70 février 2009 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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samedi 28 février 2009

L'invasion des climatiseurs en devanture


Depuis la canicule le syndrome des climatiseurs envahit progressivement la France, défigurant les façades de leurs verrues métalliques et bruyantes. S'ils n'ont pourtant pas été d'une grande utilité depuis l'alerte de l'été 2003, cela n'empêche pas les sociétés pollueuses qui les fabriquent ou les installent de fleurir comme des furoncles sur le dos de la peur. Le décret timide qui en réglemente l'usage, publié le 21 mars 2007 au Journal Officiel et en vigueur depuis le 1er juillet, recommande de n'utiliser ces systèmes de refroidissement qu'au-dessus de 26° pour en réduire la consommation d'énergie délirante, incitant à limiter ainsi l'émission des gaz à effet de serre et le réchauffement climatique qu'ils occasionnent. Trois véhicules neufs sur quatre en sont déjà équipés, augmentant considérablement la dépense d'énergie. EDF, dans un discours totalement cynique, espère que cette habitude va se propager aux habitations individuelles et collectives. Aux États-Unis, dans nombreux pays d'Asie, les rues en sont infestées, générant un bruit permanent tel qu'il empêche d'ouvrir les fenêtres si l'on pensait avoir le choix en créant un courant d'air. C'est ce bruit qui angoisse Françoise tandis que des installateurs sont en train de poser deux de ces maudits appareils sur le toit de l'entreprise qui surplombe le jardin et jouxte les fenêtres des chambres. D'autant que ces systèmes fonctionneront sans cesse puisqu'ils peuvent servir de chauffage le reste de l'année ! Elle exige déjà des taxis qui nous véhiculent d'arrêter l'air conditionné quand nous en empruntons. À New York, on attrape la crève l'été à pénétrer en tenue légère dans des bâtiments frigorifiés et l'hiver dans des lieux surchauffés alors que l'on est bien couverts. L'Agence Régionale de l'Environnement a publié un petit dossier instructif sur le sujet. L'automobile a défiguré les artères de nos villes, c'est au tour des climatiseurs de s'attaquer aux façades. La perversité du système, c'est que le pseudo confort qu'ils offrent (installation et consommation onéreuses) en rafraîchissant l'air intérieur fait monter la température extérieure, générant la demande de rafraîchissement intérieure ! L'air conditionné est donc une drogue nocive produisant une accoutumance dangereuse pour la santé, le porte-feuilles et la planète. J'imagine déjà une réplique pour saboter ce fléau comme Bourvil s'attaquait aux antennes de télévision dans La grande lessive de Jean-Pierre Mocky. "Caramba, encore raté !". Je crains de prêcher dans le désert, là où il n'y a aucun cerveau disponible à bourrer et où l'électricité n'a pas droit de cité. Si ça fulmine sous nos crânes, faudra-t-il encore s'habituer à vivre en face de l'absurde et du gâchis ?

vendredi 27 février 2009

En quête de mes doubles


Si je n'ai pas reproduit le système initiatique qui me fut transmis par Jean-André Fieschi, lui-même instruit par l'écrivain Claude Ollier, je n'en ai pas moins toujours cherché mes doubles, d'autres moi-même en somme parmi les générations qui me suivent. Ne rêvant pas d'en faire à leur tour mes élèves, j'ai préféré les considérer comme des collaborateurs avec qui partager mes jeux. Le désir de revivre sans nostalgie les épisodes passés de ma jeunesse, probablement de la comprendre, la tendresse complaisante que j'éprouve pour mon passé, m'ont souvent poussé vers celles et ceux avec qui je sens des points communs, ce qui les différencie a priori de mes compléments, pièces d'un puzzle dont l'équilibre est la clef de voûte. Aucun pseudo double ne peut pour autant être autrement qu'un complément et chaque complément est à sa manière un autre double. Mais je sens bien la différence entre les opposés qui s'attirent et les semblables qui partagent. Bernard Vitet et Francis Gorgé incarnent l'accord parfait de trois individus radicalement différent embarqués sur le même navire, en l'occurrence Un Drame Musical Instantané, près de quarante d'amitié, trois tiers d'Un dmi, pour jouer sur les mots comme sur les touches. 3/3 d'1/2 est d'ailleurs le titre que je donnai à l'une des pièces de l'album Machiavel après que nous ayons découpé en trois les vinyles du Drame pour en reconstituer un seul sur la platine tourne-disques ! La joie fut immense de marcher ensemble, de tout casser parfois, de reconstruire aussi le monde à nos mesures, microscopique dans les effets, immense par nos ambitions de rêveurs. Il en fut de même avec mes compagnes et aujourd'hui Françoise réfléchit ma face cachée comme un criquet bienveillant à l'affût de mes faux pas, qu'elle le veuille ou non.
Pourtant la tendresse que j'éprouvai, par exemple, pour les élucubrations instrumentales d'Hélène Sage, les constructions provocantes d'Ève Risser, la rigueur obsessionnelle de Laure Nbataï, la fantaisie gastronomique de Sacha Gattino, la soif d'apprendre d'Antonin Tri Hoang, sans oublier ma propre fille, ne ressembla jamais à la fascination que je ressentais pour les autres, ceux qui savent ce dont j'ignore tout, les peintres, les conteurs, les virtuoses, les ouvriers, les ingénieurs, les voyous... Mes doubles m'émeuvent, mes compléments m'épatent. Les uns valident mes choix, les autres les certifient. Tous à la fois me rassurent et me font marcher au bord d'un précipice où l'écho me demande d'abord qui je suis.

jeudi 26 février 2009

Repenser la ville


Tandis que les étudiants d'Autograf bûchent sur le son autour du quartier Saint-Blaise, je redécouvre un petit film sur les fourmilières dans une version un plus longue que celle entrevue sur FaceBook.
Les jeunes gens réfléchissent le quotidien des habitants de cet îlot du XXème arrondissement ou bien ils imaginent des cités utopiques, morceaux arrachés à une planète inconnue (me rappelant Magado que nous avions conçu en 2000 avec Moebius et Étienne Mineur pour Gallimard), projection surterraine d'un plan du métro, promenade commentée se déroulant tel le carton perforé d'un orgue mécanique, pop-up, etc. Pendant qu'ils enregistrent, montent et testent tous les effets à leur disposition, je pense à nos modèles absurdes. La ville ne correspond plus à nos besoins. L'automobile est son cancer. On adapte tant bien que mal les vestiges d'un passé révolu, mais quel architecte urbaniste redonnera du sens à vivre ensemble aujourd'hui ? Il faudrait tout remettre à plat, nos déplacements, tant réels que virtuels, nos espaces privés et collectifs, la nécessité de respirer, marcher, échanger, nous rencontrer à nouveau, seul comme dans la confrontation aux autres, tant d'autres... À mon petit niveau, je presse sur les tubes de couleur pour échapper à la grisaille, je plante des arbres, j'enfourche mon vélo, je crée du lien autant que possible... Cela mériterait que l'on si penche.
Que viennent faire ici les fourmis, envahissant l'évier comme ce matin, tentant d'autres sorties de-ci de-là, envoyant des exploratrices tout autour de nous ? Ont-elles construit un réseau de galeries sous la maison comme celui que l'on découvre à la fin de cet extraordinaire extrait documentaire ? Il n'est d'autre possible que celui qu'il nous reste à inventer.

P.S. : ce matin, je découvre que la Cité de l'architecture et du patrimoine expose GénéroCité jusqu'au 11 mai, cent projets français "généreux".

mercredi 25 février 2009

Fani au Musée Grévin


Jusqu'à cinq ans j'habitais rue Vivienne, près des Grands Boulevards et du Musée Grévin. Comme on entre dans le royaume de l'imaginaire, les évocations des figures de cire pulvérisent les leçons d'histoire et font naître des souvenirs inédits. Dès l'entrée les miroirs déformants nous entraînent vers la porte dérobée de l'enfance, nous réattribuant notre taille réelle pour pouvoir poursuivre quelque lapin à chapeau haut de forme et montre gousset. La cohorte des clones nous amuse et nous renvoie à des images découpées dans les magazines que l'on avait enfouies tout au fond des tiroirs, à côté du sac de billes et de vieilles photos de classe. Il paraîtrait que le Palais des mirages a été complètement rénové. Si Bernard Szajner et Manu Katché ont conçu le nouveau son et lumière de six minutes, il n'en demeure pas moins que le temple hindou, la jungle et le palais se transforment toujours en kaléidoscope infini par d'habiles jeux de miroirs. J'imagine que l'alerte aux pickpockets qui nous faisait tressaillir dans le noir est toujours de mise. À l'époque, la visite se terminait par un court spectacle dans le théâtre, en général un illusionniste, mais aujourd'hui le Théâtre du Tout Paris abrite sa propre programmation. Dommage que le groupe CDA (Compagnie des Alpes) qui gère le lieu pratique des prix aussi prohibitifs. La pétulante Fani, s'étant laissée dissuader, est passée voir deux originaux...

