait eu Du vent dans les branches de sassafras au Théâtre Gramont avec Michel Simon et Caroline Cellier, Le cimetière de voitures d'Arrabal avec Jean-Claude Drouot, le Living Theater de Julian Beck, mais j'ai découvert l'univers théâtral avec Michel Vinaver en 1980 au Théâtre de Chaillot grâce à Jean-André. Jacques Lassalle montait À la renverse avec, pour peu que je m'en souvienne, Françoise Lebrun et Jean-François Stévenin. Le passe-montagne tourné par le motard qui était accroupi là dans la loge m'avait beaucoup impressionné. Je crois me souvenir qu'il y avait aussi Maurice Garrel qui fit plus tard une petite apparition dans notre opéra-bouffe, L'hallali. Vinaver menait une double vie en tant qu'auteur et PDG des sociétés Gillette et Dupont sous le nom de Grinberg, m'avait confié Jean-André Fieschi, qui plus tard épousera sa fille Barbara, la sœur d'Anouk. Leur fils avait baptisé sa poupée Elsa du nom de ma fille... Vingt quatre ans plus tard, j'ai revu Vinaver en haut des marches d'une remise de prix. Il m'avait rassuré en racontant que c'était la deuxième fois qu'il était primé par la Sacd. Je recevais moi-même ce soir-là le Prix de la création interactive après en avoir déjà été gratifié quatre ans auparavant. J'avais redouté une erreur, du moins que l'on s'aperçoive du doublon, probablement à cause du complexe d'usurpation que ressentent tant d'autodidactes. Somnambules succédait ainsi à Alphabet.
Raymond Sarti a dessiné le décor blanc de la reprise de L'émission de télévision mise en scène par Thierry Roisin à Montreuil. Je suis chaque fois épaté par le travail de mon ami. La scénographie éclaire le texte. Tous les lieux cohabitent sur le plateau. Les comédiens ne le quittent jamais, ils restent en bordure, devenant les musiciens de la partition sonore qui souligne avec simplicité et brio certains gestes importants. Les bruitages font surtout exister le hors-champ alors que leurs interprètes sont à vue, raclant une sonnette, jouant de fourchettes, transvidant une bonbonne d'eau pour faire discrètement couler un bain... L'idée est formidable, sa réalisation parfaite. J'ai d'ailleurs préféré le décor et le son de François Marillier au jeu dramatique dont la direction m'a échappé. Vinaver connaît évidemment si bien le monde de l'entreprise, ici une émission de télé-réalité et une grande surface de bricolage, que les échanges sont aussi jubilatoires qu'effroyables.


J'ai rencontré Raymond Sarti en 1989 aux milieux des tours de Mantes-la-Jolie. Le metteur en scène Ahmed Madani et lui nous avaient été "imposés" par la DRAC, mais nous n'eûmes pas à le regretter ! De notre côté, nous apportions J'accuse, avec Richard Bohringer dans le rôle d'Émile Zola. Un drame musical instantané était secondé par une harmonie de 70 musiciens dirigée par Jean-Luc Fillon et par la chanteuse de Pied de Poule, Dominique Fonfrède. Raymond avait collé un chapiteau gonflable de cinq étages de haut le long de l'une des tours destinée à être détruite. La façade de l'immeuble comme l'ancien parking ainsi recouverts étaient entièrement bleus avec de grosses croix blanches ici et là. Il avait fait creuser une tranchée pour notre trio, monter une colline pour l'orchestre et empiler des sacs de jute au milieu de la scène. Des croisillons plantés dans la terre donnaient au décor des allures de Verdun. Tout avait été repeint, un étrange mélange de Klein, Christo et Kubrick ! Richard arpentait les étages jusqu'aux balcons. Son rôle lui permettait les envolées lyriques qu'il affectionnait. Filmée à plusieurs caméras sans intelligence musicale, la "captation" n'a jamais été diffusée par la télévision. La même année, nous avons repris la partie de l'orchestre sous le titre de Contrefaçons à la Maison de la Radio. Après "J'accuse", nous avons monté Le K toujours avec Bohringer et Sarti. Raymond et moi avons continué à travailler ensemble, pour des expositions comme Il était une fois la fête foraine, pour des affiches, des disques, des théâtres de marionnettes... et nous sommes restés amis tout ce temps-là. En admirant son travail, je saisis chaque fois l'importance d'un décor laissé à la libre imagination d'un véritable scénographe.

J'ACCUSE...


Les archives se suivent, mais ne se ressemblent pas. 1989, c'était le Bicentenaire de la Révolution française. Trois ans avant de monter Le K avec Richard Bohringer qui nous valut une nomination aux Victoires de la Musique, nous avions choisi l'acteur pour incarner Émile Zola dans son célèbre pamphlet J'accuse, modèle du genre et article historique de 1898 sur le racisme et l'antisémitisme publié à l'occasion de l'affaire Dreyfus. L'article était paru sous la forme d'une lettre ouverte au président de la République française, Félix Faure, dans le journal L'Aurore. Un film de notre spectacle avait été tourné, mais personne ne le vit jamais, du moins à ma connaissance.
Ce 18 novembre 1989, Christian Gomila tourna le spectacle à cinq caméras, mais la coupure des instrumentaux au montage me contraria tant que j'oubliai le film dans sa boîte jusqu'à aujourd'hui. Dommage, car la captation donne une bonne image du genre de spectacle que nous montions à cette époque, même si l'orchestre frigorifié jouait complètement faux !
Avec Bernard Vitet et Francis Gorgé nous avions choisi d'accompagner un texte pour changer de nos ciné-concerts qui commençaient à devenir à la mode. Notre trio d'Un Drame Musical Instantané en composa donc la musique. Arnaud de Laubier nous présenta le metteur en scène Ahmed Madani qui apportait dans sa musette le scénographe Raymond Sarti, le créateur lumière Thierry Cabrera et la costumière Malikha Aït Gherbi. De notre côté nous amenions Bohringer alors au plus haut de sa cotte de popularité, la chanteuse Dominique Fonfrède et les 70 musiciens de l'Orchestre Départemental d'Harmonie des Yvelines dirigé par Jean-Luc Fillon !


