70 avril 2020 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 30 avril 2020

Glissade


J'adore les palmiers à condition qu'ils soient épais, croustillants, mais surtout moelleux à l'intérieur. Depuis que le boulanger de la Place du Vel d'Hiv a déménagé il y a une dizaine d'années vers la rue des Martyrs, je ne m'y retrouve pas, symboliquement pas plus que gastronomiquement. J'en ai encore le goût et la texture sur le bout de la langue et son évocation inonde mon palais.
Question palais, j'ai de la chance d'être confiné dans ma maison. Il n'aurait pas fallu que cette crise sanitaire, politiquement sanitaire, se soit présentée plus tôt, lorsque je n'avais pas de quoi acheter le croissant au beurre dont je rêvais ou pendant un de mes célibats forcés. Ma génération a profité des années glorieuses de l'après-guerre, même si mes parents clamaient qu'ils n'auraient pas dû faire d'enfants à l'époque de la bombe atomique. Personne qui ne l'a vécue ne peut imaginer la France d'avant 1968. On est passé du gris à la couleur. De la blouse et la cravate au psychédélisme, tunique à fleurs pour les garçons et pantalon pour les filles. Nos utopies s'appelaient Révolution ou Peace & Love, comme si l'on allait changer le monde, avancer vers la civilisation des loisirs en réduisant les inégalités. C'était très différent des menaces de l'anthropocène. Si nous pratiquions l'amour libre, nous n'étions pas plus heureux pour autant, mais les maladies vénériennes n'étaient plus une menace vitale et le Sida n'était pas encore apparu. Jusqu'au milieu des années 70 nous avions aussi mangé sainement...
C'est peut-être au moment du choc pétrolier, en 1974, que tout a basculé. On ne s'est pas rendu compte tout de suite que le vent avait tourné. Les bidonvilles disparaissaient progressivement, du moins en Europe. La vie semblait clémente, même en tirant le diable par la queue. Pourtant la Terre ne tournait toujours pas rond. L'exploitation de l'homme par l'homme, la néo-colonisation, la guerre continuaient à engraisser les riches. Une sorte d'éthique héritée de la culpabilité de n'avoir pas empêché les crimes de masse du nazisme semblait nous prémunir du retour de la Bête. Le second virement catastrophique eut lieu au début des années 90, lorsque nous avons laissé faire, voire enclencher et favoriser, la guerre des Balkans. En revenant du Siège de Sarajavo, j'ai raconté que nous avions ouvert la porte à une nouvelle ère de violence criminelle sans que personne s'en émeuve. Si nous étions intervenus en Bosnie, le Rwanda ou la Tchétchénie auraient été impensables, des tyrans comme Orban ou Erdoğan n'auraient pas pu exercer leur morgue. Il faut se souvenir de la levée de boucliers mondiale contre la guerre du Vietnam. Naïfs, pensions-nous qu'elle puisse être la dernière ? Les États Unis ont ravagé l'Afghanistan, le Moyen-Orient, reprenant le pouvoir en Amérique du Sud... L'Europe était déjà sous leur joug, soft power de l'économie, rançon d'une gloire maintes fois usurpée. La puissance soviétique eut-elle été un leurre, la disparition de l'URSS leur laissera les mains libres. Les Américains ne sont pas les seuls, mais ils détiennent tout de même le pompon. En stigmatisant la religion, nous avons renforcé les replis communautaires. La société de consommation a fleuri au delà de ce que la planète peut supporter. La pollution semble irréversible. Le permafrost fond. L'avenir est incertain.
Et voilà, j'ai doucement glissé d'une incroyable utopie à une dystopie suscitant une décroissance vitale. Ma génération morfle peut-être plus qu'une autre de cette dégringolade, politique, économique, sociale. Ceux qui ont connu 1936 ont pratiquement disparu, mais ceux qui n'ont perdu, des années 60, ni la mémoire ni le sens du combat, sentent le poids terrible de la réaction. Pour nos enfants qui ont grandi avec le Sida, le chômage, la guerre omniprésente, même si pratiquée hors-sol national, la pollution, tout cela est presque banal. J'ai beau apprécié l'absurde, j'ai du mal à avaler le saccage systématique de la mafia financière qui a pris le pouvoir un peu partout sur la planète.
En l'absence d'un sucré palmier moelleux, je me remonte le moral en me disant que j'ai la chance de faire le métier que j'ai choisi, dans une magnifique demeure acquise grâce à mes droits d'auteur, entouré d'amis et d'amour, protégé par un régime de retraite que les plus jeunes doivent défendre coûte que coûte, tant et si bien que les aliens du jardin qui se font passer pour les fleurs du palmier me semblent resplendir cette année. Confinés, surveillés, contrôlés, évalués, matraqués, nous n'avons d'autre choix que de nous contenter de ce que nous avons aujourd'hui avant de nous soulever demain contre la clique bête et méchante qui dirige le pays, incapable de gérer quoi que ce soit d'autre que la vente de l'État (c'est nous) au privé (quelques ultra-riches dont les avoirs sont soigneusement planqués off-shore) en se servant de la force brutale d'une police en roue libre.
Il m'a toujours semblé que tout, absolument tout, était affaire de cycles. Le son, la lumière, la vie. Aux mauvaises nouvelles succèdent les bonnes, et ainsi de suite. On n'est jamais tranquilles ! En y travaillant, on peut réduire l'intensité des mauvaises, allonger le temps des bonnes. À condition de ne pas détruire les abscisses et les ordonnées de cette fragile équation de toute vie sur Terre... En conclusion sommaire, les beaux jours sont devant nous, mais ils ne naîtront pas sans nous, sans que nous abandonnions notre pseudo confort !
Je voudrais tout de même un jour retrouver un palmier croustillant en surface et moelleux à l'intérieur... Un peu comme ma vie !

mercredi 29 avril 2020

Chanson coupée


J'apprécie les DVD pour leurs bonus : documentaires, témoignages, scènes coupées, etc. Certains de mes articles peuvent aussi être considérés comme des suppléments à je ne sais quoi. J'avais prévu de chanter dans la dernière pièce de mon prochain album, Perspectives du XXIIe siècle, et puis en avançant je me suis rétracté. Il y avait suffisamment de voix et je préférai conserver l'aspect évocateur plutôt qu'enfoncer le clou. Dans le disque, ma fille Elsa chante une petite mélodie, Jean-François Vrod produit d'inquiétants borborygmes, dix-sept "survivants de la catastrophe" venus du monde entier prononcent quelques phrases, chacun/e dans sa langue maternelle, et surtout il y a les voix du passé enregistrées en Éthiopie, dans les Alpes Suisses, au Pays Basque, dans les îles Hébrides, en Géorgie, chez les Esquimaux Caribou, au Congo, en Bretagne, en Roumanie, à Formose, en Kabylie, au Japon, au Niger, en Asturie, en Grèce, en Côte d'Ivoire, dans le Berry... J'oubliais que j'énonce aussi certains principes de démocratie directe ! Alors aujourd'hui je livre le brouillon de ce que je ne chanterai probablement jamais en l'illustrant d'une photo qui ne figurera pas non plus dans le livret de l'album produit par le MEG (Musée d'Ethnographie de Genève). Sa sortie est repoussée au 21 juin pour les raisons qu'il ne vous est pas difficile d'imaginer...

J’ai creusé à deux mains
En retournant la terre
J’ai pensé à demain
Avec une barre de fer

I dug I dug I dug
Looking for something
There was a lot of dust
Just under the rag

J’ai pensé à deux mains
En regardant la Terre
J’ai pensé à demain
À ce qu’il faudrait faire

I fly I fly I fly
Looking for something
We are a little dust
Lost under the sky

Le thème de mon disque est brutalement d'actualité. Commencée il y a plus d'un an, cette utopie post-apocalyptique, tristement lucide et merveilleusement romantique, sortira à point nommé...

Grands remerciements à Homeira Abrishami, Blick Bassy, Rafael Carlucci, Vilma Parado Dejoras, Dana Diminescu, Linda Edsjö, Jalal Gajo, Alba Gomez Ramirez, Nikoleta Kerinska, Madeleine Leclair, Birgitte Lyregaard, Gary May, Manolis Mourtzakis, Anna Prangenberg, Monika Stachowski, Valentina Vallerga, Sun Sun Yip qui ont prêté leur voix au futur.

mardi 28 avril 2020

Söta Sälta, comme c'est étrange !


