70 février 2022 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 28 février 2022

Perspective du vide


En éclairant la scène d'une lumière insoupçonnée, l'envers du décor découvre des angles magiques qui retournent nos convictions. Le contrechamp interroge la réalité comme si elle n'était qu'un théâtre où se joue une pièce dont nous ignorons si nous en sommes les auteurs ou les acteurs. Les fils qui pendent des cintres sont autant de leurres auxquels nous sommes prêts à mordre au moindre signal. Pas un bruit, pas un mouvement. Par un petit trou dans le rideau rouge, on aperçoit les spectateurs, mais le moindre courant d'air pourrait révéler notre présence. Sur les coursives, les cellules abritent des travailleurs de l'ombre. Sous les corbeilles, pour peu que l'on s'y penche, on devine le silence des galeries. Les lustres sont ceux du soleil, ils réfléchissent un océan de gaz vital, une perspective d'avenir qui plonge dans la nuit des temps. Leur nombre érige la surprise en système. Il donne le vertige pour nous éloigner des bords. La photographie tendrait à prouver qu'il ne s'agit pas d'un rêve, mais d'une élucubration.

J'ai choisi de republier cet article du 13 juillet 2009 en écho à celui de samedi dernier sur le conflit en Ukraine. Comprenne qui pourra, ou qui voudra !

samedi 26 février 2022

Je suis bien ennuyé


L'acte guerrier de la Russie est injustifiable, car il ne respecte en rien le droit international, même si d'autres ne le respectent pas non plus. C'est jouer avec le feu, comme par exemple se battre sur le site de la centrale de Tchernobyl. Il faut user de tous les moyens diplomatiques pour enrayer un processus extrêmement dangereux. Seules des négociations où les opposants assumeront leurs responsabilités mutuelles, garantissant à toutes les parties leur sécurité, peuvent résoudre le conflit.
Mais je suis bien ennuyé. Devant les cris unanimes dénonçant unilatéralement la Russie dans la guerre en Ukraine et la menace brandie d'une troisième guerre mondiale qui affole les foules, je crains de ne pas être compris, mais ai-je d'autre choix que d'essayer de comprendre ? J'ai eu ce même sentiment d'isolement par exemple à l'époque de Solidarność ou Je suis Charlie...
D'abord, je souhaiterais rassurer les plus jeunes qu'on terrorise à l'école en brandissant le spectre de la guerre sur notre sol national. C'est complètement idiot. Cela me rappelle les anti-communistes primaires qui, au siècle dernier, craignaient une invasion soviétique alors que nous étions explicitement inféodés aux États Unis, ce que nous sommes toujours d'ailleurs, et que les Russes avaient d'autres chats à fouetter que de conquérir toute l'Europe. Cette polarisation sur l'Ukraine masque surtout les vrais problèmes, sociaux à un petit niveau, écologiques si on prend conscience de ce que signifie réellement le dérèglement climatique d'ici cinq à huit ans. À ce propos, et ce n'est pas totalement étranger à ce qui se passe en Ukraine : ce n'est pas en remplaçant les énergies fossiles et en avançant des solutions technologiques qu'on peut repousser la catastrophe, mais en optant définitivement pour la décroissance. Je ne m'égare pas tant que cela, parce que l'enjeu énergétique est fondamental dans la guerre actuelle, comme dans la plupart des autres. Les USA ont d'abord tout intérêt à monter leurs alliés européens contre la Russie à laquelle nous achetons son gaz pour nous refourguer leur gaz de schiste excédentaire qu'ils nous enverraient par bateaux réfrigérés ! D'un autre côté il est impossible de soutenir la Russie revancharde dans sa brutalité meurtrière, même si elle a été humiliée par le non respect des accords passés au moment du démantèlement de l'Union soviétique. Je fais référence à l'implantation des bases militaires de l'OTAN tout le long de la frontière russe, ce qui peut être logiquement compris comme une menace du point de vue des Russes. Mais pointer le Traité de Versailles et la crise de 1929 ne disculpe pas le nazisme !
Je rappelle que j'ai toujours été non violent, même s'il peut m'arriver de soutenir des mouvements de libération dans des circonstances où la légitimité est indiscutable, et que le recours à la violence m'apparaît le plus souvent comme l'aveu de l'impuissance. Pour ne pas être trop long, je dirais que toute guerre est avant tout économique, et qu'il est donc nécessaire de comprendre les enjeux pour pouvoir juger des responsabilités des uns et des autres. Dans tous les cas l'industrie de l'armement se goinfre sur les conflits, sachant que les États Unis et la Russie en sont les principaux fabricants et exportateurs avec 31% chacun de la production mondiale. Dans le cas de l'Ukraine, c'est sans parler des céréales (le "grenier à blé de l'Europe"), ni des ressources minières (fer, charbon, uranium, potasse, etc.). La paix retrouvée, l'industrie de la reconstruction embraye ensuite cyniquement le pas. Dans certains cas, on règle aussi quelques problèmes de populations, soit pour se débarrasser de secteurs sociaux encombrants (exemple: la Première Guerre Mondiale avec la paysannerie), soit pour assumer avec retard des découpes frontalières si imbéciles qu'on peut les taxer de criminelles (exemple : l'Inde et le Pakistan).
Au jeu des comparaisons, on peut aussi se demander si la levée de boucliers contre la Russie aujourd'hui trouve son équivalent sur l'invasion par les Américains de l'Afghanistan ou de l'Irak, ou nos bombardements en Lybie ? Ces pays ne me semblaient pas menacer nos frontières ! Question proximité, comparons avec l'annexion de Jérusalem Est par Israël ou des territoires occupés, à grand renfort de bombardements et de mesures de rétorsion contre les Palestiniens. Les camarades qui font flotter des drapeaux ukrainienns sur le Net connaissent-ils la nature du régime de ce pays, mélange de néo-libéraux et de nazis historiques ? Ce n'est évidemment pas notre problème. Si nous espérons arrêter la guerre en Ukraine, ce n'est pas en rendant Poutine unilatéralement responsable, mais en réunissant honnêtement tous les protagonistes autour d'une table pour que les populations qui prennent tout sur la figure sans y être pour grand chose puisent vivre dans la paix. C'est certainement un vœu pieu, car c'est faire fi des intérêts économiques du capitalisme, qu'il soit de l'ouest ou de l'est. Le problème réside bien dans les contrats énergétiques qui assassinent la planète au lieu de militer activement pour une décroissance indispensable.
Restons mesurés. Les choses ne sont pas noires et blanches. Lorsqu'un couple se sépare, amoureusement ou professionnellement, j'ai l'habitude de défendre les arguments de l'autre, comme récemment j'essayais d'expliquer ceux des provax aux antivax et réciproquement. Si l'on veut changer le monde, et il y a urgence, il est indispensable de ne pas avaler les couleuvres diffusées par les gouvernements sur les canaux respectifs qu'ils possèdent. L'information a toujours été le quatrième corps d'armée, or je reste farouchement antimilitariste !

