Mercredi midi Hélène Breschand est passée chez moi pour me serrer la pince, je n'étais pas parti, il pleuvait à torrent, on s'est fait la bise. Elle portait des gâteaux orientaux qui accompagneraient mon thé vert plutôt bleu, Yuzu Indigo. Venue chercher des exemplaires du CD Pique-nique au labo 3 auquel elle avait participé avec Uriel Bathélémi il y a deux ans, elle est repartie en oubliant une petite pochette contenant des choses précieuses qui avait glissé sous le divan. Puisque c'est ainsi elle est revenue jeudi. La veille elle m'avait apporté un vinyle de l'Ensemble Laborintus qu'elle a produit autour du compositeur Luc Ferrari disparu en 2005 et un CD coproduit avec Elliott Sharp.
J'ai tout écouté à la suite. J'enchaînai d'abord les disques noirs. Plus ça tournait, plus j'avançais, plus ça me plaisait. Des pièces de Luc, des hommages à Luc, des sons archivés de Luc. Je connaissais un peu le processus, car en 1992 il avait été l'invité du Drame sur le disque Opération Blow Up, un an avant la création de Laborintus qui trouverait finalement la sortie en 2014. Un an plus tôt j'enregistrerai le spectacle Pozzallo avec Sylvain Kassap et Nicolas Clauss. Encore un an plus tard j'inviterai Hélène à accompagner le photographe Hiroshi Sugimoto au Théâtre Antique lors des Soirées des Rencontres d'Arles. On s'y perd. On se retrouve. Difficile de compter sur ses doigts. En musique la perception du temps est très arbitraire. Ces petits glissements racontent comment s'articulent nos vies d'artistes. Qu'est-ce que c'est un an ? Laborintus, formé d'Hélène Breschand à la harpe, de Sylvain Kassap aux clarinettes, ainsi que du percussionniste César Carcopino, du flûtiste Franck Masquelier et de la violoncelliste Anaïs Moreau, aura vécu 21 ans. Sur les quatre faces s'enchaînent des pièces contemporaines de Ferrari, Kassap et Breschand. Ma préférée est donc la face D, une version en public d'À la recherche du rythme perdu de Luc Ferrari avec Hélène tandis qu'ERikm traite les sons en direct. Je découvre une musique de chambre plutôt répétitive de Ferrari, très différente de ses pièces électroniques, de son théâtre musical ou de ses pièces symphoniques...


L'association d'Hélène à la harpe électrique et acoustique, Elliott Sharp à la guitare électrique, au sax soprano, aux synthétiseurs et à la boîte à rythmes, Floy Krouchi à la basse électrique et Zafer Tawil au oud, au violon et à la flûte est plus sauvage. L'ensemble fait corps tout en mettant en valeur chaque membre. disPOSSESSION est un mélange de rock, de musique arabe, d'électronique, d'effets aux reflets changeants, d'ombres vocales, des improvisations composées proches de ma sensibilité polymorphe, voire polymathe.

→ Luc Ferrari et autour, par l’ensemble Laborintus et eRikm, ... Et après, double vinyle Alga Marghen
→ Hélène Breschand/Floy Krouchi/Zafer Tawil/Elliott Sharp, disPOSSESSION, CD zOaR
→ Un drame musical instantané, Opération Blow Up, CD GRRR
→ Birgé Clauss Kassap, Pozzallo, album GRRR
→ Birgé Barthélémi Breschand, Only Once, album GRRR
→ Jean-Jacques Birgé + 20 musiciens, Pique-nique au labo 3, CD GRRR