En ces temps troubles où la population ne fait plus confiance dans son gouvernement, ramassis d'arrivistes bêtes et méchants à la solde des banques ou de l'industrie pharmaceutique, comment croire un père vantant les œuvres de son enfant ? Franchement, non ! Ce n'est pas parce que j'affirme que le CD Comme c'est étrange ! est un petit bijou qui enchantera tous les enfants de 2 à 102 ans que vous devez me faire confiance. Il est plus sain d'en juger par vous-même. La percussionniste suédoise Linda Edsjö et ma fille Elsa Birgé forment le duo Söta Sälta. Cela signifie sucré salé en suédois. Elles avaient enregistré cinq teasers sur YouTube qui vous mettront l'eau à la bouche. Je rembourse les insensibles, mais pas les sourds tant elles sont drôles à regarder en spectacle !
Il faut aimer la coquinerie et l'impertinence, les belles mélodies et les rythmes entraînants, parce que ces douze chansons sont aussi enthousiasmantes que leur précédent album pour la jeunesse, Comment ça va sur la Terre ?, qu'elles avaient enregistré avec l'accordéoniste Michèle Buirette. Celle-ci a d'ailleurs écrit les savoureuses paroles de Bizarre et du Caméléon, et la musique du Léopard. Les deux complices reprennent aussi Attention au loup (texte de Dominique Fonfrède, musique de Gérard Siracusa) initialement paru en 1993 sur le CD Jamais tranquille ! du trio Pied de Poule, autre album incontournable pour les petites oreilles. Elsa avait alors 8 ans. C'est souvent en devenant parent que les musiciens accouchent d'un disque pour les enfants. La même année, j'avais ainsi créé Crasse-Tignasse avec Gérard et Bernard Vitet ! Mais revenons à nos agneaux...
Les autres textes sont de Yannick Jaulin (Dormir sur la terre), Robert Desnos (La fourmi, Le ver luisant, Le léopard), Abbi Patrix (Les trolls), Margit Holmberg (La berceuse de la Maman Troll) et Jean-François Vrod (J'aime ça, Etravanage), tous gages d'un tendre humour caustique. Linda Edsjö, qui a composé la plupart des chansons (les arrangements sont tous signés du duo), chante et joue du marimba, du vibraphone, de l'harmonium, en plus tape sur des objets bizarres. Elsa chante et joue d'un mini accordéon, de la brosse à dents, de cloches et des jouets qui me remplissent de bonheur. Entendre "même si ce n'était pas ma fille", mais j'en suis d'autant plus ravi qu'elle le soit... Pour ma part, je suis écroulé quand sort la langue Bläup ! du petit Caméléon, par leur va-et-vient franco-suédois, lorsqu'elles mangent des vers de terre, quand elles font des nœuds avec leurs bras pour jouer des cloches ou lors de l'inénarrable Etravanage qui clôt génialement le disque. Le contrebassiste Pierre-Yves Le Jeune (qui accompagne Elsa dans le groupe Odeia), le corniste Nicolas Chedmail (qui dirige le Spat'Sonore où elle intervient parfois) et Michèle Buirette leur prêtent main forte. Sur scène elles sont seules, mais elles occupent l'espace sans qu'on sente passer le temps.
N'hésitez pas, vous ferez des heureux et des heureuses, que vous ayez des enfants ou pas, l'important est d'en avoir garder l'âme, sinon à quoi bon tout cela ?

→ Söta Sälta, Comme c'est étrange !, CD Sillidill, dist. Victor Mélodie, 14,25€

lundi 27 avril 2020

L'homme à la caméra ÉLU Citizen Jazz


Super article de Franpi Barriaux dans Citizen Jazz qui a ÉLU la réédition du disque L'HOMME À LA CAMÉRA (première publication en CD) sur le label autrichien Klanggalerie avec en prime l'inédit LA GLACE À TROIS FACES, le tout pour le grand orchestre d'UN DRAME MUSICAL INSTANTANÉ avec Jean-Jacques Birgé, Francis Gorgé, Bernard Vitet, Youenn Le Berre, Magali Viallefond, Jean Querlier, Denis Colin, Hélène Sage, Patrice Petitdidier, Philippe Legris, Gérard Siracusa, Jacques Marugg, Bruno Girard, Bruno Barré, Nathalie Baudoin, Marie-Noëlle Sabatelli, Didier Petit, Helene Bass, Geneviève Cabannes !
Et Franpi ajoute le film de Vertov avec le Drame en 1984 sur DailyMotion en fin d'article...
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C’est un sacré événement auquel nous convie le label autrichien Klang. Spécialisé dans la réédition des disques « pionniers » des musiques électroniques et fureteuses, c’est à eux qu’on doit déjà le retour dans nos oreilles le Rendez-Vous de Jean-Jacques Birgé avec Hélène Sage (et aussi quelques disques des Residents, mais c’est une autre histoire…). On retrouve d’ailleurs les deux dans ce disque à double entrée : le premier, parce qu’il est membre d’Un Drame Musical Instantané (UDMI), et la seconde en tant qu’invitée, parmi la foultitude d’artistes présents au Théâtre Dejazet, ce 14 mars 1984, alors que UDMI captait la bande-son de L’Homme à la caméra de Dziga Vertov, tourné en 1929. La musique jouée par quinze musiciens est intuitive et très complexe parfois, tout en gardant une inclination pour l’immédiateté. On pense à Lumpy Gravy de Zappa, notamment dans l’échange entre le hautbois de Magali Viallefond et le basson de Youenn Le Berre ou la clarinette basse d’Hélène Sage.
On sait Birgé et ses amis Francis Gorgé et Bernard Vitet très influencés par le cinéma, et le choix de ce film de Vertov n’est pas anodin. Véritable mise en abyme, film du film, cette œuvre expérimentale sans ligne conductrice offre à UDMI l’occasion d’inventer. « Premier Rendez-Vous : Cérémonie » célèbre ainsi le sens de la narration du trio très augmenté et la liberté dont jouissait Francis Gorgé à la guitare. Comme Vertov dans son film, il y a une sensation de foisonnement extrêmement pensé pour invoquer cette diversité qui fait société, où comment narrer sans cadre. On y entend du chant, du théâtre en action (« Cosinus »), et des élans musicaux très sophistiqués, notamment avec le concours de Didier Petit au violoncelle. L’Homme à la caméra voulait faire du cinématographe en rupture avec la littérature et la comédie. UDMI nous prouve que l’image est intimement liée à la musique. Et même, qu’elles s’entre-nourrissent avidement.
La suite du disque garde peu ou prou le même visage en ce qui concerne les musiciens mais le ton change du tout au tout. Plus classique dans sa forme, La Glace à trois faces de Jean Epstein (1927), tiré d’une nouvelle de Paul Morand est un film davantage tourné vers le drame et les ressorts psychologiques. Enregistré à Corbeil-Essonnes en 1983, ce ciné-concert est totalement inédit. Il permet de goûter à la plasticité de UDMI. Le film, facilement trouvable sur le net, permet de voir à quel point la musique se conçoit en même temps que l’image. Dans ce marivaudage tragique, Birgé au piano fait des merveilles (« Le Malheur ») et un quintet à cordes prend une place centrale, non sans s’inspirer des souvenirs lointains des partitions en vogue dans le muet pour mieux les distordre et les réinventer. A commencer par le jazz de guingois de « Bohème » où le tuba de Philippe Legris et la clarinette basse de Denis Colin rendent coup pour coup à la trompette de Vitet. Un disque indispensable à tous les amoureux du cinéma, et à ceux qui aiment les musiques furieusement inclassables.

Manuel de survie (2)


Je suis furieux. C'est à l'épreuve du feu que l'on apprend si certaines astuces fonctionnent. Or mon Manuel de survie ne délivre aucun conseil en cas de pandémie. On y trouve bien comment sortir de sables mouvants, comment échapper à un ours, un puma, un requin ou des abeilles tueuses, comment sauter d'une voiture en marche depuis une moto ou entrer dans un train en marche quand on se trouve sur le toit, il y a même que faire si une dame accouche dans un taxi, comment survivre si on est perdu dans le désert, que faire si mon parachute ne s'ouvre pas... Mais franchement à quoi cela peut-il servir en temps de confinement ?! J'entrevois pourtant comment forcer une porte, sauter du haut d'un immeuble dans un containeur puis soigner une fracture de la jambe. Là on se rapproche du réel et de la sortie de crise...
Je cherche aussi sur Internet où nous pourrons nous réfugier sur la planète pour échapper à la folie et la stupidité de l'espèce humaine, mais cette autre pandémie, bien plus virulente que le Covid-19, semble avoir gagné tous les continents. Je ne trouve pas un seul pays où me sentir en sécurité. Les anciens de Lehman Brothers ont infiltré les gouvernements, et quand ils n'y sont pas de sombres imitateurs servent les intérêts de banquiers sanguinaires ! Le confinement n'aura donc servi à rien. Il aura tué plus de monde que le virus et ouvert les portes à l'obéissance de groupe. Le test est positif. Nous sommes infectés, mais sommes-nous pour autant condamnés à vivre sous le joug d'une autorité absurde ? Aurais-je besoin d'un manuel de survie un peu plus conséquent ?

samedi 25 avril 2020

Le masque


S'il faut avoir été en contact avec le coronavirus pour être immunisé, j'ai trouvé le masque qui protège totalement en cas de récidive ! Le pire, c'est qu'il n'est pas plus cher que les jetables vendus à prix exorbitant...


Ce n'est pas moi qui pose. Je n'en ai pas besoin, j'ai mes chapeaux de pêcheur du Tonlé Sap qui fonctionnent déjà très bien pour les attaques de banques ! En plus j'en ai un rouge, un jaune, deux orange et deux vert. On m'a volé le bleu au Théâtre Antique d'Arles il y a quelques années lorsque j'assurais la direction musicale des Soirées des Rencontres de la Photographie, mais le voleur ne pourra jamais passer inaperçu !


Quant à cet été, je suis prêt quel que soit le temps. La suite de ma préparation au déconfinement lundi dans le blog !

vendredi 24 avril 2020

Miroir, miroir


En cherchant à la cave des gélatines de couleur dans la cantine métallique qui contient les projecteurs du spectacle Crasse-Tignasse, j'ai retrouvé un rouleau d'adhésif miroir acheté il y a trente-cinq ans. J'en ai recouvert le lave-vaisselle blanc qui lui-même en a vingt. J'ai dû m'agenouiller pour qu'il réfléchisse autre chose que le sol bleu. Composée de petits carrés de plastique de 5mm de côté, la surface argentée a pixellisé cette perspective sur la salle à manger et la bibliothèque. J'ai toujours installé quantité de miroirs, non pour s'y voir, mais pour ajouter de la lumière, agrandir les espaces ou créer des effets d'illusion. J'aime transformer les endroits où je vis en décor de théâtre, en palais des 1001 nuits ou en boîte d'une seule, en jardin extraordinaire ou en jungle, toutes proportions gardées. À mes débuts dans le cinéma, je commençais par décorer la salle de montage dans le style du film sur lequel nous travaillions. J'ai beau être spécialiste du son, les images ont une importance capitale dans ma vie. Il n'y a qu'à constater le soin que j'apporte à illustrer mes articles, la plupart du temps avec mes propres photos. Mais la cuisine doit être avant tout fonctionnelle, avec des plans de travail suffisamment spacieux et dégagés pour y œuvrer au moins à deux. Le problème majeur est mon inaptitude impatiente au bricolage. En gros, c'est fait comme un cochon, mais je suis si fier d'avoir surmonté mes appréhensions et d'être arrivé au bout de l'opération que j'ai pris une photo pour vous montrer que je ne suis pas aussi manche que je le crois.