Carnage sur Vital Weekly


Le label autrichien Klanggalerie prend le temps pour son programme de rééditions du catalogue de l'énigmatique combo français Un Drame Musical Instantané. Avec de longues pauses, ils ajoutent une réédition à leur catalogue. Jusqu'à présent, 'Rideau!'(2017), 'À Travail Égal Salaire Égal'(2017) et 'L'homme A La Caméra'(2020) ont été réédités, tous contenant des bonus-tracks pertinents. Klangalert ne procède pas par ordre chronologique. Avec 'Carnage', ils sortent leur sixième album datant de 1986. Un Drame Musical Instantané était un trio français important et unique composé de Bernard Vitet, Francis Gorgé et Jean-Jacques Birgé. Gorgé et Birgé venaient d'un milieu rock, Vitet venait du free jazz. Ils ont commencé vers 1976 et ont absorbé de nombreuses influences de la musique écrite moderne, des films, de la musique électronique - acoustique, du multimédia, etc. Dans leurs premières années, l'improvisation était dominante. Dans les années 80, ils ont commencé à travailler avec un orchestre étendu, et c'est au cours de cette phase que "Carnage" a vu le jour. L'album est sorti sur leur propre label GRRR qu'ils ont lancé avec la sortie de leur premier album 'Trop d'Adrénaline Nuit' en 1979 [en fait c'était en 1975 avec 'Défense de' de Birgé Gorgé Shiroc]. Presque tous leurs albums verront la lumière à travers cette étiquette, jusqu'à la fin des années 90 où ils ont arrêté [mais la reformation est annoncée pour 2022 !]. La composition de 'Carnage' est la suivante : Bernard Vitet (trompettes, chant, violon, flûte, anche), Francis Gorgé (guitare électrique, synthétiseur, chant, percussions, flûte, frein), Jean-Jacques Birgé (synthétiseur, chant, piano, cuivres, flûte, anches, percussions) avec Youval Micenmacher (percussions), Jean Querlier (hautbois, cor anglais, flûte, sax), Youenn Le Berre (flûtes, basson), Patrice Petitdidier (cor), Michèle Buirette (accordéon), Geneviève Cabannes (contrebasse) et l'Ensemble Instrumental du Nouvel Orchestre Philharmonique dirigé par Yves Prin. Cet album est un parfait exemple de leur approche unique. Leur musique narrative et inventive impressionne toujours 35 ans plus tard et semble fraîche et vivante. Prenez, par exemple, le titre "Le téléphone muet". On y trouve des paroles, des dialogues, des sons environnementaux, de l'électronique abstraite, des jeux de groupes acoustiques. Quelle que soit la source sonore - la toux d'une personne, un passage orchestral, un étrange son généré par l'électronique - tout est assemblé dans un ensemble musical très bien structuré à caractère narratif. Parfois, les morceaux sont plus proches d'un jeu audio - comme 'Passage à l'Acte', parfois plus proches de la musique, mais les différents ingrédients sont toujours connectés de manière très organique et convaincante, suivant une logique musicale et vous entraînant dans leurs constructions impressionnantes. Du grand art !

