70 Expositions - janvier 2024 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 22 janvier 2024

D'ange en danger


Il y a quelque temps j'ai raté une marche en descendant l'escalier. Trois heures du matin. N'ayant pas allumé la lumière, j'ai cru être arrivé, mais non. Et j'ai volé. L'atterrissage s'est passé sans mal, sur les avant-bras qui doivent être solides. Mais j'ai volé, sensation exceptionnelle, dilatation du temps, rêve à moitié réveillé. Ce saut de l'ange m'a rappelé un petit article du 2 avril 2012 à propos d'une affiche collée sur le mur du second étage (et le poème de Jean Cocteau, L'ange Heurtebise)...



D'ange en danger il n'y a que l'air. En équilibre sur le mur de l'escalier, celui-ci s'emberlificotera-t-il les pinceaux ? Dévalera-t-il les deux étages sans pouvoir se rattraper ? Bourré de bonnes intentions, ivre peut-être [...] ? [...] Pendant ce temps notre ange se sera fait la malle sans se faire mal. On l'aura vu se promener sur les quais, toujours aussi maladroit. Il n'y est déjà plus, même si la photo fait foi, deux fois même, c'est certain. Il sera rentré au bercail...


C'est un garçon, clament des amis prêts à gentiment se chamailler pour un oui, pour un nom difficile à trouver. On n'accouche pas d'un ange tous les jours. Il faut savoir savourer son plaisir. S'accorder. Ella et Pitr mettent tout le monde d'accord. Malins. Ah ce que c'est beau, l'amour !

mardi 2 janvier 2024

Iris van Herpen, le passé mis au futur


La vie des profondeurs, L'eau et les rêves, Les forces du vivant, Le squelette incarné, La dynamique des structures, Synesthésie, Atelier alchimique, Mythologie ténébreuse, Nouvelle nature, Voyage cosmique. Ce sont les dix stations de l'exposition Iris van Herpen Sculpting The Senses. Pionnière dans l’usage des nouvelles technologies en matière de haute-couture, la créatrice hollandaise y présente une sélection de plus de 100 pièces dialoguant avec des œuvres d’art contemporain, telles que celles de Philip Beesley, du Collectif Mé, Wim Delvoye, Rogan Brown, Kate MccGwire, Damien Jalet, Kohei Nawa, Casey Curran, Jacques Rougerie, Marinette Cueco, ainsi que des créations de design de Neri Oxman, Ren Ri, Ferruccio Laviani et Tomáš Libertíny, et des pièces provenant des sciences naturelles comme des coraux ou des fossiles créant une résonance unique avec des pièces historiques.
J'ai évidemment reconnu les planches de Ernst Haeckel qui avaient inspiré Sonia Cruchon pour Aksak Tripalium, huitième épisode de mon film Perspectives du XXIIe siècle, et retrouvé mon goût pour les pop-ups ! Le travail alchimique d'Iris van Herpen a bien un pied dans le passé (les arabesques du style Art Nouveau, le Ballet triadique d'Oskar Schlemmer ou des costumes de films muets d'anticipation comme Aelita ou Metropolis m'ont semblé souvent encore plus évidents que les nombreuses références revendiquées), un autre dans le futur (par les techniques employées : découpe au laser, plastique recyclé, fèves de cacao imprimées en 3D, intelligence artificielle, coquillages broyés, etc.). Trois espaces viennent compléter le parcours : une évocation de l’atelier d’Iris van Herpen, un cabinet de curiosités présentant chaussures, masques et éléments de coiffures en regard d’éléments des sciences naturelles et de vidéos et une salle où sont projetées des vidéos des défilés de la créatrice. J'ai pourtant trouvé l'ensemble un peu figé (peut-être ajouter quelques ventilateurs !) en regard de la mobilité des œuvres de cette créatrice qu'il serait plus juste d'assimiler à une sculptrice.


La scénographie de l'atelier de Nathalie Crinière colle bien aux effets de matière organique des robes. La composition sonore créée par Salvador Breed, qui pour la dernière salle a collaboré avec Machinedrum, Gwyneth Wentink, Thijs de Vlieger, Yarck, Marteen Vos, Casimir Geelhoed et Nick Verstand, tous ayant préalablement travaillé avec Iris van Herpen, épouse chaque salle avec délicatesse et intelligence, utilisant le silence et la spatialisation pour ne pas figer le décor sonore. Les couleurs de ce "voyage cosmique" (photo 1) m'ont étonnamment fait penser au Château de Barbe-Bleue de Bartók mis en scène par Michael Powell que j'ai chroniqué récemment dans cette colonne. En revendiquant, par son titre, de "sculpter les sens", l'exposition souligne bien que, au delà des matières, la fiction narrative alimente l'imaginaire de la créatrice.

Exposition Iris van Herpen Sculpting The Senses, Musée des Arts Décoratifs, jusqu'au 28 avril 2024