jeudi 23 avril 2020

Mon encyclopédie en 4400 articles


En cette période de confinement, quelques lecteurs/trices me suggèrent de publier d'anciens articles. Riche de 4400 articles, mon blog constitue en effet une sorte d'encyclopédie subjective abordant des sujets extrêmement variés qui se fichent de la mode, même s'ils ne font pas toujours abstraction de l'actualité. Les ressources de l'application DotClear étant limitées, elles rendent peut-être difficile de se frayer un chemin dans cette épaisse forêt où j'ai écrit 7 jours sur 7 les cinq premières années pour me contenter de 5 les dix années suivantes en ne publiant plus le week-end, sauf en de rares exceptions. On peut toujours faire une recherche par thème, mais seuls les derniers articles apparaissent. On pourra choisir de tout relire en commençant par le début, le 4 août 2005, mais je doute que quiconque s'y risque ! J'ai moi-même perdu le souvenir de la plupart des articles que j'ai rédigés, au point qu'il m'arrive de commencer à écrire sur un film que j'ai déjà chroniqué et que j'ai même oublié avoir vu ! En général, je fais une recherche dans le champ en haut à droite pour être certain de ne pas me répéter.
Au cas où vous vous sentiriez une âme d'aventurier, c'est ce champ que je vous conseillerais d'utiliser en y inscrivant un nom propre ou commun, mais de préférence un peu rare, histoire de limiter les occurrences ! Ce principe peut devenir un jeu, un jeu de piste aussi, tant les liens hypertexte tissent une toile rarement explorée par les lecteurs/trices. Essayez et vous plongerez dans l'histoire des quinze dernières années, avec d'étonnants passages plus ou moins secrets vers le passé ou l'avenir. J'aime remonter aux sources autant qu'anticiper.
Un blog n'est ni un roman (encore que celui-ci en ait hébergé deux, livrés par épisodes), ni un travail journalistique (les chroniques de disques, films, expositions, théâtre, livres y ressemblent parfois trop à mon goût, me transformant en militant de ce qui me semble scandaleusement méconnu), mais une sorte de journal extime, raconté à la première personne du singulier, lisible à différents niveaux selon la proximité entretenue avec son auteur. Les sous-entendus sont nombreux, les confessions discrètes ou impudiques, mes coups de gueule explicites au risque de m'avoir valu quelques menaces au delà du raisonnable. Ne cherchant pas la polémique, j'évite les provocations et privilégie l'enquête, tout en sachant pertinemment que tout écrit est un portrait en creux de son rédacteur. Le succès rencontré flattant mon orgueil, j'ai continué à me fendre d'un article par jour, sans ne jamais faillir, sauf lors de certaines pauses salutaires, voire sanitaires, où j'ai coupé la perfusion Internet, par exemple pendant les mois de vacances loin du réseau. La plupart du temps, les trois heures que j'y consacre quotidiennement constituent une gymnastique productive qui me met le pied à l'étrier pour attaquer le reste de mes projets, principalement musicaux. C'est comme siphonner un réservoir, après la première aspiration cela coule tout seul ! Sauf que pour moi, il s'agit plus d'inspiration que d'aspiration. Les retombées sont souvent indirectes. En dehors du lien social, indispensable pour l'ours que je suis, cela m'a parfois offert de magnifiques opportunités et créé des rencontres inattendues.
Pour en revenir au propos de ce billet, j'avoue que cette encyclopédie intime me sert de mémoire, à moi qui n'en ai beaucoup moins que l'on puisse croire, et que je suis certainement le premier à avoir recours au champ de recherche en haut à droite de cette page.

mercredi 22 avril 2020

Memento, homo, quia pulvis es, et in pulverem reverteris


Me livrant aux joies du rangement, je découvre que de nombreux plastiques qui recouvraient les jaquettes de DVD partent en poussière. J'avais déjà constaté que la mousse à l'intérieur des valises ou celle des bonnettes de microphones se désintégraient. Le biodégradable existe donc, mais pas là où il s'annonçait. Par exemple, les sacs de la Fnac caca d'oie qui datent de plus de vingt ans sont nickel, à moins d'avoir été sur le trajet d'un escargot. Les gastéropodes avaient bien dégusté ma carte d'électeur ! Je me demande si la poussière de plastique ou de mousse est toxique ou allergène, mais la poudre ou les petits bouts cassants comme une feuille de riz ne m'inspirent pas confiance.
Dans le genre "date de péremption", les CD, DVD, CDR, DVDR résistent plutôt bien, même si leur longévité n'est pas celle des disques en vinyle. Pour les plus anciens 78 tours, il arrive que la fine pellicule de gomme-laque noire (shellac en anglais) se décolle. Il s'agissait d'une substance obtenue à partir de la sécrétion de cochenilles, des insectes du Sud-Est asiatique, à laquelle on ajoutait de l’ardoise en poudre et quelques gouttes de cire. La base était en coton proche du papier de Manille. Le shellac est encore utilisé dans l'industrie alimentaire (bonbons), les peintures et vernis, et en parfumerie (mascaras, rouge à lèvres, eyeliners, laques à ongles brillantes) ! Peut-être pourrait-on sonoriser ce genre de maquillage en gravant dessus quelques microsillons ?
Si l'on apprécie les mutations, rien ne vaut les aliments frais qu'on laisse pourrir. On ne peut pas s'empoisonner avec des légumes ou des fruits pourris, mais le goût n'est pas génial ! Par contre tout ce qui est animal est fortement déconseillé à partir du moment où cela tourne de l'œil et même bien avant. De toute manière je n'avais pas l'intention de lécher mes disques ni mes boîtiers de DVD, et peu de natures mortes trouvent grâce à mes yeux. Quant au sympathique verset 19 du chapitre 3 du Livre de la Genèse, j'y ajouterai que nous ne sommes que poussière d'étoile et puisqu'il faudra bien retourner au cosmos, alors autant le faire la tête haute, sans peur et sans reproche. J'ai failli écrire sans beurre et sans brioche, mais ça c'est avant qu'il faut y penser. Atomiquement vôtre.

mardi 21 avril 2020

Je ne suis plus malade


Il n'y a pas que le Covid-19. On meurt aussi d'autres causes, mais faute de tests on impute au virus maints départs précipités. Il y a plein d'autres petits bobos, mais les patients évitent les visites chez le médecin par crainte d'une éventuelle contagion dans la salle d'attente. Les hypocondriaques guérissent étonnamment vite ces temps-ci...
Mes amis le savent. Ma principale faiblesse est mon dos qui me rappelle à lui de temps en temps, au point que je suis obligé de le cajoler sans attendre les crises. Lorsque j'avais 18 ans, portant régulièrement les enceintes de 60 kg de ma sono pour jouer en concert, je me collais un tour de rein qui passait en trois jours. À 31 ans, dans ma cave, à la fin d'une séance d'enregistrement d'Un Drame Musical Instantané, j'ai voulu débrancher un câble en torsion et je me suis retrouvé à genoux avec un grand cri japonais dont je ne me suis jamais relevé complètement ! Depuis, j'ai vu trente-six praticiens (kinés, magnétiseurs, rebouteux, masseurs, ostéopathes, etc.) qui m'ont chaque fois sorti de là, mais je reste fragile. Ces derniers quinze ans je me reposais sur une masseuse chinoise pratiquant le tuin anmo, un ostéopathe virtuose et des gélules d'X-Prim. Bonne nouvelle pour les jeunes qui souffrent de ce genre de mal, je vais beaucoup mieux qu'il y a 36 ans ! Grâce aux exercices quotidiens suggérés par un étonnant médecin il y a belles lurettes, j'ai résorbé mon hernie discale, et grâce à la Sainte Trinité évoquée plus haut les lumbagos sont devenus très rares. Or, en cas de blocage pouvant arriver n'importe quand et n'importe comment, le confinement m'empêche de rencontrer mes deux sauveurs ou de prendre le médicament déconseillé dans l'éventualité où le virus frapperait à ma porte. Et bien voilà plus d'un mois que je me porte comme un charme. Évidemment je continue à pratiquer le sauna chaque matin, infrarouges qui chauffent mon corps à 67° ; je ne me suis jamais coincé après cette séance, toujours avant, ou parce que j'avais été extrêmement imprudent, c'est-à-dire totalement imbécile. Il n'empêche que depuis que je n'ai aucun moyen d'être soulagé en cas de coincette, je n'ai pas eu l'ombre d'une alerte. Bon d'accord, mon asthme s'est réveillé avec le printemps, mais je n'ai (hélas) besoin de personne pour le soigner !
Cela me rappelle une autre histoire. Je vivais dans le même immeuble qu'un ami docteur, qui est toujours mon ami et mon médecin traitant, mais j'ai déménagé. Du jour ou lendemain je n'étais plus malade. Cela m'aurait probablement trop ennuyé de traverser Paris pour le consulter alors que jusque là je n'avais qu'à grimper deux étages, et même en ascenseur, que mon inconscient hypocondriaque préférait m'épargner la moindre contrariété physique. À l'époque je n'étais hélas pas à l'abri de celles de l'âme, mais pour guérir je n'aurai à compter que sur moi, ce à quoi je m'emploierai ardemment.
Comme je partageais cette histoire avec d'autres proches, loin de leurs praticiens chéris, l'une me raconte qu'elle n'a plus mal au ventre, l'autre que sa poitrine ne l'oppresse plus depuis le début du confinement, etc. Ces améliorations considérables ne concernent hélas que notre condition physique, entretenue par la gymnastique et la marche à pied, mais n'empêchent pas les inquiétudes légitimes qui assaillent les uns et les autres sur l'avenir social et politique...