Article sur Vital Weekly de février 2022

vendredi 25 février 2022

Le spectre, hypothèse révolutionnaire


Notre vie semble réglée sur du papier à musique, mais les portées sont autrement plus complexes, sans compter le paquet de bémols à la clef. Cycle menstruel ou éternel recommencement de l'Histoire, persistance des comportements névrotiques ou saisons, mouvement des planètes ou rénovation du vivant, rien n'y échappe. Si tout ce qui vit sur la Terre suit des lois cycliques, la répétition n'en est pas moins improbable, car aucun des cycles ne possède la même fréquence. Considérons cette superposition d'ondes comme un sandwich tunisien, un mille feuilles où chaque couche a son propre rythme. Pour qu'existe une révolution complète il serait nécessaire qu'elles se retrouvent ensemble à un nœud de vibration commun à toutes, cas de figure plus qu'incertain dès lors que l'on embrasse un système relativement large. De même, la synchronisation de plusieurs creux ou bosses produit des crêtes induisant des phases de dépression ou d'excitation. La représentation de la vie peut ainsi ressembler à un spectre, comme celui de la lumière ou du son, dont les couches harmoniques dessinent le timbre.
La première image, celle du spectre sonore, a été réalisée en 1999 par Aphex Twin avec le célèbre logiciel Metasynth d'Eric Wenger. On peut entendre le résultat sur le single Windowlicker. Remarquons que Wenger est également l'auteur de l'application Bryce : lorsque ce ne sont pas les cycles, nous avons affaire aux fractales, ce qui, dans notre exposé, revient à peu près au même, et rebelote.


La seconde est mon test d'audition que je subis avec curiosité hier matin au Centre Médical de la Bourse. Bilan : largement supérieur à la moyenne de mon âge. Comme c'est dit élégamment ! Avec une perte de l'oreille gauche autour des 4 kHz. Et rebelote, vous disais-je.

Article du 9 juillet 2009

jeudi 24 février 2022

Rouletabille


Enfant, mes parents me parlaient souvent de Roland Toutain, un ami acteur et cascadeur qui rêvait plaies et bosses. Il faisait de la voltige, se promenant sur l'aile de son avion à hélices et se balançait dessous au trapèze. Ses 97 fractures et une jambe amputée ne l'empêchaient pas, après un déjeuner bien arrosé, de grimper au premier étage d'un immeuble par la gouttière pour aller faire une bise à une petite secrétaire, la pantalon sur le bras. Son rêve était de passer sous l'Arc de Triomphe avec son avion, descendre les Champs-Elysées, faire le tour de la Place de la Concorde, remonter la rue Royale jusqu'à la Madeleine, y pénétrer brutalement, les colonnes lui coupant les ailes, et descendre enfin de la carlingue devant l'autel, nu avec une grande cape. Un jour que mon père est coincé par un chauffard dans un embouteillage et que le ton s'envenime, Roland Toutain qui est assis à côté de lui sort la tête par le toit ouvrant et crie à l'agressif médusé : "Hé va donc, espèce de raclure de pelle à merde !" Après cela, il ne reste plus grand chose. L'insulte fait toujours son petit effet et laisse sans voix ses victimes. Mon père a toujours fait découper des toits ouvrants à toutes ses voitures.


Plus tard, je découvris son visage grâce à La règle du jeu de Jean Renoir où le comédien joue le rôle d'André Jurieux, l'aviateur par qui le drame arrive pour ne pas avoir compris ce que sont les classes sociales. On le retrouve au manche dans Rouletabille aviateur, un film rare de Etienne Székely qui fait suite aux deux chefs d'œuvre sonores de Marcel L'Herbier, Le mystère de la chambre jaune et Le parfum de la dame en noir. Ce troisième épisode des aventures du journaliste-détective Joseph Rouletabille n'a d'intérêt que pour les acrobaties de Toutain et les décors naturels filmés à Budapest en 1932. Les deux autres méritent sans hésiter l'acquisition du DVD de la Trilogie Rouletabille publiée par les Documents Cinématographiques à qui l'on doit déjà les trois volumes de Jean Painlevé et ceux de Georges Rouquier dont l'inénarrable Lourdes et ses miracles [épuisé depuis cet article du 7 juillet 2009]. L'adaptation des romans de Gaston Leroux par L'Herbier datant de 1930 et 31 rend ridicule celle de Podalydès.