(...) De même que nous avions choisi une image du Ku Klux Klan pour annoncer le spectacle, nous avions demandé à Dominique de reprendre Der Hass ist der Armen Lohn que je chantais dans l'album Kind Lieder, histoire d'universaliser notre propos. Comme nous jouions au milieu des tours de Mantes, Ahmed Madani avait engagé comme service d'ordre les gars plus méchants de la cité, ce qui n'empêcha pas la femme du vice-président de Louis Vuitton, dont la Fondation pour l'Opéra et la Musique nous aidait, de recevoir un caillou sur la tête ! Cela marqua la fin de notre collaboration ! Trois ans plus tard, Dominique Cabrera tourna Chronique d'une banlieue ordinaire sur les anciens habitants de la tour qui allait être détruite et j'en composai la musique...

lundi 18 novembre 2019

Mort prématurée d'un chanteur populaire dans la force de l'âge


Mort prématurée d'un chanteur populaire dans la force de l'âge est une fantaisie sarcastique de Wajdi Mouawad sur le monde du spectacle avec Arthur H qui incarne remarquablement Alice, chanteur flippé ayant trahi ses idées de jeunesse sur l'autel du succès. Ne vous attendez donc pas à écouter un récital enrobé d'Arthur H ! On est même en mesure de se demander si cette charge acerbe des mœurs superficiels, du formatage et du cynisme égocentrique du show-biz n'est pas une autocritique qui permettrait au chanteur à la voix cassée de se débarrasser d'un poids qui colle forcément à la peau de toutes les idoles confrontées à leurs fans et aux pressions de leur entourage. Même si Alice n'est pas Bashung, Arthur H non plus, et le chanteur sait de quoi il retourne. Tous les journalistes, photographes, attachés de presse, agents d'artistes et musiciens ne se reconnaîtront pas forcément dans cette farce amère, mais ils penseront au moins y croiser leurs collègues ! Je n'échappe pas moi-même à cette ménagerie, me souvenant surtout des histoires que me racontaient mon camarade Bernard Vitet qui m'avait empêché d'y mettre le doigt au risque de m'y engloutir tout entier. La mise en scène virevoltante de Mouawad fait passer facilement les presque trois heures de spectacle, même si la seconde partie m'a semblé superflue. Jusqu'à l'entr'acte les comédiens interprètent avec humour et férocité le poncif "punk is not dead", mais la suite contredit le début en se prêtant aux conventions larmoyantes, sous forme d'un pardon politiquement correct. Fallait-il vraiment un happy end quand on connaît la réalité des coulisses ?


Quel artiste n'a pas rêvé savoir ce qu'on dirait de lui à sa mort ? Ce désir morbide n'est pourtant pas assez creusé. Mouawad préfère glisser un couplet, certes habile, sur Sabra et Chatila ou sur le génocide arménien, suggérant la perte du politique chez les nouvelles générations, étouffées par l'afflux d'information (ou de désinformation). Tous les comédiens sont très bien. J'ai particulièrement apprécié Patrick Le Mauff dans le rôle de l'ancien agent d'Alice qui n'a pas renié son amour du punk. Les décors en perpétuels mouvements transmettent au public la fraîcheur de la pluie ou l'odeur de l'encens quand il le faut. De bonnes idées sont hélas abandonnées en cours de route, comme par exemple la scatologie du début. Resserrer l'action aurait permis de ne pas morceler le récit qui manque un peu d'unité. La manie de faire de faire des spectacles trop longs qui n'épargnent pas les fesses du public finit par devenir suspecte. Il n'empêche que le portrait du show-biz est bien vu, la complicité du metteur en scène et du chanteur nous permet de passer un excellent moment, mais il aurait fallu plus de méchanceté et de concision pour que cela soit vraiment réussi.

Mort prématurée d'un chanteur populaire dans la force de l'âge, texte et mise en scène de Wajdi Mouawad, avec Marie-Josée Bastien, Gilles David, Arthur Higelin, Jocelyn Lagarrigue, Patrick Le Mauff, Sara Llorca, chansons originale d'Arthur H, musique originale de Pascal Humbert, dramaturgie Charlotte Farcet, son Michel Maurer et Bernard Vallèry, conseil artistique François Ismert, lumière Éric Champoux, scénographie Emmanuel Clolus, costumes Emmanuelle Thomas, maquillage et coiffure Cécile Kretschmar (c'est elle qui avait créé et fabriqué les masques du film Au revoir là-haut).

lundi 14 janvier 2019

Cold Blood à La Scala


En 1991 j'avais été séduit par Toto le héros, le premier long métrage de Jaco Van Dormael où excellait Michel Bouquet. Cinq ans plus tard, le charmant Huitième Jour, qui avait révélé Pascal Duquenne, avait changé le regard de beaucoup de monde sur les handicapés mentaux atteints de trisomie 21. Mr Nobody, son film quantique de 2009 n'avait convaincu ni les amateurs de science-fiction ni les autres, ce qui est totalement injuste. Il y a trois ans Le Tout Nouveau Testament possédait la poésie de tous les précédents films avec une bonne dose d'humour belge. Or, coup sur coup, Jaco van Dormael présente trois spectacles magiques à La Scala, nouveau théâtre du boulevard de Strasbourg à Paris à la programmation remarquable depuis sa récente ouverture. J'ai raté les deux premiers, mais le troisième se joue heureusement jusqu'au 26 janvier.


Après Amor et Kiss & Cry, le cinéaste s'associe encore une fois à sa compagne, la chorégraphe Michèle Anne De Mey, et au Collectif Kiss & Cry pour réaliser Cold Blood, un spectacle où tous les arts sont conviés pour créer une féérie dont les doigts et les mains sont les interprètes. Nous assistons ainsi au tournage d'un film en temps réel dont le studio est miniature tandis que le résultat est projeté sur un grand écran juste au dessus des manipulateurs, donnant l'impression d'un décor géant. Ces marionnettes modernes content une histoire écrite par Thomas Gunzig, collaborateur de van Dormael sur son dernier long. Le prétexte de la vie et de la mort importe peu en regard des illusions qui enthousiasment le public, quasi hypnotisé, pour le potentiel à le faire rêver, avion dans la tempête, forêt dans la brume, etc. Cette abstraction chorégraphique permet aussi à des enfants de jouir de cet émerveillement malgré le sujet qui pourrait sembler grave. Un bémol de taille, et pour cause, la musique est enregistrée alors que tous les autres protagonistes, une dizaine, sont en direct sans filet. Une partition aussi inventive que le reste du spectacle pourrait faire glisser cette charmante féérie vers le chef d'œuvre, alors que la musique classique souligne l'action de manière ostensiblement illustrative, banalisant l'ensemble, même si les émotions sont intactes.