Illustration : ophtalmotrope de Ruette photographié lors de la création de La chambre de Swedenborg au MAMC de Strasbourg pendant l'exposition L'Europe des esprits avec Birgitte Lyregaard et Linda Edsjö

lundi 20 avril 2020

La conférence des oiseaux


Comme beaucoup de monde ces temps-ci, nous pratiquons de temps en temps des apéros-vidéo, localement ou plus loin sur le globe. Ces fenêtres virtuelles sont plus réconfortantes que je ne l'aurais imaginé. J'installe l'écran de mon ordinateur sur la table de la salle à manger pour profiter d'une grande image et je concocte quelque cocktail "américain" dont j'avais négligé la pratique malgré la qualité de mon bar qui comprend tout ce qui est nécessaire, tant les outils que les ingrédients ! Je tiens de mon père, qui, parmi ses nombreux emplois, avait été barman au Ritz, quelques recettes originales complétant mon vieux Larousse des cocktails. Ces agapes n'aident pas mon régime minceur, car j'ai tendance à grignoter compulsivement pendant l'échange verbal...
Samedi dernier, tandis que nous partagions un délicieux moment avec Dana, confinée rue des Pyrénées, soit à quelques coups d'ailes de chez nous, nous avons donné involontairement à d'autres l'opportunité de converser derrière notre dos. La chose nous a totalement coupé le sifflet. Dans la cour de notre amie, un merle entamait des phrases mélodiques dont ces coquins ont le secret, tandis qu'un autre, perché sur le cèdre des voisins, les finissait. Nous nous sommes tus pour nous assurer de l'effet. C'était très net. Ils ne sifflaient jamais en même temps, mais enchaînaient chacun à son tour, sans aucun temps mort, comme si l'un complétait les phrases de l'autre, et réciproquement, cela va sans dire. J'ai souvent tenté de converser avec ces grands bavards, flûtistes virtuoses dont j'imitais le chant sans comprendre ce que je leur susurrai. J'imagine que pour eux c'était du charabia, car je ne suivais que les notes sans en saisir le sens. Mais samedi soir, c'était très net. Les deux oiseaux étaient sur la même longueur d'onde et nous assistions bouche bée à un chapitre de La conférence des oiseaux, dans laquelle le perroquet est à la recherche de la fontaine de l'immortalité, quête absurde à l'origine du plus grand désordre ! Toute ressemblance avec des évènements actuels est purement fortuite.

vendredi 17 avril 2020

TZIMX de Mirtha Pozzi


TZIMX, l'album solo de la percussionniste franco-uruguayenne Mirtha Pozzi arrive à point nommé. Ce CD est le seul à avoir passé le filtre de la Poste qui retient bizarrement mes paquets depuis le début du confinement. Autant dire que c'est un rayon de soleil aux accents précolombiens (depuis notre enfermement l'évasion dans l'espace-temps est fortement recommandée), une échappée belle vers un chaos de peaux, de métal, de pierre et de bois où le rythme ne se croit pas obligé de nous faire bouger les hanches (encore que la gymnastique soit tout indiquée si l'on veut être capable de ressortir un jour de notre misérable isolement), une étonnante collection de timbres (déraison de plus puisque la philatélie est passée de mode), un festival de cuik, plak, tri et güamik (ou tzimx pour le son des cymbales) quand la voix ne rejoint pas la famille des percussions.
Il y a deux manières d'écouter le disque. La plus commode consiste à le laisser filer tout seul, la seconde demande un peu de dextérité au niveau de la télécommande. Quatre familles de pièces s'interpénètrent, quatre zones puisque, sur scène, la percussionniste doit disposer sa quincaillerie de manière à être instantanément opérationnelle. On commence par des sons électroacoustiques réalisés par Pablo Cueco, son compagnon, à partir de percussions et d'objets sonores, mélangés à des percussions métalliques. On continue avec des claviers de sons indéterminés, on poursuit avec un poème sonore où la voix vient s'immiscer et on termine avec des instruments posés sur deux toms basses. Et on recommence en changeant d'instruments. C'est la méthode facile, facile pour l'auditeur qui se laisse trimbaler dans cette jungle réinventée.
Il est aussi possible d'envisager chaque zone comme une pièce en quatre parties. Ainsi la zone Musique mixte exige que l'on fasse se suivre les index 1, 5, 9, 13. La zone Claviers de sons indéterminés verra se succéder Touch'métamorphiques pour triple clavier d'ardoises corréziennes et tambour sur cadre, Touch' NOCT pour cinq tambours graves avec balais, Touch' DIUR les mêmes plus un n'tama avec baguettes et Touch'convexes pour six grandes calebasses camerounaises et sonnailles végétales. Mirtha Pozzi se sert aussi de poèmes de Bernard Réquichot ou Hugo Ball. Ou bien encore, les index 4, 8, 12, 16 forment une suite pour cuicas, plaque de tôle, triangles, guacharacas et mikado. De toute manière, à la fin tout se mélange dans ma tête. J'ai l'impression qu'un virus a pris possession de mon cerveau, transformé à son tour en percussion sous les doigts de Mirtha. Je suis devenu un arbre, une forêt, j'entends des oiseaux qui se posent sur mes branches de lunettes. Pendant les silences, des poissons tournent en rond au fond de mon verre. Suis-je en proie à quelque rituel shamanique, ai-je abusé de Grappamiel, d'El Espinillar, ou sont-ce simplement les effets de la crise ? Dites-moi, ça vous fait ça aussi à vous ? Tzimx !

→ Mirtha Pozzi, TZIMX, CD Nowlands un label TAC, à paraître le 28 avril
→ en attendant la fin du confinement, pour l'écouter ou le commander (la pochette montre quatre dessins Insinuoso de Mirtha), allez sur Bandcamp

jeudi 16 avril 2020

Vivre enfermé ou mourir libre


Vivre libre ou mourir enfermé. Mon premier titre exprimait-il vraiment le contraire ? L'humeur et le caractère de chacun/e impliquent des tournures de pensée qui peuvent sembler étranges aux autres. On ne sait plus où donner de la tête. L'absurde de la situation critique nous déstabilise tous et toutes. Il y a quelque chose d'incompréhensible dans ce que nous vivons, trop d'incohérences. J'ai exprimé ces doutes. Les questions sont plus nombreuses que les réponses. C'est déjà ça !

Je vais probablement me faire haïr et insulter, parce que je pense sincèrement que le confinement tel qu'il nous est imposé est une aberration, dans le meilleur des cas. Mon avis n'est pas très important puisque je n'ai aucun pouvoir, ni même aucune compétence. Je ne suis ni président de la chose publique, ni médecin. Par contre, je ne cesse de m'interroger sur les tenants et aboutissants de la crise et surtout sur sa gestion, comparant les options choisies en France, en Corée du Sud, en Islande, en Suède ou en Allemagne, et cherchant la cohérence des chiffres qui en découlent. Pour tout dire, je suis plus inquiet de la vie qu'on nous prépare que de la mort qui nous guette inéluctablement.

Il n'y a que deux manières de se débarrasser d'un virus, l'attraper en groupe ou vacciner à tours de bras. Le vaccin ne serait pas prêt avant au moins un an, le temps que le Covid-19 s'incrémente d'une unité, rendant l'intervention caduque. Il faudrait qu'entre 60% à 80% de la population soit infectés pour que le virus s'épuise. Le confinement n'aura servi au mieux qu'à désengorger les hôpitaux, situation catastrophique due à la gestion criminelle du système de santé par les gouvernements successifs depuis une quinzaine d'années. En dehors de cela, nous ne faisons que reculer pour mieux sauter. Tout déconfinement mènera forcément à une recrudescence de la pandémie. Le 12 mai ou le 15 juin, peu importe ! À moins de repousser la sortie à la Saint-Glin-Glin, nous sommes condamnés à la même punition (rien de christique, je fais référence à la gestion pitoyable évoquée plus haut, suite au choix que nous avons fait de nos représentants). J'ignore si la seconde vague nous touchera en juillet ou en octobre, mais comment l'éviter ? On pourrait tester la population pour savoir qui fut infecté et peut s''occuper des autres, malades ou négatifs. On pourrait porter plus systématiquement des masques. Mais la loi biologique est incontournable. Par contre, analysons les conséquences de ce confinement à rallonges, pour ne pas dire sans fin.

On pouvait lire hier que l'Allemagne envisage de fermer ses salles de spectacles pour 18 mois. Quelles garanties avons-nous qu'elles rouvrent un jour ? Ici ou ailleurs, combien de temps faudra-t-il pour nous relever, si les forces de création, qu'elles soient artistiques, artisanales ou industrielles sont systématiquement assassinées au profit de seules celles considérées comme nécessaires ? On sait déjà qu'une quantité colossale de petites structures ne survivront pas à cette crise, alors que les grands groupes sauront toujours exploiter la situation, quitte à réajuster leur ligne de produits. Après chaque crise majeure, les grandes entreprises s'épanouissent merveilleusement dans la reconstruction. Déjà certains s'enrichissent grassement grâce à la panique boursière tandis que les petits porteurs qui s'affolent voient leurs économies fondre au soleil d'avril. Que dire de celles et ceux qui avaient tant de mal à boucler les fins de mois qu'ils se trouvèrent contraints d'endosser un gilet jaune ? Et les plus pauvres, quel sort cette société leur réserve ? Ma crainte ne concerne pas seulement le quotidien domestique (manger, se loger, se soigner...), mais le décervelage provoqué par la peur, l'ignorance et la détresse. La délation, l'interprétation abusive des décrets par la police, les discours bidons de Macron sont des indices. Pensez-vous réellement que le virtuel puisse remplacer le vécu ? Sommes-nous ces "animaux dénaturés" qu'évoquait l'écrivain Vercors pour ne plus connaître que nos écrans, sans campagne ni montagnes, sans mer ni rivières, sans vent ni mouvement, sans même square ni parc, sans contact avec nos voisins, sans plus aucun lien qui nous relie avec quoi que ce soit d'autre qu'un cercle familial restreint, absorbant chaque nouvelle ordonnance sans pouvoir nous rebeller.

Les vaccins deviendront-ils obligatoires ? Le traçage des citoyens par smartphone ou puçage est sérieusement envisagé. On a déjà accouché de lois muselant les lanceurs d'alertes. Tout était presque en place...