Les décors hallucinants au style "art nouveau" et le jeu des acteurs tirant sur l'expressionnisme confèrent aux deux films de L'Herbier un parfum de mystère que seule la fougue enjouée de Toutain réussit à contrebalancer. S'il initia Jean Marais à la cascade, on comprend l'influence qu'il eut sur le jeune Jean-Paul Belmondo, toupet, naturel, humour et cabrioles. Le film vaut aussi pour un travail sonore épatant, rare à l'avènement du parlant. Le génial cinéaste, auteur de L'inhumaine et surtout de L'argent, n'était pas encore rentré dans le rang.
Je me souviens avoir croisé ce vieux monsieur au regard sévère derrière ses grosses lunettes dans les bureaux de l'Idhec, avenue des Champs-Elysées, au début de mes études de cinéma. Il n'était alors pour moi que le fondateur de l'école qui allait faire de moi ce que je suis devenu. Je ne parle pas par antiphrases, mais c'est une longue histoire que seul le feuilleton quotidien peut conter, révélant ses énigmes et sautant par les fenêtres tant que j'en suis encore capable.

mercredi 23 février 2022

Idiot


Lorsque je ne travaille pas comme un damné, je suis terrassé par un gros rhume avec une toux qui me file des courbatures comme si on m'avait passé à tabac. Le test est négatif. Je n'ai pas de fièvre. Mais ça ressemble à une grippe. J'ai un alibi en or pour continuer à publier d'anciens articles dont je corrige les liens. En attendant j'enfile la robe de chambre des malades, celle de ma grand-mère en laine des Pyrénées. J'ai probablement attrapé un courant d'air dans le hall de la Gare Saint-Lazare ou sur le parvis de celle de Caen, ou bien aux deux, parce que le vent soufflait, glacial et brutal, et j'avais laissé mon pull-over dans la valise. On fait des trucs idiots parfois. Je n'aurais peut-être pas dû marcher le long de la plage d'Asnelles le lendemain, même si j'avais cette fois pris mes précautions.


On fait des trucs vraiment idiots parfois. J'ai laissé pendre mon bel imperméable le long de ma roue de vélo. J'entendais bien un bruit bizarre, comme la voix céleste d'une harpe éolienne. Voilà. Il brûlait par frottements. 280 bouteilles en matière plastique ont été nécessaires pour fabriquer mon Maium. Comme coupe-vent il s'impose. On dirait maintenant que je l'ai laissé traîner dans le cambouis. Ce n'est pas grave, c'est juste idiot. Comme j'ai la tête comme une citrouille, je fais, je dis, n'importe quoi. Peut-être suis-je inconsciemment inquiet par la perspective de retourner prochainement à l'hôpital avaler une gélule d'iode radioactif ? "C'est sans danger, sans danger !" Depuis le début de mon cancer thyroïdien, je prends tout expérimentalement, mais dans je il y a l'autre. Je le sens. Le rimbaldien me travaille au corps. C'est idiot.

mardi 22 février 2022

Jean-André Fieschi


À la mort de Jean-André Fieschi en 2009, j'avais écrit 3 articles, les 3, 4 et 17 juillet. Il avait été notre professeur d'histoire du cinéma et d'analyse de films à l'IDHEC pendant trois ans, puis j'étais devenu son assistant pendant les quatre années suivantes. Avec mon père et le compositeur-trompettiste Bernard Vitet, il fut l'un des trois initiateurs qui marquèrent ma vie.