J'aurais probablement dû humblement proposer mes services aux auteurs pour leur prochaine création plutôt qu'écrire un article ! Mais ces jours-ci je ne chôme pas. J'ai terminé la musique d'un beau documentaire de Nicolas Le Du... À la demande d'Amandine Casadamont me voilà chercher comment transformer l'hymne européen en pompeuse musique de jeu vidéo et humaniser une imprimante avec des instruments de musique roumains (quel drôle de métier !) pour un ACR... J'attends le feu vert pour sonoriser une websérie pédagogique amusante conçue par Sophie de Quatrebarbes et Sonia Cruchon (le teaser est déjà réalisé) et une application pour tablette avec clips et divers jeux... Enfin je participe à la création de David Coignard et Laurent Stoutzer le 26 à Mains d'œuvres pour le MOFO alors que je n'en ai pas encore écrit une ligne... Tout cela évidemment prend le pas sur le blog que je rédige entre les gouttes et les acrobaties domestiques qui m'éreintent à coups de déménagements... Comme si cela ne suffisait pas, hier soir, suite à un geste maladroit, je me suis entaillé un doigt (en référence à l'affiche de Cold Blood, beaucoup plus effrayante que le spectacle ?) en faisant exploser une sculpture ! À part cela j'ai une pêche d'enfer qui devrait m'ouvrir les portes du paradis si je sais marier patience et persévérance ;-)

mardi 20 mars 2018

Les misérables


La plongée dans les archives de mon père m'entraîne dans une aventure au delà de mes espérances. Cette découverte coïncide avec la naissance de mon petit-fils, un bébé évidemment très mignon. Le passé et l'avenir convergent dans une constellation de révélations bouleversantes. Ainsi mon inconscient travaille en tâche de fond sur le mode "un être de plus face au cosmos". Après avoir séquencé mon génome, j'ai commencé à faire pousser mon arbre généalogique, remontant jusqu'au XVIIe siècle. Certaines de mes lectures me renversent, car je n'imaginais pas le degré de violence subi par mon père, avant, pendant et après la guerre. Pas de surprise côté ADN, mais le site Filae m'entraîne dans une enquête quasi policière pour décrypter les origines de la famille. Les dossiers descendus du haut de l'armoire sont les plus troublants. Mon père y donne entre autres les détails de ses activités de résistance et des sévices servis par la Gestapo. Ma mère témoigne des graves difficultés financières dans lesquelles ils pataugeaient encore dans les années 60. Je comprends aussi pourquoi mon père me disait que la famille la plus importante est celle que l'on se crée plutôt que celle dont on hérite. Papa s'est fait arnaquer par plusieurs membres de la famille, d'un côté comme de l'autre. Heureusement il y aussi de bonnes personnes et je suis sidéré d'apprendre qu'un de mes cousins issu de germain est un vieux gauchiste. De plus sa fille, que je n'avais jamais rencontrée, fait des spectacles formidables destinés aux enfants.
Nous sommes donc allés à La Villette voir Les misérables que Karine Birgé et Marie Delhaye ont adapté du roman de Victor Hugo pour leur théâtre d’objets. Épique, romantique, héroïque, sensible et intelligente, leur mise en scène est destinée à tous les publics à partir de 9 ans. Les spectateurs sont fascinés par les figurines qu'elles manipulent au gré du conte. Les différences d'échelles accentuent l'effet poétique et leur table tournante et pivotante déchaîne les saynètes comme un tour de passe-passe où les aimants adhèrent à l'action. L'évocation de la Commune fait glisser la tragédie vers une insurrection nécessaire, clin d'œil à une actualité sociale toujours aussi inique. On en ressort avec une furieuse envie de changer le monde !

→ Compagnie Karyatides, en tournée (encore Garges-lés-Gonesse, Les Clayes sous Bois, Herve en Belgique, Cherbourg, Allonnes, Bayonne, Saint-Pierre-du-Mont, Arcachon, Kremlin-Bicêtre, Busan en Corée, etc.)

vendredi 16 mars 2018

Notre innocence


Wajdi Mouawad est l'auteur du roman qui m'a le plus impressionné ces quinze dernières années. Après avoir refermé Anima, j'avais l'impression qu'aucun livre pourrait lui succéder. De même au cinéma, Littoral qu'il avait réalisé en 2004 et Incendies dont il avait écrit le scénario pour Denis Villeneuve sont inoubliables. Or je n'avais jamais vu aucune de ses pièces qui représentent son activité principale, si l'on met de côté la direction du Théâtre de la Colline depuis deux ans. Cette lacune tient à mon inaptitude à ce médium, les codes du cinéma m'empêchant d'apprécier ceux du théâtre. Fragilité de l'instant qui ne me dérange pourtant pas au concert, hors-champ se confondant avec les coulisses, outrance du jeu pour porter la voix... Comme s'il ne représentait qu'un os à ronger, sans la chair. Au bout d'une heure, se réveillent des impatiences dans les jambes qui me font souffrir le martyre. C'est seulement supportable si la pièce me transporte ailleurs, me noyant dans sa fiction ou son recul brechtien peu importe, mais que le spectacle l'emporte sur ma solitude. Précédemment à La Colline, j'avais eu quelques réserves sur Quills mis en scène par Cloutier et Lepage, comme si l'auteur américain Doug Wright n'avait pas compris grand chose à Sade, l'intelligence de la scénographie ne suffisant pas à camoufler son manichéisme tranché entre le bien et le mal. Il manquait ce qui m'avait tant bouleversé dans Salò ou les 120 Journées de Sodome de Pasolini, l'impossible... Si aller au théâtre me demande donc chaque fois un effort, j'allais voir la pièce de Mouawad plutôt bien prédisposé, même si la durée de 2h15 me faisait un peu peur. Aujourd'hui, au delà d'une heure, mon appréciation du moindre spectacle est lié au confort du fauteuil et je boycotte les salles sans dossiers !
N'allez pas croire que ce préambule est hors sujet. Comme tout ce qu'écrit Wajdi Mouawad, Notre innocence concerne le monde dans lequel nous vivons, notre petit confort bourgeois, l'égocentrisme, l'angle ou le point de vue, le spectacle organisé qui nous formate, la vie et la mort qui nous échappent... Il y est question de l'héritage que nous léguons aux générations suivantes. Nous avions rêvé de refaire le monde et nous avons perdu la partie, du moins dans un premier temps. La violence quotidienne est plus insidieuse que toutes les guerres. En travaillant avec dix-huit jeunes comédiens âgés de vingt-trois à trente ans, Mouawad interroge nos us et coutumes, le glissement qui s'est produit ces dernières décennies, la faculté de résister ou pas. Je pensais au suicide de mon camarade Bernard Mollerat lorsque nous avions 24 ans, aux images que l'on se fait de l'avenir, aux mensonges ou aux omissions qui nous laissent orphelins, à Lacan qui prétendait que "ce n'est pas le mal, mais le bien, qui engendre la culpabilité"... Il y a une vie incroyable dans cette veillée macabre. La scénographie est épatante de simplicité et d'efficacité, elle fait sens, sans apparat ou pirouette d'esthète. L'anonymat des personnages permet de s'y projeter, pas dans un ou une, mais dans tous et toutes. C'est le miroir dans lequel nous nous regardons chaque matin et lorsque nous écoutons la jeunesse se plaindre, s'endormir ou se réveiller. Que sommes-nous capables de leur donner qui ne nous a jamais été légué ? Ces Victoire(s), titre précédent abandonné, sont petites, mais elles incarnent une porte ouverte sur un autre monde possible... À condition de le vivre ensemble et pas chacun pour soi !

