jeudi 5 juillet 2007
À la mode de chez nous
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 5 juillet 2007 à 11:32 :: Humeurs & opinions
Le "nouveau" Président de la République est un malin. Il ferait croire à la population qu'il incarne la révolution face à l'immobilisme des socialistes, sur le mode "nous, nous ferons ce que nous disons, les autres n'ont fait que des promesses". La gauche incarnerait la réaction et la droite les forces de progrès. Cela rappelle les détracteurs du vélo à Paris qui vous suggèrent les carrioles à cheval ou les chars à bœufs, ou encore les défenseurs du mp3 contre la qualité réelle des CD. À admettre qu'il y ait ici et là révolution, il en existe toutes sortes qui ne vont certainement pas dans le sens de l'amélioration des conditions de vie. La révolution islamiste iranienne, le développement métastasique automobile, la compression audio montrent alors ce qu'est en réalité le progrès, une manière de vendre la modernité, étymologiquement "à la mode"... À la mode de chez nous on nous plante avec les coûts, à la mode de chez nous on nous plante avec les fous, à la mode de chez nous on nous plante avec le goût, à la mode de chez nous on nous bourre vraiment le mou. J'aurais pu choisir d'autres rimes en sous, en tout, que ça n'y changerait rien, le progrès est un leurre que brandit le pouvoir chaque fois que les arguments idéologiques font défaut. Je ne m'étendrai pas sur la faillite de la démocratie bourgeoise, le lobby automobile et les ressources planétaires, mais l'on peut s'inquiéter d'une population à qui l'on fait avaler n'importe quoi sous couvert de modernité ou de progrès. Une révolution est un mouvement cyclique qui nous fait revenir à notre point de départ, un tour complet, un tour de passe-passe, mais c'est ainsi que les hommes vivent, s'enfonçant tous les jours un peu plus dans l'ignominie et l'aveuglement. La révolte est tout autre. On y reviendra... Il fait des bonds, il fait des bonds, il fait des bonds...
L'extrême-gauche se désespère donc du tour que prennent les choses. On confond Mai 68 à la réaction qui n'a eu de cesse de revenir sur ses acquis. Sarkozy a toujours rêvé de revenir à l'état d'avant, on le comprend, tout était clair, chacun à sa place, les femmes, les prolos, l'ordre. Mais il ne faudrait pas pour autant le diaboliser en découvrant une France glissant radicalement à droite. Elle l'a toujours été et nous n'avons jamais représenté qu'une frange marginale attachée à une morale héritée des Lumières, de la Révolution française, de la Commune et de 1917 ou 1936. Il est sain de rêver et de développer de nouvelles utopies lorsque la classe politique s'affole à en perdre tout repère. Né en 1952, je ne me souviens pas d'avoir connu autre chose que la droite au pouvoir. Peu de souvenir de la IVème République avec René Coty, mais la mémoire de la Vème, pom pom pom pooom. D'abord 1958 et la Guerre d'Algérie avec De Gaulle, jusqu'en 69, puis Pompidou qui incarnait la puissance des banques, Giscard d'Estaing le faux aristo arrogant, petite accalmie mitterrandienne d'un ou deux ans au lancement mais la social-démocratie montre vite son vrai visage, cohabitation, Chirac... Y voyez-vous autre chose que la droite aux rênes du pays ? Moi pas. Alors on s'y fait, d'appartenir à la résistance. La lutte continue, parce qu'on n'a pas le choix. On refuse les accords stratégiques qui détruisent ce pourquoi nous combattons, des idées qui nous permettent de nous regarder dans la glace sans honte de ce que nous avons été et de ce que nous sommes devenus. La route est longue.