Le capitalisme était sur le point de s'écrouler selon les lois logiques de l'entropie, livré à de cyniques arrogants, nullement préoccupés des dizaines de milliers de morts par jour que génèrent la famine, la maladie, l'industrie de l'armement, l'exploitation des métaux lourds, la pollution, etc. La liste est trop longue. Le coronavirus est un amateur. Mais il endossera la responsabilité de la gestion inique de la vie sur Terre par quelques nantis, ultra-riches pensant naïvement échapper à la catastrophe en acquérant une résidence en Nouvelle-Zélande (puisque la colonisation d'une autre planète est pour l'instant compromise) avec construction d'un bunker à l'appui. Or ils ne contrôlent pas vraiment les bouleversements que cette "crise sanitaire" est en train d'opérer. Les conséquences sont plus importantes qu'elles peuvent nous paraître. Les choix politiques qui sont faits risquent de battre les cartes du monde comme au lendemain de la Second Guerre Mondiale. Pour y arriver, le confinement, fruit de la menace virale, nous prépare une vie que nous n'aurions jamais acceptée autrement.

Si le ciel est moins pollué, il manque l'essentiel pour sortir par le haut. L'humanité n'a pas que des défauts. Elle a aussi ses qualités. Or la solidarité et le partage ne peuvent se résumer à taper des mains tous les soirs à 20 heures ou arborer quelque insigne sur son écran. Il est impossible de faire confiance à la bande qui nous dirige. Si nous voulons tirer profit de l'épreuve, c'est ensemble. L'atomisation du confinement replie chacun chez soi, dans le chaos de son incompréhension. Déjà la délation s'épanouit et le communautarisme grandit. Nous nous confondons avec nos communications à distance, robotisés en l'absence du contact direct. En annihilant socialement notre corps, le confinement tue nos neurones. Il faut rétablir les synapses qui font si peur à ceux qui nous exploitent. Nous n'avons que le partage pour exister. Ensemble.

mercredi 15 avril 2020

Pause parfumée


Narguer les oiseaux en tentant de les imiter. Ramasser les feuilles mortes sur un air de Kosma. Regarder le soleil se coucher. Après mes articles longs comme le bras sur la gestion imbécile de la crise sanitaire, une pause végétale s'impose. La glycine embaume à m'en faire tourner la tête et le tamaris ressemble à des branches de givre rose. Pourtant je suis contrarié par ma photo. Le porte-vélos en bas à gauche semble tombé alors qu'il est toujours sur ses pieds. Je suis sorti vérifier et je ne comprends toujours pas cette illusion d'optique. Et puis c'est tout. J'avais promis.

mardi 14 avril 2020

Dans le doute pourquoi s'abstenir ?


Mon choix de lever le pied des réseaux sociaux ne m'empêche pas de réfléchir. Je me connecte beaucoup moins dans la journée, privilégiant des échanges directs, quitte à respecter les distances de sécurité, histoire de ne pas inquiéter ma famille... Ces discussions sont souvent passionnantes, même si pour l'instant elles n'aboutissent nulle part...
Car nous nageons en pleine confusion. Nous sommes de plus en plus nombreux à exprimer des doutes sur la crise sanitaire, sur sa nature ou l'exploitation qui en est faite. Il y a quelque chose qui d'évidence cloche dans le bel équilibre sociétal qu'on prétendait nous vendre ou dans la gestion de la pandémie. Soit le Covid-19 est beaucoup plus dangereux qu'on nous le raconte, soit sa dangerosité est surestimée, mais à quelles fins ? Dans tous les cas, les mesures prises semblent inappropriées.
La presse nationale épouse largement les mouvements contradictoires de notre gouvernement dont l'incompétence égale l'ignominie. Valet des banques à la solde des ultra-riches, il casse les acquis sociaux en préservant les avantages fiscaux qui leur sont faits. D'un autre côté, la majorité de la population sent bien que la pénurie de tests ou de masques lui incombe, et l'on finit pas se demander sérieusement à quoi rime le confinement. N'est-ce pas reculer pour mieux sauter ? Quel que soient ses modalités, le déconfinement refera automatiquement repartir la contagion. Il aura simplement servi à décongestionner les hôpitaux victimes d'une politique criminelle dénoncée toutes ces dernières années.
Or le virus ne s'épuisera que lorsque 60% à 80% de la population l'aura attrapé, un vaccin ne semblant pas être prêt avant plus d'un an. Et tant bien même, on a l'habitude avec la grippe saisonnière, ces petits organismes ont la fâcheuse tendance à muer. Le corona ne serait qu'un virus un peu plus méchant que d'habitude, ses symptômes étant très divers et variant selon les défenses immunitaires des individus. Des asymptomatiques aux cas mortels l'échelle est la même que pour n'importe quelle grippe. Rappelons que, sur les environ 5 000 espèces de virus connues, seules 129 sont pathogènes pour les humains. Souvenons-nous aussi que personne ne parla de la grippe de Hong Kong qui fit plus de 30 000 morts en France et environ un million dans le monde en 68-69. Constatons encore que le nombre de morts dû au coronavirus est tellement loin de celui des décès liés à la famine (25 000 par jour dans le monde) ou provoqués par d'autres pathologies et accidents. Si dans des articles précédents j'ai déjà évoqué additions et soustractions, il faut noter que nombreuses morts imputées au virus n'ont fait l'objet d'aucun test. Les statistiques correspondent aux sondages avant des élections, du marketing !
Quelles que soient les réponses à ces nombreuses questions, le confinement global semble une faillite des responsables au pouvoir, sauf dans de rares pays où seuls les plus fragiles et leurs proches ont été isolés, avec distribution de masques suffisante et tests idoines. La méthode est digne du Moyen-Âge. Que ce soit à des fins mercantiles et cyniques comme le Medef ou par inquiétude de privation de libertés comme peuvent le craindre les plus rebelles, de plus en plus de monde s'interroge sur l'opportunité du confinement global et l'allongement répété des délais. Le 11 mai est une date aussi bidon que les précédentes évidemment. La prochaine fois le guignol annoncera le 15 juin !
Si vous êtes d'humeur "conspirationniste" (n'y voyez aucun mépris, c'est ainsi que le pouvoir appelle ceux qui remettent en doute le discours officiel), vous adorerez la prestation vidéo de Jean-Jacques Crèvecoeur, dans son 33ème monologue qu'il nomme abusivement "conversation", intitulé se soumettre ou se mettre debout. Le vaccin obligatoire et le puçage de toute la population font bien partie des questions à l'ordre du jour. L'histoire de l'humanité s'est construite sur la violence et des génocides (pas seulement humains puisque les autres espèces y passent régulièrement, et de manière exponentielle) en s'appuyant toujours sur des manipulations de l'opinion et de fausses légitimités. Pour quelles raisons notre société prétendument démocratique échapperait-elle à cette loi ? Sommes-nous à l'abri du retour de la Bête ? Il est certain que nous sommes bien sages, obéissant gentiment à la police passée de la castagne aux contraventions, la peur fonctionnant magnifiquement. Je ne peux m'empêcher de penser à la France de Vichy où la plupart des gens faisaient simplement l'autruche, sans parler de la délation.
Si vous préférez les essais expérimentaux des médecins mosellans constatant l’efficacité d’un protocole à base d’azithromycine, vous vous intéresserez aux alternatives à l'industrie pharmaceutique, toujours aussi vénale. Comme celle du Professeur Raoult, un mandarin parmi les autres dont la communication médiatique n'est pas différente des confrères qui l'attaquent. Et alors ? Il reste incroyable que l'hydrochloroquine ait été inscrite sur la liste II des substances vénéneuses après avoir été utilisée contre le palud par des centaines de millions de personnes pendant 70 ans sous le nom de nivaquine et que le gouvernement l'ait ensuite conseillée pour les patients en phase terminale alors qu'elle ne serait efficace que dans les premiers jours de l'infection... Vous avez entendu son coût par rapport à celui du protocole avancé par les laboratoires pharmaceutiques, quelques euros contre 400 ! Si vous voulez flipper à propos de l'origine du virus, sachant que le pangolin a été mis hors de cause, vous pourrez imaginer une guerre bactériologique (Chine ou USA ?) ou l'accident de laboratoire (celui du Wuhan est classé 4e du monde en virologie)... On a vraiment l'embarras du choix ! À défaut d'être vraisemblables, tous les scénarios dystopiques ont déjà été traités par les auteurs de science-fiction et les pires exactions ont été expérimentées au cours de l'Histoire. Rien de rassurant !
Plus certainement, on aura assassiné quantité de PME, de petits commerces, fragilisé les artistes et les artisans au profit des multinationales et de la grande distribution, réduit le salaire des plus pauvres et engraissé comme d'habitude les plus riches. Les pertes des uns fait toujours le bonheur de quelques autres. L'économie repartira de plus belle sans redistribution des cartes. Le gentil capital pourra justifier son échec en faisant porter le chapeau au méchant virus.
Certain/e/s ne manqueront pas de me demander quelle est mon intime conviction. Je n'ai aucune réponse. Je ne suis pas devin. Les informations que je reçois sont souvent contradictoires (sic). Comme nombreux d'entre nous. Nous vivons en pleine confusion et les décisions des politiques ne font qu'amplifier notre désarroi. Il me semble simplement absurde de ne pas nous interroger. Il est indispensable de rester en veille, en tentant de décrypter les discours alarmistes ou rassurants de ceux qui nous gouvernent et de leurs maîtres. Ces incompétents nous prennent sans nul doute pour des imbéciles. Préparons-nous au pire en espérant de bonnes surprises.
La vie est ainsi faite de cette alternance de bonnes et mauvaises nouvelles. Tout est construit sur des cycles. On peut jouer sur les amplitudes, mais les fréquences sont hélas incertaines...