Notre innocence, texte et mise en scène Wajdi Mouawad, Théâtre National de la Colline, jusqu'au 11 avril 2018

vendredi 26 janvier 2018

Les soldats & Lenz


Lenz est un concerto pour 3 solistes et un ensemble muet. Le troisième protagoniste, avec l'extraordinaire Agnès Sourdillon et Olivier Dutilloy que je connais déjà, est la partition sonore de François Leymarie, efficace et discrète suite de drones soutenant le texte de Georg Büchner, entrecoupés de rares chutes de blocs calées sur la diction des deux comédiens. Sept figurants se laissent aller à quelques lents mimes discrets pour meubler le décor de la première partie resté en place. La neige continue de tomber. Le morceau de résistance est en effet la comédie satirique de Jakob Michael Reinhold Lenz, Les soldats, à laquelle j'avais assisté dans sa magnifique adaptation opératique du compositeur Bernd Alois Zimmermann en 1977. Je garde un souvenir mémorable de Pierre Boulez en dirigeant la création française sous la forme d'une symphonie vocale à l'Opéra de Paris avec Phyllis Bryn-Julson.

Cette fois-ci la metteuse-en-scène Anne-Laure Liégeois en propose une nouvelle traduction pour son adaptation à 16 comédiens. Le texte de Lenz écrit en 1776 est d'une incroyable modernité, mais aussi d'une cruelle actualité puisqu'il fustige à la fois la différence de classes et le sort que les hommes réservent aux femmes. Le talentueux et facétieux compositeur Bernard Cavanna réussit le tour de force de faire jouer l'ouverture et le finale en fanfare à l'ensemble de la troupe tandis qu'Alexandre Prusse est au bandonéon pendant les deux heures que dure la pièce. Liégeois montre que ni la Révolution, ni les deux siècles qui ont suivi n'ont changé grand chose à l'arrogance des riches et à leur mépris des pauvres comme à l'oppression masculine... Les soldats incarnent forcément cette brutalité imbécile qui caractérise le genre humain. La pièce tombe à pic dans la polémique autour de #metoo et #balancetonporc, version actuelle de la promotion canapé ! Après l'entr'acte, même si elles sont passionnantes, les 50 minutes du portrait de Lenz que Büchner écrivit en 1835 sont dures à mon coccyx et je ne fais qu'entrevoir la folie de Lenz sublimant le monde qu'il fuit et le poussant à se martyriser. Pour lui la neige continue de tomber.

La troisième partie, totalement imprévue, se déroule dans la rue lorsque nous voulons récupérer notre véhicule au Parking de la Ville géré par la société privée Indigo, leader mondial du stationnement ! Les accès par l'escalier ou l'ascenseur ne fonctionnent pas. Les préposés qui répondent à l'interphone sont incapables de débloquer les portes. Sous la pluie, heureusement il ne neige plus, nous parvenons à trouver une issue salvatrice. À la sortie le robot exige 5 euros alors qu'un panneau stipule que c'est gratuit jusqu'à 0h15. Les précédents chauffeurs, impatients après l'attente au dehors, paient sans sourciller. La personne qui me répond n'est pas au courant, mais devant ma détermination elle finit par lever la barrière pour que nous puissions regagner nos pénates. C'est beau le progrès ! Là aussi rien n'a changé depuis l'octroi...

Les soldats & Lenz, JMR Lenz & Georg Büchner, mise en scène et scénographie Anne-Laure Liégeois, Théâtre 71 de Malakoff jusqu'au 2 février 2018.

jeudi 21 décembre 2017

L'absurde au théâtre


Mon plus ancien souvenir de Norbert Aboudarham date d'il y a quarante ans. Arrivé en retard à moto à un concert du groupe Bratsch, auquel il participera une dizaine d'années jusqu'en 1984, il avait enfilé son accordéon et commencé à jouer, casqué et chaussé de ses moufles ! On ne s'étonnera donc pas que ce clown-physicien rédige un savoureux petit essai intitulé L'absurde au théâtre, après avoir déjà publié Le Burlesque au théâtre. S'appuyant sur le minimalisme rigoureux de Beckett (En attendant Godot) et l'accumulation anarchique d’objets chez Ionesco (Les Chaises), il en dévoile tout le suc, sans oublier les Marx Brothers dont j'avais oublié l'origine juive alsacienne, des cousins à moi en somme ! Pratiquant avec humour la digression et se référant aux didascalies de ces maîtres (les didascalies sont les instructions des auteurs à leurs interprètes), Aboudarham enseigne l'art du clown en comparant comique, burlesque et absurde. Cet outil pédagogique est un trésor d'astuces offert aux auteurs, metteurs en scène et comédiens qui préfèrent aborder le réel sous un angle plus réaliste que celui du formatage des idées. L'absurde révèle en effet les ressorts du monde en le prenant à rebrousse-poil, en le dynamitant, jouant des paradoxes et des contrastes que le contrôle social a besoin de gommer pour nous faire marcher au pas. En fin de fascicule l'auteur propose des exercices qui raviront les praticiens.

