Si vous voulez être éblouis, passez à la Galerie Signatures, 70 rue Jean-Pierre Timbaud à Paris, admirer les photographies aussi merveilleuses qu'incroyables de Michel Séméniako (uniquement sur rendez-vous du mardi au samedi jusqu'au 31 mai, en appelant au 0148075862 pour vous assurer qu'il y a quelqu'un pour vous ouvrir ! Ou en réservant par mail à contact@signatures-photographies.com). Michel Séméniako sera présent samedi 25 mai de 15h à 19h, là pas besoin de prévenir !
J'ai commencé à travailler avec lui et sa compagne, Marie-Jésus Diaz, également photographe épatante, lorsque j'étais très jeune, en 1975, et c'est autour de ses photos que s'est organisé notre CD de chansons doublé d'un CD-Rom Carton en 1997. La chanson L'ectoplasme, qui y figure, est dédiée à ses photographies de fantôme nyctalope.
En 2007 Michel Séméniako publia Lucioles, lettres d’amour des mouches à feu, un travail magique sur ces coléoptères mystérieux et voraces dont la parade sexuelle est lumineuse. Pour mon soixantième anniversaire le photographe de la nuit en avait fait encadrer un magnifique tirage. Sur la photo les étoiles qui leur font miroir perforent le ciel du Piémont. Fasciné, je me colle devant et je ferme les yeux pour m'imprégner de ces deux nuées qui interrogent tant notre humanité que son insignifiance.


Il représente une pause d'environ un quart d'heure lors d'une nuit italienne. On peut le constater à la traînée de lumière laissée par les étoiles. Il est amusant de noter que mes visiteurs imaginent que cette photographie est un tableau tandis que celles ou ceux (doit-on écrire cielles ou ciels ?) qui ouvrent mon dernier CD, Pique-nique au labo 3, pensent que le tableau de mc gayffier, qui en a réalisé à son tour la pochette, est une photographie.


L'intérieur est en effet le détail d'un de ses tableaux. Lucioles est une huile et impression sur panneau de 60x70cm, d'après une photo de l'Américaine Lora Webb Nicols (1883-1962). L'idée des lucioles (lampyridae) lui serait-elle venue du Tombeau des lucioles, l'époustouflant film d'animation d'Isao Takahata ? Une bombe incendiaire était tombée sur le ville de Kōbe. Deux enfants y sont livrés à eux-mêmes. Métaphore de notre monde moderne où nos enfants luttent contre la désintégration de notre planète en se soulevant de la Terre ? Et bien non, c'est Pier Paolo Pasolini qui s'y colle ! mc gayffier rend là hommage à Pasolini (1922-1975) dont l'article sur les lucioles fut publié dans le journal Corriere della Sierra du 1er février 1975 (il sera assassiné dans la nuit du 1ᵉʳ au 2 novembre) sous le titre Il vuoto del potere in Italia (Le vide du pouvoir en Italie), repris dans son livre Écrits corsaires, et analysé par Georges Didi-Huberman dans Survivance des lucioles aux Éditions de Minuit en 2009 !


Pour les photographies de Michel Séméniako, c'est une autre histoire. Les créatures lui avaient fait la vue dure lors d'un tournage près de Saluzzo, laissant des traînées sur ses images de la petite cité médiévale italienne. Lui auraient-elles susurré l'idée lumineuse de revenir rien que pour elles ? Ainsi les traînées devinrent des fées aux gestes de ballerines. À la galerie Signatures, les grands tirages sont accompagnés de très beaux textes de Max-Henri de Larminat. Au sous-sol, les lampes ultra-violet font ressortir la luminosité des lucioles que le photographe a exceptionnellement repeintes une à une avec de la peinture fluorescente ! Ailleurs, elles s'en sont chargées toutes seules.
Allez-y, on y retrouve la magie de l'enfance, des rêves dans le noir, une manière de répondre à l'extinction !