lundi 13 avril 2020

Gavé


J'ai fait une overdose de réseaux sociaux. On a certes envie de s'informer mieux qu'en écoutant la voix de son maître, mais la polarisation presqu'exclusive sur la crise finit par m'étouffer. Je suis gavé d'informations contradictoires, de concerts solo en appartement, de journaux de la crise, de chaînes à partager, de listes insignifiantes, de mails, sms, etc. qui, au lieu de m'envoyer ailleurs pour voir si j'y suis, m'enferment entre quatre murs, ou plus exactement face à une surface myope. Même cet article y participe, contre mon gré !
J'ai donc décidé de lever le pied, ignorant encore comment. Vais-je continuer à bloguer quotidiennement ou devrai-je m'éloigner de l'écran comme j'avais décidé de le faire si notre voyage au Japon n'avait pas été annulé ? Privilégier la lecture (je suis plongé dans l'auto-biographie de Keith Richards, extrêmement bien écrite et palpitante, comme me l'avait conseillée Jean Rochard), les prises d'air (il est indispensable de faire un peu de gymnastique et de marche à pied), les apéros-vidéos (fenêtres sur l'extérieur étonnamment oxygénantes, et non occis-gênantes comme le reste de ce qui défile sur mon écran), les coups de fil aux copains (à condition de ne pas parler que du coronavirus), la musique (en écouter, en faire pour moi, histoire de fourbir mes armes, mais j'ai du mal), écrire (Marc Jacquin me demande un texte sur la voix pour Les mangeurs de sons), faire la sieste (j'ai probablement du sommeil en retard), échanger avec mes gentils voisins de trottoir à trottoir, travailler au projet de film avec Sonia et Nicolas (à partir de mon prochain CD dont la sortie a été momentanément reportée), m'occuper de l'intendance de la maison (prochaine étape, passer le Kärcher dans la cour) et du jardin (je crois savoir que les pépiniéristes sont ouverts, mais je n'ai pas le courage d'y aller), regarder les films que je n'ai pas eu le temps de regarder ou ceux que j'aimerais revoir, vivre sans attendre des jours meilleurs (ne pas se précipiter au déconfinement qui risque d'être dangereux, car notre absurde enfermement ne fait que repousser le problème)... Je ne prétends pas me passer d'Internet, mais je me connecterai beaucoup moins souvent et jouerai à saute-moutons en prenant une saine distance. Ami/e/s, si je vous manque, appelez-moi. Ne m'en voulez pas si je ne réponds pas, si je ne "like pas", si je ne commente pas. J'ai besoin de focaliser loin... Et je vous conseille d'en faire autant... Surtout si ça dure...

vendredi 10 avril 2020

L’Intelligence Artificielle avec intelligence


En ces temps de confinement, chacun s'occupe comme il peut. Pour une fois, le planning tombe bien. La formation en ligne sur l'IA, l'intelligence artificielle, est ouverte sur Class'Code. Je le signale, parce que c'est notre équipe de 4 minutes 34 qui a réalisé les 6 vidéos. C'est donc ici Sonia Cruchon (co-écriture et co-réalisation, voix), Nicolas Le Du (image, montage et co-réalisation, voix), Guillaume Clemecin (jeu), Mikaël Cixous (illustrations et animation), Sophie de Quatrebarbes (co-écriture et suivi de production) ; pour ma part, j'ai composé et enregistré toute la partition sonore. Frédéric Alexandre et Thierry Vieville ont été les principaux conseillers scientifiques pour INRIA. Le site est responsive (en français, sensible ou réactif ?), sauf pour les activités "expérimenter" qu’on ne peut pas jouer sur smartphone. Cela signifie que cela fonctionne sur ordinateurs, tablettes et mobiles... Je travaille avec tous les membres de notre équipe depuis des années, dix-neuf pour la plus ancienne, et c'est toujours une partie de plaisir. Je pense que cela se sent !

jeudi 9 avril 2020

S'en sortir sans sortir


Le confinement m'avait déjà permis de classer mes archives presse bousculées par deux déménagements successifs. Cela faisait vingt ans que je me défilais. Voilà bien aussi longtemps que j'annonce devoir ranger le secteur bricolage de la cave. En triant vis, clous, boulons, écrous, crochets, poulies, câbles, ficelles, colles, adhésifs, matériel de plomberie, d'électricité et de peinture, outils en tous genres, sans parler de choses dont j'ignore le nom et dont j'entrevois à peine l'utilisation, je pensais aux inégalités de chacun devant le virus et l'éventuel déconfinement.
Je ne vais pas évoquer les différences fondamentales entre riches et pauvres, avec toutes les nuances que ce concept implique, mais on ne sait surtout pas jusqu'à quand nous serons cloîtrés. Le gouvernement, qui sait très bien à quoi s'en tenir malgré son incompétence notoire, rajoute quinze jours toutes les deux semaines. Or, si l'on en croit certaines administrations, la date du 15 juin semble de plus en plus probable. Nous en serions aujourd'hui à trois semaines sur treize, soit le quart ! Comment les autorités pensent-elles s'y prendre ? Si le critère est l'âge du capitaine, je crains d'être libéré avant Noël, au plus tôt en septembre ! En haut lieu on parle d'opérer plutôt par régions. Si on testait la population, on pourrait classer les positifs qui ont été infectés ou ont résisté, et les autres qui restent menacés. En l'absence de vaccin, on sait bien que le confinement risque seulement de repousser le problème. Les premiers, autorisés à sortir puisqu'ils ne sont plus contagieux, aideraient ainsi celles et ceux qui restent prisonniers. Ils porteraient par exemple une casquette rouge, au risque de créer un marché noir de casquettes rouges.
Les Français n'ont jamais supporté la discipline. Cela a certains avantages. En évoquant le fascisme, Jean Cocteau disait que notre pays est "une cuve qui bout, qui bout, mais qui ne déborde pas". Il suffit qu'on interdise quoi que ce soit pour que nos concitoyens s'évertuent à désobéir. La triche y a toujours été un marqueur de la liberté, concept national à peine moins galvaudé que l'égalité et la fraternité. Le problème, c'est que le classement devra tenir compte des morts, ceux dont les poumons auront cédé, celles qui auront succombé sous les coups de leur conjoint, les vieux des Ehpad, les malades qui auront préféré rester chez eux plutôt que rejoindre la salle d'attente de leur médecin, ceux que le personnel hospitalier surchargé n'aura pu sauver faute de moyens, etc. Pour que le compte soit juste, il faudra retrancher ceux que la baisse de pollution aura miraculeusement épargnés (il y a tout de même 48 000 victimes chaque année en France), la diminution d'accidents de la route, ceux qui n'auront pas été tentés de faire les kakous... D'un autre côté il faudra noter la recrudescence d'accidents domestiques...
Ces temps-ci je me refuse à suivre les chiffres. Les statistiques sont de l'ordre du marketing. Les pourcentages avancés quotidiennement me mettent autant en colère que les sondages à la veille des élections, manipulations de masse, qu'elles soient anxiogènes ou rassurantes. Cela ne change rien à l'affaire. La prudence est de mise. Alors je reste à la maison et je m'occupe. Au lieu de classer la population selon des critères plus ou moins vaseux, je sépare consciencieusement les clous des vis. Toute avancée en période de confinement sera récompensée à terme !
Et puis heureusement il y a les voisins. Mardi, j'ai dû faire face à une inondation à la cave justement. En l'absence du camarade plombier probablement coincé au Sénégal, Eric m'a prêté son ruban multi-fonctions auto-amalgamant de 25mm de large. J'écris son nom, GEB, pour penser à en acheter lorsque j'aurai le droit de rejoindre le magasin qui en vend. C'est génial, ce truc, rien à voir avec l'étroit ruban blanc qui se tortille ou casse quand on l'étire. Ce n'était pourtant pas commode à enrouler si près du mur. Chaque fois que je réussis à m'en sortir seul, j'ai l'impression de vivre une victoire sur la nature. J'espère ainsi impressionner le virus pour qu'il ne s'aventure pas par ici...

mercredi 8 avril 2020

Hal Willner rejoint les étoiles


Triste nouvelle ce matin. Le producteur de disques Hal Willner est mort hier du coronavirus à l'âge de 64 ans. Ils ne sont plus si nombreux, ceux dont je lorgne la moindre sortie d'album. La disparition de Scott Walker m'avait beaucoup affecté. Celle de Willner me fait le même effet. J'espère que Michael Mantler fait bien attention à sa santé et que les membres du Kronos Quartet gardent la chambre. Dois-je croire Robert Wyatt lorsqu'il me dit qu'il n'y a rien attendre de son côté ? Heureusement il y a quantité de jeunes français et françaises prometteurs qui m'épatent. Ceux-là devraient passer au travers de la crise, si les Assedic ne leur font pas la peau !

J'ai écrit plusieurs articles sur le travail d'Hal Willner : Hal Willner, l'alchimiste des "tribute albums", Burroughs sur la piste Willner, Littérature et musique 1... L'article de Variety donne des précisions, mais il est évidemment en anglais. En France, son équivalent serait Jean Rochard avec les albums collectifs du label nato. Ces producteurs ignorent les frontières de genres musicaux. Ce sont des échangeurs où se croisent des véhicules de toutes les couleurs. Ils aiment tellement ceux qu'ils vénèrent qu'ils se permettent de tordre le cou aux intouchables, leur accordant une nouvelle vie. Ces chats inventifs en ont plus de sept. Je reproduis ci-dessous le premier article que j'avais consacré à Hal Willner en 2008.