→ Norbert Aboudarham, L'absurde au théâtre, Ed. L'Entretemps, 9,25€

vendredi 27 juin 2014

Marathon radiophonique Michel Houellebecq


Demain samedi je participe au marathon radiophonique Michel Houellebecq en direct sur France Culture à 17h depuis Toulouse où se déroule Le Marathon des Mots. De 14h à 19h à l'Auditorium Saint-Pierre des Cuisines, l'émission réalisée par Nathalie Salles et présentée par Sylvain Bourmeau alterne des lectures de textes par Jacques Bonnafé, Dominique Pinon, Marianne Denicourt, Michel Vuillermoz et des tables rondes. J'y suis évidemment pour les deux albums enregistrés avec Michel Houellebecq et particulièrement pour Établissement d'un ciel d'alternance que j'ai produit en 2007, mais qui avait été enregistré en 1996 à l'occasion du 10e anniversaire des Inrockuptibles à la Fondation Cartier. Le plateau auquel je participe est axé sur paroles (poétiques) et musique. Dans le livret du CD, Michel avait écrit que c'est sa "seule collaboration réussie avec un musicien". La soirée au TNT avec Jean-Louis Aubert a été annulée par les techniciens permanents en solidarité avec les intermittents.

lundi 2 juin 2014

Quand Fantazio s'identifiait à Elephant Man


Seul en scène et sans contrebasse, Fantazio raconte l'Histoire intime d'Elephant man de 1981 à 2012. À l'Atelier du Plateau, trois soirs durant, l'artiste protéiforme se met à nu en convoquant les icônes de son enfance, saucissonnant ses rêves et les exposant au public amusé en un feu d'artifices chaotique qui tient d'une fantastique performance d'acteur. La confidence se transforme rapidement en un zapping de rôles pas plus emprunté qu'empreint, car Fantazio incarne tous ses personnages en convoquant son inconscient à la manière des hystériques, ou bien tout comédien n'exerce-t-il pas le métier expiatoire de schizophrène professionnel ? Faisant son miel de toutes fleurs, Fantazio dresse un costume sur mesures à la folie ordinaire. Le chaos s'organise. Mais lorsqu'il expose ses parties génitales, centre fantasmatique de l'analyse et tromperie du pachyderme lynchien originaire, l'intensité s'émousse. Le mystère du drap troué qui le recouvre est plus puissant que la figure du monstre. La provocation affadit le récit de la déformation lorsque l'image étouffe les mots. Il n'en reste pas moins un extraordinaire moment de théâtre farci d'humour, équilibre impossible entre une réalité sublimée et un imaginaire mis en scène, l'intimité dévoilée appartenant dès lors au public qui a payé sa place, chacune et chacun y investissant sa propre interprétation.

mardi 1 octobre 2013

Fulgurance des défilés


En allant assister au défilé du couturier Issey Miyake j'avais une photo en tête pour y avoir pensé l'an dernier après la bataille. L'armée de snipers aux objectifs gros comme des bazookas a très peu de temps pour shooter les mannequins anorexiques qui arpentent le long et étroit podium déroulé entre deux gradins où des centaines de spectateurs les imitent avec leurs smartphones ou leurs caméras. J'en suis cette année. Si le placement des invités prend une bonne heure le défilé ne dure que quelques minutes. Envoyez c'est pesé. Poids plume. Les voiles s'envolent.


Sous la houlette du directeur artistique Roy Genty, le musicien japonais Ei Wada du groupe Open Reel Ensemble transforme une douzaine de vieux téléviseurs Braun reliés à des enregistreurs vidéo guidés par ordinateur pour constituer une sorte d'immense pad de synthétiseur lui permettant d'accompagner musicalement la présentation de la nouvelle collection printemps-été. Il utilise les propriétés électrostatiques des écrans cathodiques pour composer de petites mélodies minimalistes ou des rythmes en contrôlant des samples à raison d'un par écran. Son Braun Tube Jazz Band est placé au bout du podium, là d'où apparaissent les filles...


Je me demande chaque fois pourquoi la plupart des couturiers n'engagent que des mannequins filiformes qui font mal à regarder tant elles ont du mal à marcher. Pensent-ils sérieusement que ces cintres sur pattes mettent en valeur leurs créations ? Il me semble qu'une variation de formes permettrait mieux aux femmes d'imaginer à quoi ressembleront les vêtements sur elles. La légion de photographes amateurs en embuscade à la sortie du chapiteau dressé dans le Jardin des Tuileries ne s'y trompe pas, mitraillant les spectateurs élégants aux tenues les plus originales.

mardi 2 avril 2013

La maison d'os, c'est Dubillard !


Croiser Jean-Pierre Mocky au bar du Théatre du Rond-Point juste avant de pénétrer dans la grande salle m'a rappelé le ton et la voix de Roland Dubillard tout au long de la pièce dont il est l'auteur et que Anne-Laure Liégeois a encore cette fois remarquablement mise en scène. La mémoire fait justement partie des thèmes de La maison d'os en représentation jusqu'au 11 mai à Paris. Comment oublierais-je le Flamand des compagnons de la marguerite ou le prof de gym de La grande lessive qui ont marqué mon enfance ? Mais il s'agit avant tout d'une pièce sur les rapports de classe d'un vieil homme à la porte de la mort et de ses serviteurs aussi dévoués que critiques. L'humour grinçant fait passer leur relation sordide composée d'un savant cocktail de déférence et d'insolence que seule la promiscuité autorise. Sharif Andoura, Sébastien Bravard, Olivier Dutilloy, Agnès Pontier jouent avec brio les serviteurs de cette maison qui s'écroule comme son maître interprété par Pierre Richard qui échappe enfin au rôle du distrait pour jouer à cache-cache avec la mémoire et la mort.


