70 Musique - juillet 2012 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 30 juillet 2012

Brassens orchestré par Vannier


Formidable ! Il faut parfois savoir attendre. En 1993, tandis qu'il enregistrait avec nous l'album de chansons pour enfants Crasse-Tignasse, Michel Musseau m'avait parlé de son admiration pour le disque de Jean-Claude Vannier orchestrant les chansons de Georges Brassens. Ses mélodies n'étant pas ce qui me semblait le plus remarquable chez le poète j'avais quelques doutes, mais Musseau avait tant insisté que j'avais fini par le croire, d'autant que j'avais toujours été un fan du travail de Vannier, pas seulement pour Gainsbourg et leur Melody Nelson, mais aussi pour Brigitte Fontaine, Claude Nougaro et bien d'autres. L'année suivante, avec Bernard Vitet nous étions d'ailleurs allés lui faire écouter les maquettes de Carton pour avoir son avis sur nos chansons peu ordinaires. Vannier avait, paraît-il, beaucoup apprécié, mais il nous avait plutôt démoralisé sur le potentiel commercial de notre démarche ! Nous ne nous étions pas démontés et avions continué notre aventure dont la suite ne lui donna pas vraiment tort, bien que nous n'eûmes jamais à regretter ce dont notre imagination avait accouché. Les nombreuses chansons écrites avec Bernard Vitet sont avec les instantanés du Drame et nos pièces orchestrales ce dont encore aujourd'hui je suis le plus fier.
En me promenant dans les allées virtuelles je découvre que l'album épuisé L'orchestre de Jean-Claude Vannier interprète les musiques de Georges Brassens a récemment été réédité pour 6,99€. Que soit loué le camarade Michel Musseau dont j'ai toujours adoré l'humour critique et la précision musicale ! L'album commandé en 1974 par le patron de Philips pour commémorer les vingt ans d'activité de Georges Brassens, est à la hauteur de nos espérances. Certainement l'une des œuvres les plus réussies de Jean-Claude Vannier, elle respire la liberté inventive de l'autodidacte et l'intelligence de l'arrangeur tout en mettant en valeur les compositions de Brassens que j'ai longtemps cru monotones. Utilisant quantité d'instruments rares, flexatones, piano-jouets, clavier de cloches, mais aussi fanfare d'inspiration catalane, clavecin, limonaire, percussion ou cordes à la Carl Stalling, il fait preuve d'une créativité exceptionnelle et d'un humour décapant reléguant la variété instrumentale aux pires ringardises et les fantaisies de Pascal Comelade à de timides tentatives. On regrette seulement qu'aucun musicien de cet orchestre impossible ne soit cité sur la pochette, d'autant que s'y succèdent d'étonnants solistes. Je ressens le même enthousiasme qu'à la découverte des versions orchestrales de Let My Children Hear Music de Charlie Mingus arrangées par Sy Johnson, Alan Raph et le maître en personne. On se délectera donc de ces versions épatantes de Chanson pour l'Auvergnat, Les Sabots d'Hélène, Les Amoureux des bancs publics, Stances à un cambrioleur, Le 22 septembre, La Mauvaise réputation, Les Copains d'abord, Je me suis fait tout petit, Supplique pour être enterré à la plage de Sète, Jeanne, Les Amours d'antan, Bonhomme.

lundi 9 juillet 2012

La belle équipe


Avant le spectacle de jeudi dernier, Linda Edsjö fait une incantation à la pluie qui menace. Ça marche ! Les hallebardes ne dégringoleront que vers deux heures du matin, lorsque nous aurons rangé le marimba, les clarinettes, mes instruments en carton et le matériel électronique qui craignent l'eau. Tuiles : la bâche qui protège la table de mixage contre l'humidité bloque les potentiomètres et le moniteur reste éteint au lieu de reproduire les images projetées. Seule solution : tout contrôler avec le volume du master et se tordre le cou pour surveiller la projection de 9x9 mètres. Gros succès. Olivier Koechlin a pris une photo-souvenir de notre duo. Les anches d'Antonin-Tri Hoang cisèlent les quinze séquences du Prix Découverte qui s'enchaînent sans temps mort...