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Une fois par mois, Stéphane Ollivier m'appelle ou bien c'est moi. Les deux ours sortent relativement peu, aussi devisons-nous sur le monde de la musique, évoquant souvent les nouveautés cinématographiques ou discographiques qui nous ont marqués depuis la dernière fois. Comme je lui raconte que Easy Come Easy Go, le dernier CD de Marianne Faithfull dont j'adore la voix (elle aussi est atteinte par le coronavirus), m'a surtout séduit par ses arrangements, Stéphane me conseille Weird Nightmare, le Mingus produit en 1992 par Hal Willner, qui m'avait échappé. Les disques que ce producteur a concoctés m'ont toujours enchanté. Ils représentent un cousinage évident avec mon travail sur Sarajevo Suite comme avec certaines des "compilations" du label nato dont je suis fan tel Les voix d'Itxassou réalisé sous la houlette de Tony Coe, au détail près que Willner s'est essentiellement consacré à ce que l'on appelle des "tribute albums", honorant Nino Rota, Thelonious Monk ou Kurt Weill, des compositeurs qui me sont chers. Dans cet esprit, il commit d'autres hommages, mais en public, adressés à Tim Buckley, Edgar Poe, Harry Smith, Leonard Cohen ou au Marquis de sade, comme des compilations de textes parlés accompagnés en musique pour William Burroughs ou Allen Ginsberg... Je profite de ces recherches pour commander Stay Awake: Interpretations of Vintage Disney Films, d'autant que les deux albums qu'il avait produits autour du compositeur de dessins animés Carl Stalling font partie de mon Panthéon, et Whoops, I'm an Indian, réalisé sous son propre nom à partir d'échantillons de 78 tours des années 40, techno complètement déjantée en collaboration avec Howie B et Adam Dorn (Mocean Worker).

Lost in the Stars, the music of Kurt Weill rassemble Sting, Marianne Faithfull, Van Dike Parks, John Zorn (directeur artistique du sublime The Carl Stalling Project), Lou Reed, Carla Bley, Tom Waits, Elliott Sharp, Dagmar Krause, Todd Rundgren et Gary Windo, Charlie Haden, etc. tandis que That's The Way I feel Now, a tribute to Thelonious Monk nous offre sur une platine Donald Fagen, Dr John, Steve Lacy avec Gil Evans, Elvin Jones ou Charlie Rouse, Bobby Mc Ferrin, Chris Spedding, Randy Weston... Chaque album est une longue liste d'étoiles rocky ou jazzy qui s'approprient intelligemment le sujet imposé. Pourtant, Amarcord Nino Rota qui présente encore Jacki Byard, Carla Bley, Bill Frisell, Muhal Richard Abrahams, Steve Lacy ou Carla Bley manque du recul que surent prendre les suivants.

Weird Nightmare, meditations on Mingus est pour moi une nouvelle petite merveille qui me rappelle le dernier concert d'Un Drame Musical Instantané avec Francis Gorgé, commandé par le Passage du Nord-Ouest en 1992 (même année !), que nous n'avons jamais édité. Nous avions relevé le défi en choisissant d'adapter à notre trio l'album du grand orchestre Let My Children Hear Music ! Je possède seulement un enregistrement sur cassette de cette création, la seule avec une pièce de John Cage dont nous ne soyons pas directement les compositeurs. Comme j'en ai un souvenir merveilleux, j'essaierai bientôt d'en mettre quelques extraits en ligne après numérisation. L'éclatement du noyau original du Drame après seize ans de collaboration nous empêcha d'en faire un disque et c'est un de mes rares regrets avec les trois heures dix du film L'argent de Marcel L'Herbier.
Contrairement à ses habitudes, pour son hommage à Mingus, Willner monte un orchestre fixe composé de Bill Frisell, Art Baron, Don Alias, Greg Cohen, Michael Blair, Gary Lucas, Francis Thumm, accompagnant Elvis Costello, Vernon Reid, Henry Rollins, Charlie Watts, Chuck D, Hubert Selby Jr, Keith Richards, Leonard Cohen, Diamanda Galás, Dr John, Henry Threadgill, Marc Ribot, Geri Allen, Don Byron, Bobby Previte, etc. Ces interminables listes de pointures n'ont pourtant rien du collage. Chaque album est d'une unité merveilleuse tant l'hommage est réel et sincère. L'utilisation des fantastiques instruments d'Harry Partch, entendus ici pour la première fois hors du contexte original, lui confère en plus une tonalité exceptionnelle, percussions envoûtantes, tonalités étranges, timbres inouïs qui fonctionnent parfaitement avec les ?uvres d'un des plus grands compositeurs américains, mort il y a 30 ans le 5 janvier 1979, Charles Mingus, dont les textes extraits de son autobiographie Beneath The Underdog (Moins qu'un chien), ouvrage indispensable, justifie une liste de superlatifs, recréation d'une folle énergie.

mardi 7 avril 2020

Musicovirus #01 sur les couleurs de Stéphane Cattaneo


Stéphane Cattaneo, qui a lancé une sorte d’appel ludique aux musiciens sur Facebook, m'a demandé de faire la musique d'un petit film d'animation de 1'38 intitulé Musicovirus #01. Inspiré par sa ligne "ininterrompue" comme si le peintre l'avait dessinée en quasi temps réel, j'ai suivi le fil en jouant exclusivement d'un doigt sur le pad d'un petit instrument électronique. En réalité il lui a fallu prendre 1200 photos en évitant soigneusement de mettre ses mains dans le champ. De mon côté, j'ai cherché à préserver une quasi "instantanéité" et en une heure c'était plié. Ce ne sont évidemment que des illusions. J'avais envie que ce soit simple et humoristique, dansant et décalé, techno avec un soupçon de rock.


J'ai connu Stéphane grâce au Journal des Allumés du Jazz où il dessinait des petites bandes dessinées impertinentes. Chaque fois qu'il me dédicaçait l'un de ses bouquins il y passait un temps fou, pour les couleurs ou les à-plats. Je me souviens de Beautiful Life réalisé à quatre mains avec Moebius et d'Entropie mon amour. À l'époque il était libraire à La Roche Bernard. Le succès lui a permis de se consacrer à la peinture sur toutes sortes de supports, mais il adore improviser des performances avec des musiciens.
Le lendemain, c'était au tour de Médéric Collignon de s'y coller pour Coronavirus #02, Tim Le Net pour Coronavirus #03 et Ramon Lopez pour Coronavirus #4.
À suivre.

lundi 6 avril 2020

L'impact de la crise sur l'activité discographique


Les Allumés du Jazz ont demandé à l'ensemble des labels adhérents quelles sont leurs actions - réactions face à l’impossibilité de vendre des enregistrements « physiques" et du fait de ne pouvoir les présenter, ni les vendre en concert. J'ai répondu à cette petite enquête menée par Bruno Tocanne.

Le label GRRR a anticipé la crise puisqu’en diversifiant les supports depuis 2010, en particulier avec la mise en ligne de 82 albums / 1064 pièces / 157 heures d’inédits, mp3 gratuits en écoute et téléchargement, nous restons actifs sur Internet, à défaut de pouvoir envoyer ou vendre nos disques. Quarante parmi eux et parmi les vinyles et CD sont aussi disponibles sur Bandcamp au format AIFF, mais il nous est impossible de les envoyer physiquement.
La Poste retient évidemment tous les albums qui m’ont été envoyés par les autres labels depuis 3 semaines et que je ne pourrai donc pas chroniquer sur drame.org/blog et Mediapart avant perpète. Je crains que le confinement ne dure au moins jusqu’à début juin et j’ai besoin de l’objet pour arriver à écrire.
Perspectives du XXIIe siècle, mon nouvel album, devait sortir le 7 mai sur le label du MEG (Musée d’ethnographie de Genève) en coproduction avec GRRR, mais je ne sais pas du tout quel planning nous allons choisir. La responsable de la collection, Madeleine Leclair, évoque le 21 juin. Qui sait ce que nous réserve l’avenir ?
Donc pas vraiment de conséquence dramatique due à la crise sanitaire. Je continue à travailler dans mon studio comme les autres jours. Personnellement, étant au régime de la retraite après avoir été pendant 42 ans à celui des intermittents du spectacle sans discontinuer, cela ne change pas grand chose sauf pour les concerts évidemment annulés. C’est vraiment triste, mais tous les festivals de l’été seront très certainement interdits.
Le merdier existait avant et cela ne va pas s’arranger. Je suis plus inquiet d’un point de vue citoyen qu’en tant qu’artiste ou musicien.
Notre gouvernement de mafieux à la solde des banques risque de saisir cette opportunité pour accentuer la dérive policière et la casse sociale.

Illustration: Tarek Atoui, THE GROUND, 58ème Biennale d'Art de Venise

vendredi 3 avril 2020

Aller voir ailleurs si j'y suis


Les informations sont contradictoires. Paniques anxiogènes ou dangereux je-m'en-foutisme, intérêt des États ou solidarité internationale, précautions qui ne mange pas de pain ou abus policiers... Spécialistes et néophytes jouent avec les chiffres sans que personne ne sache vraiment quel sera le bilan final. Comparée aux autres causes de mort (de la guerre à la famine en passant par la pollution, le cancer, les maladies cardio-vasculaires, etc.), le coronavirus n'est (encore) qu'une vulgaire épidémie. S'intéresser aux Ehpad fait froid dans le dos, comme écouter les urgentistes débordés condamnés à choisir de sauver un jeune de 30 ans ou un vieux de 70 ans. Penser à celles et ceux qui sont entassés nombreux au mètre carré renvoie à l'inégalité des milieux sociaux. Suicides et violence conjugale risquent d'alourdir la facture du confinement. Ne pas oublier les SDF sortis de mon champ de vision, les camps de Roms déboussolés et affamés, les prisons... Nous plaindre ici de notre sort serait vraiment indécent. Croiser des types seuls au volant mais masqués souligne l'absurdité de la situation. Par contre, le pouvoir ultra-libéral en profite pour accélérer la casse sociale, et là il y aura de quoi nous mettre en colère et nous révolter. L'incompétence, l'arrogance et la brutalité de notre gouvernement laissent espérer que cette bande sera traduite en justice quand les jours heureux reviendront...