La langue, extrêmement travaillée, oscille entre le cru et le cuit, châtiée ou vulgaire sans fondu ni préliminaires. Anne-Laure Liégeois construit sur le grand plateau un palais qui s'effrite, les marches de l'escalier profitant de la lumière de Dominique Borrini pour créer un effet cinétique brouillant délicatement la vue tandis que les sons de François Leymarie venus des cintres suggèrent sans équivoque la chute de la maison d'os. Le public du Théâtre du Rond-Point saura-t-il se reconnaître dans cette mascarade bourgeoise où la fin d'un monde et de chacun s'annonce inéluctable ?

Illustration de Stéphane Trapier
Photo d'Olivier Dutilloy et Pierre Richard par Christophe Raynaud De Lage

mardi 18 décembre 2012

Le cirque foutraque du clown Nikolaus


Entre la machine de guerre hyper rodée du Cirque du Soleil et le cirque foutraque du clown Nikolaus, le choix est vite fait. Une spectatrice assise à côté de moi sous le chapiteau de Nikolaus me raconte que les meilleures places au Soleil sont à 180 euros. Cela fait cher la sortie en famille. D'autant que l'on s'amuse nettement plus du faux "n'importe quoi" de la troupe de Tout est bien que de la mise en scène militaire des gymnastes médaillés. Drôle de comparaison, me direz-vous. C'est que le cirque propose aujourd'hui un large éventail de spectacles qui vont du morbide zoo animé le long des plages estivales aux créations frontales qui n'ont plus grand chose à voir avec la poussière de la piste.
Dimanche après-midi à Antony, nous étions donc assis au premier rang, places toujours dangereuses car les éléments ne manquent jamais de vous y éclabousser. Nous fûmes servis, otages, au sens propre, des pirates. Les planches volent, s'amoncellent et s'écroulent constamment jusqu'au finale dont je ne veux pas vous gâcher la surprise. Le travail de Raymond Sarti est particulièrement remarquable tant il semble fait de bric et de broc alors que l'on sait pertinemment que la sécurité est forcément passée par là et que tout cela nécessite une maîtrise absolue, réglée au quart de poil. Les costumes de Fanny Mandonnet, tout aussi bricolés avec le rien qui nous entoure, participent aussi grandement à la réussite du spectacle que nous offrent les acrobates et les jongleurs, renouvelant les numéros traditionnels par leurs pitreries déjantées.

N.B.: si vous ne pouvez vous rendre à Antony mercredi (15h), vendredi ou samedi (20h) ou dimanche (16h) de cette semaine, la tournée de la Compagnie Pré-O-C-Coupé passera par La-Seyne-sur-Mer et Marseille avant de revenir à La Villette du 17 au 28 avril 2013.

mardi 8 mai 2012

L'humain d'abord à L'Épée de Bois


La même force émane de la pièce Illuminations d'Ahmed Madani et de l'installation Terres arbitraires de Nicolas Clauss, le portrait des hommes présents sur la scène et sur les écrans. De jeunes hommes issus de l'immigration, des hommes qui transpirent d'humanité, des hommes qui tombent le masque. Ce masque n'est pas le leur, mais celui que la société défaillante leur a collé sur le visage. Sans fard, Clauss et Madani font craquer les préjugés. En les regardant bouger sur scène, en scrutant leurs sourires projetés en grand, j'ai pensé aux sourires radieux des Haoukas à la fin des Maîtres fous de Jean Rouch. Le succès tient au réel. Le réel envahit les écrans de Terres arbitraires sous la direction du plasticien, il conquiert à son tour la performance-spectacle qui se joue au Théâtre de l'Épée de Bois jusqu'au 3 juin (Cartoucherie de Vincennes, sauf le lundi).


S'inspirant de l'installation vidéo immersive de Nicolas Clauss, le metteur en scène Ahmed Madani a écrit la pièce pour dix jeunes hommes du Val Fourré à Mantes-la-Jolie. Ils se nomment Boumes, Abdérahim Boutrassi, Yassine Chati, Abdelghani El Barroud, Mohamed El Ghazi, Kalifa Konate, Eric Kun-Mogne, Romain Roy, Issam Rachyq-Ahrad, Hassan Elbaz. Lorsque l'un d'eux confesse qu'il a la chance de ne pas ressembler à un Arabe ou à un Noir, il s'excuserait presque d'échapper au délit de faciès. Ce ne sont pas des comédiens amateurs, mais des habitants des tours qui se prêtent au jeu. La salle tombe sous le charme. Fondamentalement brechtien, le théâtre épique de Madani interroge les faux-semblants, tord le cou aux idées reçues et nous oblige à réfléchir autant à la vie qu'au théâtre. Le quasi anonymat de tous ces Lakhdar crée la distance nécessaire pour faire exister les hommes derrière les acteurs. La scénographie rappelle l'accumulation des moniteurs vidéo et les grands écrans de Terres arbitraires. On entre en effet d'abord dans une exposition, un quart d'heure d'introduction que l'on peut d'ailleurs admirer sans compter tous les après-midis de 14h à 18h (entrée libre).


Le soir, le spectacle commence dès que l'on a déchiré votre billet, mais vous n'en savez encore rien. Tout participe à la mise en condition, musique, lumière, énergie débordante des garçons qui jouent leur propre rôle. Un pan d'histoire de l'Algérie et de la France se déplie. Les citations, exploitées sèchement, font parfois verser le pathos dans la comédie musicale. La chorégraphie fait exister l'ombre et les flammes. S'il est un spectacle d'actualité, le voici ! Retour d'un théâtre du sens et du bon sens, utilisation intelligente et sensible des nouvelles technologies, et surtout "L'humain d'abord !"

