70 Musique - mars 2017 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 30 mars 2017

La Chose Commune


Les évocations opératiques de la Résistance sont toujours des brûlots romantiques, rappelant une jeunesse perdue pour les uns, jamais abandonnée pour les autres. Comment se prétendre artiste sans rêver de révolution ou de liberté ? Le cycle est infernal, la liberté est un fantôme, mais baisser les bras serait criminel. Chanter la Résistance comme les Chroniques de Tony Hymas ou ici la Commune de Paris avec Emmanuel Bex et David Lescot n'est pas innocent quand la démocratie est aujourd'hui bafouée par ceux qui prétendent la protéger. On se cherche des modèles d'honnêteté politique, histoire d'avoir le courage de ses opinions. Le vote utile a montré ses limites. Face au cynisme ambiant et à une collaboration de plus en plus pétainiste, l'urgence d'inventer de nouvelles utopies pousse des artistes à mettre en scène le spectacle de notre société pour ne pas se laisser hypnotiser par la société du spectacle qui camoufle les vrais enjeux sous le fard des émotions téléguidées.
À monter ce genre de projet on danse sur une corde raide, car la parole risque de submerger la musique à vouloir être trop explicite. Les compositeurs alternent ainsi airs et récitatifs sans négliger les instrumentaux. Pour Hymas aller chercher la rappeuse Desdamona, ou Lescot le rappeur Mike Ladd, deux Américains s'exprimant dans leur langue, est le choix d'un parlé chanté d'aujourd'hui, le spoken word du slam et du hip hop. Le premier avait choisi Elsa Birgé pour porter ses mélodies chantées en français, Emmanuel Bex élit Élise Caron. La Commune de Paris et la Résistance au nazisme sont cousins de jazz dans ces opéras modernes où l'excellence des musiciens est quasiment révolutionnaire. Sollicité par Bex qui tient l'orgue en maître de chapelle laïque, Lescot, qui a déjà écorché le monde de la finance, le mythe étatsunien et le racisme, écrit un texte où se découvre une héroïne oubliée, Elisabeth Dmitrieff, où les revendications pourraient être les nôtres tant la misère et l'injustice nous taraudent. Il convoque Alexis Bouvier, Jules Vallès, Jean Bastiste Clément, Paul Verlaine (Ballade en l'honneur de Louise Michel), Arthur Rimbaud (Chant de Guerre Parisien) ou cite le Manifeste du Comité central de l'Union des Femmes pour la Défense de Paris et les Soins aux Blessés. On n'échappe pas au Temps des cerises et à La semaine sanglante parce que leurs mots pourraient redevenir d'actualité si les pauvres arrêtaient de soutenir leurs bourreaux, si les flics retournaient leurs armes contre ceux qui leur commandent de parquer leurs frères. Quelques effets sonores appuient de temps en temps le petit orchestre composé de Bex, de la saxophoniste Géraldine Laurent, du batteur Simon Goubert, et accessoirement Lescot à la trompette et Caron à la flûte.


La Chose Commune est une chose commune à tous et toutes, du moins elle le devrait, tant nous semblons incapables de retenir les leçons de l'Histoire, manipulés par les médias de masse qui caricaturent le seul candidat à la présidentielle porteur d'un programme salvateur, tant économique qu'écologique. En attendant le résultat du vote, farce de l'absurde dans un pays où vivent encore 9 millions de pauvres et où les riches sont de plus en plus riches, nous autres de la classe moyenne, du moins à même de posséder un lecteur, pouvons écouter le CD comme une évocation radiophonique, même si le spectacle d'Emmanuel Bex et David Lescot se joue aussi sur scène avec lumière et scénographie comme au Théâtre de la Ville - Espace Cardin du 19 au 29 avril 2017... Le reste se passe dans la rue.

→ Emmanuel Bex et David Lescot, La Chose Commune, CD Le Triton, dist. L'autre distribution, sortie avril 2017

mercredi 29 mars 2017

EL STRØM sort LONG TIME NO SEA


Long Time No Sea est ma première nouveauté en CD depuis 20 ans.

El Strøm signifie le courant en danois.
Trois ruisseaux forment une rivière.
Au premier barrage l'énergie électrique favorise le voyage.
Birgitte Lyregaard chante en se moquant des frontières (jazz, pop, punk, contemporain, classique…) pour survoler les continents en feu follet. Babylone dans un mouchoir de poche.
Sacha Gattino cuisine rythmes pointus et objets sonores cueillis sur la planète, transformant ses jouets avec la gravité des enfants qui se prennent au jeu.
Je joue ici d'instruments rares, acoustiques (trompette à anche, xaphoon) ou électroniques (Mascarade Machine, Tenori-on, Theremin), je n'avais jamais rencontré autant de complicité avec des musiciens depuis Un Drame Musical Instantané.
Chansons cousues main ou improvisation libre, instruments faits maison ou technologie dernier cri, chant des sirènes ou révolte des machines, l'électrochoc produit une bonne humeur plus vraie que nature.

Depuis Machiavel en 1998 avec Un Drame Musical Instantané, j'ai publié 70 albums inédits sur drame.org, mais ils sont exclusivement en ligne, objets virtuels en écoute et téléchargement gratuits. Trop d'adrénaline nuit, enregistré en 1977 par Un D.M.I., était une réédition d'un vinyle en CD. Établissement d'un ciel d'alternance avec Michel Houellebecq, sorti en 2006, datait de dix ans plus tôt. Les rééditions de Défense de de Birgé Gorgé Shiroc (LP et CD) et Rideau ! d'Un D.M.I. (CD) sont sorties sur d'autres labels, et le vinyle préhistorique Avant Toute en duo avec Gorgé vient du Souffle Continu... C'est donc bien ma première nouveauté en CD depuis 20 ans !

Il fallait marquer le coup en emballant nos 77 minutes dans un bel objet que l'on ait envie de tenir entre ses doigts. Le graphiste Étienne Mineur a peaufiné pochette et livret en jouant avec des vidéoprojecteurs et des matériaux réfléchissants. Il a intégré des gravures de J.-J. Grandville de 1844 et même une autre, non identifiée, de 1774, toutes issues de la collection particulière de Sacha Gattino. Le mélange réfléchit le nouveau baroque que constitue l'association du passé et du futur. S'y côtoient composition et improvisation, acoustique et électronique, français, anglais et danois chantés, instruments originaux, traditionnels ou objets brut... Si vous trouvez des analogies avec des musiques existantes, je suis preneur ;-)


El Strøm, Long Time No Sea, CD 77 minutes, GRRR 2029, dist. Orkhêstra et Les Allumés du Jazz, 15€
→ Tirage limité : premières commandes, premiers servis ! Vous pouvez envoyer 15€ par chèque ou payer par PayPal et même par CB. Envoyez un mail à cette adresse pour la marche à suivre... Ou encore passez par votre disquaire favori qui aura commandé chez Orkhêstra, cela va souvent aussi vite, car il faut que je pédale jusqu'à la Poste !

mardi 28 mars 2017

Prévert éclair et piano forain sans la mer


Quelle idée de me plonger dans des méandres informatiques au lieu d'aller me promener sur la plage dimanche après-midi avant de prendre le train ! J'ai à peine profité du jardin de La Ciotat dont les cerisiers sont en fleurs et n'ai rien vu de la foule du bord de mer. La file des automobilistes s'allongeait vers Marseille. Françoise m'a raconté que personne ne se baignait, mais il y avait un monde fou pour cette première journée de vrai printemps après les hallebardes des jours précédents. Quelques heures de TGV plus tard, je retrouvais mes pénates et les deux garnements félins...
Hélas ou tant mieux, le boulot aussi m'attendait. C'est toujours la même chose. Voilà des semaines que je tourne en rond et tout arrive en même temps. J'ai donc composé et enregistré le générique de notre websérie sur Jacques Prévert après quelques approximations angoissantes. C'est toujours ainsi. Tant que je ne tiens pas le bon bout je m'inquiète de mes capacités. J'ai trouvé en programmant le Tenori-on avec des sons de flûte, violon et métallophone, resynchronisant les pistes l'une après l'autre, calant des sons de guitare préparée avec du riz. Sonia trouvait que le résultat correspondait trop au côté gentil du poète et qu'il fallait que je le rende plus actuel. J'ai donc ajouté un rythme inspiré du rap et tout cela tricote, laissant chacun/e se faire son cinéma. Mika avait concocté une animation inspirée par les collages de Prévert, avec l'oiseau certes, mais aussi avec le cœur, l'église, l'usine, le poing levé et la clope au bec ! Jamais facile de faire passer plein d'idées en douze secondes sans charger... Avec le handicap d'avoir à caler la musique sur les images et non le contraire ! Parfois les conditions de production ne nous donnent pas le choix. Il faut alors transformer les contraintes en appui-tête. Je dois imaginer comment cette musique annoncera chaque épisode sans que la répétition lasse... Demain, c'est-à-dire aujourd'hui quand vous me lirez, nous devons dresser un décor sonore pour chacune des interventions d'Eugénie Bachelot-Prévert qui nous livre des anecdotes passionnantes sur son grand-père.
Dans le même temps Sacha me presse de lui envoyer des sons pour une prochaine exposition à la Cité des Sciences et de l'industrie. Je lui wetransfère trois pièces foraines pour piano et quelques effets à la Méliès ! J'ai encore du mal à comprendre comment tout cela va s'agencer, mais ce sera amusant à faire, comme toujours avec mes camarades de jeu... D'ailleurs on nous livre enfin le CD d'El Strøm dans la matinée ! On en reparle très vite. En attendant je dois me faire à manger en puisant dans les réserves, n'ayant eu le temps de faire aucune course depuis mon retour d'Aubagne.

lundi 27 mars 2017

Ciné-concert exemplaire à Aubagne


Le 18ème Festival International du Film d’Aubagne (FIFA) s’est clôt sur un ciné-concert exemplaire après le palmarès qui a entre autres couronné le saxophoniste Émile Parisien par le Grand Prix de la musique originale pour Souffler plus fort que la mer de Marine Place.
Face au manque d’audace de trop de compositeurs confrontés aux images du cinématographe, les neuf musiciens choisis parmi quatre-vingt candidats et réunis pour une master class dirigée par Jérôme Lemonnier brillèrent par leur inventivité et la cohésion de l’ensemble.
Quelques jours plus tôt nous avions assisté à une autre démonstration du genre où la banalité écrasait les films sonorisés en direct. De retour à l’hôtel, il m’avait suffi de me remémorer l’insolente partition originale de Carl Stalling composée en 1935 pour le film d’animation Balloon Land de Ub Iwerks pour constater le manque d’humour de la nouvelle musique jouée ici en direct. Pourquoi diable les musiciens ont-ils gommé les bruitages rythmant le film pour ne garder qu’une pâle copie de la partie orchestrale ? La même logorrhée sonore illustrative s’étala sur le récent documentaire Marselha de Nicolas Von-Borzyskowski et sur le touchant court métrage québécois Viaduc de Patrice Laliberté. Cette approche fatale, hélas coutumière depuis un siècle, entâchait d’ailleurs Rapsodia Satanica, un navet de 1917 de Nino Oxilia rénové par la Cinémathèque de Bologne avec la musique originale d’époque de Pietro Mascagni, composition néo-classique aussi barbante que la réalisation. Lorsque l’on sait que n’importe quelle musique fonctionne avec n’importe quel film, mais qu’évidemment le sens change radicalement selon le choix, on comprend que la maîtrise du sens est l’enjeu capital de l’exercice. Cela n’empêche nullement de jouer également avec les émotions, à condition toujours que la musique, pour justifier sa présence, soit complémentaire du montage image, apportant de nouvelles informations ou un point de vue cohérent, fut-il critique.


Dirigé par Jérôme Lemonnier, les neufs compositeurs-interprètes, souvent poly-instrumentistes, qui ne se connaissaient ni des lèvres ni des dents dix jours plus tôt, font donc preuve d’une incroyable cohésion d’ensemble en traitant chaque film d’une manière originale. C’est donc à la fois un modèle de collaboration qu’il faut saluer chez ces jeunes de 22 à 30 ans, autodidactes (entendre proches du jazz) ou élèves de conservatoires en classe de musique à l’image, et la richesse de leurs points de vue documentés, auquel leur moniteur n’est certainement pas étranger.
Ainsi Benjamin Balcon (guitares, basse), Hadrien Bonardo (flûtes, anche double), Louis Chenu (sax alto), Matthieu Dulong (violoncelle), Julien Ponsoda (trombone, trompette), Nicolas Rezaï-Pyle (percussion, synthétiseur), Félix Römer (piano, échantillonneur), Clovis Schneider (guitare, basse, mandoline), David Tufano (batterie, percussion, synthétiseur) accompagnent avec succès cinq courts métrages en cherchant une musique qui serve le propos de chaque film. À noter que les partitions initiales avaient été ôtées des bandes-son pour en proposer de nouvelles en direct.
Délicats sur Celui qui a deux âmes de Fabrice Luang-Vija (2015), grinçants sur Tma, Svetlo, Tma de Jan Svankmajer (1989, photo touten haut), euphoriques sur Le voyage dans la lune de Georges Méliès (1902, 2e photo), proches du silence pour Les allées sombres de Claire Doyon (2015), drôles sur 5m80 de Nicolas Deveaux (2013), ils ne s’enferment jamais dans un genre musical pour préserver l’originalité des films traités. Le mélange de leurs orchestrations collectives avec certains bruitages des partitions originales, parfois retravaillés, nous plonge chaque fois dans un univers différent, le choix du programme étant particulièrement astucieux. Souhaitons maintenant à cette équipée de rejouer ailleurs ce spectacle enthousiasmant…

jeudi 23 mars 2017

Youn Sun Nah va de l'avant


Le nouvel album de Youn Sun Nah s'intitule She Moves On. Mais si la chanteuse coréenne "va de l'avant", c'est en marchant à reculons puisqu'elle revisite des chansons du passé en leur donnant un petit parfum actuel, encore que ce soit un aujourd'hui jazz plutôt glamour, style qui ne semble pas se démoder, voix langoureuse plus proche de Broadway que de l'underground où continue de s'inventer l'avenir. En 2010 avec Same Girl, elle avait jazzifié Metallica, Randy Newman, Sergio Mendes et Philippe Sarde. En 2013 Lento convoquait Nine Inch Nails, Scriabine ou un traditionnel coréen avec l'accordéoniste Vincent Peirani. De nouveau quatre ans plus tard, Youn Sun Nah chante toujours aussi merveilleusement, un blues clean et généreux, en choisissant des auteurs inattendus, ici Lou Reed, Paul Simon, Jimi Hendrix, Joni Mitchell, Fairport Convention... Enregistrant cette fois à New York, elle s'est entourée de nouveaux musiciens, Jamie Saft aux claviers, Brad Jones à la contrebasse, Dan Rieser à la batterie, avec le guitariste Marc Ribot en joker sur cinq morceaux issus de la cosmologie rock. Sur A Sailor's Life Youn Sun Nah a des inflexions de Grace Slick, mais ce n'est pas Sandy Denny. C'est toujours superbement interprété, mais l'ensemble manque d'une véritable appropriation. Il y a un côté "bonne élève" typique des Asiatiques lorsqu'ils n'osent pas faire grincer des dents. The Dawn Treader ne saurait par exemple faire oublier la version originale de Joni Mitchell. C'est le genre de disque que j'écoute avec plaisir en fin de journée quand le soleil commence à rougir, mais je serais incapable de la reconnaître en blind fold test. Peut-être qu'en allant franchement plus de l'avant, Youn Sun Nah saura-t-elle un jour dévoiler qui se cache derrière l'excellence...

→ Youn Sun Nah, She Moves On, cd ACT/PIAS, sortie le 19 mai 2017

mercredi 22 mars 2017

David Enhco sur le chemin des écoliers


Depuis la disparition de Bernard Vitet, j'écoute les trompettistes avec une attention redoublée. David Enhco, qui joue d'ailleurs sur la petite merveille mingusienne de Noël Balen chroniquée récemment, fait partie de la génération des jeunes trentenaires que j'ai nommés les affranchis. S'il sait susurrer la tendresse, j'ai surtout été intéressé par une dialectique originale qui fait boiter certaines compositions du quartet comme si un musicien prenait discrètement la tangente au milieu du morceau. Ces contrepieds peuvent s'échapper de la tonalité, du timbre ou du tempo, sans affecter le plaisir de l'écoute. Le facétieux Roberto Negro au piano n'y est pas étranger. Les pièces du contrebassiste Florent Nisse et du batteur Gautier Garrigue sont plus classiques, mais les improvisations collectives rappellent que le free jazz n'est pas un genre, mais une soif de liberté qui peut prendre des chemins de traverses qui mènent toujours à l'homme. Ici ses Horizons sont calmes et reposants, comme des paysages de vacances.


→ David Enhco, Horizons, NOME, dist. L'autre distribution, sortie le 28 avril 2017

jeudi 16 mars 2017

Voyage anglais dans le paysage électronique français


J'embarque à bord de l'Eurostar pour participer ce soir à l'ouverture de l'exposition Voyage dans le paysage électronique français, invité à Londres par Ben Osborne. La Red Gallery et le Kamio Bar présentent images et photos illustrant l'histoire de la musique électronique en France depuis Russolo et Martenot jusqu'aux acteurs actuels qui font danser les foules. Me voilà donc transformé en délégué national pour un concert solo, armé de la Mascarade Machine, d'un de mes Tenori-on et de deux iPads. Les magazines MixMag et DJ Mag publient des photos de mes jeunes années au synthétiseur ARP 2600.
Le premier annonce :
Jean-Jacques Birgé, pictured here in concert in 1975, started making electronic music in 1965 when he was 13 years old. On the avant-garde experimental wing of electronic music, his music deconstructs jazz, rock, classical and many other genres...
Tandis que le second rapporte :
Pioneering composer and musician Jean-Jacque Birgé recalls being given a theatre to play in: “These pictures were shot during a live concert at Théâtre de la Gaîté Montparnasse in 1975. I play the ARP 2600, Francis Gorgé is on guitar, and Shiroc on drums. The director had to be crazy to give us his beautiful old theatre to play. There were few spectators, but they all remember those fantastic sessions which made Francis and I decide to invite Shiroc onto our album, ‘Défense De’. I found these photos very recently in the attic. The ARP 2600 had no internal memory and the keyboard was monophonic. The synthesiser was fantastic. But I had to 100% improvise every night…”
Quant à l'expo y est précisé :
Jean-Jacques Birgé is a composer, filmmaker, multimedia author, sound designer and writer. He wrote his first electronic track in 1965, was the founder of the GRRR Records and was one of the first live synthesizer players in France from 1973 onwards. He was the precursor of the return of the cinema-concert in 1976, composes for symphonic orchestras, and improvises freely with musicians from all genres. From 1995 onwards, he became one of the most fashionable sound designers of multimedia and interactive music composition in France.


Demain vendredi, Jack de Marseille, Ben Osborne, Milan Kobar et Cleo T ouvrent le bal. Je dois probablement cette invitation à la parution récente de ma préhistoire, le vinyle Avant Toute en duo avec Francis Gorgé publié par Le Souffle Continu. Je me souviens qu'à mon adhésion à la Sacem il avait fallu que je me batte pour être accepté comme compositeur, sans la restriction "de musique électroacoustique". L'électronique fait partie de ma panoplie, mais je ne me reconnais d'aucune étiquette, même si je fis partie des premiers synthésistes français. Selon les projets je choisis le mode de composition le plus adapté et son orchestration idoine, de l'informatique à l'orchestre symphonique, des instruments traditionnels au field recording, du bricolage à la plus extrême sophistication ! J'ai lu sur Wikipédia que j'étais qualifié de compositeur encyclopédiste, ce qui me ravit, sachant que je dois mon style essentiellement à mes études cinématographiques dont j'ai adapté les ressources à la musique.

French Touch - An exhibition of French electronic music, Red Gallery/Kamio Bar, 1-3 Rivington St, London EC2A 3DT, du 16 mars au 9 avril. L'exposition sera ensuite aux festivals Jack In A Box (juillet) et Château Perché (4 au 6 août), puis Paris et ailleurs dans l'année... Et aux USA en 2018.

Concert solo ce jeudi soir à 19h (Free Entry but you must register for a ticket) : The night begins with an extremely rare UK live performance in the Kamio Bar by French electronic pioneer Jean-Jacques Birgé and an exclusive showing of film Paris/ Berlin: 20 Years of Underground Techno directed by Amélie Ravalec. Panel Discussion: Olivier Degorce (Photographer), Edouard Hartigan (Photographer), Stephane Jourdain (Photographer), Jean-Jacques Birgé (musician and composer), Sammy El Zobo (Director, Chateau Peché Festival, France), Professor Martin James (Solent University), David McKenna (French Music Export Office), host Ben Osborne (Noise of Art), also in attendance Johann Bouché-Pillon (Photographer and artist) and Etienne Castelle (Director, Chateau Peché Festival, France)...

lundi 13 mars 2017

Supersonic, fils naturels de Sun Ra


À l'occasion du premier album de Supersonic j'avais raconté ma propre filiation avec Sun Ra. La chronique qui suit n'a donc rien d'objectif puisque nous nous sommes découverts cousins à la mode des étoiles. Sur la lancée de son album dédié au Maître de l'Arkestra et fort de son succès, Thomas de Pourquery a su prolonger le miracle en composant cette fois lui-même les pièces qui constituent Sons of Love. Sa méthode est simple, mais encore faut-il en avoir le talent et être entouré d'une aussi fine équipe. Au lieu de repartir de l'origine, Thomas entame une seconde saison en s'inspirant de la première, reprenant les éléments de ses arrangements qui ont si bien fonctionné. Mélange de glamour vocal et de free jazz lyrique, la musique de Supersonic produit un effet festif où le rythme fait remuer le derrière. À l'alto du chef s'ajoutent le ténor de Laurent Bardainne et la trompette de Fabrice Martinez tandis que la section rythmique composée du pianiste Arnaud Roulin, du bassiste Frederick Galliay et du batteur Edward Perraud occupe le dance floor.


Parfaitement huilé, le sextet sonne comme un big band. Il n'y a pas de secret, c'est une histoire de famille, une famille qui s'entend bien. Ainsi le plaisir de jouer ensemble est communicatif. En chœur solaire ils partagent le vertige de la transe et le goût des belles mélodies, folle entreprise de séduction qui gagne les cœurs et donne envie d'encores.
Après une première exceptionnelle, Sons of Love souffre pourtant des défauts de toutes les secondes. Un troisième album pourrait lui donner tout son sens. Le crooner falsetto s'adjoindra-t-il une guitare électrique, un trombone, une clarinette basse ou un spécialiste des paysages sonores inexplorés ? Révisitera-t-il Rashaan Roland Kirk ou Jimi Hendrix ? Préférera-t-il atterrir sur nos terroirs ? Propulsé dans cet espace-temps gigogne, allongé dans ma cabine spatiale dont la chaleur avoisine les 66°C, je me surprends à faire ainsi des plans sur la comète...

→ Thomas de Pourquery / Supersonic, Sons of Love, Label Bleu, dist. L'Autre Distribution, 12,99€ - Release Party : 25 avril 2017 à La Gaîté Lyrique, Paris...

vendredi 3 mars 2017

Agitation frite, témoignages de l'underground français


Le recueil de Philippe Robert, Agitation frite, témoignages de l'underground français, paraît au moment où La Maison Rouge expose Contre-cultures 1969-1989, l'esprit français. Ce n'est pas un hasard si ce sous-terrain musical est totalement absent de la galerie parisienne. D'un côté nous sommes en face d'un mouvement toujours vivace qui crée sans se préoccuper de la mode, de l'autre on continue à entretenir le mythe de modes passagères qui marquèrent leur temps. Les deux se complètent, l'art des uns répondant à la culture des autres. L'exposition embrassant son époque recèle évidemment quelques magnifiques pièces et le livre de Philippe Robert recense les engagements d'opposition rétifs à tout ce qui pourrait être récupérable.
Pourquoi le public a-t-il toujours trois métros de retard sur la musique par rapport aux arts plastiques ? Cette question a probablement trait à la difficulté des analystes de cerner le hors-champ. Circulez, y a rien à voir ! La société du spectacle adore encenser les rebelles des beaux quartiers, tandis que les musiques de traverses échappent à toute classification bien ordonnée. L'inclassable est la règle, contraire à la loi du marché. La spéculation ne pouvant donc s'exercer que sur du long terme, elle n'intéresse pas les modernes. Entendre étymologiquement ceux qui créent la mode, un système de l'éphémère dont les collectionneurs font leurs choux gras. Conclusion de ce prologue, pour avoir participé activement à la plupart des aventures évoquées par l'exposition et dans le bouquin, je vois essentiellement de la nostalgie dans la première qui a tourné la page alors que le second m'en apprend énormément sur ce qui m'est pourtant le plus proche et qui reste d'actualité !
Pour ce premier volume d'entretiens, car on imagine mal qu'il en reste là, Philippe Robert a choisi d'interroger chacun sur l'origine de son art. Quelle étincelle mit le feu aux poudres ? En suivant le cordon Bickford jusqu'au Minotaure, l'histoire de chacun se déroule à grand renfort d'anecdotes dessinant des parcours atypiques qui ne se croisent que par la nature même de la musique, son partage. À la reprise d'articles précédemment publiés dans Revue & Corrigée, Vibrations, Octopus, Supersonic Jazz ou le blog Merzbo-Derek, il ajoute des entretiens inédits qui lui ont semblé indispensables à ce portrait prismatique de l'underground musical le plus inventif de la scène française. Ainsi Gérard Terronès, Dominique Grimaud, Gilbert Artman, Pierre Bastien, Dominique Répécaud, Jérôme Noetinger, Jacques Oger, Sylvain Guérineau, Yann Gourdon et moi-même complétons les témoignages de François Billard, Pierre Barouh, Michel Bulteau, Jac Berrocal, Jacques Debout, Albert Marcoeur, Christian Vander, Richard Pinhas, Pascal Comelade, Christian Rollet, Guigou Chenevier, Bruno Meillier, Daunik Lazro, Dominique Lentin, Jean-Marc Montera, Didier Petit, Yves Botz, Camel Zekri, Noël Akchoté, Christophe & Françoise Petchanatz, Lê Quan Ninh, Jean-Marc Foussat, Jean-Louis Costes, Jean-Noël Cognard, Julien Palomo, Romain Perrot délivrés à la charnière de notre siècle et du précédent.
Si le recueil est plus passionnant que tous les autres panoramas publiés récemment, il le doit à l'opportunité des questions de Philippe Robert qui, connaissant son sujet, pose celles qui le titillent. Sa curiosité est communicative. Les musiciens des groupes Magma, Urban Sax, Catalogue, Mahogany Brain, Soixante Étages, Etron Fou Leloublan, Camizole, Vidéo-Aventures, Heldon, Lard Free, Workshop de Lyon, Un drame musical instantané, Les I, Dust Breeders, Vomir, comme les producteurs des labels Saravah, Futura ou Potlatch savent que leurs rencontres sont aussi déterminantes que les mondes qui les habitent. Si la première partie de l'ouvrage est un kaléidoscope d'inventions sans étiquettes, la seconde partie glisse vers une forme, plus conventionnelle à mes yeux et mes oreilles, de l'improvisation issue du jazz et sa déclinaison prévisible, la noise. Il n'empêche que je me suis laissé emporter par la lecture, passant une nuit blanche à le dévorer sans en perdre une miette. L'underground est tout sauf raisonnable.

→ Philippe Robert, Agitation frite, témoignages de l'underground français, 366 Pages, 15 X 19,5 cm, Ed. Lenka Lente, 25€

jeudi 2 mars 2017

E.S.T. Symphony, pop de luxe


Le premier album d'un groupe pop avec orchestre symphonique que j'ai acheté était probablement en 1969 celui de Deep Purple avec le Royal Philharmonic, mais je ne pense pas l'avoir conservé. En jazz me vient immédiatement à l'esprit Skies of America d'Ornette Coleman. Il y en a d'autres évidemment, comme les expériences de Frank Zappa avec Mehta, Boulez, Nagano. Les associations les plus réussies sont souvent avec de plus petits orchestres comme l'Ensemble Modern. J'ai déjà raconté que c'est mon goût pour la symphonie qui m'a poussé à jouer du synthétiseur dès 1973. Aujourd'hui je peux avoir un orchestre au bout des doigts grâce aux moteurs Kontakt ou UVI, avec juste un ordinateur et un clavier lourd. Cela ne remplace pas les solistes, et pour une orchestration complexe il faut s'adjoindre un séquenceur. Mais mes interprètes m'obéissent au doigt et à l'œil sans que je sois obligé d'aller en Europe de l'Est, ni convaincre certains musiciens de jouer notre musique de dingues comme lorsque nous avions composé La Bourse et la vie pour et avec le Nouvel Orchestre Philharmonique de Radio France !
E.S.T. n'a rien à voir avec l'orient. C'est l'abréviation du Esbjörn Svensson Trio dont le leader est mort en 2008 d'un accident de plongée sous-marine dans l'archipel de Stockholm. Restent le bassiste Dan Berglund et le batteur Magnus Öström. Ils ont demandé au chef Hans Ek d'arranger pour orchestre symphonique leurs morceaux issus des 13 albums du groupe en s'adjoignant quelques solistes, le pianiste Iiro Rantala, le saxophoniste Marius Neset, le trompettiste Verneri Pohjolaet et Johan Lindström à la pedal steel guitare. Ni jazz, ni rock, ni classique, ni même musique de film, E.S.T. Symphony sonne comme de la variété instrumentale. Entendre que le mélange se rapproche des orchestrations de Michel Legrand avec Miles Davis ou celles de Quincy Jones avec nombreux pop singers. Rien d'étonnant, car s'il a composé pour le cinéma, Hans Ek a aussi travaillé avec Pink Floyd, Peter Gabriel, Björk, Paul Simon, Ennio Morricone, Patti Smith et le Kronos Quartet. Il ne manque à cet enregistrement que les chanteurs ! Je me suis surpris à y pourvoir tandis que j'étais allongé, inventant des paroles en écoutant cette très agréable musique dont les mélodies sont élégamment habillées par les 90 musiciens du Royal Stockholm Philharmonic Orchestra. Les solistes restaient le plus souvent discrets, répondant à mes improvisations vocales par de brillants chorus. La fraîcheur des arrangements distillent un enthousiasme étonnant, d'autant que ce n'est pas le genre de musique qui me comble habituellement. L'interprétation toute en nuances fait glisser les paysages nordiques comme un diaporama aux couleurs inattendues, ciel bleu d'azur plus haut que chez nous, survol de forêts interminables, visages devinés derrière un voile... Ce luxuriant hommage à Esbjörn Svensson ravira les amateurs de voyages au Pays des Merveilles.

E.S.T. Symphony, CD ou LP ACT Music, entre 12€ et 22€ selon les vendeurs !