mardi 24 février 2009

Somnambules et sonotopies


Pas beaucoup le temps d'écrire ces jours-ci. Commence tôt, finis tard. Après une semaine d'expérimentations avec Sacha Gattino, Nicolas Clauss nous a rejoints pour une répétition finale, la première en trio. Hier matin, j'enchaînai avec une semaine de workshop sur le son à Autograf sous la houlette de Stéphane Benoît, graphiste et activiste tous azimuts multimèdes, qui fait travailler ses étudiants sur des "sonotopies", cartographie du quartier Saint-Blaise, en suscitant leur imagination. Superviser dix-sept projets n'est pas une mince affaire et je rentre à genoux à la maison sur mon deux roues.
Retour à la veille. Le trio Somnambules a donc élaboré un nouveau programme de réjouissance qui comprend huit morceaux dont quatre inédits. Sacha Gattino alternant drônes dramatiques et rythmiques ludiques, je me concentre sur un jeu plus gestuel avec moultes guimbardes, flûtes, appeaux, hou-kin (violon vietnamien), cithare inanga et trompette à anche, ce qui ne m'empêche pas de jouer les apprentis-sorciers de l'électronique ni de me concentrer sur mon triple piano synthétique préparé en hommage à John Cage. Mon camarade me pousse vers une musique de transe assez pop me rappelant mes amours de jeunesse lorsque j'écoutais Terry Riley et le premier White Noise. De son côté, il me fait découvrir des dizaines de musiciens qui me sont inconnus, mais dont je reconnais l'inspiration et que je ne manquerai pas de partager avec vous dès que j'aurai le temps de me poser. Sa propre musique, à la fois minimale et riche en timbres iconoclastes, insuffle bonne humeur et effets humoristiques à mes sombres évocations et aux images noires de Nicolas Clauss. Nous nous retrouverons dans quelques semaines pour finaliser l'entreprise, mais les premiers enregistrements sont dores et déjà pleins de promesses. Sacha emporte les pistes séparées pour pouvoir essayer d'autres alliages avec les sonorités que je produis ou celles que Nicolas distille depuis son ordinateur. Je transforme en temps réel les sons synchrones des éléments projetés. À son tour, Sacha triture mon Tenori-on pendant que je le programme. Il lui reste à trouver quels petits jouets ajouter à nos élucubrations et à optimiser la mécanique infernale de son instrumentarium. Nicolas doit, quant à lui, développer Swira, Doll God, Money, Side Effects en s'inspirant de nos séances. Du printemps en perspective.

lundi 23 février 2009

Une force de la nature


Françoise a rapporté ces deux images du Palais Lumière à La Ciotat. Les platanes digèrent calmement leurs prothèses, ouvrant de nouvelles perspectives aux bords des routes. Que cachent les autres arbres lorsque leurs cicatrices se sont refermées ? Quels vestiges sauver avant qu'ils ne les digèrent complètement ? Dans la résidence méditerranéenne des frères lyonnais, les poches kangourou laissent entrevoir les signes dérisoires d'une époque qui finira par disparaître. Combien de temps a-t-il fallu ? Combien en reste-t-il ?

dimanche 22 février 2009

Pinocchio explose sous la plume de Winshluss


J'ai bien aimé le Pinocchio de Winshluss qui a reçu le Fauve d'Or 2009, le prix du meilleur album de BD à Angoulême (ed. Requins Marteaux). Très peu de texte, un graphisme original variant selon les planches pour structurer le récit, et surtout le roman de Carlo Collodi est modernisé, torturé à souhait, réinventé par le talent de dessinateur et de scénariste de Winshluss. La mise en couleurs de Cizo fait de cet ouvrage ce qu'on appelle un beau livre. J'ai toujours apprécié les démarquages, lorsqu'un auteur est capable de revisiter un chef d'œuvre en se l'appropriant. L'original devient un prétexte, une bouteille remplie avec un nouveau breuvage, et ici on s'éloigne autant du roman que de son adaptation par Disney. Ça grince, ça pince et ça rince. Winshluss est connu sous vrai nom de Vincent Parronnaud pour avoir co-réalisé avec Marjane Satrapi le film Persepolis, c'est dire si le bonhomme est talentueux. Pinocchio est le genre de bouquin que l'on a envie de relire une semaine après l'avoir refermé.

samedi 21 février 2009

Surexposition


Les preuves d'amour s'étalent sur la tartine du petit déjeuner comme l'amour avait inondé la nuit. En exprimant mon enthousiasme et ma révolte, mes doutes ou mes craintes, mes joies et mes peines, je m'expose et témoigne de ce que je vois et j'entends en tentant de conjuguer le présent à tous les autres temps. Barbouillant mon portrait de confiture et de déconfiture, le récit à la première personne du singulier dessine un lieu pluriel dont les reflets m'éclaboussent dès lors qu'ils vous éclairent. Les billets révèlent parfois des intentions cachées, faisant sortir du trou des génies, pervers ou bienveillants, que la lecture libère de cette bouteille qui s'échoue sur l'écran pour être partagée. Les langues se délient, les malentendus se dissipent, la fiction fait naître le réel. L'écriture, automatique ou raisonnée, les commentaires qui l'accompagnent, les rencontres qu'elle suscite montrent l'envers d'une tapisserie où les masques tombent d'eux-mêmes tant le temps est cruel et sans aménité. Je n'y suis pour rien si ce n'est d'y jouer le rôle du passeur avant d'embarquer à mon tour. Pas de précipitation, sans blâme. La lyre est mon navire. J'espère pouvoir me retourner sans crainte de perdre mon Eurydice. Le danger est ailleurs, car je n'aperçois ni les écueils ni les bords du rivage qui se rapprochent sans que je fasse un geste. Au lieu de ressasser mes griefs j'interroge et j'écoute. Les quiproquos s'estompent, validant mes soupçons et confirmant mes choix. S'il est courbe l'horizon est suffisamment vaste pour révéler des milliers de soleils.

vendredi 20 février 2009

L'accord parfait ne peut être consonnant


Nous voilà trois ! Sacha Gattino a rejoint notre équipe de Somnambules pour jouer en direct sur les images que Nicolas Clauss projette en les tripatouillant sur grand écran. Sacha a fait peu de scène, même s'il a l'habitude d'accompagner les défilés du couturier Issey Miyaké ou des pièces de théâtre comme bientôt Chocolat, conférence-performance de Gérard Noiriel mise en scène par Jean-Yves Pénafiel.
Designer sonore à d'autres heures, il échantillonne des milliers de sons qu'il commande depuis son clavier et son ordinateur lorsqu'il ne joue pas du tambour à cordes ou de petits jouets incongrus. Ses rythmes simples et souvent humoristiques allègent ma gravité naturelle. Là où je puise mon inspiration dans les œuvres symphoniques, Sacha caressent les instruments des cinq continents, sans exclure de les torturer comme le font les amoureux des bonzaïs. Son élégance du timbre rivalise avec une franchise postale rare parmi les musiciens voyageurs.
Je n'avais pas rencontré pareille complicité depuis Un Drame Musical Instantané. Sacha Gattino est un autre généraliste collectionneur de spécialités locales. Il fait partie de ceux qui savent qu'il vaut mieux apprendre à se connaître avant de s'agiter. Nous avons passé les deux premiers jours à parler, parler encore. Entre bavards, on sait aussi la nécessité d'écouter pour continuer à alimenter son discours. Le troisième jour a débuté dans les épiceries chinoises de Belleville pour rassembler les provisions de bouche de la semaine. La gastronomie, la soif de découverte, l'irrépressible curiosité constituent le moteur de notre démarche, mais la question primordiale est celle de notre destination.
Nous glissons sur les rêves éveillés de Nicolas : un bar de province pas assez glauque pour camoufler l'odeur du bois ciré, le souvenir de ceux qui se sont entretués sans se connaître pour enrichir une bande de profiteurs, la dépression montrée comme un effet de bord du capitalisme, une superproduction champêtre en scope couleurs révélant ses OGM, des enfants qui dessinent ce monde cruel, une place publique au milieu de nulle part, des poupées qui dégringolent du ciel... Les aspects sombres et dramatiques de notre travail commencent à rejaillir sur le sourire de Sacha qui ne se départit pas de sa bonne humeur. Du matin tôt à tard le soir, nous composons chaque pièce en expérimentant des alliages inédits sans perdre de vue l'aspect spectaculaire de notre association. J'attends calmement chaque nouvelle séance avec impatience. Nicolas nous rejoindra dimanche pour faire toute la lumière.

jeudi 19 février 2009

D'outre-mer, le Manifeste de la révolte sociale

Texte incontournable, le Manifeste pour les “produits” de haute nécessité, signé par neuf artistes et intellectuels antillais dont les écrivains Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau, mais je cite aussi les sept autres pour rendre hommage à tous, Ernest Breleur, Serge Domi, Gérard Delver, Guillaume Pigeard de Gurbert, Olivier Portecop, Olivier Pulvar, Jean-Claude William, est publié ici (en ligne) ou (en pdf), un peu partout sur le Net. À lire absolument. C'est un texte magnifique, à la fois littéraire et politique, qui, comme ce qui se passe en Guadeloupe, pourrait faire germer d'autres révoltes, d'autres réalités jusqu'ici cantonnées aux rêves...

Le danseur interactif brûle ses sucres


Les commandes de musique interactive se font de plus en plus rares. Heureusement Sonia me demande de composer une danse de dingue pour que les jeunes internautes du site des Ptits repères animent un pantin dans le cadre d'un jeu autour des sucres lents et rapides, inspiré par Globz. Il s'agit de " montrer la différence entre un mouvement rapide et de courte durée obtenu grâce à un glucide simple, et un mouvement lent, régulier et durable grâce à un glucide complexe. Il faut alimenter régulièrement en glucides complexes pour assurer les efforts sur la durée ; l’apport en glucides rapides n’est nécessaire que pour assurer un effort soutenu ponctuel... Tant qu’on a des réserves de glucides complexes, on peut tenir sans apport de glucides rapides (sauf si on attaque trop rapidement, là on ne tient pas longtemps). "
Je compose une dizaine de cellules à répéter autant de fois que désiré, sur trois tempi, 60, 100 et 180 à la noire, en tout trente fichiers-son d'égale longueur à l'échantillon près selon les trois vitesses. Par-dessus ces rythmiques endiablées, évidemment plus pépères lentes que les rapides surexcitées, sur lesquelles se caleront les pas du danseur, j'enregistre chaque fois une quinzaine de boucles vocales qui correspondront aux mouvements du haut de son corps, transposant ma voix dans l'aigu ou le grave pour m'aider à imaginer ces "chants" de mickey déglingué.