Photos 1/2 © François-Louis Athénas - Photo 3 © Nicolas Clauss

lundi 12 mars 2012

L'Afrique du Sud pour tous


Il y a trois semaines j'évoquais Dominique Lentin dans l'un des chapitres de mon nouveau roman. Surprise d'entendre sa voix au téléphone après tant d'années. La dernière fois, les circonstances étaient terriblement tristes puisqu'il s'agissait de la cérémonie funéraire de son frère Jean-Pierre. Auparavant, il fallait remonter au tout début des années 70 lorsqu'il était le batteur de Dagon et que je faisais le zouave avec eux à la Fac Dauphine lors d'un concert mémorable où Dominique lançait au public des quartiers de viande sortis d'une bassine dans laquelle il avait mariné. J'ai néanmoins toujours suivi ses activités musicales depuis son départ pour le sud au siècle dernier.
À l'entrée du Tarmac, situé à l'endroit de l'ancien T.E.P. dans le XXe arrondissement de Paris et dédié aux cultures francophones comme avant son déménagement de La Villette, je retrouve l'ami Michel Musseau dont la dernière rencontre remonte également à la cérémonie du Père Lachaise, il y a deux ans jour pour jour. Heureusement, nos retrouvailles sont aujourd'hui sous un jour beaucoup plus souriant, puisque nous sommes venus assister au spectacle Ster City dont Dominique Lentin joue la musique en direct, savant et délicat travail aux percussions, échantilloneur et petits objets sonores. La pièce de théâtre, qu'on dira musical tant le rythme et le lyrisme y sont déterminants, mise en scène par Jean-Pierre Delore, bénéficie de l'interprétation exceptionnelle de deux acteurs sud-africains, Lindiwise Matshikiza et Nicholas Welch, à la fois drôles, profonds et monstrueusement pêchus !
Ster City me rappelle avec une étonnante acuité mes impressions de Johannesburg lorsque j'y séjournai en 1993 et 1995, la première fois avant Mandela pour le film Idir et Johnny Clegg a capella, la seconde après son intronisation pour célébrer en ciné-concert le Centenaire du Cinématographe avec Michèle Buirette et Bernard Vitet. C'est justement dans le complexe multisalles en ruines de Ster City que Delore a imaginé ce spectacle formidable conçu pour un public à partir de 10 ans. C'est bon, on les a ! Les deux clowns modernes nous font partager une vision critique de leur pays en un kaléidoscope de scènes tranchantes où l'humour de la langue joue sur tous les tons. Si la majeure partie est en français ar-ti-cu-lé, nous avons le plaisir d'entendre rapper du verlan zoulou ainsi que du xhosa, de l'anglais et de l'afrikaans. Toute la culture sud-africaine nous est servie sur le plateau, à grand renfort d'art brut et de technologie parfaitement maîtrisée, et surtout justifiée par son propos, un théâtre swing d'où l'on ressort en ayant appris une foule de choses tout en se marrant bien et en s'étant laissés porter par la musique du trio.
Ster City se joue jusqu'au 17 mars. Ensuite la même équipe est augmentée de Xavier Garcia, Yoko Higashi, Assucena Manjate, Simone Mazzer, Alexandre Meyer, Frédéric Minière, Dieudonné Niangouna, Isabelle Vellay, Guy Villerd pour le spectacle Sans doute, les 23 et 24 mars, oratorio-concert hard-barock.

jeudi 9 février 2012

Le piment le plus fort du monde et les trois Parques


Défi insensé, l'amateur de piment ne semble pas avoir de limite. Les cuisiniers botanistes tentent de le détromper, mais les parfums exhalés par ce renforçateur de goût excitent le palais, les lèvres et bien d'autres muqueuses. Il faut savoir être patient. Sacha m'a offert un petit sachet de Naga Jolokia indien trouvé à L'épicerie de Bruno sur lequel est imprimé en rouge "Très fort, manier avec précaution, utiliser des gants, pas de contact avec les yeux ou la muqueuse. Ne pas laisser à portée des enfants." Tandis que je recopie ce qui est écrit en noir, les effluves me chatouillent le nez : "Le piment le plus fort du monde... Quatre fois plus fort qu'un piment Habanero ! Pour réveiller n'importe quelle sauce (il suffit de tremper un piment...). Ne pas manger sauf consommateur de piment fort aguerri..." Mais déjà le Naga Viper l'a détrôné avec 1 359 000 unités Scoville, ce qui signifie qu’il faut le diluer dans 1 359 000 fois son volume d’eau sucrée pour ne plus ressentir le piquant. À titre indicatif, un Japaleño mexicain est coté maximum 5 000 unités, un Cayenne 50 000, un Habanero (ce sont les lampions que l'on trouve chez les Antillais ou les Chinois) maximum 300 000.
Je dois être blindé. Mon armoire à épices doit en recéler une trentaine de variétés différentes, en poudre, en sauce ou tels quels. J'avais croqué un petit bout de Naga Jolokia sans séquelle, mais quelques copeaux dans la soupe ont révélé sa puissance explosive. Ouiiiiii, il faut savoir être patient. Comme lors de cette soirée au Tempo Doeloe, réputé comme le meilleur indonésien d'Amsterdam, où l'avant-dernier des vingt-cinq plats de notre Rijsttafel Istemewa, du plus doux au plus épicé, avait semblé sévère, quand le dernier fut fatal, nous donnant envie d'être téléportés illico de l'autre côté de la vitre, dans le vent glacial qui soufflait dehors.
Aimer les sensations fortes revient à rechercher les changements de repères. En cas d'excès, on peut tenter la noix de coco râpée, le quartier d'orange, ou truc appris en Guadeloupe, se frotter les lèvres avec ses cheveux. Pour les chauves, faites-vous en d'avoir raté la nouvelle pièce de Jacques Rebotier qui se joue jusqu'au 12 février aux Amandiers de Nanterre.