À côté de lui, je change d'instrument toutes les deux minutes sans me prendre les pieds dans le tapis. Sur mon établi de chirurgien je les ai disposés de façon chronologique et j'ai répété les passages de l'un à l'autre. Entr'acte. Comme c'était prévisible Elliott Erwitt commente ses photographies avec un trait d'humour sur chacune. Linda structure le temps et l'espace avec ses claviers de percussion, tandis qu'Antonin et moi venons de temps en temps en renfort avec la clarinette et le sax, la flûte et la trompette. Très présents, le marimba et le vibraphone n'empêchent jamais la compréhension du texte tout en suggérant des humeurs tendres, graves ou comiques.


Lorsque nous terminons de ranger, le public a disparu de l'amphithéâtre antique. Drôle de sensation d'espérer nous en être bien sortis quand les compliments attendront le lendemain. La musique en direct donne du relief à l'ensemble des Soirées. À l'avenir j'aimerais pouvoir tout sonoriser ainsi, avec des improvisateurs aussi zélés, capables de rattraper n'importe quelle situation. Tout est évidemment préparé pour pouvoir jouer ensuite confortablement, quels que soient les aléas du live.


Les trois réalisateurs, François Girard dit Gila, Valéry Faidherbe et Olivier Koechlin (au centre) qui dirige l'équipe de Coïncidence ont bien mérité leurs bières, commandées tard dans la nuit Place du Forum. Linda, Antonin et moi rencontrons enfin Elliott Erwitt avec qui nous avons joué sans aucune concertation préalable. Il est plus de quatre heures du matin lorsque je m'endors.

jeudi 5 juillet 2012

Musique pour le Prix Découverte et Elliott Erwitt


Catalina nous a surpris en train de dévaler la rue des arènes sur les fesses sans user nos fonds de pantalons ! Le duo avec Antonin-Tri Hoang illustre ici l'annonce de la troisième soirée au Théâtre Antique. Le célèbre photographe Elliott Erwitt présentera son œuvre seul en scène avec la percussionniste suédoise Linda Edsjö.

Antonin et moi la rejoindrons probablement, après avoir accompagné les cinq nominateurs du Prix Découverte des Rencontres d'Arles, soit quinze séquences de deux minutes, un exercice de haute-voltige consistant à annoncer la couleur en quelques secondes, à changer d'ambiance pour chacun des quinze lauréats, et ce en moins d'une minute de musique ! Les nominateurs sont Phillip S. Block, directeur des programmes et de l’éducation à l’International Center of Photography à New York, John Fleetwood, directeur du Market Photo Workshop, école et galerie d’art à Johannesburg, Tadashi Ono, directeur de la section de photographie et art contemporain au sein de la Kyoto University of Art and Design, lui-même diplômé de l’ENSP, Jyrki Parantainen, professeur de photographie contemporaine à la Aalto University, School of Arts, Design and Architecture à Helsinki et Olivier Richon, professeur de photographie au Royal College of Art à Londres. Rien que ça ! Mais le gagnant est désigné par un public de professionnels. Et Antonin de souffler dans ces trois vents, sax alto, clarinette et clarinette basse, tandis que je joue à saute-instruments entre acoustique - flûte, trompette à anche, percussion, guimbardes, boîte à musique - et électronique - Tenori-on, Kaossilator, Crackle Box plus l'iPad... Pour une fois mes tendances de zappeur fou se justifient !

Auparavant, avec Gila, j'aurai illustré le Prix EPA, European Publishers Award, pour lequel cinq éditeurs européens, Actes Sud (France), Dewi Lewis Publishing (Royaume-Uni), Peliti Associati (Italie), Kehrer Verlag (Allemagne) et Apeiron (Grèce), s’unissent autour d’un projet de publication. Pour les Soirées, l'équipe de Coïncidence est composé de deux autres réalisateurs, Olivier Koechlin et Valéry Faidherbe, qui s'octroient chacun la responsabilité des montages photographiques et de leur projection géante. Si Valéry avait monté Magnum mardi soir, hier c'était au tour d'Olivier de rythmer les images sur la symphonie que j'ai composée pour le Prix Pictet dont le thème est cette année Power, la puissance ! En regardant les images j'ai plus souvent pensé à Power of Destruction... Céline Le Guyader fait la navette entre tous ces bonshommes tandis que Manuel Braun chapeaute la Nuit de l'Année sur les Quais de Trinquetaille demain soir.


Nous n'en sommes pas encore là. La semaine en Arles est toujours une course d'obstacles que nous franchissons chaque fois avec succès, mais parfois dans des affres terribles où les courses de vitesse rivalisent avec les marathons. Fidèle à la coutume, Gila a projeté la mozaïque d'images d'Erwitt sur Linda Edsjö et moi pour immortaliser notre passage dans le studio improvisé de l'ENS. Ce soir, si Linda joue du marimba, du vibraphone et des percussions avec le facétieux Elliott Erwitt, on peut dire qu'elle joue aussi sur du velours. Comme le photographe aboie aux chiens et se promène dans la ville avec une trompe d'auto fixée à sa cane, rien d'étonnant à ce que son double antinomique André S.Solidor ouvre la bal !

mardi 3 juillet 2012

Magnum, leur première fois


Eh non, ce ne sont pas des photos de l'un ou l'une des dix-neuf photographes qui présenteront ce soir Leur première fois sur l'écran de 9 x 9 mètres du Théâtre Antique ! On n'entendra pas ici non plus le piano préparé d'Ève Risser qui les accompagnera dans ce tour de force initié par les Rencontres de la Photographie. Pour voir et écouter il faudra se rendre en Arles où le spectacle se déroulera sous les étoiles. Les photographes de la coopération Magnum Photos viennent, en écho aux trente ans de l’ENSP, parler de leurs premiers pas en photographie. Se succéderont ainsi Bruno Barbey, David Alan Harvey, Richard Kalvar, Abbas, Thomas Hoepker, Harry Gruyaert, Eli Reed, Peter Marlow, Susan Meiselas, Larry Towell, Bruce Gilden, Christopher Anderson, Chien-Chi Chang, Paolo Pellegrin, Gueorgui Pinkhassov, Jacob Aue Sobol et quelques absents tels Martine Franck, Olivia Arthur, Alex Webb et évidemment Robert Capa.

À la fin de ce programme haut en couleurs et tapissé de noir et blanc je rejoindrai Ève pour les cartes postales de Looking for America commentées par Alec Soth. Mon instrumentation se résume cette fois à un harmonica, un hochet et le clone d'une guitare jouée à l'archet électrique. En mai 2011, cinq photographes de Magnum – Mikhael Subotzky, Jim Goldberg, Susan Meiselas, Paolo Pellegrin et Soth – plus un auteur, Ginger Strand, font le voyage d'Austin, Texas, à Oakland, Californie, 1750 miles. Cette année, Jim Goldberg et Alessandra Sanguinetti, rejoints par huit autres photographes de l'agence, choisissent Rochester, dans l'état de New York, ville de Kodak et Rank Xerox, comme étalon des États-Unis à quelques mois des élections présidentielles américaines. J'ai sous-titré notre intervention Americana tandis qu'Ève trouve un petit air de Wim Wenders dans notre interprétation. Ce n'est pas la seule évocation des États Unis que j'aurai à traiter d'ici samedi, bien que le thème des Rencontres soient cette année Une école française.

Merci à Gila pour les photos sur lesquelles j'ai découvert après coup que ma comparse faisait le clown pendant que je figeais la pose. Same same, but different.

lundi 2 juillet 2012

Marathon fantôme


Sur fond de vents célestes et de ritournelles au célesta résonnent de drôles de bruits et de voix affolantes. Entre le déménagement à Rennes de Sacha et mon départ pour les Rencontres de la Photographie en Arles nous sommes sur les starting blocks, terminant à l'arrache la première mouture du design sonore de la Famille Fantôme pour le nouveau jeu sur iPad des Éditions Volumiques. Ce n'est pas la première fois que je travaille en binôme avec Sacha Gattino. Nous avions déjà conçu ensemble le design sonore de Balloon, la première appli iPad des Éditions Volumiques, composé la musique d'un teaser pour Chanel, et surtout nous avons monté le trio El Strøm avec la chanteuse danoise Birgitte Lyregaard qui devrait commencer à tourner l'année prochaine.
Nous avons presque tout enregistré au Studio GRRR et Sacha s'est chargé de finaliser les fichiers pour préserver l'unité de l'ensemble. Il a réalisé les boucles musicales tandis que je me chargeais des mélodies aux ondes Martenot. Ma fille Elsa a incarné les personnages féminins comme nous nous étions époumonés nous-mêmes en jouant les fantômes, exercice risqué qui casse facilement la voix si l'on n'y prend garde. Il nous restera à régler les niveaux lorsque tous les sons auront été intégrés et probablement faire quelques retouches. Les animations concoctées par Étienne Mineur et son équipe vont probablement susciter de nouvelles idées. Il est toujours excitant de créer un monde, d'imaginer cet impossible poétique que notre souci de cohérence finit par faire exister.