Le petit test audio ci-dessus est une approche basique de la synchronisation, puisque d'une part chaque cellule sera répétée jusqu'à ce que l'enfant change de boucle vocale ou rythmique, et que d'autre part le mélange d'un tempo différent entre le bas et le haut du corps désynchronisera le jeu de jambes et celui du tronc pour des combinaisons infinies, les durées des trois vitesses n'étant pas des multiples les unes des autres. Une jauge permettra au joueur de suivre l'état de sa réserve d'énergie. Travail en cours donc, puisque j'aime souvent évoquer ici les works in progress...
De même, le danseur de Mikaël Cixous n'a pas encore été validé au moment où je tape ces lignes et peut encore être transformé en fonction des remarques de notre bienveillant client. Voilà bientôt quatre ans que nous inventons un nouveau jeu tous les deux mois pour ce site ! En composant la musique, j'espère donner des idées à Mika pour animer son personnage de manières variées et loufoques, mais il n'est pas question de suivre bêtement la musique. Les pas seront toujours dans le tempo, mais les gestes tirés aléatoirement dans une banque d'images comme les cellules dans un réservoir de sons joueront des effets de synchronisation accidentelle qui me sont chers.

mercredi 18 février 2009

Égoïsme et lâcheté gagnent la sphère privée


Comment jeter l'opprobre sur les camarades dont les comportements dérivent gravement lorsque le pouvoir montre le pire exemple ? Lâcheté, égoïsme, cynisme sont assumés sans honte par le patronat et les gouvernements. Doués d'un orgueil démesuré, d'un désir d'enrichissement personnel, d'un mépris profond pour les "inutiles" ou d'une amnésie caractéristique, nombreux individus montrent sans fard des comportements absurdes, stupides et ingrats, criminels ou suicidaires. Ça passe ou ça casse ! Là ça passe, ici ça casse.
L'affaire n'est pas nouvelle, mais en période de crise elle s'étend dangereusement et devient remarquable. Lorsque j'avais vingt ans, vivant en communauté, une quinzaine de personnes passaient quotidiennement à la maison nous rendre visite ; comme je soupçonnais la raison d'un tel engouement, du jour au lendemain j'annonçai ne plus rien avoir à fumer ; du coup je conservai peu d'amis, mais ils le sont encore. Chaque fois que nous changeons de milieu ou de position sociale, la question ne manque pas de se rappeler à notre bon souvenir. Tel camarade journaliste licencié perd tant de faux amis qu'il ne lui en reste plus que deux ou trois, fidèles au delà de sa fonction et de son utilité. Tel responsable de label discographique, également licencié, ne reçoit qu'un seul témoignage de solidarité sur la masse des gens rencontrés au cours de projets des plus admirables où sa correction fut légendaire. Tel jeune retraité voit son environnement soudainement transformé en désert. J'en ai moi-même fait l'expérience douloureuse lors d'une récente démission du milieu associatif ; rares sont les camarades à continuer de me donner des nouvelles ou à m'en demander (voire simplement répondre à mes courriels), réciprocité des plus rares dans les sphères artistiques où chacun a l'habitude de parler de soi sans s'intéresser aucunement aux activités de ses interlocuteurs. Rien de vraiment anormal, pensez-vous, c'est ainsi que l'on apprend à identifier ses amis.
Il y a pire et c'est là que je voudrais en venir. Le succès, fût-il dérisoire au regard de la réalité, pousse certains énergumènes à se comporter comme si les amis d'hier n'avaient jamais existé. Le comble est le refus d'entendre toute critique en pratiquant la politique de l'autruche. La méthode est simple, il suffit de ne plus répondre à aucune sollicitation et d'éviter la rencontre, pour ne pas se retrouver acculé à rendre des comptes sur des agissements plus que douteux. La lâcheté vient au secours de l'oubli, le révisionnisme pouvant ainsi s'exercer librement. Si de tels comportements nous attristent, ils ont le mérite de faire le tri entre vrais et faux amis. La fête peut reprendre, les cris de joie partagée perdurer au-delà des épreuves. Mais il est dommage qu'en période de disette et de crise grave, la solidarité ne soit pas le maître d'œuvre. La vie n'est pas juste et nul n'est à l'abri d'un revers de fortune. En ces temps incertains, la solidarité est une qualité infaillible qui permettra à chacun de s'en sortir quand tout semble s'effondrer.
J'ai déjà évoqué la dette qui empêche les bénéficiaires de s'en acquitter lorsque la note est trop lourde. Ne donnez jamais sans laisser vos amis vous rendre la pareille, du moins qu'ils puissent faire un geste à leur tour envers vous. Ils vous en voudraient d'avoir été trop généreux. Laissez les renégats et les traîtres s'enferrer si bon leur semble, ils seront un jour ou l'autre confrontés au désert qu'ils auront créé et celui-ci sera sans limites. Regardez autour de vous, rappelez-vous, il est des millions de bienveillants qui ne demandent qu'à partager au lieu d'adopter, de manière stupide et immature, l'égoïsme et la lâcheté de ceux qui nous gouvernent et nous exploitent.
Anticipant les questions de mes camarades, je répondrai que oui, bien évidemment, ce billet m'a été soufflé par des expériences récentes malheureuses, mais que si l'une d'elles m'a particulièrement choqué de la part d'un musicien que j'ai souvent accueilli, recommandé et défendu, il s'agit essentiellement de plusieurs histoires qui m'ont été rapportées récemment par des amis qui, passé la déconvenue, ont su retrouver le sourire en partageant leur désir de se comporter surtout autrement.
En ces temps de débâcle et de "struggle for life" resserrons les rangs et dansons la Carmagnole ! Les tambours du gwo ka donnent l'exemple.

mardi 17 février 2009

Le design sonore de dal:dal en lumière


Je devrais m'arracher les cheveux, mais ils sont beaucoup trop courts pour pouvoir les attraper. La société Violet m'a demandé de fabriquer de nouveaux jingles pour dal:dal, une boule de cristal qui fait de la lumière et produit des sons comme Nabaztag, mais qui ne parle pas. J'avais déjà livré il y a plusieurs mois des sons midi à intégrer dans la puce interne, les douze heures de l'horloge avec variation de timbres pour chacune d'elles et des chimes pour ses humeurs. Le casse-tête réside dans la nécessité de rendre explicites les services en préservant l'identité du nouvel objet communicant et sans paroles. Par exemple, la météo doit exprimer le temps qu'il fera ; on peut toujours imaginer quoi faire pour le soleil, la pluie et l'orage, mais comment rendre la neige, les nuages ou le brouillard ? Pire, je dois suggérer la température ! Un autre exemple, le trafic sur le périphérique : la densité de la circulation doit pouvoir se comprendre, mais je dois aussi respecter le côté "cool" de dal:dal, donc pas question de faire des bruits d'embouteillage ! De toute manière, mon idée n'est pas d'être réaliste, mais d'imaginer une transposition poétique, en sons, des services programmables par l'utilisateur. Et me voilà donc à chercher une logique globale, une palette sonore, qui colle à l'objet et ses fonctions, que ce soit la qualité de l'air ou les cours de la Bourse...
J'obtempère pour une transposition musicale avec des instruments plutôt "new age", enfin avec moi c'est une façon de parler, en misant sur l'apprentissage progressif des codes, un peu comme les jeux de lumière avec lesquels Antoine jongle de son côté. Cela ne m'empêche nullement d'essayer d'évoquer toutes les nuances qu'énumère le cahier des charges. La flûte collera bien à la météo, les arpèges de harpe à la Bourse, le trombone et le cor d'harmonie pour le trafic, un hautbois pour la qualité de l'air, des claviers de percussion pour le réveil et des sons de percu sans hauteur déterminée pour le reste, envois et réception d'emails, de contenu, Twitter et tutti quanti. Ensuite il faut que je trouve les effets particuliers à chaque instrument pour rendre le plus explicite possible les réponses de dal:dal aux interrogations de l'utilisateur, du glacial à la canicule, de l'arrêt complet au fluide, etc. J'embrasse dans le même élan la vue d'ensemble et le traitement de chaque signal. C'est tout un équilibre.
Au fur et à mesure que j'enregistre, les sons s'articulent les uns avec les autres, l'ensemble trouve sa logique, et les premiers tests commencent à me rassurer. Cet exercice périlleux exigera encore que mon travail plaise à mon interlocuteur. Je mise sur le fait qu'Olivier Mével est un chef d'entreprise visionnaire ayant su insuffler de la poésie à ses créations technologiques. Je dois chaque fois assimiler toutes les données du cahier des charges, les tacites et celles que l'on a oublié de me fournir mais que je me targue de subodorer ! Chaque objet, comme chaque projet, obéit à sa propre logique. Il n'est pas question de le laisser ressembler à un autre, car c'est dans sa spécificité que résident les enjeux et les solutions.
Pour le son de bienvenue qui ne joue qu'une seule fois à la première utilisation de l'appareil, je choisis de rappeler la musique que j'ai composée pour les clips vidéo de Nabaztag et Mir:ror (pas encore en ligne), histoire de donner un air de famille à tous les objets Violet. Simplement j'ajoute un effet de sparkling stick aux arpèges du glockenspiel, en d'autres termes j'essaie de faire pétiller les lames du métalophone en mixant une piste suraigüe désynchronisée à la mélodie principale, me rapprochant ainsi de l'idée initiale.
Il ne suffit pas d'imaginer, il faut trouver la solution pour faire basculer les rêves du côté de la réalité, ou du moins les rendre crédibles.