Alors il y a des jours où je préfère partir en voyage, de chez moi à chez moi, pas trop le choix ! Il suffit qu'un camarade me conseille un film ou un disque. Si j'accroche, je tire doucement sur le fil et la bobine déroule une guirlande de petits trésors qui m'étaient passés inaperçus. Je suis ainsi tombé sur Travelogue de Joni Mitchell. En 2000 j'avais acheté son album de standards jazz, Both Sides Now avec en invités Wayne Shorter, Herbie Hancock et Mark Isham, mais ce double qui date de deux ans plus tard m'avait complètement échappé. Toujours produit par Larry Klein et orchestré par Vince Mendoza, il dessine le parcours de la chanteuse cette fois au travers de ses propres compositions. En plus de Hancock et Shorter on trouve Kenny Wheeler et Billy Preston, mais c'est surtout l'orchestre qui m'intéresse. Rien à voir avec le sirop de cordes de Ray Ellis, qui n'est Sy Oliver ni Quincy Jones, accompagnant Billie Holiday sur Lady in Satin. Autres mœurs, autre époque, les arrangements de Vince Mendoza sonnent parfois comme de la musique de film, avec une variété de timbres servant les émotions de chaque chanson, utilisant bois, cuivres, cordes, mais aussi de manière très intéressante la caisse claire et les percussions. Sa modernité, très influencée par Leonard Bernstein, lui permettra ensuite de travailler avec Björk, Randy Brecker, Jo Zawinul, Elvis Costello, Melody Gardot, Al Jarreau, Gregory Porter... Le climat unique, lyrique et dramatique, tient beaucoup à Joni Mitchell qui n'essaie jamais de singer les chanteuses noires américaines, mais garde son côté folk ou pop, comme on voudra l'appeler, sans que cela l'empêche de swinguer. La version de Woodstock est sublime. L'artiste canadienne démontre que les frontières de style n'existent pas. Blues, jazz, folk, rock, soul, free, électro sont les branches d'un même arbre dont les racines remontent certainement à l'Afrique, mais dont le terreau est constitué de la décomposition de quantité de végétaux, parfois même importés d'Europe.

jeudi 2 avril 2020

Idir et Johnny Clegg sur Télérama


Sur le site de Télérama, Anne Berthod écrit : Petit tour du monde virtuel en huit concerts et un improbable tête-à-tête, à voir en charantaises
(Sages Comme Des Sauvages Chucho Valdés Oficial Rusan Filiztek Jean-Jacques Birgé Flavia Coelho Macha Gharibian Emel Mathlouthi Benin International Musical Boogie Drugstore)
Le tête à tête improbable, c'est le film que j'ai réalisé en 1993,
"Idir et Johnny Clegg a capella".
Anne Berthod écrit à son propos :
"Contrairement à ce que le titre suggère, il ne s’agit pas là d’un concert en duo, mais d’une rencontre par satellite interposé, filmée en 1993 par Jean-Jacques Birgé, entre deux voix de la résistance émergées aux deux extrêmes géographiques de l’Afrique. D’un côté, Idir, le chantre algérien de la culture kabyle, auteur de l’inusable A Vava Inouva ; de l’autre, Johnny Clegg, le zoulou blanc sud-africain, auteur du planétaire Asimbonanga. Entre images en noir et blanc, confessions biographiques et chansons improvisées à la guitare, leur face-à-face surprenant – l’un est un cérébral, un brin austère, l’autre un doux illuminé, qui va nourrir ses poules entre deux bouts de conversation – donne lieu à une échange plus profond qu’on aurait pu s’y attendre : une excellente surprise.
on aime beaucoup Un film à revoir sur Dailymotion :..."


J'ajoute que j'ai fini par penser que c'était un film freudien, mais il faut aller jusqu'au bout pour comprendre de quoi il s'agit véritablement.
Il faut aussi imaginer qu'à l'époque Skype et consorts n'existaient pas. La série Vis à Vis était une idée géniale du producteur Patrice Barrat... Et en 1993, filmer en Algérie ou en Afrique du Sud, c'était très chaud. Mais moins que ce qui allait suivre...
A part cela, c'est un super programme concocté par Télérama !

John Tchicai With Strings


Lorsqu'Antonin-Tri Hoang m'a conseillé d'écouter le disque John Tchicai With Strings enregistré en 2005, j'ai pensé aux œuvres qui mêlaient jazz et orchestre à cordes ou même symphonique, comme Skies of America d'Ornette Coleman, Charlie Parker with strings, Clifford Brown with strings, The Body & The Soul et Sing Me A Song of Songmy de Freddie Hubbard, Lady in Satin de Billie Holiday, Three Windows du Modern Jazz Quartet, Mickey One et Focus de Stan Getz (plus Refocus de Sylvain Rifflet), des disques de Michael Mantler, Frank Zappa, Charlie Mingus, Duke Ellington, Joni Mitchell... J'en oublie. J'ai toujours aimé le mélange des genres et des outils, tentant par mes instruments de synthèse de m'approcher de la masse orchestrale qui m'a toujours fasciné. En 1984 avec Un Drame Musical Instantané nous avons pu jouer ainsi La Bourse et la Vie avec le Nouvel Orchestre Philharmonique de Radio France, ou en 1989 J'accuse avec un orchestre d'harmonie de 80 musiciens (comme récemment Das Kapital pour Eisler Explosion).


Mais voilà, il n'y a pas plus de cordes que de beurre en branche dans John Tchicai With Strings. On voit bien qu'elle manque à l'oiseau sur la pochette. Il y a bien des échantillonneurs. Mais sutout, la musique me rappelle furieusement certains albums que j'ai enregistrés avec Alexandra Grimal, Fanny Lasfargues, Sylvain Rifflet, Sylvain Lemêtre, Vincent Segal, Linda Edsjö, Sophie Bernado, et plus récemment Élise Dabrowski, Mathias Lévy, Jonathan Pontier, Christelle Séry, Karsten Hochapfel, Nicholas Christenson, Jean-Brice Godet, Jean-François Vrod, Hasse Poulsen et tant d'autres dont nombreux justement avec Antonin qui savait ce qu'il faisait en me mettant la puce à l'oreille !
Jusqu'ici Tchicai rimait pour moi avec le New York Contemporary Five ou le film de Michael Snow New York Eye and Ear Control avec Albert Ayler, mais je ne connaissais pas son travail avec le passionnant guitariste danois Pierre Dørge par exemple, ou son Grandpa's Spells, mélanges de free, de jazz traditionnel et de musique africaine. On avait certes l'habitude avec l'Art Ensemble of Chicago, mais ce n'est pas si courant dans la musique d'improvisation européenne. Je comprends mon ami saxophoniste parce que le son, droit, détaché, parfois aylerien, et le jeu mélodique de Tchicai sont très proches des siens. De plus, les musiciens qui l'accompagnent sonnent comme un orchestre, un grand orchestre contemporain, entendre qu'ils utilisent les ressources de la nouvelle lutherie électrique et électronique pour construire des timbres inédits. À côté de l'alto, Tchicai, fils d'une mère danoise et d'un père congolais, joue de la clarinette basse et, à la fin de With Strings, dit un poème du très regretté poète Steve Dalachinsky ! On ne s'étonnera pas que je sois séduit par les polyinstrumentistes du duo anglais Spring Heel Jack, John Coxon et Asley Wales. Le premier cumule guitare électrique, piano, échantillonneur, clavecin, percussion ; le second, échantillonneur, trompette, percussion... Le percussionniste Mark Sanders se joint à eux sur la moitié des titres de ce très bel album, forcément inclassable, le critère qui m'est le plus cher tant j'aime être étonné...
Ce disque et les autres que j'ai cités plus haut me feront attendre tous ceux que la Poste retient depuis trois semaines, comme le solo de Mirtha Pozzi, TZIMX, ou le nouvel album collectif produit par le label nato, Vol pour Sidney (retour), qui s'ouvre avec Petite Fleur chanté par Elsa accompagnée par Ursus Minor, rien que ça !

mercredi 1 avril 2020

Le stylo anti-cons


Ceci n'est pas un poisson d'avril. Il existe bel et bien.
Le confinement fait sortir les donneurs de leçons du bois. Pas mal d'entre eux traitent les uns et les autres de cons parce qu'ils ne font pas comme ci ou comme ça, parce qu'ils obéissent aveuglément aux consignes gouvernementales, parce qu'ils les adaptent intelligemment à leur sauce, parce qu'ils prennent des risques inadmissibles, parce qu'ils auraient trouvé un remède miracle, parce qu'ils ne supportent pas leurs voisins ou que l'on ne pense pas comme eux.. Cela fait évidemment le jeu du pouvoir de monter les Français les uns contre les autres. On fustige à tour de rôle les Chinois, les Parisiens, les paysans, les musulmans, les juifs, etc. Et la délation retrouve les beaux jours de la France pétainiste...
La police verbalise un type qui va chercher des serviettes hygiéniques pour sa copine "parce que si Madame en avait vraiment besoin elle a qu’à sortir les chercher elle-même...", alors qu'il aurait fallu, comme dit ma copine, le féliciter et l'encourager. Un autre prend la même prune à 135€ pour être allé acheter Le Monde "qui n'est pas de première nécessité" et les flics lui suggèrent de grouper ses courses, pas d'acheter le journal... Un autre parce qu'il se promène à 50 mètres de chez lui reçoit sa contravention. Tous avaient des attestations en bonne et due forme. Hier je vois des jeunes en casquettes qui ont droit à la fouille au corps. Et tout cela sans masque, sans gants, en vous cramiotant au visage, comme mon gendre en témoigne pour avoir baissé sa vitre de voiture lors d'un contrôle de gendarmerie !
Chaque fois que nous sortons dans les termes de la loi nous devons imprimer ou rédiger une nouvelle attestation, ce qui gaspille un nombre incalculable de feuilles de papier. Je ne sais pas comment, mais Nicolas a compté que cela correspondrait à 200 000 arbres, rien qu'en France ! Comme certains ont également reçu l'amende pour avoir rempli leur attestation au crayon noir pour ne pas gâcher de papier, il reste le stylo effaçable... J'ignore le bilan carbone de cet outil magique, mais vu la durée probable du confinement qui risque de nous mener jusqu'à juin, cela me semble valoir le coup, d'autant qu'on lui trouvera certainement plus tard d'autres usages du même acabit. Vive le stylo anti-cons ! Et j'emmerde la maréchaussée...