Ce que je peux être naïf ! J'ai cru. Ne vous méprenez pas, l'image est trompeuse. Je n'ai pas été victime d'une crise de foi. Mais je suis cuit et archi cuit. Pensant m'endormir sur mes lauriers pour respirer ne serait-ce qu'une journée, j'ai été rattrapé par ma réputation. Le téléphone a sonné alors que je trônais au dessus de mes affaires courantes. Un nouveau pari impossible à relever et me voilà déjà sur les rails. Valéry a seulement dit : "Est-ce qu'on peut passer te voir ?" J'ai répondu que je serai là toute la semaine. Il a alors précisé : "Tout de suite, disons vers 16h ?" Cela me donnait tout juste le temps de me reculotter et de me raser. Et j'ai plongé. Vernissage début novembre, vingt-huit séquences d'une minute maximum, "ambient music" pour un paravent de verre en installation permanente dans une galerie très réverbérante, du cousu main à l'arrache parce que je n'aurai le montage lumière que cinq jours avant la première. Si ce n'était Valéry et Sonia, j'aurais les foies, mais je sais que je serai épaulé. Stop. Je me donne une journée pour butiner deux trois trucs qui s'accumulent sur ma pile. Stop. Cette fois, c'est un mail d'Antoine qui sonne le glas de mes illusions de vacances : trois événements lagomorphes à budgétiser pour un triptyque Paris-Londres-Berlin avant la fin de l'année. Comment résister ? Le film de Pierre-Oscar est repoussé à 2010 et je saurai parfaitement m'organiser avec Nicolas pour la websérie que je n'entamerai pas avant une dizaine de jours... Devant l'ampleur de la tâche, je suis déjà lessivé. C'est idiot. Il suffit que je ne fasse rien aujourd'hui et demain je serai propre comme un sous-homme neuf. Vite fait bien fait je résume la pile que j'ai devant les yeux. Si c'est ce que j'appelle me reposer...
Dieu en personne met définitivement Marc-Antoine Mathieu au rang d'un Francis Masse. Sa nouvelle bande dessinée est drôle, impertinente, critique. Dans un autre registre, l'entretien que Daniel Yvinec a accordé à Stéphane Ollivier dans Jazz Magazine remet les pendules à l'heure quant aux persiflages dont il fut l'objet depuis qu'il a pris la direction de l'Orchestre National de Jazz. C'est toujours agréable de lire des propos intelligents dans la bouche d'un musicien ! Ceux de Robert Wyatt dont il a adapté les chansons et qui lui font suite sont tout aussi enthousiasmants, d'autant qu'ils ne sont qu'un avant-goût du corpus plus consistant à paraître fin octobre sous la plume de Philippe Thieyre aux Éditions des Accords. Plonk & Replonk, les collages humoristiques du suisse provoquent alternativement l'atermoiement et le franc éclat de rire, ce qui me fait le plus grand bien. J'ai écouté enfin d'une oreille distraite le dernier album de M, toujours à la hauteur de nos espérances quant au mariage de la chanson française et du rock. Mister Mystère est doublé d'une mise en clips de la quinzaine de titres tournés et réalisés par l'auteur avec sa sœur Émilie. Auteur de plusieurs des textes de M, Brigitte Fontaine sort également Prohibition qui ravira les inconditionnels, mais frustrera un peu ceux qui la suivent depuis ses premiers pas. Très rock et homogène, l'album a une pêche d'enfer, mais les compositions d'Areski sentent le réchauffé. Les textes sont quant à eux puissants, à la hauteur de nos rêves d'anarchie, faisant parfois penser à Léo Ferré. La voix, un peu essoufflée, donne d'autant plus d'urgence à l'entreprise détonnante. Dans mon for intérieur, j'oscille entre la lecture de 4 groupes sanguins, 4 régimes et la tentation du chrono-régime en me demandant si je ne vais pas composer un mix pondéral des deux, histoire d'être à même de danser bientôt sur ces rythmes endiablés...
J'ai gardé le meilleur pour la fin. L'insurrection qui vient du Comité invisible, attribué un temps à Julien Coupat, est une œuvre fulgurante, un brûlot politique d'une force poétique à laquelle je ne m'attendais pas. Il y a du Rimbaud et du Noir Désir chez ces jeunes qui ont soupé de la société du spectacle. C'est bien écrit, précis, incontournable. Ces Communards des Temps Modernes ont écrit le Manifeste de notre époque. On comprend mieux pourquoi le pouvoir s'est acharné sur celles et ceux qu'il soupçonnait de l'avoir écrit. Ça vous met la tête à l'envers. Leur rage est communicative. S'il est coutume d'écouter souvent les chansons qui nous envoûtent, je n'ai pas fini de le relire.