JEAN-ANDRÉ FIESCHI, LE PASSEUR A REJOINT LE STYX


Je suis abasourdi. Il y a une heure, dans le taxi qui nous ramenait vers l'est, je discutais de la vie avec ma fille Elsa dont nous venions de fêter l'anniversaire de 24 ans. Beaucoup de tendresse, la responsabilité du passage d'un homme mûr à une jeune adulte, la part des choses... Le recul nécessaire pour comprendre qui l'on est en se retournant sur nos passés nous permet d'envisager l'avenir comme une suite d'aventures extraordinaires. Oui, beaucoup de tendresse pour celles et ceux qui nous ont formés, même si les maladresses constituent souvent collection. Ne sachant pas par quel bout le prendre, je ne réaliserai l'annonce qu'après avoir dormi un peu. Le message de Jean-Patrick Lebel et Christiane Lack anticipe l'orage qui s'annonce et me foudroie : "Cher Jean-Jacques, pardon pour la brutalité de cette très triste nouvelle. Jean-André Fieschi, qui était au Brésil avec Émile Breton, Michel Marie et d'autres, est mort brusquement hier au moment de son intervention dans un colloque sur Jean Rouch. Nous sommes dans l'affliction et t'embrassons fort."
J'aurais pu titrer tout aussi bien "La mort d'un maître" et il fut le mien. Jean-André était mon troisième père, après mon géniteur dont le regard posé sur moi ne me quitte pas et Frank Zappa qui initia mon récit. Il est terrible de penser que Bernard Vitet [décédé en 2013] dont la santé m'inquiète depuis plusieurs mois est le dernier survivant de cette bande des quatre. J'ai rencontré Jean-André lorsque j'avais 18 ans, jeune étudiant en première année de l'Idhec. Responsable de l'analyse de films, il nous initia au cinématographe dans ce qu'il a de plus beau, de plus intelligent, de plus magique surtout. J'évoquai longuement les merveilleuses années passées en sa compagnie dans mon billet intitulé "Remember My Forgotten Man". Je le prenais pour un génie, un génie suicidaire encombré par tant de mémoire et d'intuition, par ses trésors cachés acquis souvent dans des circonstances mystérieuses, ses silences qui nous auraient fait perdre patience si notre dette n'était inextinguible. Le cinéaste et critique était un passeur. Tous ceux et celles qu'il forma en gardent un souvenir indescriptible. En exergue de ses Nouveaux Mystères de New York il avait inscrit cette phrase de [Freud qu'il attribuait à] Paracelse : "Je vous apporte la peste, moi je ne crains rien, je l'ai déjà." Sa reconnaissance publique n'a jamais été à la hauteur de son enseignement, car la plupart de ce qu'il nous transmettait passait par l'oral et par les documents qu'il sortait comme des lapins ou des colombes de son chapeau-claque. Il avait connu les plus grands et savait leur rendre hommage. J'eus la chance de partager plus d'une tranche du gâteau pendant mes années de formation. L'entendre au sens où Jean Renoir les préférait à toute tranche de vie.
Comme je ne sais pas où trouver une photo de lui dans mes archives, je fais une capture écran de son rôle en Professeur Heckell dans Alphaville, derrière, à droite d'Eddy Constantine, Jean-Louis Comolli et Laszlo Szabo. Et j'appelle Elsa parce que, s'il m'arrive de donner des leçons, des conférences ou des conseils, c'est pour que ne s'éteigne jamais sa lumière. Les pierres précieuses dont il me fit cadeau et qui me brûlent les doigts m'aident à vivre depuis, sans discontinuité. JAF avait 67 ans. Je pense à ses trois enfants en entendant la voix de la mienne et je trouve enfin mes larmes.
Tu as rejoint la cohorte des fantômes qui ont peuplé ta vie. Mourir au Brésil, c'est bien un tour à ta façon. Si tu pouvais partager cet ultime rebondissement tu en rigolerais bien.

FILMOGRAPHIE DE JEAN-ANDRÉ FIESCHI


L'héritage intellectuel de JAF fut si considérable que sa mort génère en moi un sentiment d'usurpation. Je n'y étais pas préparé. Cherchant à honorer ce que j'appelais ma "dette inextinguible" je plonge dans mes archives et compile une biographie curieusement absente du Web. Je retrouve des projets, des lettres, des articles, des entretiens, des films, des images dont cette photo que j'ai prise dans les années 70... Une biographie au carbone qu'il avait rédigée au début de notre collaboration sur Les nouveaux mystères de New York (1976-1981) nous donne de précieuses informations, quand j'aimerais reproduire certains de ses écrits, toujours remarquables.

Jean-André Fieschi
(5 mai 1942, Ajaccio, Corsica - 1er juillet 2009, São Paulo, Brésil)