lundi 16 février 2009

Wikipédia : les passionnés se confrontent aux miliciens


Une amie m'a conté plusieurs démêlés qu'elle a eus avec de prétendus "contributeurs" de l'encyclopédie en ligne Wikipédia. Si chacun peut y écrire n'importe quoi sur n'importe qui, d'autres s'improvisent police du Net en prétextant rechercher la vérité. Le problème, c'est que les premiers doivent prouver leurs dires aux seconds qui ne s'embarrassent pas plus pour écrire n'importe quoi. L'anonymat des uns ou des autres n'arrange rien à l'affaire. Peut-être est-ce là que le bât blesse ! Si chacun devait assumer ses écrits l'encyclopédie ne serait-elle pas plus rigoureuse ? Pour autant cela ne résoudrait en rien la qualité des articles ni les tendances flicardes d'une partie de la population.
Les artistes ont toujours eu maille à partir avec de nombreux journalistes qui bâclent leur travail et donnent des notes comme à l'école. Je me suis souvent dit que si je faisais mon boulot de compositeur de la manière qu'il était chroniqué je n'aurais pas fait de vieux os dans la profession. Il existe heureusement des plumes scrupuleuses et talentueuses, mais ce n'est hélas pas monnaie courante. Les soupçons que font peser les flics de Wikipédia sont souvent insultants pour les contributeurs zélés qui se sont donnés du mal pour rédiger bénévolement tel ou tel article. Les auteurs qui planchent sur leurs sujets de prédilection laissent transparaître leur étonnante érudition ou leur manque cruel. J'ai été ainsi estomaqué par celui sur Jean Cocteau qui ressemble plus à Gala ou Paris Match qu'à La Quinzaine Littéraire. Mais les "discussions", que mon amie m'a fait lire, entre certains auteurs d'articles et les analphabètes qui prétendent les corriger dépassent mon entendement. S'en dégage une nauséeuse impression délatrice et diffamatoire digne de la pire milice. Lorsque de telles vocations se révèlent j'en ai froid dans le dos.
Internet n'est pas différent des autres espaces d'information, à la fois incontrôlable et en but à toutes les manipulations. L'Encyclopedia Universalis n'est pas plus fiable, passionnante quand on ignore tout d'un sujet, effroyablement tendancieuse et erronée lorsqu'on le connaît, jetant fatalement un discrédit sur l'ensemble. Ce n'est pas cela qui me choque, on apprend à se faire sa petite idée, mais le médium révèle les pulsions cachées des anonymes, s'étendant comme une pieuvre à tous les éléments de notre vie, multipliant les faux "amis", nous offrant en pâture aux annonceurs... Pour rester dans les allégories animales et cannibales, constitutives du www, le World Wide Web, l'araignée a tissé sa Toile, aujourd'hui les proies s'y engluent comme de pauvres insectes.
J'ai beau trouvé pratiques les résumés biographiques, je me rends compte que laisser le monopole de l'information, ici comme ailleurs, à une entreprise qui au départ semblait utopique et collectiviste peut s'avérer dangereuse et pernicieuse. Cela me demandera un peu plus de travail, mais je renverrai désormais mes liens en priorité vers des sites persos plutôt que vers Wikipédia, comme je le faisais d'ailleurs au début de ce blog...

dimanche 15 février 2009

Tendres promesses


Nous recevons tous des courriels des plus improbables, que ce soit pour sauver le patrimoine d'un homme politique africain proposant une commission avec plus d'une dizaine de zéros à la clef ou parce que nous avons été nommé l'élu du cœur d'une belle jeune femme qui rêvait de voyage. J'ai rencontré deux pauvres hères qui ont cru au miracle, l'ont vécu une année et ne s'en sont jamais remis. Comme j'ai bien rigolé à la lecture du scénario, je me suis dit que ce serait chouette de vous le faire partager, des fois que vous soyez mâle célibataire en manque d'affection et parce qu'en général nous effaçons ces machins sans les lire. D'autre part, j'ignore si mes lectrices reçoivent également ce genre de missive ou si leurs compagnons leur font partager leur joie devant tant de concurrence déloyale... J'ai surtout savouré l'adéquation entre la photo et le texte, même si je vous les sers inversés, l'image apparaissant à l'issue de la lettre. Voici donc, in extenso, "Salut! Si je peux apprendre tu ?" que vous lirez avec l'accent, c'est plus jouissif.

" Salut.
Je suis tres contente d'ecrire pour moi c'est une grande joie.
Probablement, pour toi il sera etonnant de voir ma lettre. Mais je voudrais dire, pourquoi je vous ecris.
Vous, probablement, serez beaucoup óäèâëåíû, j'ecris a cela qu'a tu. Mais hier, j'etais óäèâëåíà, quand sur le mien l'adresse du courrier electronique la lettre est venue, l'essence principale de qui au sens de l'amour et dans les sentiments. La devise principale de la presente etait la phrase «Cherchez l'amour, et vous serez heureux». M'a interesse beaucoup la presente. Cette lettre contenait ton adresse du courrier electronique. J'ai vu ton adresse et a decide de vous ecrire. Je ne connais pas comme votre nom, je ne connais pas, ou vous vivez, mais pour moi, principal le sens - il est possible, vous cherchez l'amour ? Il y avoir etre cette lettre - le sort ?
Moi ne connait pas, comment la personne, qui m'a envoye la presente, a appris mon courrier electronique personnel. Mais je connais que cela non SPAM!
Je pense que ce n'est pas du tout important deja. Le plus important, que maintenant je peux vous ecrire la lettre. Je veux pour que vous appreniez que maintenant je veux t'apprendre plus!. Mais autrefois je voudrais raconter un peu de moi!
On m'appelle Anastasiya. Moi de Samaras (Russie). A moi de 36 ans. Moi la veuve. Mon mari a peri dans l'avarie d'automobile!!
Moi la bonne femme, calme, bonne et sociable.
Vous pouvez me voir sur ma photo!
Je parle librement en francais.
Pour moi il sera tres interessant de communiquer avec toi, et apprendre il te vaut mieux. Je veux construire celui-ci le dialogue dans le seul but - la creation des relations serieuses. Les relations sans tromperie, sans n'importe quels jeux. Je souhaite trouver l'homme honnete, qui peut m'aimer et respecter. J'espere que vous comme voudriez trouver l'amour aussi ?
Je trouver que dans l'amour l'age non le plus important!! Je n'ai pas peur de la difference a l'age de ! Le plus important que la personne m'aimera et respecter dans l'etat!
J'ai les centres d'interet divers et les interets, parmi qui est - les competitions sportives, l'art culinaire, la lecture des livres, la musique. L'interet special pour moi est presente par la conduite du menage, le nettoyage dans la maison. J'aime preparer les plats divers..
J'aime beaucoup des animaux.
Je conduire la maniere de vivre saine. Je ne fume pas, et je ne bois pas l'alcool!.
Mon nouvel ami, vous pouvez me raconter de vous ? Je veux t'apprendre plus!
Dans les lettres suivant je racontates plus en detail de moi-meme!
Certes, je vous expedierai beaucoup de mes photos, avec l'aide de qui tu pourras presenter mieux je me lave la vie! Dans mes photos tu verras les moments divers de ma vie, - a qui sont presentes, comme les plaisirs et le soin et meme dans la montagne de quelques moments
Je avec l'impatience attendrai votre reponse.
Je la verite veux t'apprendre plus et espere que repondre sur ma lettre!
S'il vous plait, ne m'oubliez pas.
Votre nouvelle amie de la Russie,
Anastasiya! "

Évidemment c'est dramatique. Sinon, en ririons-nous ?

samedi 14 février 2009

Buirette et Labarrière sur un Plateau


Buirette et Labarrière sont sur un Plateau, les deux filles se jettent à l'eau, qui est-ce qui reste au Plateau ? Le public enchanté par ces soli croisés où la chanson fait texte ou prétexte... L'une chante, l'autre pas, commente le programme. Mensonge ! Les voix s'entremêlent au rappel. On y songeait.
Hélène Labarrière interprète librement à la contrebasse solo des tubes de Vincent Scotto, Alain Goraguer, Georges Van Parys, Léo Ferré, Michel Berger et d'elle-même. L'archet laisse échapper sa colophane en saine poussière, les doigts pincent les cordes à l'ange, les morceaux rendent leur jus, la musicienne son eau. Pas l'ombre d'un flottement, mais une navigation hors-bord pour répertoire hexagonal qu'il est toujours du meilleur aloi de substituer aux standards américains du début du siècle dernier. Les murs de l'Atelier du Plateau fraîchement repeints en rouge sang sont éclaboussés par son hommage aux deux adolescents électrocutés pour avoir eu peur de la police. Les paroles tues portent la musique.
Après un court entr'acte, Michèle Buirette reprend le flambeau. Sur le feu, Prévert, Queneau et Nougaro qu'elle accompagne à l'accordéon. Les nouvelles chansons sont aussi de sa composition, mais elle en écrit maintenant les paroles. Île et elle me fait frissonner. La voix est mutine. Une petite histoire amusante annonce chaque chanson, comme un cadre souligne la perspective. Michèle a gagné en naturel, mettant le public dans sa poche pour le ressortir illico lors d'un chant à répondre comme pour un fest-noz. La colère succède à l'ironie, l'humour à la tendresse. L'enthousiasme des spectateurs la pousse à tester des chansons inédites, à peine terminées. En fin de programme, sa reprise me fait apprécier Syracuse pour la première fois de ma vie. J'entends tout. L'accordéoniste fait sonner les mots comme des objets en volume, elle souffle sur les braises, s'enflamme sans se brûler. La complicité des deux filles fait plaisir à voir.
Dans la salle, je reconnais des visages perdus de vue depuis dix ou vingt ans, parfois plus. Il y a aussi des jeunes qui découvrent des univers d'avant et d'avant avant, joués comme si c'était demain. La musique n'a pas d'âge. La chanson est éternelle.

vendredi 13 février 2009

Opération Mort


En lisant de droite à gauche le récit en bande dessinée de Shigeru Mizuki, je me suis souvenu de mon Josef von Sternberg préféré. Ce n'est évidemment pas d'avoir retourné de tortueuses racines pour reconstituer en studio la végétation de cette autre île du Pacifique qui les rapprochent ! L'auteur de manga, né en 1928, a perdu un bras pendant cette guerre. Il en raconte l'absurdité comme le réalisateur américain né à Vienne en 1894 narrait dans son dernier film l'histoire de cette bande de soldats livrés à eux-mêmes, ignorant que la guerre est finie. Pour Anathan, aussi appelé Saga d'Anathan ou plus bêtement La dernière femme sur la Terre, von Sternberg ira jusqu'à fabriquer sa caméra, ses décors, faire lui-même sa lumière, prêter sa voix au narrateur en anglais alors que tous les acteurs parlent japonais sans sous-titres, le commentaire jouant du décalage comme un recul nécessaire sur la folie des hommes et renforçant le mystère de cette histoire invraisemblable qui s'est pourtant reproduite pendant des années après la défaite jamais avouée explicitement par l'Empire du Soleil Levant. Sur l'île d'Anathan, les tabous éclateront, les conventions sociales voleront en éclat, surtout lorsqu'apparaîtra Keiko, la reine des abeilles. On s'y entretuera comme sur la Nouvelle Bretagne, une île de Nouvelle Guinée où sont cantonnés les soldats d'Opération mort, Prix patrimoine au festival d'Angoulême 2009, 365 pages éditées par Cornélius, le chef d'œuvre de Shigeru Mizuki, opposant caricatures simplistes des hommes à des planches d'éternité proches de la gravure. Ayant vécu son histoire, il parle pour les morts comme von Sternberg terminait son film en faisant descendre du bateau les fantômes parmi les survivants plusieurs années plus tard.
Anathan est un des rares films dont je surveille encore la sortie en dvd, un de mes dix films préférés, pour la tragédie qu'il évoque et son étonnante étude de mœurs si proche de la banale sauvagerie de notre absurde humanité, pour la musicalité de sa bande-son et l'exigence d'un cinéaste remarquable dont je suggère en outre la lecture de son autobiographie, Fun in a Chinese Laundry, bizarrement traduite Mémoires d'un montreur d'ombres.

jeudi 12 février 2009

Où fait-on pipi ?