On atteint là les 2 millions d'unités Scoville. Les 3 Parques m'attendent dans le parking est un feu d'artifice(s,) d'intelligence et d'humour, la vie qui file et c'est coton, la crise au tamis de la musique, les mots aux sévices du jeu, le jeu au service démo, derrière les masques c'est nous qui sommes en somme bêtes de somme à roupiller quand le temps file, la télé galonnée en prend pour son grade et nous plein la pomme, les trois formidables comédiennes digressent, zappent et nous vengent de toutes les pièces où l'on s'emmerde et des enfumages de ceux qui nous gouvernent, ça marche comme sur des roulettes, garanti 100% sans naphtaline, les mythes dévorent le réel, on nage dans l'actualité, alors faut y aller d'ici dimanche, après c'est foutu ou faudra suivre ce fil de Minotaure en province...

mercredi 28 décembre 2011

Putain


"Je n'ai pas l'habitude de m'adresser aux autres quand je parle, voilà pourquoi il n'y a rien qui puisse m'arrêter, d'ailleurs que puis-je vous dire sans vous affoler..." La pièce de théâtre Fille du Paradis, mise en scène par Ahmed Madani, commence par les mêmes mots que Putain, le roman de Nelly Arcan, qu'il a adapté en le dépeçant de tout ce qui pouvait paraître anecdotique pour n'en conserver que la charge la plus virulente, qu'on dira politique. Dès ces premiers mots je suis retourné par le jeu de Véronique Sacri. Si j'ai souvent du mal à me laisser emporter au théâtre, contrairement au cinéma, je dois me répéter que ce n'est pas la vraie Cynthia, mais une comédienne qui s'adresse à nous, seule avec pour seuls accessoires une chaise et un verre d'eau. Son sourire séducteur de connivence ne durera pas, l'enfer reprendra le dessus, brutale réalité qui va chercher dans les profondeurs d'une âme meurtrie, celle d'une femme qui ne peut souffrir de se reconnaître dans toutes les autres. Dieu et Freud ne seront d'aucune aide à cette jeune étudiante devenue escorte, call-girl, prostituée de luxe, comme on voudra l'appeler, qui porte la croix du fantasme de la femme parfaite, rêvée par les hommes comme par les femmes. S'ils en prennent pour leur grade, avec raison, sont-elles elles-mêmes responsables de leur propre sacrifice ? Le texte est bouleversant, la comédienne (dont le nom semble prédestiné au rôle) est exceptionnelle, la mise en scène aveuglante de sobriété, noir et blanc, noirceur du propos, intelligence lumineuse, schizophrénie de jour et nuit. La charge politique est d'autant plus forte avec l'actualité des affaires DSK et Carlton, mais la foudroyante analyse de mœurs est hélas intemporelle. Putain fut le premier de cinq romans fulgurants qui n'éviteront pas à son auteur le suicide par pendaison à 36 ans. Plus autofiction que roman autobiographique, il s'ajuste parfaitement à la scène. La pièce se joue les lundis et mardis à 21h30 au Théâtre de l'Essaïon à Paris jusqu'au 17 janvier.

Ahmed Madani a toujours choisi des œuvres qui traitent du monde d'aujourd'hui. Ces dernières années il s'est centré sur les questions propres aux femmes et à leur oppression. Nous nous étions rencontrés en 1989 pour monter J'accuse, adaptation d'Émile Zola initiée par Un Drame Musical Instantané avec Richard Bohringer, la chanteuse Dominique Fonfrède, notre trio infernal et un orchestre d'harmonie de soixante-dix musiciens. Grâce à lui, qui en assurait la mise en scène, j'avais fait la connaissance du scénographe Raymond Sarti qui deviendra l'un de mes amis les plus proches et avec qui je collaborerai souvent. Il avait construit un décor démentiel en s'appuyant sur l'une des tours du Val Fourré à Mantes-la-Jolie qu'il avait intégralement repeinte. L'immeuble sera plus tard détruit avant que la réalisatrice Dominique Cabrera y tourne Chronique d'une banlieue ordinaire. Tout se croise et se recoupe. Je composai la musique de ce film en 1992. Raymond Sarti ne cessa jamais de travailler avec les uns et les autres, il est le conseiller pour la scénographie de Fille du Paradis. Ahmed Madani a toujours l'œil brillant de celui qui vient de jouer un bon tour. Sa dernière pièce est méchante comme seuls les gentils savent en concocter.

lundi 10 octobre 2011

Débrayage ou L'augmentation ?


Je me souviens du rire à s'en étrangler de Georges Perec lisant à haute-voix un texte de Bobby Lapointe à la radio. Il aurait certainement été plié en deux à la mise en scène de L'augmentation qu'Anne-Laure Liégeois présente au Théâtre du Rond-Point à Paris. Je me souviens aussi de Sami Frey sur son vélo, mais la pièce de ce soir appartient à la veine plus caustique, moins nostalgique, de son auteur. Deux acteurs fantastiques, Anne Girouard et Olivier Dutilloy récitent mécaniquement « Ayant mûrement réfléchi ayant pris votre courage à deux mains vous vous décidez à aller trouver votre chef de service pour lui demander une augmentation...». La salle rit jaune. Vont-ils débiter ainsi leurs phrases en boucle ? La fantaisie critique d'Anne-Laure Liégeois est aussi huilée que la mécanique imperturbable du rouleau-compresseur de Perec. J'ai tellement ri que j'en ai oublié la dureté des bancs de la petite salle.


Trois heures plus tôt, nous assistions à Débrayage de Rémi de Vos, une autre mise en scène d'Anne-Laure Liégeois dans cette même salle avec les mêmes acteurs augmentés (façon de parler, quand vous aurez vu la précédente) de François Rabette, tout aussi remarquable. Les temps ont changé. En 1968 le pauvre salarié exploité rêvait d'une augmentation, aujourd'hui il est à la recherche d'un emploi ou risque de se faire virer. Devant le décor déprimant des alpages collés sur le mur du couloir, les trois comédiens affublés de diverses perruques interprètent chacun plusieurs rôles si pitoyables qu'ils en deviennent hilarants. Je me souviens d'Alec Guiness dans Noblesse Oblige, sauf qu'ici c'est Misère Oblige. Le monde du travail inspire Anne-Laure Liégeois, qui prépare d'ailleurs une troisième pièce sur le sujet, qu'elle traite chaque fois incisivement, malgré la tendresse pour ses personnages bafoués par la hiérarchie et l'exploitation dont ils sont victimes.


Supposons que vous hésitiez entre l'adaptation fidèle (dans les limites du texte), mais explosive dans sa mise en scène, de L’Art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation (article de Christine Marcandier avec l'organigramme du texte !) et les quatre extraits et un inédit de Débrayage. Ou bien vous y êtes, ou bien vous n'y êtes pas. Si vous y êtes, enchaînez les deux, De Vos à 18h30, Perec à 21h (2 petites vidéos en ligne), "les deux peuvent être vus le même soir", je dirais même plus, l'ensemble fait sens et la montée en puissance est d'autant plus jouissive.

Illustration de Stéphane Trapier et photos de Christophe Raynaud de Lage.