1949 : Vision de Bambi au Rio Opéra.
1961 : Les Cahiers du Cinéma, époque Rohmer.
1963 : Réalisation, à Barcelone, de Cuixart, pour la Galerie Metras.
64/68 : Cahiers du Cinéma, époque Rivette. Secrétariat de rédaction de la revue, articles, entretiens, rencontres (Renoir, Bunuel, Sternberg, Rossellini, Pagnol, Visconti, Straub).
1966 : En plus des CdC, chronique hebdomadaire au Nouvel-Observateur.
Réalisation de L'accompagnement, écrit en collaboration avec Claude Ollier et Maurice Roche, et traversé par les mêmes + Edith Scob, Marcelin Pleynet, André Téchiné. Montage : Jean Eustache. Partition sonore : Michel Fano. Le film était dédié à Julio Cortazar, Prime du CNC (60 000F), ventes aux USA, Canada
(ligne illisible dûe à la pliure)
65/68 : Fonde et dirige avec Noël Burch, l'IFC (Institut de Formation Cinématographique), atelier un peu utopique où furent chargés de cours, de recherches ou de travaux pratiques W.Borowczyk, Marguerite Duras, Michel Fano, Jean-Luc Godard, Pierre Guyotat, Marcel Hanoun, André Hodeir, Robert Lapoujade, Christian Metz, Claude Ollier, Alain Resnais, Jean Ricardou, Jacques Rivette, Jean Rouch, Alain Robbe-Grillet, rien que du beau monde.
66/68 : Réalisation, dans la série (défunte) de Janine Bazin et André S.Labarthe "Cinéastes de notre temps" de :
Pasolini l'Enragé (1h40)...
Domaine italien 2 : Bertolucci (on pouvait avoir des excuses à ce moment-là), De Bosio, Bellochio ?
La Première Vague (Delluc, Dulac, Epstein, Young Mr L'Herbier), travail de recherche de montage, de teintage, et d'archivage de ce qui pouvait encore être archivé.(coréal: Noël Burch)
M.L'Herbier : une re-vision, réévaluation de l'œuvre muette de M.L'H.
Également, participation aux émissions sur Bunuel et Sternberg.
68/69 : Chronique régulière à "La Quinzaine Littéraire".
69/70 : Chargé de cours à Paris I (Histoire du cinéma).
Co-auteur, avec Claude Ollier, de textes radiophoniques, La Fugue et Cinématographe, dans le cadre de l'A.C.R. (Atelier de Création Radiophonique).
70/71 : Pratique intensive du cinéma d'intervention directe (film réalisés pour les municipalités d'Argenteuil, Bobigny, Sartrouville, pour la Confédération Génbérale du Travail, pour le Théâtre des Amadiers à Nanterre, etc.
L'histoire vivante, sur la mémoire du mouvement ouvrier, starring Jacques Duclos, vainqueur d'un cendrier de cristal (rose) au Fesrtival de Leipzig de l'année suivante. (coréal: Bernard Eisenschitz)
71/73 : Enseignement à l'IDHEC (Histoire du cinéma, travail sur le montage, direction de tournages).
Pratique de la vidéo d'animation, dans les entreprises de la Seine St Denis.
Participe à la rédaction d'une encyclopédie monumentale du Cinéma, dirigée par Richard Roud, en cours de publication à Londres et New York simultanément.
Textes sur Bunuel, Epstein, Hitchcock, Murnau, Rivette, Rouch, Sennett, Straub, Tati, Vertov.
73/75 : Directeur de production à Unicité (films, vidéos, disques, journaux muraux, etc.). Étude sur des terrains très diversifiés (entreprises, quartiers, municipalités, régions, etc.) des différents supports audiovisuels et de leus spécificités. Enquêtes, voyages.
Auteur d'émissions de télévision, dans la série (défunte) de Monique Assouline "Grand Écran" : Le film noir américain et Jean Renoir (Réal: Charles Bitsch), L'enfant et ses images (R: Pierre Beuchot). Également : Il était une fois la Comédie musicale (R: Raoul Sangla).
Parallèlement, découverte, expérimentation et pratique intensive de la Paluche, écriture de scénarii (pour Bernard Stora, Eduardo de Gregorio), interventions dans les pages "spectacles" du "Monde", réalisation d'une émission (FM) sur la musique traditionnelle corse, ainsi qu'un disque sur le même sujet.
1976 : Paluche encore, naissance d'un projet tout à fait spécial, double travail concernant le projet lui-même et les moyens de le faire aboutir.


Complétons imparfaitement avec la filmographie publiée lors de sa rétrospective à la Galerie du Jeu de Paume en 1999 :
Permanencia del Barroco (1963)
Théâtre (1980), coréal. Jean-Pierre Mabille, avec Françoise Lebrun, Dominique Labourier, Jean-François Stévenin, Maurice Garrel, Jean-Claude Dreyfus, Jacques Lassalle
Bande Eustache (Jean qui pleure, Jean qui rit) (1982)
L'horreur de la lumière (1982, vidéo-paluche), 25', image-montage : JAF, avec Georges Didi Huberman
Les Monts Oural (1982, 5'), image-montage : JAF, avec Pascale Murtin et François Hiffler (Grand Magasin)
Les Dogons et Chamber Music (1983)
Baby Sitter (1984, 13') avec Anouk Grinberg
Un enfant au sommeil agité (1985, vidéo-paluche/UMT, 13') avec Grand Magasin
Le tueur assis (1985, 60'), scénario-dialogues JAF et Jean Echenoz d'après Patrick Manchette, avec Jean-Pierre Léaud, Roland Amstutz, Caroline Chaniolleau, Jean Dautremay, Michel Delahaye, David Gabison, Yann Collette, Hugues Massignat, Catherine Laulhère
Lettre à une jeune comédienne (40 ans d'Avignon : les acteurs) (1987, 26') avec Maria Casarès, Alain Cuny, Ludmila Mikaël, Gérard Desarthe, Maurice Bénichou
L'idée perdue (1988, 21'), texte Jean Paulhan, avec Anouk Grinberg
Portrait imaginaire d'Alain Cuny (1988, 120') - 1re partie Le savon noir, 2e partie La jeune fille Violaine, image Jacques Bouquin et JAF, montage JAF, avec Alain Cuny, Anouk Grinberg
Chloé, bonne à Rome (1988, 5') avec Grand Magasin
Tommaso Landolfi (1986, 27'), image Luc Pagès et JAF, montage JAF, avec Olimpia Carlisi, Idolina Landolfi
Joë Bousquet (1990, 27'), id., avec Hélène Alexandridis et la voix du Poisson d'or
Pasolini l'enragé (1966-1993, 65'), image Georges Lendi, avec Pier Paolo Pasolini, Franco Citti, Sergio Citti, Ninetto Davoli (photo ci-dessus)
Ramentevoir (1993, installation, Centre Pompidou, "Manifestes")
Que faire ? (bis) (1994, 59'), image/son/montage JAF, entretiens Jacques de Bonis, musique Jean Wiener, avec Jean Burles, Yves Clot
Ninetto le messager (1995, 28'), image Maurice Perrimond, montage Danielle Anezin, avec Ninetto Davoli
Le Talisman (1996, 4')
L'illusion (1997, 60') autour de L'illusion comique de Pierre Corneille montée par Jean-Marie Villégier, image JAF, montage Danielle Anezin
CinéMuse (1997, 13') avec Christine Hoffet
Mosso Mosso (Jean Rouch comme si...) (1998, 73'), image JAF et Gilberto Azevedo, Montage Danielle Anezin, avec Damouré Zika, Tallou Mouzourane, Hamidou Godye... et Jean Rouch
Le Commencement des lions (1998, 4') avec Martha Fieschi
Kaydia (Nouvelles impressions d'Afrique) (1998)
Le jeu des voyages (1987-2004, 20 heures!)
La fabrique du "Conte d'été" (2005, 90'), coréal. Françoise Etchegaray