Les municipalités de l'Est parisien sont de plus en plus prisées par une nouvelle génération de propriétaires qui souhaitent jouir d'un confort auquel la capitale ne leur permettrait pas de rêver même au prix d'un endettement carabiné. Les villes limitrophes de la couronne sont devenus inaccessibles et la plupart des "bonnes affaires" se réalisent déjà plus loin, à Romainville ou Noisy-le-Sec. Comme je m'étonnais du coût du mètre carré des lofts en face de chez nous, le conducteur de travaux me répondit offusqué : "Mais tout de même, c'est Bagnolet !" comme si nous habitions Neuilly. Voilà qui tranche avec le commentaire monstrueux de l'employée des Assedic de mon quartier qui, au moment de mon changement d'adresse (j'étais jusque là domicilié à Boulogne-Billancourt) me demanda si la déchéance n'était pas trop pénible ? Comme je ne comprenais pas ce qu'elle sous-entendait (mon inscription aux Assedic remontant à ma sortie de l'Ecole en 1974 !), elle s'expliqua : "Tout de même, passer du 92 au 93 !" Je restai bouche bée devant tant d'imbécilité et de mépris.
Je continue à regarder avec amusement les annonces qui tombent dans notre boîte aux lettres, avis de recherche de particuliers ou prospectus des agences immobilières cherchant à vendre ou à acheter. Cette fois le quatre pages en luxueuse quadrichromie vante les mérites d'une résidence proche du Parc du Château de l'Etang, l'endroit ayant été évacué des dizaines de Roms-Bulgares qui le squattaient depuis deux ans et demi, cousins de ceux qui campaient sur les talus qui longent le Périphérique. On voit que la Mairie communiste connaît les mêmes ambiguïtés, prise entre ses projets rénovateurs et "culturels" et la crise qu'elle vit dans ses limites territoriales. Amusé par l'argumentation et les somptueuses images du fascicule, j'admirais le plan des studios (on comprendra déjà la psychologie et la rentabilité du projet immobilier en constatant la taille des logements en construction, rien que des studios !) quand un détail de la simulation d'ameublement attira mon attention : les deux studios en haut de l'écran ne possèdent pas de WC ! Je suis sérieux, regardez bien, les toilettes sont figurées sur les autres appartements par un rectangle allongé dont un des petits côtés est arrondi. Ce ne peut tout de même pas être le rond dans un carré que l'on retrouve dans les kitchenettes ! Il ne s'agit pas de mobilier, mais des commodités faisant partie de la construction. Or deux des cinq lots n'ont pas prévu qu'on y fasse ses besoins. Les deux studios possédant un balcon, l'architecte et le promoteur ont-ils prévu que l'on se soulage dans le jardin ? Enfant, lors d'une coupure d'eau, mon père m'apprit à pisser par-dessus la balustrade du grand ensemble où nous habitions, mais la défécation aurait exigé de prendre des risques impensables. L'évacuation par la baignoire ou le lavabo impliquerait des consommations d'eau inadaptées avec les campagnes de réduction du gâchis et une insalubrité incompatible avec la qualité des autres prestations de la Résidence des Acacias. Le mystère reste entier. J'ai très envie d'appeler le promoteur pour savoir quel secret technologique abrite son projet.

mercredi 11 février 2009

Arve Henriksen survole la Norvège


Quitte à écouter de la musique planante autant qu’elle nous fasse voyager ! Cartography survole des paysages glacés où nulle trace humaine ne se voit du ciel. Pas d’histoire, juste de la géographie. Est-ce la saison ou le moment de la journée, comme entre chien et loup, qui donnent à ce disque l’impression d’éternité ? La carte est une partition. Pour préparer son vol, le trompettiste norvégien Arve Henriksen s’est entouré d’un équipage d’électroniciens qui savent traiter les instruments acoustiques comme des nuages imaginaires. Jan Bang échantillonne, Erik Honoré synthétise. La trompette d’Arve Henriksen vient s’accrocher comme une lune argentée, sonorité feutrée, soufflée, rappelant le son de Jon Hassell ou de Bernard Vitet lorsqu’il jouait sans embouchure. On croit entendre un shakuhachi, la flûte japonaise qui nous promène d’île en île, un archipel de morceaux où les voix brumeuses des sirènes attirent les voyageurs, mais aucun ne s’échoue. Sur deux d’entre eux, David Sylvian récite ses textes sans poser ses bagages. Il campe. L’album a beau avoir été enregistré en studio, toutes les scènes sont d’extérieur. Le plan devient le territoire. Pour une fois, l’abstraction floue de la pochette ECM colle au sujet comme une écume nordique, la mousse indiquant le nord. Il ne manque que les moustiques !

mardi 10 février 2009

Convoi de femmes

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Le titre original du film de William A. Wellman est Westward The Women, Les femmes en route vers l'Ouest. Tourné en 1951, il trouve sa source dans une aventure réelle un siècle plus tôt. Cet excitant western en noir et blanc est un des rares films féministes du genre, voire même tous genres confondus, ce qui explique peut-être sa confidentialité. On encense tant d'œuvres conventionnelles que la question se pose légitimement. Le scénario de Frank Capra, qui n'a pas pu le réaliser faute de temps, est d'une acuité exceptionnelle, fustigeant le machisme des cow-boys, des hommes qui n'ont rien de différent de l'homo sapiens qui court les rues de notre temps.


La sévérité du film lui confère une modernité inhabituelle pour l'époque où il fut tourné. Les ressorts dramatiques qui ne cessent de nous surprendre rivalisent avec un humour ravageur, dressant les portraits formidables des femmes qui composent le convoi. Cent quarante femmes traversent les Etats-Unis depuis Chicago pour aller épouser les célibataires d'un ranch à l'autre bout du pays. En conducteur de la caravane, Robert Taylor y tient un de ses meilleurs rôles avec celui de Party Girl (Traquenard) de Nicholas Ray, mais le casting recèle bien d'autres surprises comme sa bonne conscience interprétée par le Japonais Henry Nakamura ou la séduisante héroïne française Denise Darcel, sans compter tous les merveilleux portraits de femmes plus courageuses les unes que les autres. Convoi de femmes est un des meilleurs westerns de l'histoire du cinéma, un film qui mérite d'être redécouvert au même titre que les plus grands Capra.

lundi 9 février 2009

Inclinations du sort


En manque d'inspiration, je scrute un détail qui me fasse de l'œil alors que Ganesh cligne jour et nuit sur une des étagères de ma bibliothèque. Il y a quelques années Pascale et Jean m'avaient rapporté ce cadre de leur voyage en Inde du Sud où ils étaient partis apprendre les secrets du rythme. Pascale m'avait taquiné en affirmant que si je le laissais tout le temps allumé la fortune me sourirait. Vingt ans plus tôt, Marie-Christine avait fait mon ciel astrologique et m'avait assuré que je ne manquerais jamais d'argent. J'avais stupidement douté de la prophétie de ma camarade astrologue marxiste, je me devais de faire plaisir à mes amis en leur montrant à quel point leur sollicitude me touchait. Ganesh n'ayant jamais pris ombrage de ses bosses pour s'être ramassé plus d'une fois la trompe par terre, résistant aux intempéries et veillant sur ma situation précaire dans la nuit du salon, j'ai fini par ne plus m'inquiéter des périodes de disette. Un miracle se produit chaque fois, juste avant que je ne passe dans le rouge. Comme pour de nombreux artistes mes revenus oscillent régulièrement en crêtes et précipices, bousculades et calme plat. Matérialiste agnostique, je ne suis pas particulièrement superstitieux, et je pense saisir la magie des divinations dont on oublie les échecs et s'esbaudit des heureuses coïncidences. Cela ne m'empêche pourtant pas de suivre scrupuleusement depuis 1975 le conseil glané dans l'autobiographie de Jean Marais qui prétendait "plus je dépense plus je gagne". J'ai d'ailleurs retrouvé hier soir la lettre qu'il m'adressa et qui se terminait par ces mots :


Lorsque je n'avais pas de travail, j'allais dépenser ce que je pouvais en me faisant plaisir. Si cela ne suffisait pas, j'y retournais le lendemain. L'étendue du succès dépendait absolument de la mise. Cette gymnastique ne fonctionne que dans les limites du raisonnable, pas question de jeter l'argent par les fenêtres ou de se mettre en trop grand danger. N'empêche que l'exercice en inquiéta plus d'une. De même, j'avais remarqué que lorsque j'envoyais mille lettres pour trouver du travail, le téléphone sonnait un contrat à la clef, bien que ce soit rarement d'une personne à qui j'avais écrit. Si je n'expédiais aucun mailing, je ne recevais aucun coup de fil salvateur. Dans l’hindouisme, Ganesh, ou Ganesha, souvent appelé Ganapati est le dieu de la sagesse, de l’intelligence, de l’éducation et de la prudence, le patron des écoles et des travailleurs du savoir.

dimanche 8 février 2009

Les coulisses du pop-up


Si vous désirez vous lancer dans la fabrication de pop-ups, après que David A. Carter vous en ait donné l'envie avec ses Point Rouge, 2 Bleu, Carré Jaune ou Pastilles noires, n'hésitez pas à acquérir The Elements of Pop-Ups rédigé en collaboration avec James Diaz et publié chez Simon & Schuster ! Actuellement difficile à trouver, j'ai dégoté le mien sur eBay... Le livre est en anglais, mais ce qui est important ce sont les exemples en volume, car cette fois on peut découvrir l'envers du décor. On appréciera les coulisses de l'exploit, plus d'une trentaine d'exemples commentés, pliages parallèles ou en angle, roues et tirettes, nomenclature du matériel nécessaire et photos de la démonstration à l'appui. Je n'aurai jamais la patience de m'y coller, mais j'adore admirer l'ingéniosité des procédés. Enfant, je n'ai jamais été capable d'aller au bout d'une maquette et le bricolage n'est pas ma tasse de thé. Je préfère aller m'en servir une de ce pas, car de ce côté-ci je ne suis pas manchot, composant moi-même mes mélanges à partir de thé vert ou noir en ajoutant épices, fleurs, graines, etc. selon l'inspiration du moment et l'heure de la journée.

samedi 7 février 2009

Symphonique


Les masses orchestrales m'ont toujours attiré. Les grandes salles conviennent d'ailleurs mieux à mon travail que les clubs et les petits lieux. Question d'échelle. Être entouré, immergé. J'ai besoin de l'écran large et d'une palette haute en couleurs pour projeter les images que mon cerveau imagine. La musique de chambre ne me hante que la nuit ; de l'aube à minuit, je rêve en couleurs symphoniques. Émule d'Edgard Varèse et enfant des années 60, j'ai pallié à l'absence du nombre par l'amplification et la synthèse sonore. C'est de notre temps. L'orchestre symphonique est un bel outil du passé, et puisqu'il permet de jouer le répertoire classique autant l'utiliser aussi pour des pièces actuelles. J'aimerais réitérer les expériences que nous fîmes avec La Bourse et la vie, J'accuse, Contrefaçons ou La fosse. Dans l'alternative je me transforme en homme-orchestre. Pour l'amoureux de l'instant, être à la fois le compositeur, le chef et l'interprète est grisant. Je sens chaque pupitre au bout de mes doigts. Hier après-midi j'ai recommencé à enregistrer à fort volume sonore, musique de danse primitive, rituel contemporain et sauvage, les rythmes accéléraient celui de mon cœur. Je me suis arrêté avant de tourner de l'œil.
Je me calme en écoutant le coffret de trois CD de Salvatore Sciarrino qui rassemble des œuvres interprétées par l'Orchestre Symphonique de la RAI sous la baguette de Tito Ceccherini. Le compositeur joue d'effets si discrets qu'ils nécessitent un dispositif important pour que les sons parviennent jusqu'à nos oreilles. Je suis émerveillé par les couleurs inouïes que Sciarrino produit tout en reconnaissant ici et là des sonorités familières à ceux qui pratiquent l'improvisation depuis déjà un demi-siècle. Pas étonnant que ce Sicilien ait étudié les arts visuels avant de se consacrer à la musique en autodidacte ! Ce sont souvent mes préférés. Pourtant, comme chez Fausto Romitelli, c'est la maîtrise qui m'épate plus que l'invention. La musique de Sciarrino est élégante, elle se nourrit des petits bruits parasites des instruments de l'orchestre et des recherches instrumentales du XXe siècle tout en assumant l'héritage classique. Sa musique est à la fois reposante et stimulante. L'esprit y trouve son compte. Je suis la partition les yeux fermés.
Le coup de feu de I fuocchi oltre la ragione me fait sauter en l'air et me rappelle la coda de Crimes parfaits à sa création en 1981 par le grand orchestre du Drame. Bernard avait caché un fusil mitrailleur dans une valise à l'avant-scène. Au moment fatal, la lumière s'éteint, il sort l'instrument de sa boîte qui commence par s'enrayer, puis jaillissent dans le noir du théâtre les flammes d'une rafale.

vendredi 6 février 2009

Les cloches du Drame


Il y a vingt-six ans, Bernard Vitet construisait un clavier de cloches tubulaires pour le répertoire du grand orchestre d'Un Drame Musical Instantané. Il trouvait intéressant d'entretenir la résonance des cloches en les posant à plat tel un vibraphone plutôt que de les suspendre sur un portique comme dans les orchestres symphoniques. On peut l'entendre dans le disque Les bons contes font les bons amis, sur les pièces Ne pas être admiré, être cru et Révolutions. Durant quelques années nous l'avions prêté à Gérard Siracusa qui avait tenu un des deux pupitres de percussion. Je l'ai retrouvé chez Bernard où il encombrait son studio. J'ignore encore où je vais stocker l'imposante valise qui lui sert de caisse de résonance que l'on place sur des tréteaux pour en jouer. Les seize tubes en métal du la bémol au do sont posés sur du polystyrène qui à sa connaissance est le meilleur matériau pour cet usage, analogue à l'air contenu dans une caisse de violoncelle. On en joue par exemple avec des baguettes sur lesquelles on a collé des superballs entourées de mousse ou des mailloches dures et feutrées. Sur la photo de 1983 ci-dessous, la caisse en bois trapézoïdale, également façonnée par Bernard avec longue poignée élégante et roulettes, est à sa droite, le long de la paroi du monte-charges. Je ne suis pas très rassuré de voir mon camarade suspendu en l'air par un câble, accompagnant une partie de notre matériel dont les trompes qui font aussi partie de sa lutherie originale, des tubes en PVC avec entonnoirs en guise de pavillons.


Bernard a conçu de nombreux claviers accordés avec des objets très divers. Dans le parc en plein air de St Quentin-en-Yvelines il posa d'immenses lames de marimba au-dessus d'une fosse pour que les enfants en jouent en sautant dessus. Dans le cadre des Gémeaux à Sceaux, il a également été l'initiateur d'étonnantes parties de tennis-poêles (accordées) avec blackballs. Le proviseur qui l'avait engagé avec Françoise Achard fut l'objet d'innombrables plaintes du voisinage. Plus tard, lors de la création du Unit avec Michel Portal il inventa le clavier de poêles à frire que Bernard Lubat s'empressa d'imiter aussitôt. Pour l'opéra Histoire de loups de Georges Aperghis, il avait construit avec Bruno Schnebelin des claviers de limes de toutes tailles et des gongs réalisés à partir de panneaux de signalisation récupérés dans la rue ! J'aurais bien aimé installer le Dragon qui figurait dans les spectacles avec Françoise Achard et que Bernard enregistra pour son disque Mehr Licht !, mais mon propre studio n'y suffirait pas, tant en hauteur qu'en largeur ; c'est un balafon géant avec des résonateurs en résine de polyester (les moules étaient des ballons de football gonflés à la bonne taille) munis de membranes en plastique pour les timbres ; son mât est équipé d'un clavier de pot de fleurs et les haubans de différents métallophones. Les pots de terre pendent aujourd'hui dans les archives et je peux en jouer de temps en temps à condition de grimper sur une échelle...

jeudi 5 février 2009

Silence radio sur Lumpy Money


Je ne dis rien de Concertos, le dernier CD de Michael Mantler paru chez ECM, avec Bjarne Roupé, Bob Rockwell, Pedro Carneiro, Roswell Rudd, Majella Stockhausen, Nick Mason, le Kammerensemble Neue Musik Berlin dirigé par Roland Kluttig, et le compositeur à la trompette, parce que j'en parle dans le prochain numéro de Muziq. Pas un mot non plus de Songs for Robert Wyatt, cinquième tome de la série MW cosignée par le chanteur-compositeur et le peintre Jean-Michel Marchetti aux éditions Æncrages & Co (qui annoncent déjà pour le 7 mars un CD de 8 pistes dont une interview de Robert Wyatt, 80 chansons en version bilingue, 240 pages rassemblant les 5 volumes sur un papier évidemment moins luxe que les originaux dont le stock a disparu dans un terrible incendie !). Aujourd'hui l'ouvrage en linotypie à tirage limité tourne cette fois autour des paroles écrites par Alfreda Benge pour son compagnon. Donc pas un mot, puisque le rédacteur en chef de la revue bimestrielle n'apprécie pas que je déflore les articles dont je me fends dans ses colonnes. Cela se comprend, bien que ce ne sont pas forcément les mêmes lecteurs. Allez savoir !? Muziq est un magazine grand public qui traite d'artistes qui sortent aussi des sentiers battus.


Je me pose la question de la place échue à ce genre d'exercice. Avec 3000 signes, on peut conserver le style, avec 1500 on devient plus informatif et tous les articles finissent par se ressembler. Ce n'est pas tant la longueur que le formatage qui me préoccupe. Cela me plaît de continuer à rédiger des petites chroniques dans des publications papier, mais Internet me donne une liberté que je n'aurais nulle part, parce que rien n'est ici mesuré, si ce n'est la sacro-sainte trinité titre-image-texte à laquelle je me plie et la régularité de la gymnastique quotidienne. J'écris souvent d'un jet pour effectuer ensuite des corrections à l'instant de la mise en ligne. Entre les deux, il y a tout un travail d'écoute, de recherche de sources qui prend un temps fou. Il serait dommage de se priver des liens en hypertexte puisque l'édition électronique a des qualités que le papier ne possède pas encore. L'occasion fait le larron et rester cantonner à mon clavier m'inspire moins que d'aller me promener. Il faut que je bouge.


Je vous aurais bien parlé du dernier album publié par la famille Zappa, un triple CD intitulé Lumpy Money autour des albums remasterisés dans les années 80 de Lumpy Gravy et We're Only In It For The Money, mes disques fondateurs, mais c'est la même histoire. Frédéric Goaty aimerait bien que je fasse quelque chose dessus, alors motus et bouche cousue. Je soulève seulement un voile pour celles ou ceux qui seraient trop impatients de savoir ce que recèle ce triple disque, entendu que les héritiers de Frank Zappa n'en soufflent mot sur leur site où l'objet est vendu, exclusivement, pour la maudite somme de 50$ (69,51$ avec le port, soit environ 54 €). Le Disc One nous offre la version originale des Studios Capitol de Lumpy Gravy et un mix mono inédit de We're Only In It... réalisé par le maître. Pas de surprise avec le Disc Two puisque c'est presque la même chose que la réédition CD que les amateurs possèdent déjà, du moins je l'espère pour eux. Enfin, le Disc Three est une compilation de petits machins sous la houlette de la veuve Gail et de Joe Travers. En 29 index, l'Abnuceals Emuukha Electric Symphony Orchestra, des instrumentaux des Mothers of Invention, des petits bouts de texte, des blocs épars ayant servis ou pas à Zappa pour les deux disques originaux constituent cet "objet/projet audio-documentaire" accompagné de reproductions trop petites des pochettes originales (les textes des chansons et la distribution sont illisibles), mais doté d'un intéressant témoignage de David Fricke et de photos inédites. Pourtant rien ne vaudra jamais l'exemplaire 30 cm que je rapportai avec moi des USA en 1968 et qui, un après-midi de juillet à Cincinnati, décida de toute ma vie...

P.S. : Muzik ne paraissant plus, j'imagine qu'il y a prescription, voici donc l'article paru dans le numéro 22.

Frank Zappa
Lumpy Money (3 CD)
Zappa Records, dist. exclusive www.zappa.com

Il est des objets comme des rencontres qui changent le cours de notre vie. Le temps d’un claquement de doigts, doo wop, il y avait un avant et tout bascule à jamais. J’avais 15 ans à l’été 68 ; après avoir battu le pavé, seul avec ma petite sœur nous faisions le tour des États-Unis. À Cincinnati, Ohio, au lendemain d’une psychédélique Battle of the Bands, l’écoute fortuite de l’album des Mothers of Invention, We’re Only In It For The Money, transforma la chenille en papillon. Jamais aucune musique ne me sembla aussi hirsute, jamais paroles ne sonnèrent aussi critiques, jamais révolution ne me parut aussi certaine. La pochette pastichait le Sergent Pepper’s des Beatles à en faire grincer des dents, tout y était provocation, de l’humour le plus virulent à la sagesse la moins complaisante. Je n’appris pas seulement les chansons par cœur, mais aussi chaque accord symphonique, le moindre bruit électronique, jusqu’à la rayure stéréo du sillon si crédible que j’en arrachai le disque de la platine pour n’en écouter la fin que deux mois plus tard à Paris !
Mes cheveux n’avaient pas encore poussé que déjà Frank Zappa caricaturait les hippies de San Francisco et attaquait le gouvernement américain. La satire y est portée par des mélodies merveilleuses, le montage avec inserts de voix parlées et bruits bizarres constituant l’un des meilleurs documentaires jamais réalisés sur l’époque. J’aimerais extraire quelque citation, mais chaque ligne fait sens, chaque note est renversante.
À mon retour j’acquiers Lumpy Gravy, "phase 2 du précédent", un mélange de pop électrique, orchestre contemporain, dialogue déjanté, bande-son d’un film impossible.
À l’automne 69, j’enjamberai les barrières des coulisses du Festival d’Amougies pour abreuver de questions le compositeur, chroniqueur pince-sans-rire s’engageant contre l’hypocrisie des ligues de vertu, exhortant les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales, témoignant au Sénat et rêvant sérieusement de se présenter au poste suprême à la Maison Blanche ! Lumpy Money rassemble tout ce dont peut rêver un fan de Frank Zappa, les séances Capitol originales de Lumpy Gravy, le remix de 1984 avec introduction chorale tout aussi inédite, celui de We’re Only In It où Zappa remplace la section rythmique initiale par Scott Thunes et Chad Wackerman plus une version mono de 68, auxquels s’ajoutent un troisième CD de 29 surprises à déguster comme un assortiment de chocolats, de surprenantes photos (j’avais toujours cru que Jimi Hendrix était un personnage découpé du collage alors qu’il était venu faire un tour au studio ce jour-là), des notes de pochette passionnantes de David Fricke et Gail, la veuve qui veille sur l’œuvre depuis la mort de son auteur fin 1993… Les autres, si vous avez manqué ces deux albums absolument incontournables, tentez la grande mutation en les acquérant dans leur version originale, fidèle au mixage de 1968, quand le génial compositeur ne pouvait trouver nom de groupe plus exact que celui des Mothers of Invention.

mercredi 4 février 2009

Il Divo, pas vu pas pris


Je suis toujours sidéré par l'absence de jugeotte des professionnels de la critique qui ont l'art de passer à côté des œuvres qui sortent de leur ordinaire. Inféodés aux plans promo de l'industrie cinématographique américaine, les journalistes encensent des films plus stupides ou conventionnels les uns que les autres lorsqu'ils ne valorisent pas les plus ennuyeux sous prétexte que les images sont belles et les cadres "étudiés". On va nous pondre des pages sur les effets spéciaux ou le maquillage de Brad Pitt dans le dernier film de David Fincher, auteur de films fachos qui a déjà fait ses preuves, de quoi vous donner des Benjamin Button gros comme le bras, ou nous bourrer le mou avec les bons sentiments du dernier Clint Eastwood dont les ressorts de scénario sont cousus de fil rouge comme la plupart des films encensés, sans parler des films "du monde" qu'il est politiquement correct de défendre, mais dont ils semblent incapables de trier le bon grain de l'ivraie. Quand je pense que les Cahiers du Cinéma encensent ce mois-ci Z32 d'Avi Mograbi qui a eu l'idée de cacher le visage de ses protagonistes avec un masque numérique, occultant là son propos qui tourne laborieusement en boucle comme un disque rayé, j'en perds mon hébreu devant tant de lâcheté et d'esbroufe de pacotille ! On finirait pas croire que le cinéma n'accouche plus que de clones idiots issus de mariages industriels consanguins et de souvenirs pittoresques après avoir connu un âge d'or où les pépites brillaient au soleil à chaque parution de Pariscop. Les sorties en DVD rattrapent heureusement parfois les injustices faites aux meilleurs, devenus cultes par le décalage temporel qui les éloigne de leur exclusivité en salles et du ratage des annonces. À quoi sert la critique si ces professionnels gardent le nez collé à la vitre et défendent les mêmes films que le public irait voir de toute manière, attiré par la publicité dont nous inondent les services de communication, ou en contrepoint des maniérismes artificiels dignes d'universitaires pubères ignorant tout du cinéma expérimental ou des recherches apparues avec les nouveaux médias audiovisuels ? Cela devient tellement ennuyeux que je finirai par déserter les écrans au profit des pages, tout de même moins formatées.


Nous avons ainsi découvert par hasard un film italien que nous avons d'abord cru de l'engeance des esthètes à la plastique léchée, le genre qui cherche l'angle abracadabrant pourvu qu'il vous en fiche plein la vue. Mais le générique n'était pas encore terminé que l'on avait la puce à l'oreille. Le son ne ressemble déjà pas au sirop concertant pour piano et cordes. Les sous-titres qui parsèment le film et présentent succinctement les protagonistes semblent indiquer que ses deux heures ne sont que l'annonce d'une affaire beaucoup plus énorme que cette petite partie de l'iceberg émergée. Dans la première heure, sans l'aborder de front mais par petites touches intimes quasi buñuelliennes, Paolo Sorrentino réussit à faire le portrait de Giulio Andreotti, leader de la Démocratie Chrétienne italienne, sept fois président du Conseil, huit fois ministre de la Défense, cinq fois ministre des Affaires étrangères, deux fois ministre des Finances, du Budget et de l'Industrie, une fois ministre du Trésor, ministre de l'Intérieur et ministre des Politiques communautaires, sénateur depuis 1991, mais aussi probablement à l'origine de l'assassinat d'Aldo Moro par les Brigades Rouges, accusé d'être en relation avec des membres de Cosa Nostra, acquitté en première instance pour «faits non avérés» : la sentence d'appel émise en 2003 souligne qu'il a fait preuve «d'une disponibilité authentique, permanente et amicale envers les mafieux jusqu'au printemps 1980», délit prescrit par la suite. Andreotti a également été poursuivi pour le meurtre du journaliste Mino Pecorelli. Acquitté en 1999, il a été condamné à 24 ans de réclusion en appel en 2002, puis acquitté par la Cour de cassation en 2003. Actuellement, Giulio Andreotti est membre de la troisième commission permanente (Affaires étrangères, Émigration), de la commission spéciale pour la tutelle et la promotion des droits humains ; il est également membre de la délégation italienne à l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. On l'a suspecté d'être à la tête de la Loge P2 à laquelle appartenait d'ailleurs Silvio Berlusconi... Il Divo renouvelle le genre du film politique italien par son humour grinçant, une ironie permanente dont le réalisateur ne se dépare pas. Il construit un portrait attachant du monstre, interprété génialement par Toni Servillo, que la migraine permanente transforme en une sorte de Nosferatu monté sur roulettes. Ici les effets font sens, les ambigüités servent le sujet, les ellipses évoquent le secret et la manipulation. Par leur outrance plus proche du réel que le ton compassé des films français du genre ou les tics des blockbusters américains le jeu des acteurs rappelle Fellini et les "morceaux choisis" de la bande musicale accompagnent une chorégraphie meurtrière où l'on devine à peine les fils des marionnettes. Bien qu'il traite du pouvoir et des dessous de la politique comme on le voit rarement, Il Divo est un film onirique, le mauvais rêve que traverse l'Italie.

mardi 3 février 2009

Nous sommes faits


Ma mère disait que nous devenons ce dont on nous accuse. Quel souci de conformité au regard de l'autre nous pousserait à adopter les défauts dont on nous affuble ? J'évoque les traits de caractère péjoratifs, mais il en est de même avec les qualités. Répétez à quelqu'un qu'il est bon, il aura plus de mal à vous décevoir. Répétez-lui qu'il est mauvais, il s'évertuera à vous donner raison plus souvent qu'à vous prouver le contraire. Notre crédulité est-elle en jeu ou est-ce une façon de supporter l'injustice en devenant fidèle à l'image que nous donnons ? Les enfants sont particulièrement touchés par le phénomène. Nos facultés de résistance sociales sont limitées. Il est plus facile de conforter l'impression que nous donnons que de changer ou de tenter de transformer les a priori extérieurs dont nous souffrons. Cela tient à la fois de la méthode Coué et du bourrage de crâne. Le caractère se forge avec le temps pour répondre aux sollicitations sociales ou à l'héritage familial. La névrose n'a rien d'inné. Elle permet de se positionner dès le plus jeune âge face aux émotions dont nous sommes les enjeux, qu'elles soient de l'ordre de la tendresse, de l'agression ou du désordre.

lundi 2 février 2009

Sauvé par le gong ?


Ces derniers temps, j'ai un petit peu de mal à honorer ma colonne quotidienne, et ni Morris ni mon fonds d'images en attente ne viennent à ma rescousse pour me souffler mon texte vertébral. Entre l'attente d'indien et la solitude du coureur de fond la marge est étroite. La musique me sauve, mais le geste instrumental est difficilement reproductible en blog. Chaque fois que nous jouions à Radio France nous empruntions le tam-tam symphonique au Pool de percussion situé alors au sous-sol. Bernard attaquait son mètre de diamètre à la mailloche ou à la super-ball pour produire un son grave à la hauteur indéterminée tandis que Francis jouait sur les gongs accordés et les cloches plaques. Point d'orgue. Je devrai attendre encore deux semaines avant de tester mon clavier de synthèse mêlé au gamelan de Sacha. D'impatience je piétine et d'imagination rivalise avec Nicolas pour préparer la rencontre triangulaire. Mon père possédait un petit gong qui devait probablement servir à appeler les domestiques dans les années 20, mais son son n'est pas très excitant. La fonction crée l'organe. Le clavier de pots de fleurs vertical inventé par Bernard au début des années 70 permet de jouer Big Ben, ses cloches tubulaires achetées chez Weber Métaux restent mes préférées et je ne sais plus où se trouve le clavier horizontal qu'il avait construit pour notre grand orchestre. J'aime la dureté du métal, faire claquer les volets, la tôle froissée, les limes à ongles, les timbres des assiettes en aluminium qui distordent la voix comme sous haute-tension, les guimbardes qui font saigner, les grelots attachés aux chevilles, les karkabas des danseurs gnaouïs, les steelbands, les bols tibétains rapportés de Bodnath, les lames de ma senza ikembé, les cordes frappées du grand piano, le carillon du sonneur et les funlins qui tintent dans le jardin pour faire masque au murmure de la ville... Le vent glacial me souffle mon billet. Pourtant mes oreilles gelées n'entendent que le couperet du temps qui scande les jours. Au delà du son qu'il produit lorsqu'on le martèle, ce gong ressemble à un panneau de signalisation routière dont j'ignore la signification. Coda interdite.

dimanche 1 février 2009

Cinéphiles, passez votre chemin


Pour les fadas de l'achat en ligne petite revue de DVD et pour les adeptes des sorties en salles des notes très succinctes sur des films récents, essentiellement des blockbusters de l'industrie cinématographique américaine dont nombreux ne sont pas encore sortis en France. Cinéphiles, passez votre chemin, c'est l'industrie lourde pour les soirs où l'on a envie de faire le vide. Lot de consolation, deux coffrets DVD qui enchanteront les rats de cinémathèque :

  • Touch of Evil (La soif du mal), édition définitive comportant trois versions du film d'Orson Welles, d'abord tel que sorti en 1958, une version améliorée de 1976 et enfin celle restaurée en 1998, le tout agrémenté d'une réplique du mémo de 58 pages que Welles rédigea à l'intention d'Universal lorsqu'il découvrit la version tronquée de 1958, plus les précieux commentaires de Charlton Heston, Janet Leigh, Rick Schmidlin, F.X. Feeney, Jonathan Rosenbaum, James Naremore selon les versions (2 DVD Zone 1 pour ce 50e anniversaire)...
  • Coffret de cinq films mexicains de Luis Buñuel, pas encore vus, mais j'en garde un bon souvenir du temps de mes études à l'Idhec, mélodrames avec quelques clins d'œil du maître, très intéressants même si c'est sa période la moins excitante... Ce ne sont ni Los Olvidados, ni El ou L'ange exterminateur... Juste Le grand noceur, Don Quintin l'Amer, La montée au ciel, On a volé un tram, Le rio de la mort, je me réjouis néanmoins d'avoir rentré ces biscuits pour la fin de l'hiver !
  • Le reste en cliquant sur la rubrique "Cinéma & DVD" dans la colonne de droite, puisque j'ai déjà évoqué les meilleurs...

Voici donc des blockbusters plus ou moins récents, en vrac et sans ne jamais rien révéler des scénarios, des fois que vous soyez tout de même tentés, malgré mes notes expéditives à l'emporte-pièce (une fois n'est pas coutume) :

  • Slumdog Millionnaire, film anglais accumulant tout ce qu'il faut pour récolter une moisson de prix, mix de critique de mœurs, de trépidation moderne et de bouquet floral à la Bollywood, misère et épanouissement...
  • The Reader (Le liseur), belle histoire, très tendre malgré son interrogation essentielle sur la barbarie. J'ai pleuré... Le film du britannique Stephen Daldry me rappelle un amour de jeunesse qui ne s'est heureusement pas terminé ainsi. Kate Winslet y est nettement plus intéressante que dans le film paresseux de Sam Mendes, Revolutionary Road (Les noces rebelles) avec Di Caprio, un genre de "Desesperate Housewife" aux ressorts trop attendus... L'un et l'autre ont valu à l'actrice un Golden Globe.
  • Un autre joli film est The Secret Life of Bees (Le secret des abeilles) avec Queen Latifah, Alicia Keys et la jeune Dakota Falling. Dommage que, comme d'habitude, la musique mielleuse banalise les émotions qui n'en ont nullement besoin.
  • Milk est l'intéressante biographie d'Harvey Milk, premier homme politique ouvertement gay à se faire élire en 1978, hélas assassiné, mais la réalisation est bien plan-plan pour du Gus van Sant. L'interprétation de Sean Penn est époustouflante.
  • Gomorra, le film de l'italien Matteo Garrone est beaucoup mieux que je ne le craignais, à voir, oui oui, même si j'ai déjà tout oublié.
  • Cloverfield, grande mode des films à gros budget simulant un tournage amateur tels Rec, des bouts de Redacted, etc. Bon film d'action, mais le scénario est quasi inexistant, style course poursuite et voilà ! J'aime bien le monstre.
  • Gran Torino, le dernier film réalisé par Clint Eastwood, plein de bons sentiments sur le racisme, ça se laisse voir...
  • Lakeview Terrace, aussi sur le racisme, film complètement raté de Neil LaBute, dommage, ça fait deux fois, on regrette tous ses premiers. Mieux vaut attendre Towelhead, premier long métrage d'Alan Ball, au moins ça laisse des traces !
  • Doubt, poussif malgré de bons acteurs.
  • Defiance (Les insurgés), style héroïque, un pan d'histoire ignoré, la Résistance juive dans une forêt en Biélorussie, un beau rôle pour Daniel Craig. Moins énervant que Spielberg.
  • The Strange Case of Benjamin Button, le principe est intéressant, mais son application systèmatique accouche d'un bébé d'un conventionnel achevé. Si on aime Brad Pitt, il est nettement plus surprenant dans le dernier des frères Coen, la comédie Burn After Reading, très agréable divertissement qui raille avec humour et rebondissements les films d'espionnage.
  • Pineapple Express, ça plaît beaucoup à la branche potache des Cahiers du Cinéma, mais cela me fait penser à du Wes Anderson. Quitte à évoquer les fumeurs de pétards je préfère la série Weeds dont je me suis pourtant vite lassé.
  • Eagle Eye, film d'action dont le "plot" se résume à une phrase indépendante. La majorité de ces films sont du scenic railway (attachez vos ceintures).
  • Taken : dès qu'une jeune fille américaine arrive à Paris elle est enlevée par une bande de gangsters albanais spécialisée dans la traite des blanches, c'est bien connu ! Film d'action français qui fait tout pour ressembler à un film américain, préjugés inclus à pisser de rire, peut-être pour faire plus américain ! C'est produit par Besson, c'est tout dire, creux à toucher le fond ! Enfin, c'est tout de même le lot de presque tous ces films... Idem pour le scénario pas crédible, car tous ces films où l'on tue des dizaines de personnes en pleine rue le sont-ils plus ?
  • Au début de Mesrine, l'instinct de mort, j'ai pensé que ça allait être bien et puis j'ai déchanté. Ces films français qui copient les américains me font penser aux jazzmen de l'hexagone. Si c'est bien, c'est que ce n'est pas du jazz. Je préfère quand c'est "autre chose".
  • Quitte à voir une grosse machine autant regarder The Dark Knight, ça ne pisse pas loin, mais ça rebondit et c'est vrai que le méchant clown Heath Ledger est génial.
  • Miracle in Santa Anna, le dernier Spike Lee, est un film de guerre, ça peut se voir, mais comme d'habitude depuis longtemps trop démonstratif, on est si loin de Do The Right Thing...
  • Pour les miracles, j'ai préféré le documentaire satirique Religulous de Larry Charles avec Bill Maher, ça part dans tous les sens, mais au moins j'ai bien rigolé. Cela m'a rappelé mon récent billet sur la collusion de l'Église et de l'État, en particulier aux USA.
  • Je n'ai plus de souvenir de The Duchess, j'ai dû m'endormir. Je me suis réveillé pour Kurosawa, Demy, Rozier, Powell, Straub, Fuller, Varda, Sirk, Fleischer. Mais ce n'est pas le sujet.