Pour le maximaliste que je suis, tout véritable minimalisme est une aubaine. Comme lorsque je passais d'hyperactif à contemplatif le mois d'été en montagne, en pleine nature, loin de toute machine communicante. Depuis que j'ai entendu La Monte Young et Marian Zazeela à la Fondation Maeght en 1970, j'apprécie les grands espaces que ces musiques suggèrent. J'ai malgré tout toujours un peu d'appréhension avec les drones, mais c'est comme pour tous les genres, il existe tout un éventail entre le génial et l'arnaque. Feuilles, composé par le clarinettiste Joris Rühl, n'est pas de la musique de drone ; ce serait plutôt du temps qui passe, une promenade en forêt où l'on prend celui de l'observation, à pas lents, en humant l'humus, branché par les branches, pourquoi pas effeuillé parmi les feuillages puisque nous sommes seul devant cette représentation sonore du paysage. Peut-être avons-nous mangé le même champignon qu'Alice ? Nous enjambons alors les brins d'herbe ou nous nous abritons sous son chapeau...
Pour cette promenade, Joris Rühl a invité un autre clarinettiste, Xavier Charles. Leurs sons multiphoniques sont délicats, sauf à un moment où les stridences sont telles que je dois baisser le volume de l'ampli ! La forêt est parfois menaçante. Il aurait fallu surveiller la météo. Se joignent à eux l'accordéoniste Jonas Kocher et le percussionniste Toma Gouband, donc d'autres anches, battantes cette fois, et des sons organiques : galets, feuillage, peaux, métaux. L'ensemble est si riche qu'il donne envie de refaire un tour aussitôt revenu à son point de départ, chez moi le murmure de la ville parce qu'il fait encore chaud et que j'ai laissé porte et fenêtres ouvertes.


Quatre parties, ni spécifiées ni indexées sur le CD : Marée, Battue, Entropie, Monnaie de pape et savonnier...

→ Joris Rühl, Feuilles, CD Umlaut, 12€, sortie le 29 septembre 2023