LE TRAVAIL DU DEUIL


On est comme à la campagne. Le cimetière de Charonne jouxte l'église Saint-Germain-de-Charonne qui servit de décor à la scène finale des Tontons flingueurs. C'est dire si la cérémonie commençait bien. Les vieux amis ressemblaient à des boulistes ayant raté l'heure de la sieste. Sous un soleil brûlant aux effluves presque corses, les oraisons prononcées en hommage à Jean-André Fieschi en dressèrent un portrait fabuleux et varié, certains avec énormément d'émotion, d'autres plein d'humour, les plus proches se laissant aller à quelques piques pleines de tendresse. Ainsi sa compagne Françoise Risterucci, Émile Breton, Christiane Lack, Jean-Patrick Lebel, Michel Vinaver et d'autres se succèdent au micro, mais ce sont certainement les témoignages de ses enfants, Marthe et Simon, qui sont les plus poignants et les plus fidèles. J'espérais retrouver certains visages, j'en découvre d'autres, je n'en avais oublié aucun. Une chanson corse et la trompette de Miles Davis accompagnent les derniers adieux. En guise de faire-part, la famille a mis à disposition des cartes postales figurant Jean-André à différentes époques de sa vie. Il a toujours adoré les images. J'en choisis une où l'on voit bien qu'il pouvait ne pas être toujours commode !
Lorsque ce fut mon tour je bégayai quelques mots à la mémoire de mon ami :
Cher Jean-André, je n'aurais jamais imaginé me retrouver dans ces circonstances.
Nous avons arpenté ensemble maints cimetières en lieux de promenade et de mémoire, de Venise sur l'île San Michele où nous étions venus porter des fleurs à la demande d'un ami sur la tombe de Stravinsky aux côtés duquel reposait Diaghilev jusqu'au Père Lachaise où tu voulais me montrer celle de Pierre Zucca. Un après-midi comme celui-ci, tu m'avais amené ici-même et tu m'avais indiqué celle de l'infâme Brasilach qui n'était pourtant pas ta tasse de thé bien qu'il ait écrit une célèbre histoire du cinéma.
Ce cimetière de Charonne, nous devrions le rebaptiser cimetière de Charon en hommage à tes qualités de passeur. Je parlais de toi en t'appelant "mon Maître", car lorsque j'étais jeune homme, tu m'appris la moitié de ce que je sais et me donna la méthode pour acquérir le reste. Je disais aussi que ma dette était inextinguible et ton dernier coup de théâtre ne me facilite pas la tâche. Tu tenais toi-même ce pouvoir initiatique de Claude Ollier. Aussi, pour que ta flamme ne s'éteigne jamais, il nous reste à continuer à transmettre ce que tu nous a légué, une appréhension aussi magique que matérialiste de notre monde.
On ne réveille pas un somnambule qui marche au bord du toit. Dors bien et continue à nous faire rêver.

lundi 21 février 2022

L'avance de l'ombre


De mon père j'ai hérité la première charade dont je me souvienne : " mon premier est un cul-de-jatte qui descend à toute vitesse la rue des Martyrs, mon second est un cul-de-jatte qui descend à toute vitesse la rue des Martyrs, mon troisième est un cul-de-jatte qui descend à toute vitesse la rue des Martyrs (à cet endroit mon père ne faisait qu'accélerer son débit de paroles jusqu'à le rendre à la limite du compréhensible par un effet de vitesse et d'emballement), mon quatrième est un cul-de-jatte qui descend à toute vitesse la rue des Martyrs, mon cinquième est un cul-de-jatte qui descend à toute vitesse la rue des Martyrs, mon dernier est un cul-de-jatte qui descend à toute vitesse la rue des Martyrs, (là mon père marquait une pause et concluait à bout de souffle et soulagé) et mon tout est une boisson rafraîchissante !? ". Pour l'anecdote, je suis né rue des Martyrs, ou plus précisément dans une impasse qui y prend sa source, Cité Malesherbes.
En dévalant le macadam comme un fou depuis la Porte des Lilas jusqu'à la Bastille, je vois mon ombre qui s'allonge devant moi comme si elle me précédait dans le temps. Elle arriverait plus vite que moi à mon rendez-vous si je n'entamais un virage déterminant Place Voltaire. Avant de reprendre le dessus, je saisis d'une main mon appareil dans le panier du Vélib et j'épingle l'arrogante qui me montre la route. Il ne me reste plus qu'à savourer la solution de ma charade, citron pressé, breuvage tout indiqué par cette température.

