70 Musique - décembre 2013 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 25 décembre 2013

Nicolas Bras, les tuyaux du luthier


Bernard Vitet aurait adoré rencontrer Nicolas Bras. Ils partagent le même point de vue sur les matériaux utilisables pour fabriquer des instruments de musique et ne rechignent pas à travailler la matière plastique ou à recycler toutes sortes d'objets. Là où Vitet inventait un caddie-vielle à roue qu'il fallait évidemment pousser pour l'actionner, Bras construit des koras avec des cageots ou un clavier de steel-drums avec des boîtes de conserve et des tiges filetées. Et ça sonne ! L'un et l'autre électrifient sans vergogne une contrebasse à tension variable, le célèbre frein Vitet, ou toutes sortes de lyres et de harpes. Mais les tuyaux en PVC leur offrent plus de possibilités qu'aucun autre accessoire plombier...


Nicolas Bras en sort des percussions, des trompes, des flûtes, etc. Et ses flûtes sont simples. Et ses flûtes sont multiples. Il leur colle des rallonges, des bourdons, ajoute des embouchures, des aiguillages... Les accords se superposent. Les mélodies enchantent. J'ai rapporté de son atelier une flûte grave que la longueur d'1,80m l'a obligé à nouer en un enchevêtrement de tuyau coudé ressemblant à une grosse balle de water-polo. Quant à la petite flûte harmonique, elle sonne presqu'aussi bien que la longue transparente en plexiglas que Bernard m'avait construite et que j'utilise depuis trente ans. Nicolas m'a promis pour janvier une clarinette alto à rallonge et bourdon dont l'anche est faite d'un sac en plastique ou d'un gant en latex. Je n'ai jamais entendu aucun instrument à vent avec cette sonorité. Je piétine d'impatience en soufflant gaiement dans mes deux nouveaux jouets. C'est Noël !

mardi 24 décembre 2013

Fin de Party pour l'ONJ d'Yvinec


Samedi dernier l'Orchestre National de Jazz réuni par Daniel Yvinec donnait le dernier concert de son quinquennat à la Ferme du Buisson à Noisiel. Un nouvel ONJ dirigé par Olivier Benoit prendra bientôt le relais. Précédé par trois pièces composées par John Hollenbeck pour Shut Up and Dance, le programme fut particulièrement festif avec des musiciens enjoués sur le thème de The Party, leur nouvel album conçu par Yvinec en collaboration avec le multi-instrumentiste, producteur et arrangeur new-yorkais Michael Leonhart.


Le nouveau répertoire (mais très éphémère au regard du planning) est résolument pop et funky, clin d'œil nostalgique aux années 70 et 80, les synthétiseurs grignotant doucement le terrain pour se fondre à l'orchestre. Le flûtiste Joce Mienniel se partage avec son MS80 analogique, le saxophoniste Matthieu Metzger souffle dans sa vocodeuse SysTalk Box, le saxophoniste-clarinettiste Antonin-Tri Hoang pianote sur son Roland SH101, la pianiste (bien préparée) Ève Risser s'est offert un clavecin électrique Baldwin et Vincent Lafont perpétue naturellement ses virtuosités claviéristes. Ajoutez un power trio formé de Pierre Perchaud à la guitare, Sylvain Daniel à la basse et Yoann Serra à la batterie, plus le ténor véloce de Rémi Dumoulin et la trompette avec ou sans coulisse de Sylvain Bardiau qui se fendra même d'un chorus humoristique à la seule embouchure, et l'orchestre est au complet ! Sur l'album, Leonhart joue, entre autres, de la trompette, et Yvinec y participe physiquement plus que de coutume, complice de son alter ego américain.


On ne coupera heureusement pas à la musique éponyme de Mancini pour le film The Party, et hormis nombre de pièces originales "à la manière de", on a droit à des versions punchy de Requiem pour un con de Gainsbourg et Colombier, Everybody's Got To Learn Sometime de James Warren, Je m'appelle Géraldine de Jean-Claude Vannier, Once In A Lifetime des Talking Heads, Rainy Day / Strawberry Letter de Shuggie Otis. Samedi, rappel de circonstance en clôture, le solo sur un fil de Hoang au sax alto pour la valse des 400 coups composée par Jean Constantin fut particulièrement émouvant. Et Rémy Kolpa Kopoul de sonoriser l'after comme ça lui chante à son tour, alors que les musiciens de l'orchestre se séparent, en route pour de nouvelles aventures... Daniel Yvinec et son orchestre improbable de jeunes virtuoses aux talents protéiformes auront apporté leur pierre à l'édifice en ouvrant le jazz à l'influence de toutes les autres musiques actuelles, pop, rock, électro, tango, contemporain, et même jazz. Alors peu importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse !