70 Multimedia - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 27 juin 2024

Extrait vidéo de notre Garden Party


J'ai repris l'image la plus étonnante de notre Garden Party au Studio GRRR, spectacle avec les danseurs de contact-improvisation Didier SILHOL et Cléo LAIGRET, que j'ai accompagnés pour sept pièces improvisées dimanche dernier, 23 juin 2024, pour annoncer la publication d'une petite vidéo filmée par Dominique GREUSSAY. Sur la photo de Sonia CRUCHON la position des mains et des jambes, le reflet dans la porte vitrée, ma présence à la flûte donnent une impression énigmatique qui me plaît. Sur la vidéo je joue plus ou moins en aveugle (j'arrive pourtant à suivre mes camarades), derrière les fenêtres, depuis mes machines. Dans les autres je me promenais ou m'installais dans différents points du jardin.


Ce n'est pas un hasard si j'ai choisi le cinéma ou la musique comme moyens d'expression. Ce sont des sports d'équipe. Si en général je déteste jouer seul, me retrouver avec Didier et Cléo m'évite le manque de dialectique qui fait défaut au solo. De plus, le contact-improvisation m'octroie une liberté que j'ai évidemment rarement eue en travaillant avec des danseurs. Leur pratique préserve quelque chose du quotidien qui m'anime, sorte de va-et-vient entre le documentaire et la fiction.

mardi 25 juin 2024

Un autre point de vue


Ayant annoncé que photos et vidéos étaient autorisées pendant notre prestation, contrairement aux usages actuels, nos invités s'en sont donnés à cœur joie et nous recevons sans cesse de nouvelles contributions, autant de points de vue différents pour un spectacle que l'on peut qualifier d'immersif, même si ce sont les interprètes (Didier Silhol, Cléo Laigret et myself) qui sont dans le bain tandis que le public est assis partout autour... Celle-ci est de Benoit Thiebergien !
Je regarde les vidéos pour savoir si je peux en mettre une ou deux en ligne 😎

Garden Party au Studio GRRR


Pas d'album en ligne cette fois-ci. Je remplace la musique par des photos. Nos invités ont filmé certains passages, mais il aurait fallu monter tout cela, et je ne peux me contenter d'à peu-près alors que les enregistrements audio habituels sont superbes. Mon exigence cinématographique me renverra au souvenir. Souvenir d'une après-midi exceptionnelle, le premier véritable jour de l'été. Tout le monde était forcément de bonne humeur. On a même dû distribuer des chapeaux à cause du soleil. Il n'y a jamais eu autant de monde à mes Apéro Labo. Le jardin est évidemment plus spacieux que le studio où se tiendront les prochaines séances, le 8 septembre avec la violoniste Fabiana Striffler et un/e autre invité/e, le 13 octobre avec la clarinettiste Hélène Duret et le pianiste Alexandre Saada. Nous avions disséminé des fauteuils confortables partout où c'était possible. Toutes les places étaient bonnes, question de point de vue, et à l'entr'acte j'ai suggéré que nos invités échangent leurs sièges. C'était drôle, on aurait dit le jeu des chaises musicales. Le beau temps justifiait donc que mes acolytes soient cette fois deux danseurs de contact-improvisation, Didier Silhol et Cléo Laigret...


Je leur avais aménagé la terrasse ainsi qu'un couloir en L qui leur permettait d'évoluer au milieu du public. De mon côté, ou plutôt de mes côtés, j'avais disposé des instruments à des endroits variés. J'avais caché tout un matériel de percussion dans la cabine du sauna, posé le guide-chant et l'ampli sans fil du Tenori-on sur le compost, installé la shahi-baaja à la fenêtre du studio, je pouvais m'assoir sur l'ampli où était branché le Terra ou jouer en aveugle avec les synthés du studio. Et puis le grand rhombe, la flûte, la trompette à anche, les percussions, etcétéra me permettaient d'évoluer aux côtés des danseurs.


Didier Silhol est un ami de quarante ans. Nous ne nous produisons pas souvent ensemble, mais c'est toujours un immense plaisir de confronter les improvisations musicale et chorégraphique. Il faut bien dire que le "contact" s'accommode de tous les espaces comme je me sens à l'aise dans toutes les situations, tant que le rendu sonore est à la mesure de mes élucubrations.


Comme je demande chaque fois aux spectateurs de choisir les sujets ou titres de nos pièces, je leur ai imposé le thème du jardin. Nous avons ainsi eu droit à Arrosoir, Chevelu (comme le palmier), Brindilles, Tracteur, Coquelicot, Bûche et Radis.


Après une heure trente de spectacle nous, tous et toutes, nous sommes retrouvés devant le buffet. Didier avait préparé du tarama, Cléo un tartare d'algues et de l'houmous, et moi un caviar d'aubergine dont la couleur verte était donnée par l'importance du persil. Nos invités avaient également apporté de délicieuses victuailles que nous avons arrosé de vin rouge, vin blanc, bière, morito, jus de pomme et eau, parce que l'eau c'est très bon aussi, en tout cas moi j'adore ça autant que les alcools.


Comme à chaque Apéro Labo la convivialité est maîtresse. Nous jouons comme si nous étions en famille. De même que chaque jour je cherche à reproduire l'émotion de mes quinze ans lorsque seule la passion nous guidait, de même je souhaite communiquer à mes invités cette joie de vivre que le métier, les habitudes, les conventions, les nécessités ont tendance à nous faire oublier.

Photos de Dominique Greussay, Martin Meissonnier, Christiane Louis, Sonia Cruchon

vendredi 14 juin 2024

GRRRarden Party chorégraphique le dimanche 23 juin


Nous sommes presque COMPLET : les dernières places vont s'envoler aussitôt cette annonce publiée. Vous pouvez m'écrire et je vous répondrai si vous faites partie des heureux/ses élu/e/s, ou pas. Les spectateurs seront disséminés parmi les bambous, le palmier, le charme, le noisetier et les fleurs. Nous avons réussi à dégager 32 places confortables, dont 2 en plongée au balcon !
J'ai rebaptisé Garden Party ce troisième Apéro Labo au Studio GRRR puisqu'il se tiendra dans le jardin attenant avec les danseurs Didier Silhol et Cléo Laigret (à moins que la météo nous fasse tout annuler, comment savoir ? Elle fait du yoyo !). Pour cette fois je serai le seul musicien et je ne pense pas en sortir un album, mais on ne sait jamais. Par contre je bougerai pas mal, plus acoustique que d'habitude, mais soutenu par de multiples points de diffusion. Je jouerai du Terra, du Tenori-on, de la shahi-baaja et de bien d'autres instruments étonnants. Comme pour les précédents évènements (#1 et #2) il s'agit de créer une proximité avec le public, une convivialité explicite puisque la représentation est suivie d'un apéro et que les spectateurs choisissent le sujet de chacune de nos improvisations. Didier et Cléo pratiquent la danse-contact-improvisation qu'avait initiée l'Américain Steve Paxton, disparu au début de l'année.
Il s'agit également pour moi de revendiquer "la liberté de l’indépendance, pour le plaisir des sens" !
Le 8 septembre, l'Apéro Labo suivant, avec enregistrement public à la clef, retrouvera le confort intérieur du Studio GRRR avec la violoniste berlinoise Fabiana Striffler et un/e autre invité/e. Mais dores et déjà, pour celles et ceux qui souhaitent prendre l'air, la Garden Party se tient dimanche 23 juin à 17h précises (réservations uniquement si certains d'y assister), ouverture des portes 16h30, métro Mairie des Lilas ou station de tramway Adrienne Bolland. Nous jouons au chapeau...

vendredi 31 mai 2024

JJ en hongrois


Il y a quelques jours mon alerte Talkwalker, outil de veille et d'analyse des médias, sorte d'équivalent à Google en plus efficace, me signale un article Wikipedia consacré à Bernard Vitet en hongrois. Je ne connaissais pas la popularité en Hongrie de mon camarade disparu il y a déjà dix ans. Mais hier matin me voilà à mon tour épinglé dans cette langue dont je ne parle pas un mot et pays pour moi un peu mythique où je ne suis jamais allé.
Il rime avec les musiciens Béla Bartók, György Ligeti, Franz Liszt, Csaba Palotaï, Zoltán Kodály, Péter Eötvös, Miklós Rózsa, Elek Bacsik, György Kurtág père et fils, les cinéastes Béla Tarr, Miklós Jancsó, Márta Mészáros, Béla Balázs, Emeric Pressburger, Michael Curtiz, Paul Fejos, André de Toth, Alexandre Korda, István Szabó, László Nemes, Kornél Mundruczó, les comédiens Peter Lorre, Béla Lugosi, Zsa Zsa Gábor, le peintre Victor Vasarely, les photographes Brassaï, André Kertész, Robert Capa, l'ami Peter Gabor et le label de disques BMC... J'écris "riment" parce qu'il y a quelque chose de commun à tous ces noms, une sorte de mélancolie mystérieuse, d'invention baroque que je ne m'explique pas.
En cherchant comment mon nom est arrivé là, je comprends qu'il s'agit de la traduction du Wikipedia allemand, majoritairement extraite des versions française ou anglo-américaine. Mais il y est spécifié des évènements spécifiques liés à mes interventions en Allemagne, et les articles allemand et hongrois se focalisent sur mon travail multimedia et sur ma discographie personnelle, laissant de côté, entre autres, l'immense coffre au trésor d'Un Drame Musical Instantané.
Je n'aime pas beaucoup la photo qu'avait prise Étienne Brunet et qui illustre toutes les versions, mais bon, on fait avec, même si les Hongrois se trompent de 40 ans pour la dater. La Toile fait voyager dans le temps comme dans l'espace. Je savais que mes disques étaient plutôt bien distribués en Allemagne. Peut-être le sont-ils aussi en Hongrie ? Ce n'est pas moi qui m'en occupe. Tout cela reste assez mystérieux.

jeudi 23 mai 2024

Meeting Philip (K. Dick), chef d'œuvre d'Eric Vernhes


Devant la nouvelle installation d'Eric Vernhes je suis resté scotché sur le fauteuil où je m'étais assis pour assister aux seize minutes de spectacle total. Créé à Vidéoformes (Clermont-Ferrand), le totem Meeting Philip est parti pour Montréal où est organisée la Biennale Elektra. On le retrouvera certainement à Paris à l'automne. En attendant, j'essaie de me remémorer l'impression que cette installation me fit, probablement le chef d'œuvre d'Eric Vernhes, qui a pourtant à son compte un nombre incroyable de pièces aussi différentes qu'époustouflantes. Devant nous, un magnétophone à bandes 4 pistes ressemble à une tête qui montre les dents, affublé de deux écrans comme d'immenses oreilles dont le son puissant sort en stéréo, d'un ventilateur qui nous décoiffe, d'une machine à fumée, de projecteurs qui nous font tourner la tête et de lumières qui sortent dont on ne sait où. Il est logique que son exposition du discours de Metz de l'auteur de science-fiction complètement allumé Philip K. Dick soit hallucinante. En 1977 la réception de sa prestation en avait désarçonné plus d'un...


Dans ce petit Portrait de 3'50, Eric Vernhes explique très bien les tenants et aboutissants de sa sculpture vivante audiovisuelle. Il a œuvré sans ambages et sans aucun mysticisme en s'appuyant sur la voix de Dick qu'il a mis en son et lumière de manière puissante. Cela pourrait défriser certains Dickiens, mais cette absence totale de jugement produit un effet saisissant quand les meilleures adaptations de ses romans sont souvent reléguées à des aspects anecdotiques rendant difficilement les méandres de la pensée de l'auteur.


Eric Vernhes a composé la musique électroacoustique, créé les vidéos, construit la sculpture de métal, programmé l'ensemble grâce à des programmes génératifs originaux. On appelle cela un artiste complet ! Il fallait bien cela pour évoquer l’existence d’une pluralité d’univers parallèles, du point de vue de Dick une réalité et non une fiction. "Pour lui, il ne faisait aucun doute que notre monde était issu d’un programme informatique dont le concepteur (Dieu, programmeur-reprogrammeur), changeait épisodiquement des variables dans le passé, ce qui perturbait le déroulement de notre temps présent et donnait naissance à d’autres univers uchroniques et divergents. Les impressions de « déjà-vu » résulteraient directement de cette « reprogrammation ». Il entreprit ensuite de faire le récit de ses propres « glissements » d’un univers à l’autre, affirmant que dans l’un de ces mondes, il avait été assassiné par l’administration de Richard Nixon. Dans un autre encore, il avait rencontré Aphrodite dans un paysage pré-chrétien dont la description ressemblait à une illustration de comic-book. Dans Meeting Philip, installation artistique visuelle et sonore, l’artiste ne répond pas à la question de la crédibilité du récit de K. Dick, mais considère plutôt que cette question est sans objet. Confronté aux nombreuses facettes de la personnalité de K. Dick, à ses errements et ses fulgurances, il prend le parti de l’écrivain face au prophète auto-proclamé. Le second (qui n’a jamais convaincu personne) n’est finalement que l’outil du premier (qui est reconnu comme génial)."


J'avoue qu'assister à Meeting Philip me rappela mes premières expériences lysergiques, mais cette fois sans aucun produit chimique.

mercredi 22 mai 2024

Newsletter de mai 2024


J'ai publié hier ma troisième newsletter de l'année. Elle est surtout axée sur la version plein air de mes Apéro Labo. C'est également le troisième de l'année après les trios Birgé-Hoang-Lévy et Birgé-Desbrosses-Meteier qui ont donné lieu aux albums Apéro Labo 1 et Codex. Cette fois je serai le seul musicien, mais j'ai invité les danseurs Didier Silhol et Cléo Laigret à se produire au milieu du jardin, en espérant qu'il fera beau. Les spectateurs seront disséminés un peu partout, encerclés par les grands bambous, le palmier, le charme, le noisetier, etc. Il y aura même des places aux fenêtres qui tiendront lieu de balcon ! Didier et Cléo pratiquent la danse-contact-improvisation. De mon côté je me disperserai selon les instruments que je pense utiliser : Terra, Tenori-on, shahi baaja, clavier, flûtes, trompette à anche, percussion, etc., leur choix étant induit par les propositions jardinières du public ! J'ignore encore ce que nous offrirons à déguster et à boire aux trente veinards qui auront réservé suffisamment tôt.

Le reste de la newsletter est consacré à l'annonce de la publication du coffret 3 CD commémorant le 40e anniversaire du label ADN/Recommended Records Italia auquel je participe avec Gwennaëlle Roulleau, de la version anglaise de la bande dessinée Underground, un nouvel article de la revue slovène It's Psychedelic Baby Magazine, etc.

mardi 21 mai 2024

Séduire Marie avec l'intelligence artificielle


L'IA ne date pas d'hier. En musique nous avons utilisée l'intelligence artificielle dès la première application musicale sur ordinateur, à la fin des années 80. On appelait cela composition aléatoire ou bien calcul de probabilités. Le manuel parlait de réseaux neuronaux. En 1990, Luc Courchesne avait créé une vidéo incroyable qui permettait de dialoguer avec une jeune Québécoise. Nous étions tous un peu amoureux de Marie. Portrait no. 1 était à la base une installation vidéo interactive. Je l'avais découverte sur un petit CD-Rom avant qu'elle ne soit portée sur Internet. Je me souviens que quelques années plus tard Pierre Lavoie m'avait proposé de rencontrer à Paris la comédienne Paule Ducharme qui tenait le rôle de Marie. Il m'avait prévenu qu'évidemment elle avait vieilli. Nous avions tous vieilli et cela ne s'est pas arrangé. Le rendez-vous ne put se faire. Or le miracle du cinéma nous permet de voyager dans le temps. On peut même imaginer y rester éternellement comme dans L'invention de Morel, l'extraordinaire roman d'Adolfo Bioy Casares paru en 1940. La création de Luc Courchesne, que j'étais passé voir à l'Université de Montréal où il enseignait, reste toujours aussi troublante. C'était bien avant Samantha dans le film HER et ChatGPT-4o. La Fondation Langlois permet toujours de dialoguer avec l'impertinente et diablement séduisante Marie. Le jeu était de rester le plus longtemps avec elle, avant qu'elle ne prenne congé ! Lorsque j'eus vingt ans, sortant très jeune de l'Idhec, je compris que la reconnaissance de mon travail serait forcément longue à venir. Il fallait laisser des traces. Je suis heureux de pouvoir revoir Marie aujourd'hui.

jeudi 9 mai 2024

Le pet de Toulouse-Lautrec


Henri avait vingt ans. Son autoportrait de dos ressemble plutôt à un Norman Rockwell qui naîtra trente ans plus tard. Un instantané sur la toile, le temps de le peindre est plus long. Les impertinences de Toulouse-Lautrec sont légion, mais le peintre réussit tout de même à rendre son tableau olfactif. Il me rappelle aussi les deux cartes à gratter en Odorama de John Waters pour son film Polyester. J'ai dans ma bibliothèque un ouvrage complet sur Joseph Pujol, dit Le pétomane ! L'humour potache me fait rire parfois. C'est particulièrement savoureux lorsqu'il émane d'une célébrité. L'œuvre est l'un des clous de la collection Cligman au Musée d'Art Moderne de Fontevraud.


Et le jeune Henri d'enfoncer le clou du nuage en inscrivant une petite phrase sur la toile blanche. Comment assumer d'être le rejeton du comte Alphonse Charles de Toulouse-Lautrec-Monfa et d'Adèle Zoë Tapié de Céleyran, cousins au second degré ?! Cette consanguinité serait à l'origine de sa pycnodysostose, une maladie génétique des os qui l'empêche de grandir (à moins que ce soit une ostéogenèse imparfaite, allez savoir). Le fiston aime provoquer son monde. Il zézaye dans les salons, se fait photographier nu sur la plage de Trouville-sur-Mer, en enfant de chœur barbu, avec le boa de Jane Avril ou louchant en habit japonais. Il sombrera dans l'alcoolisme, ce qui n'arrange pas sa condition de syphilitique. Tout cela n'empêche pas son génie artistique de se développer, bien au contraire. Il meurt hélas à 36 ans.

mardi 9 avril 2024

Les fables de La Fontaine en rébus


Trois petits fascicules sont tombés dans ma boîte aux lettres. J'aurais aimé vous raconter cela en images, mais il n'y a pas assez d'émojis sur ma palette. À raison d'un livre par fable et d'un vers par page, Pablo Cueco et Denis Bourdaud ont donc choisi La cigale et la fourmi, Le lièvre et la tortue et Le loup et l'agneau pour commencer. En fait ce n'est pas un début, mais c'est certainement un combat. Le musicien et le dessinateur ont déjà œuvré dans Mon Lapin Quotidien, Les Allumés du Jazz et Les enragés du rébus. Chaque fable est intégrale et permet ainsi aux dysrébusiques se rappelant tout de même leurs récitations à l'école primaire de suivre la pensée imagée des auteurs. Il est sinon très amusant de découvrir comment ils s'y sont pris à force de liaisons savantes.
Mes amis connaissent mon appétence pour les rébus lorsque vient leur anniversaire. Or je n'invente rien. Je me sers tout simplement de Rebus-O-Matic, le site de Mathias Franck. C'est Mathias qui développa toutes les applications des Inéditeurs dont je fis la musique et le design sonore : le leporello Boum ! de Mikaël Cixous, l'oracle muet DigDeep de Sonia Cruchon et mon roman augmenté USA 1968 deux enfants. Je crois que seul le premier est actuellement téléchargeable sur tablette, les deux autres sont en attente de mises à jour, mais j'envisage une version papier d'USA 1968 pour bientôt. Quant au Rebus-O-Matic, il permet d'écrire en rébus ou de répondre à des devinettes.
Comme je n'ai rien à souhaiter à personne aujourd'hui, qu'il y a longtemps que Pablo et moi n'avons pas joué ensemble, je me plonge dans ses fables avec délectation...

→ Pablo Cueco et Denis Bourdaud, Les fables de La Fontaine en rébus, ed. Qupé, dist. Amalia, 20€ les trois livraison comprise

vendredi 22 mars 2024

À la découverte du patrimoine méconnu d'Île-de-France - Épisode 1


Répondre à des projets de commande me fait me sentir utile. Je suis reconnaissant à Sonia Cruchon de m'avoir recommandé pour la sonorisation des dix épisodes de la web-série À la découverte du patrimoine méconnu d'Île-de-France réalisés par la DRAC. Passé le petit jingle récurrent, ce sera chaque fois différent. Édifices insolites, objets mobiliers singuliers, monuments méconnus, mon design sonore accompagnera la narration portée par la voix off de Sonia (et de temps en temps Nicolas Le Du) et l'animation de Morgane Bouard.
Le premier épisode, mis en ligne hier, raconte la Maison Fournaise, ginguette-hôtel située sur l'île de Chatou dans les Yvelines. Fréquentée par les impressionnistes et nombreux artistes à la fin du 19e siècle, Auguste Renoir y a peint le célèbre Déjeuner des canotiers. Le petit film, qui ne dure que 3 minutes 38, me donne très envie d'y aller faire un tour. Au piano, composition inspirée par Gabriel Fauré, j'ai simplement ajouté le son des pages que l'on tourne et quelques ambiances : campagne des bords de Seine, locomotive à vapeur, hôtes du restaurant. J'attends avec curiosité les prochains épisodes.



Étonnant Patrimoine ! - #1 La Maison Fournaise

lundi 18 mars 2024

Le punk et le rock alternatif en bande dessinée


J'ai dévoré la nouvelle bande dessinée d'Arnaud Le Gouëfflec et Nicolas Moog, Vivre libre ou mourir. À grand renfort d'entretiens avec celles et ceux qui ont vécu ces années révolutionnaires, de 1981 à 1989, les auteurs réussissent à me faire comprendre un mouvement qui m'avait échappé alors. Mieux, ils me révèlent enfin pourquoi Un Drame Musical Instantané se retrouvait sur des disques de compilation avec des groupes qui nous semblaient très éloignés de nos préoccupations musicales, comme chez V.I.S.A. pour qui nous avions enregistré Utopie Standard. Le lien était éminemment politique. À cette époque nous avions délaissé le rock pour le free jazz, la musique classique, la plus contemporaine surtout, le théâtre musical, les ciné-concerts, et une indépendance qui nous évitait toute étiquette. Le Gouëfflec et Moog l'ont remarquablement compris et traité dans leur précédent ouvrage à succès, Underground.
Avoir discuté avec Lionel Martin (Mad Saxx), avec qui j'ai enregistré le vinyle Fictions, m'avait éclairé sur le mouvement punk. Ayant participé à l'aventure de Bérurier Noir, il a même récemment sorti No Suicide Act, un disque en duo avec leur chanteur, François Guillemot dit Fanxoa. Les autres protagonistes des Bérus, Loran, Masto et Laul (ex-Lucrate Milk), Marsu, Florence Duquesne/La Grande Titi, Karine/Mistiti sont aussi présents dans la BD, tout comme Jean-Yves Prieur (Kid Bravo, Kid Loco), Spi (OTH), Rémi Pépin (Guernica), Olivier Tena (Les $heriff), Antoine Chao (Los Carayos, Mano Negra), Didier Wampas, David Dufresne, Catherine Lemaire alias KK (Pervers Polymorphes Inorganisés), Géraldine Doulut (Kochise), etc. On y croise évidemment les disparus, François Hadji-Lazaro (Les Garçons bouchers, Pigalle) et Helno (Négresses vertes).
Les dessins de Moog suivent merveilleusement la narration décousue et recousue de Le Gouëfflec si bien que tout se tient, une histoire palpitante, un rêve de jeunesse, de changer le monde, rageusement, renvoyant sans cesse à l'actualité politique d'alors, tout en assumant le fantasme sex, drugs & rock 'n roll. Ils arrivent à rendre vivant un mouvement qui s'est éteint, mais pourrait toujours renaître sous une forme nouvelle, racontant ce que ces musiciens en herbes folles sont devenus, avec en prime une discographie illustrée de 48 albums... Ce roman graphique, comme on appelle aujourd'hui les bandes dessinées pour "adultes", dresse remarquablement le portrait d'une époque où la jeunesse portait encore de belles utopies, une "jeunesse qui emmerde le Front National", une jeunesse qui prendra toujours le risque de vivre libre ou mourir. C'est à la fois encourageant et cela fait forcément peur. On ne vit qu'une fois, mais rien n'est figé dans le marbre.

→ Arnaud Le Gouëfflec & Nicolas Moog, Vivre libre ou mourir, 176 pages, Éditions Glénat/ Collection 1000 Feuilles , 22,50€

mardi 12 mars 2024

Les ballets quantiques d'Antoine Schmitt


Depuis cet article du 14 mai 2012, et bien avant cela depuis notre collaboration sur Au cirque avec Seurat, Carton, Machiavel, Nabaz'mob, etc., Antoine Schmitt a fait du chemin. À cette heure il est d'ailleurs en vol pour Melbourne. Et son site en atteste. Ses échelles relatives du pixel à l'univers, ses réflexions sociétales, habitent ses créations informatiques. Ce démiurge de l'algorithme a repoussé les limites du petit écran. Il s'expose dorénavant régulièrement...


Est-ce son passé de night-clubber qui entraîne Antoine Schmitt dans la danse ? Son nouveau cantique des quantiques renvoie-t-il à son Christ mourant sans cesse et profane en diable ? Le danseur projeté [...], tronc composé de seulement huit segments, subit un autre martyre de ne pouvoir s'arrêter qu'à l'extinction des feux, rappelant Le Masque de Maupassant filmé par Ophüls et Les chaussons rouges d'Andersen par Michael Powell. Condamné à vivre éternellement sous la loi du code informatique, il danse, il danse selon et contre toute logique. [...] Les créatures comportementales qui sont chair (virtuelle) à Antoine Schmitt se multiplient sur les écrans et se rassemblent comme le Christ articulé de Salvador Dali au Musée de Figueras.


Le même algorithme quantique anime les quatre écrans des Ballets quantiques où les danseurs sont réduits au plus simple appareil, le pixel, avec Le pixel blanc originel de toute l'œuvre de l'artiste projeté en grand à côté d'une photo noir et blanc d'un instantané figé de la chorégraphie. À regarder dans le silence ces mouvements infinis réglés par l'indétermination, on se prend à y deviner des portés lorsque les points s'empilent ou des chassés lorsque leur nombre explose. Antoine Schmitt suggère "des forces invisibles à l’œuvre derrière les systèmes complexes, comme les particules, les peuples, les sociétés". Ses travaux jouent du va-et-vient entre le réel et le virtuel, le concept et sa réalisation imaginaire, l'inconscient de l'individu et les mouvements de masse... Le mystère de la création doit composer avec la trivialité de la moindre interprétation.

vendredi 1 mars 2024

Immersion au musée Vieira da Silva


La mode des expositions immersives où l'on se promène au milieu de reproductions géantes de tableaux de maîtres accompagnées d'un sirop musical d'époque ne m'a jamais convaincu. Je n'y ai jamais vu qu'une déclinaison assommante de la boutique cadeaux avec ses marque-pages, porte-clefs, magnets et cartes postales. Cela peut constituer un souvenir, mais on n'y apprend rien et l'on est loin de l'émotion ressentie face à l'original, fut-ce une miniature.


Je préfère évidemment le traitement qu'en avait fait Pierre Oscar Lévy pour Samsung avec Révélations, une odyssée numérique dans la peinture, collection de 23 tableaux dans lesquels nous rentrions en choisissant chaque fois un angle narratif en relation avec l'œuvre et les circonstances dans lesquelles elle avait été peinte. J'en avais assuré la direction artistique et la musique, ayant choisi d'éviter le moindre commentaire parlé. Nos films s'étaient retrouvés exposés au Petit Palais, la première fois sans qu'aucune œuvre originale soit montrée. Ce choix n'était pas le nôtre. Nous aurions adoré présenter L'enfant au toton de Chardin à côté de notre interprétation, certes un peu iconoclaste, ou Les ambassadeurs de Holbein qui indiquait la position agenouillée sous le Christ discret qu'il fallait adopter devant le tableau pour admirer l'anamorphose...


Pourtant en découvrant la salle immersive de la Fondation Arpad Szenes-Vieira da Silva à Lisbonne je fus conquis par la mise en espace réalisée par Oskar & Gaspar sur une musique de Rodrigo Leão. Les tableaux de Maria Helena Vieira da Silva se prêtent très bien aux programmations numériques 3D qui me rappellent celles de Frédéric Durieu pour notre CD-Rom Alphabet il y a déjà 25 ans. L'idée d'installer un miroir déformant sur le mur de l'entrée est excellente, cela évite d'être ébloui par l'un des vidéoprojecteurs lorsqu'on pénètre dans l'obscurité et donne un mouvement supplémentaire aux décompositions auxquelles se sont amusés les réalisateurs. Nous avions auparavant admiré les villes survolées de l'artiste, paysages en mosaïque où les lignes de fuite suggèrent d'imperceptibles mouvements abstraits.

vendredi 12 janvier 2024

MetaMaus de Art Spiegelman


En 1987 et 1991 sortirent en France les deux volumes du chef d'œuvre de la bande dessinée contemporaine, Maus de Art Spiegelman. Le roman racontant le génocide des Juifs polonais et allemands sous l'angle original des rapports difficiles d'un fils interrogeant son père, ancien déporté, savait jouer de l'humour juif tout en évoquant une page terrible de notre Histoire. Réuni en un seul volume elle fut la première bande dessinée à recevoir le Prix Pulitzer. En 1994 parut The Complete Maus, A Survivor's Tale de Art Spiegelman, l'un des plus passionnants CD-Rom produits par Voyager aux États Unis. Ces éditeurs, qui avaient à leur catalogue les CD-Rom Puppet Motel de Laurie Anderson, The Residents Freak Show ou P.A.W.S., créèrent également la collection DVD exemplaire Criterion. Avec l'éclatement de la bulle Internet, l'objet multimédia disparut lamentablement avec bien d'autres chefs d'œuvre de cette époque. Je regrettai souvent que l'on n'ait plus accès à ce remarquable making of, discours de la méthode à la fois pédagogique et créatif, conçu pour le système 7 du Mac (RAM 5 Mo !).


Or Flammarion [a publié (cet article date du 14 février 2012)] la version française du nouvel ouvrage de Art Spiegelman, MetaMaus, soit le contenu du CD-Rom copieusement augmenté. Le livre de 300 pages comprend un long entretien avec l'auteur, quantité de documents iconographiques et biographiques éclairant ses choix du sujet, de son traitement et des animaux dessinés qui représentent les divers protagonistes, révélant le dessous des cartes et la rigueur de l'entreprise. Ce serait déjà formidable si l'objet n'était pas en plus accompagné par un DVD-Rom (Mac et PC) dont on aperçoit le centre dans l'œil de Vladek sur la couverture façonnée. Y est reproduit l'intégralité de l'ouvrage numérisé, agrémenté d'hyperliens vers des archives détaillées (croquis, brouillons, reportages audio et vidéo, photographies...), plus de nouveaux suppléments d'une richesse époustouflante qu'il serait fastidieux de répertorier ici. L'ensemble constitue le plus extraordinaire making of qu'il m'ait été donné de voir tous genres et supports confondus. Mine (de crayon) pour les amateurs d'Histoire et pour ceux de bande dessinée : sous chaque vignette peuvent se cacher jusqu'à sept études, Spiegelman se fend d'un commentaire audio, son père témoigne, et près de 10 000 documents sont rassemblés. De la version CD-Rom, seule manque une sélection d'œuvres datant d'avant Maus, visibles en partie dans la réédition de son livre Breakdowns. Spiegelman aura toutes les peines à assumer son succès planétaire, au delà de toute espérance. Il publiera ensuite La nuit d'enfer sur un texte de Joseph Moncure March, Bons baisers de New York autour de son travail pour la revue The New Yorker et À l'ombre des tours mortes sur le 11 septembre 2001.
Spiegelman saura résister aux sirènes hollywoodiennes comme aux diverses tentatives de récupérer son œuvre. Dans MetaMaus, sa position de juif athée de la diaspora comme ses interrogations sur la mémoire ou la transcription d'une histoire vécue me touchent personnellement et passionneront ses admirateurs. On y retrouvera l'humour, la gravité, la précision et l'esprit critique du roman original. Du grand Art !

vendredi 5 janvier 2024

Éric Vernhes en 5 articles



ÉRIC VERNHES, SCULPTEUR AUDIOVISUEL
Article du 1er décembre 2011

D'origine architecte, Éric Vernhes est connu pour sa collaboration vidéo en temps réel avec de nombreux musiciens improvisateurs tels Serge Adam, Benoît Delbecq, Marc Chalosse, Yves Dormoy, Gilles Coronado, au théâtre avec Irène Jacob ou Jean-Michel Ribes, ou encore avec les rockers Alain Bashung ou Rodolphe Burger. Chaque fois qu'il attaque un nouveau médium, il doit trouver des solutions techniques inédites pour servir son propos. Qu'il aborde [...] la sculpture en cinéaste n'a rien d'étonnant. Ses œuvres sont parlantes, même si l'adjectif "sonores" serait plus approprié, sa narration se jouant autant dans le temps que dans l'espace.


Fukushima - Les témoins est un hommage direct au Japon, par ses lignes épurées, ses composants électroniques apparents et le non-dit qu'évoquent les sons sismographiques de déchirement ou les petites gouttes pendulaires. La calligraphie de Yokari Fujiwara entérine la catastrophe : « le tonnerre se tenait là, à l'intérieur du silence / l'enfant ne sait pas ce qu'a vu le père qui ne voit pas ce que vivra l'enfant. Ils avancent, aveugles / l'avenir nous échappe comme l'eau s'écoule et les larmes de Fukushima deviennent océan ». Vernhes précise : j'ai laissé la colère. Je voulais juste exprimer une empathie. J'ai donc cherché un médium des plus délicats en m'inspirant de l'Ikebana, du Sumi-e, ainsi que d'un souvenir d'enfance qui m'est cher: celui des sculptures cybernétiques de Peter Vogel. Il a fallu apprendre. Cela à donc été assez long. Suffisamment long pour que, de tout ce que je croyais vouloir dire, il ne reste qu'une trentaine de mots articulés par trois témoins.


Fukushima - La chambre nous attire dans un aquarium où les corps ont du mal à se mouvoir, perturbés par les radiations qui traversent le miroir. Nous assistons impuissants au spectacle de la mort, nous réfugiant dans un corps à corps, ultime planche de salut de l'amour face au crime organisé. Le dispositif est un théâtre optique de Raynaud, fondu entre l'aquarium bien réel et une image virtuelle qui flotte dans l'eau.


Plus ludique, GPS#1 joue sur un retournement de situation. Notre géolocalisation ne donne aucune réponse, mais la voix nous interroge. Dans la présence factice de la forêt, elle va jusqu'à s'inquiéter de nos motivations. Quel but poursuivons-nous ?

MACHINES ANTHROPOÏDES
Article du 11 septembre 2013


Le terme anthropoïde évite de sexualiser les machines androïdes ou gynoïdes qu'Éric Vernhes assemble dans son laboratoire, même si le désir anime leur conception, puisant dans les profondeurs de l'inconscient ou les souvenirs les plus intimes. Pour matérialiser ses rêves et ses fantasmes l'artiste aura appris à maîtriser la matière, programmant les ordinateurs, assimilant l'électronique numérique comme l'analogique, filmant, soudant, sciant, collant, accumulant les techniques pour s'approcher de son modèle, au-delà de l'individu, le rapport humain, un entre-deux. La collection d'histoires qu'il a imaginées a pris corps à force de travail. Les machines tiennent leur esthétique seulement de leurs composants. De l'utilité Vernhes accouche d'une forme. Hériter du Villiers de L'Isle-Adam de L'Ève future ou de L'inhumaine de Marcel L'Herbier, Vernhes, qui partage avec Jules les visions critiques d'un futur imminent, fait danser les mains d'Orlac sur les claviers de L'interprète en se prêtant au jeu troublant de la musique. Dans l'accompagnement du film muet les deux interagissent, refusant qu'image ou son jouisse de quelque priorité.


Dans presque toutes ses œuvres, ce va-et-vient entre le spectateur et un miroir mécanique qui lui répond se rendent la politesse. Avec De notre nature, inspiré par Lucrèce, les mouvements des visiteurs projetés sur l'écran font bouger les billes d'acier dans une cymbale dont le son amplifié transforme à son tour les éclaboussures vectorielles de notre image décomposée, recomposée. Pour GPS1 ou GPS3 les voix synthétiques des GPS détournés jouent de la séduction des mots. C'est de l'impossible résolution que naissent le désir et la fascination.


Ayant déjà évoqué le travail d'Éric Vernhes dans cette colonne il ne me reste qu'à y projeter mon double, là, dans la nature des choses, spectre aux côtés du plasticien et de Jean-Jacques Palix, autre visiteur alter ego (arrêt sur image immortalisant la scène !)... Au rez-de-chaussée de la Galerie Charlot où sont exposées toutes ces œuvres [...], l'horloge de Ses nuits blanches donne aux films de famille d'étranges ondulations au rythme du balancier. Au sous-sol, les Témoins de Fukushima renvoient le son du vide qu'un transistor débranché transforme en bruit blanc. Enfants nous regardions les circuits imprimés comme des paysages, adultes nous survolons les villes en nous souvenant de nos enfantillages. Partout des cadres figent des instants d'images sur papier cotonné comme les traces abordables de machines qui prendront un jour la tangente, laissant leur créateur seul face à lui-même, Frankenstein dépassé par des créatures que s'approprie légitimement le public.

SPECTRES ET PRÉDICTIONS
Article du 31 octobre 2016


Faites-moi confiance. Allez-y ! C'est épatant. À deux pas de la rue de Bretagne, entre Arts et Métiers et République, Éric Vernhes a installé ses nouvelles pièces dont Intérieur est le morceau de résistance. Résistance est justement le titre de celle qui nous accueille à l'entrée de la Galerie Charlot. Une horloge rythme le temps du manque. Des sentences viennent se briser contre le cadre avec un bruit de verre brisé. Mais c'est un autre balancier qui attire mon œil. Il fait partie d'Intérieur, une installation sonore et visuelle composée d'un piano mécanique, d'un petit écran, d'une projection vidéo et de ce fichu balancier. Le temps s'écoule, le piano joue tout seul, des images extraites de films anciens défilent, une partition graphique se projette au-dessus du Yamaha midi. Comme dans toutes ses œuvres, l'aléatoire ravive sans cesse l'intérêt du spectateur. Car chez lui on n'est jamais visiteur. On reste, captivé, captif de ces machines infernales dont la complexité nous échappe, cachée sous l'élégance des formes. Le rond du poids rouge permute soudain avec les inscriptions hiéroglyphiques. Mais le piano joue toujours ses partitions contemporaines uniques qu'aurait adoré Conlon Nancarrow. Éric Vernhes a tout programmé lui-même sur le logiciel Max, mais il a aussi soudé le métal, poncé le bois, découpé le verre, converti les films super 8 trouvés aux Puces. Parce qu'en plus de fonctionner impeccablement, c'est beau et ça raconte des histoires, des tas d'histoires, une ouverture sur le rêve et un révélateur de l'inconscient. Qu'attendre de plus de l'art ?


[En 2013] Éric Vernhes exposait ses machines anthropoïdes. Deux ans plus tôt, la Galerie Charlot avait inauguré la première exposition de ce sculpteur audiovisuel dont les œuvres figurent toujours mes préférées parmi ceux qui utilisent les nouvelles technologies pour mettre en scène leur art. Sur le mur d'en face sont posées Figures 1, 2 et 3, Saison 1, des ikebanas (l'art japonais de faire des bouquets de fleurs séchées), un assemblage d'aluminium, maillechort, papier enduit et de l'électronique pour faire marcher tout cela, pour qu'en sortent des images et des sons, miniatures délicates de nus qui s'animent devant nos yeux ébahis. Une dialectique entre la mort et le vivant est partout suggérée. La pluie, le vent, des voix chuchotées accompagnent les scènes bibliques ou mythologiques qui tournent, tournent longtemps après leur mort. Mais nous sommes bien vivants, et nous descendons au sous-sol admirer La Vague, encore un balancier ! Les mouvements de la petite fille sont synchronisés avec le va-et-vient de l'horloge. Lunaire, elle joue à attirer et repousser les vagues. On entend tout. Le sac et le ressac. Comment mieux illustrer l'astuce de Jean Cocteau : "Quand ces mystères nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs." ? Les enfants ont ce terrible pouvoir de nous faire percevoir le temps qui file.


Face à elle, Gerridae permet au spectateur d'interagir en posant la main à plat sur son cadre. Les «insectes» électroniques de cette mare virtuelle se transforment en phrases selon la structure du Yi King déjà utilisée par John Cage, 64 hexagrammes, autant d'ouvertures vers l'interprétation de chacun, chacune. Le générateur de texte mis au point par Jean-Pierre Balpe et Samuel Szoniecky produit des propositions poétiques aléatoires dignes de quelque Pythie moderne.


Et vous manqueriez cela ? Ce n'est pas sérieux ! Ne laissez pas traîner ces œuvres pour que vos enfants s'en emparent sans que vous n'y voyez rien... Au premier abord elles sont si ludiques. Mais très vite, en vous y penchant, vous verrez apparaître le spectre de vos ancêtres ou les prédictions de l'avenir ! L'inconscient a tout enregistré. Libre à nous de le libérer ou pas de son cabinet noir !

→ Éric Vernhes, Intérieur, exposition à la Galerie Charlot, 47 rue Charlot 75003 Paris, jusqu'au 3 décembre 2016

PERSPECTIVES DU XXIIe SIÈCLE (13) : VIDÉO "DE VALLÉES EN VALLÉES"
Article du 2 juin 2020


De vallées en vallées est la deuxième vidéo du projet Perspectives du XXIIe siècle que j'ai reçue après Berceuse ionique de Sonia Cruchon. C'est évidemment une formidable surprise de découvrir comment Eric Vernhes l'a réalisée d'après le film muet de Segundo de Chomón, Le scarabée d'or. Cette idée lui est venue en écoutant la musique que j'ai composée, et elle colle magnifiquement à cette course folle sous les étoiles. Celle du Birgé guidait déjà les troupeaux vers les hauteurs ! Est-ce de circonstance virale, mais en regardant le magicien j'ai pensé à la phrase de Freud : "Je vous apporte la peste. Moi je ne crains rien. Je l'ai déjà."...
Replacer les musiciens dans l'espace, en particulier la nature qui aujourd'hui reprend ses droits après la sécheresse et les inondations qui ont suivi la catastrophe, fait apparaître l'exaltation qui s'est emparée d'eux. Emboîtant le pas à mes rythmes hypnotiques, le clarinettiste Antonin-Tri Hoang, le percussionniste Sylvain Lemêtre et Nicolas Chedmail, qui souffle simplement dans son embouchure, me rappellent la course folle des meules de foin des Saisons d'Artavazd Pelechian. La transposition est osée si l'on se réfère au troupeau perdu des Bulgares, aux appels au bétail des Peuls ou au chant de vacher asturien. Mais la magie autorise bien des choses !
Conseil : regardez le film en plein écran !


Jean-Jacques BIRGÉ
DE VALLÉES EN VALLÉES
Film réalisé par ERIC VERNHES

Jean-Jacques Birgé : clavier, phonographie
Antonin-Tri Hoang : clarinette basse
Nicolas Chedmail : souffle
Sylvain Lemêtre : percussion

Sources musicales :
Bulgares (Région de Sofia). Musique à programme : "Le troupeau perdu". Flûte à bec
Peuls (territoire du Niger). Appels au bétail, 1948-1949
Asturiens. Chant de vacher : vaqueirada. Voix d’homme, tambourin (pandeiro). Région de Luarca, 1952

Source cinématographique :
Le scarabée d’or de Segundo de Chomón
Réalisateurs : Ferdinand Zecca et Segundo de Chomón
Scénario et cinématographie : Segundo de Chomón
Société de production : Pathé Frères, 1907

#14 du CD "Perspectives du XXIIe siècle"
MEG-AIMP 118, Archives Internationales de Musique Populaire - Musée d'Ethnographie de Genève
Direction éditoriale : Madeleine Leclair
Distribution (monde) : Word and Sound
Sortie le 19 juin 2020
Commande : https://www.ville-ge.ch/meg/publications_cd.php

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GERRIDAE
Article du 2 novembre 2022


Hier matin Éric Vernhes est venu installer l'édition d'artiste de sa pièce Gerridae. J'ai mis du temps à me décider. Lorsque je passais à son atelier, je la regardais et l'écoutais en me disant que j'allais craquer, mais le lendemain matin je trouvais plus raisonnable de produire un de mes disques avec ce que cela m'aurait coûté. Cela me démangeait. Mon ami a réalisé des œuvres extrêmement variées, ce qui n'est pas courant. La plupart des plasticiens reproduisent infiniment des variations du truc qui les caractérise et qu'ils ont mis du temps à trouver. Si des constantes évidemment existent, Éric renouvelle chaque fois les supports, les matériaux et la programmation puisqu'il s'agit presque tout le temps d'art cinétique. C'est à ce courant que les œuvres interactives sont assimilées. Cela exige de sa part un savoir faire incroyable, de la menuiserie à la ferronnerie, de l'électronique à l'informatique, de la musique au cinéma, de la conceptualisation à la poésie et j'en passe. Gerridae s'insère parfaitement dans mon environnement. Le cadre noir rappelle celui des deux photos d'Un son qu'Éric m'avait offert pour mes soixante ans, sans parler de mon nouveau réfrigérateur qui est noir mat. Quant aux couleurs des leds, autour, qui suivent celles qui s'animent dans le cadre, elles collent merveilleusement avec le kitch flavinien de l'escalier. Le son reste discret, bien proportionné à l'œuvre de 70x70 centimètres et au salon où Gerridae est accroché. Eric a dû percer le mur de 29 centimètres d'épaisseur pour qu'aucun fil ne soit visible sur la façade. J'adore son travail parce que passé l'esthétique réside une éthique, sorte d'histoire ouverte à laquelle le spectateur participe par son interprétation. Les œuvres purement plastiques m'ont toujours un peu ennuyé. Cinéphile jusqu'à la pointe des oreilles, j'ai besoin qu'on me raconte des histoires. Mais je préfère laisser la parole à l'auteur qui présente ainsi Gerridae, agrémenté de photographies et d'un petit film explicite :
Des fragments graphiques évoluent sur un écran. Leur modèle de comportement et d’interaction est inspiré de celui des araignées d’eau (Gerris, de la famille des Gerridae) à la surface d’un étang. Lorsque le spectateur s’approche et effleure le cadre de l’écran, les fragments se stabilisent et s’assemblent en une proposition poétique, cryptique, aléatoire mais néanmoins (si on le souhaite) divinatoire.
L’homme a toujours cherché à voir dans les manifestations naturelles autonomes (formes des nuages, vols des oiseaux…) des “signes” qui l’éclaireraient sur son devenir. Ne comprenant pas les raisons pour lesquelles un objet ou un organisme s’anime, il cherche obstinément une intentionnalité, une volonté extérieure à lui qui s’exprimerait par ce mouvement, puis fait intervenir un médiateur initié, l’oracle, pour transformer ces signes cryptés en messages intelligibles qui s’adresseraient exclusivement à lui-même. Ce réflexe anthropocentriste n’est pas l’apanage des tribus primitives. Même pour nous, l’idée du hasard et de l’absence de déterminisme divin dans l’origine de ces mouvements, telle qu’exprimée par les Epicuriens à propos des atomes, ne s’impose jamais d’elle-même (c’est pour cela que j’ai fait “De notre nature”) et est constamment à redécouvrir. J’en veux pour preuve cette phrase elliptique et mystérieuse, généralement lancée pour clore une discussion et que tout le monde à déjà entendu: “De toute façon, il n’y a pas de hasard…” Cette phrase sous-tend une proposition connexe qui est que, si on s’en donne la peine, “Tout s’explique.” Dans ces moments là, on parle généralement, non pas du mouvement des choses naturelles, mais du mouvement des choses que l’on ne comprend pas en général. Et si l’intention qui préside à ces mouvements n’est pas celle d’un dieu en bonne et due forme, il y a là l’affirmation d’un principe déterministe universel qui régente le monde. Il n’y a donc pas de hasard et pas d’insignifiant. Tout fait signe, tout fait sens. Il ne reste qu’à trouver le bon oracle. Gerridae est partie de l’idée que si tout fait sens, j’aurais alors plaisir à produire les signes, ou, tout du moins, le contexte dans lequel ces derniers peuvent émerger. (C’est, il me semble, le travail de l’artiste que de produire des signes). Dans Gerridae, je crée donc la mare aux insectes qui doit faire signe et je laisse au spectateur le choix du moment ou ceux-ci doivent s’exprimer. Lorsqu’il effleure le cadre de sa main, les “insectes” électroniques se transforment en phrase. J’ai utilisé la structure du Yi King ainsi que des propositions du générateur de texte mis au point par Jean-Pierre Balpe et Samuel Szoniecky pour obtenir des propositions poétiques aléatoires qui peuvent se rapprocher, si l’utilisateur veut le voir en ce sens, d’une divination cryptée. Je souhaite néanmoins qu’il y voit avant tout une poésie qui, tout autant que la prédiction, révèle des aspects insoupçonnés de ce dont elle parle.
L'inspiration du Yi King n'est pas faite pour me déplaire. Matérialiste fervent, je connais néanmoins le pouvoir magique des mots comme de toutes les œuvres de l'esprit. L'inconscient fait partie de cette poésie que je retrouve chez Cocteau, Lacan ou Godard, mes trois voix préférées, même au sens littéral. Question de rythme probablement, d'adéquation entre le sens et le ton certainement. Dans de rares moments où je perdis mes repères, consulter le Yi King m'a aidé à valider mes choix. En lisant John Cage je m'étais aperçu de son étonnante construction, identique à notre ADN avec ses 64 hexagrammes. La récente version du Yi Jing réalisée par Pierre Faure enterre définitivement la vieille traduction de Richard Wilhelm pour mille raisons. Et Gerridae de me susurrer : " l'entendement ne se distingue pas du rêve / ciel au-dessus d'une eau stagnante / le roi cherche dans tous les coins / et parle de l'amour / pas un puits ".

FAUT QUE ÇA BOUGE
Article du 29 novembre 2022


Éteint, Gerridae ressemble à un four encastré au design élégant. Il est assorti à mon réfrigérateur noir mat et au cadre d'Un son qu'Éric Vernhes m'avait offert il y a exactement dix ans. Allumé, un collectionneur avancerait qu'il se marie bien avec mes Gayffier, mes Yip, mon Séméniako, mon Clauss ou mon Rothko. Sauf que je n'ai pas de Rothko. Alors personne ne dira rien. On écoutera le son des pattes d'araignée qui irrite Elsa, mais qui me rappelle les percussions varésiennes de mes nuits sarajéviennes quand les flammes sortaient des canons. Je m'endormais aussitôt, doucement, comme on compte les moutons. C'est léger, délicat. On ne peut qu'admirer les formes et les couleurs qui bougent sans cesse jusqu'à ce qu'apparaissent des lettres, puis des mots, enfin des phrases.


Effleurer la ligne de métal. Et la machine d'Éric distille son poème. Chaque fois un nouveau : "le destin joue avec les mots et les images / un voile dans ton ciel / le dément chasse en trois saisons / et ose poser la question directement / leur narration n'avance pas." Tout s'efface aussitôt qu'on l'a lu. Et les lignes de texte de s'entrechoquer encore et encore. De temps en temps je baisse le son pour varier la bande son. Une voiture passe dans la rue. Le chat miaule pour sortir. Le téléphone sonne. Des voix. De la musique. Pas celle de l'écran. Une autre, que j'aurais choisie, par exemple. Là un solo de guitare de Tatiana Paris extrait de son album Gibbon. Par hasard ? Cela m'étonnerait. Un coup de dés...


La contemplation des ronds dans l'eau est fascinante. Les caractères s'entrechoquent. Les lignes sont faussement solidaires. Les ricochets cinétiques font exploser les bulles légères. À cette étape les phrases ne tiennent pas. Il faut attendre qu'elles se stabilisent. Je pique du nez. Trois à cinq heures de sommeil ne suffisent pas. Voilà plus d'un mois que ça dure ! Je vais manger un fruit.


Depuis deux jours je recopiais quatre terras de sons sur un minuscule disque SSD externe pour accélérer les temps de chargement lorsque je joue. Ouf, c'est réussi. Regarder la jauge qui se remplit, comme du temps où les ordinateurs étaient beaucoup plus lents, n'est pas palpitant. Je préfère me laisser hypnotiser par le psychédélisme cinétique de l'œuvre d'Éric. Et la musique. Ma musique. Celle dont j'ai une vague idée dans la tête et qui devient réelle dès que mes doigts se posent sur le clavier. En fait je n'y comprends rien. Je n'y ai jamais rien compris, même après l'avoir analysée, quasiment autopsiée puisqu'à ce moment-là elle ne peut qu'avoir été. Or chaque fois que j'y plonge elle me dépasse, comme si mes mains étaient celles d'Orlac, comme si un autre m'animait, que j'étais une marionnette. Même sensation lorsque je compose. Un autre pense à ma place. J'exécute. La création artistique serait-elle une forme de schizophrénie ? En tout cas, c'est une échappatoire, un moyen de supporter le réel, si toutefois il existe. C'est peut-être pour cela que j'aime Gerridae. Comme toutes les œuvres qui bougent, elle entre en résonance avec mon ciboulot. En perpétuel mouvement, elle livre ses oracles. N'est-ce pas ce que j'attends de toute création de l'esprit, qu'elle oriente mes choix ?

mercredi 6 décembre 2023

Séméniakoscopie


En 1997 Valéry Faidherbe participait au CD-Rom Carton que je réalisai à partir du fonds photographique de Michel Séméniako. Faidherbe nous filma, Bernard Vitet, Michel Séméniako et moi-même, dans l'espèce de photomaton inventé par le photographe où chacun pouvait faire sa propre lumière avec un faisceau de fibres optiques. Quatorze ans plus tard il imagine à son tour une machine à faire du Séméniako ! Il lui propose de restituer ainsi son geste de peintre de lumière, mais dans le mouvement. En septembre 2011, il tourne son film, Séméniakoscopie (8 minutes), dans le cadre de la résidence du photographe à Marcoussis.
"En superposant le temps de la réalisation des poses nocturnes, le film donne à voir la construction de l’image qui est l’addition sur une seule photographie de tous les coups de pinceaux lumineux colorés donnés par Michel Séméniako avec sa torche dans l’espace photographié. Il restitue ainsi la magie de cette révélation lumineuse du paysage. La bande-son documentaire restitue la concentration de cette merveilleuse fiction où la lumière réécrit l'histoire ou la géographie. Le vidéaste en profite aussi pour faire quelques expériences de mélange du temps et de l'espace, un grand désordre qui contraste terriblement avec le calme des prises de vues" (2 minutes).
Sur le point de terminer le montage de ce luxueux making of, Faidherbe, à qui j'avais présenté le photographe, effectue une quadrature de ce cercle d'amis en ajoutant quelques accords musicaux et un bout de refrain de la chanson que nous avions composée (L'ectoplasme, index 5), nous-mêmes tentés d'exprimer l'étonnante technique du photographe, paradoxalement invisible dans le cadre qu'il habite et construit.

Article du 22 novembre 2011

vendredi 1 décembre 2023

Elliott Erwitt [1928 — 2023]


Le photographe Elliott Erwitt vient de nous quitter. Je republie un extrait de l'article du 11 juillet 2012 que j'avais envoyé d'Arles alors que j'assumais le rôle de directeur musical des Soirées des Rencontres. Ici au Théâtre Antique la percussionniste Linda Edsjö l'accompagne tandis qu'Antonin Trí Hoang à la clarinette et moi-même à la flûte, aux guimbardes et à la trompette venons leur prêter main forte. Sur le lien vous pouvez assister à sa présentation en deux parties vidéographiées. Grande tristesse face à la disparition de cet homme extraordinaire.

ARTE Creative met en ligne les Soirées des Rencontres de la Photographie qui se sont déroulées au Théâtre Antique d'Arles la semaine dernière, du 3 au 7 juillet 2012, sous la voûte étoilée.
Commençons par Elliott Erwitt accompagné par la percussionniste Linda Edsjö. Pour quelques passages Antonin-Tri Hoang à la clarinette et moi-même à la flûte, aux guimbardes et à la trompette, les rejoignons. Arte a découpé la prestation d'Erwitt en deux parties.


Directeur musical, j'ai choisi les musiciens et musiciennes qui sont intervenus en direct, y participant parfois, composé une petite pièce symphonique pour le Prix Pictet, enregistré mon doigt sur une vitre pour l'animation que Grégory Pignot a réalisé du jingle des Rencontres d'après l'affiche de Michel Bouvet, illustré musicalement quelques autres sujets.


Les réalisations sont de Coïncidence (Olivier Koechlin, François Girard, Valéry Faidherbe).

mercredi 22 novembre 2023

Le kaléidoscope de Jérôme Lefdup


Avec son exposition Chaînons manquants, le vidéaste Jérôme Lefdup joue sur le paradoxe temporel, quand l'avenir exhume le passé dans un présent plus fragile que jamais. Par la magie de la réalité augmentée, des œuvres créées il y a 20 ou 40 ans sont ranimées par une application gratuite pour smartphone, EyeJack, qu'il avait déjà utilisée pour la pochette du vinyle Addendum, réalisée avec son frère aîné Denis, compositeur et designer sonore. Parce qu'il n'y a pas un, mais deux Lefdup, parfois signant simplement Lefdup & Lefdup ! Cette fois c'est la fête du cadet qui présente une collection de petits tableaux augmentés et d’objets-vidéo où l'illusion du relief renvoie à la magie de l'enfance. En scannant le QR-Code placé sous chacun, les images s'animent, offrant une petite danse d'art naïf soulignée par une charmante musique répétitive et rythmique. Je pense à la phrase d'un spectateur ou d'une spectatrice relevée par Jean Cocteau, en 1917 au Chatelet, lors de la première de Parade créé avec Erik Satie, Léonide Massine et Pablo Picasso : "Si j'avais su que c'était si bête, j'aurais amené les enfants". Ils adoreront Chaînons manquants, comme celles et ceux qui n'ont pas perdu l'innocence de savoir encore jouir du merveilleux.


Lors du vernissage lundi soir les amis étaient au rendez-vous. Je suis toujours heureux de croiser Martin Meissonnier qui me rappelle le petit Martin lorsqu'il était assistant à France Musique dans les années 70 alors qu'il est devenu un grand producteur et réalisateur. Plus loin j'aperçois Marc Caro dont les films rappellent nos premières lectures de bandes dessinées ou Bertrand Belin, venu en voisin, en discussion avec Denis dont les roues sont peintes telles un phénakistiscope, couleurs vives qui tranchent avec la grisaille urbaine. J'écoute Tambour Vision en tapant ces mots, Que dalle tout...


→ exposition Jérôme Lefdup, Chaînons manquants, jusqu'au 30 novembre 2023, tous les jours de 14 heures à 19 heures
→ projection d’une double compilation Lefdupienne le samedi 25 novembre à 20h30
→ décrochage le jeudi 30 novembre à partir de 18 heures
à la Guillotine / Les Pianos - 24 rue Robespierre à Montreuil, atelier au fond de l’allée dans un des anciens entrepôts des pianos Hanlet

jeudi 9 novembre 2023

Touché !


Sur son excellent blog, Beyond The Coda, Jean-Jacques Palix publie l’intégrale du manifeste de Radio NOVA de 1983.
La publication de ce Manifeste est un grand soulagement pour moi. Il s'appuie sur des dizaines de samples issus de la pièce "Crimes parfaits" d'Un Drame Musical Instantané publié sur le disque "A travail égal salaire égal" deux ans plus tôt. Je pratiquais ce type de montage radiophonique depuis mon film "La nuit du phoque" réalisé en 1974, film dans lequel jouait d'ailleurs Jean-Pierre Lentin. La boucle de Radio Nova qui passait préalablement la nuit intégrait déjà "M'enfin" de l'album "Rideau !", le précédent disque du Drame publié en 1980. Fadia Dimerdji est morte en 2015, juste avant de raconter comment avait été forgé le style de Radio Nova. Le Drame utilisait en outre des extraits de dialogues de film depuis 1977, dès son premier disque "Trop d'adrénaline nuit".
Quarante ans plus tard, cela fait chaud au cœur d'entendre ce document qui révèle comment les choses sont nées, témoignage extraordinaire de l'influence que j'ai pu avoir sur le style de Radio Nova que j'ai longtemps adoré, y reconnaissant souvent d'étonnantes concommittances.