Article du 1er juillet 2009

vendredi 18 février 2022

Le cirque Calder


Republication, cette fois un article du 20 avril 2009. Il n'y a pas d'âge pour se mettre à quatre pattes et retrouver ses émotions d'enfant. Les jeux de construction et les transpositions rêvées font partie de ce qui m'anime probablement le plus. Belle définition de la musique, et de la mienne en particulier.


Il est rare de pouvoir admirer les petits personnages du Cirque de Calder. Si le film de Jean Painlevé tourné en 1955 (ci-dessous) [était projeté] lors de l'exposition du Centre Pompidou, on peut trouver celui tourné en 1961 par Carlos Vilardebo (ci-dessus, moins complet mais peut-être plus enlevé) en DVD avec en prime Les mobiles de Calder et Les gouaches de Sandy. Comme j'avais déjà eu la chance d'admirer le Cirque, ce sont les portraits au fil de fer qui me surprennent le plus. Leurs ombres projetées sur le mur blanc révèlent un autre aspect de chaque personnalité. C'est la magie Calder, jeune artisan illusionniste qui fait ses premiers pas dans l'art, avant sa rencontre d'avec Miró, avant ses célèbres mobiles et stabiles qui feront sa renommée. On retrouvera ce goût de l'enfance et du jeu chez Tinguely, digne héritier de cet enchanteur. Petit détail, mais de taille et de bonne, saluons les cartels qui précisent titre, date, etc. bien au-dessus des œuvres, lisibles sans bousculade et sans qu'on ait besoin de chausser ses bésicles.


Plus loin, la rétrospective Kandinsky [montrait] la fraîcheur du jeune russe qui se laissera trop rapidement influencer par ses contemporains dès lors qu'il voyagera... Les premières salles éclatent de couleurs et de formes merveilleuses, des bleus électriques explosant parmi les couleurs chaudes de ses époustouflantes "improvisations"... Les dernières œuvres semblant cette fois empruntes des mimis aborigènes donnent envie de revenir au point de départ, celui de l'innocence...

→ Jean Painlevé, Le Grand Cirque Calder 1927, DVD Les Documents Cinématographiques / Centre Pompidou, avec une carte postale, 20€
→ Carlos Vilardebo, La magie Calder, DVD Les Films du Paradoxe, avec un livret, plus les films Les mobiles de Calder et Les gouaches de Sandy, 17,79€

jeudi 17 février 2022

Choucroute


Je recycle encore une fois, débordé par mes activités présentes. En haut lieu on raconte en effet qu'il est question d'une reconstitution de ligue dissoute, en l'occurrence Un Drame Musical Instantané, fondé en 1976 et officiellement dissous en 2008. Ce groupe mythique sortirait un nouvel album enregistré lundi dernier et mixé le jour suivant ! Un concert de résurrection avait bien eu lieu en 2015, mais rien ne laissait présager cette édition phonographique... Si le sandwich de 2009 qui suit était bourratif, les agapes de cette semaine s'avéreraient légères comme une plume ou même un poil...

UN SANDWICH BIEN BOURRATIF

Par beau temps, les marches de l'église sont prises d'assaut par les pique-niqueurs des quartiers d'affaires. La reconversion des lieux de culte m'apparaît chaque fois une excellente idée. Leur désertion les transforme en havre de fraîcheur l'été, mais en attrape-la-mort l'hiver, façon douce de se suicider sans mettre en retard les usagers du métro.
Tandis que l'Église de Scientologie est justement jugée pompe à fric arnaqueuse de gogos en mal de vivre, on peut se poser la question de l'histoire du catholicisme, religion quasi nationale qui ne fut jamais exempte ni de bourrage de crânes ni de dépenses somptueuses au-delà de ce que le luxe ne pourra jamais représenter pour n'importe quel richard de la planète. Expliquez-nous la différence!
Les églises, 40 000 en France, pourraient astucieusement être reconverties en centres d'art, d'hébergement, de relaxation, salles de sport, que sais-je, toutes les propositions seront les bienvenues...
Pour information, ce sont les communes qui sont propriétaires des églises, sauf les cathédrales qui appartiennent à l’Etat. Chaque commune assure le clos et le couvert, voire l’électricité et parfois le chauffage... Contribuables, nous finançons donc tous l'Église comme nous savions déjà le faire pour l'Armée, autre exemple vivement contrariant.

Il est néanmoins essentiel de signaler que l'État ne finance directement aucun lieu de culte depuis la loi de 1905, si ce n'est en Alasace-Lorraine où le Concordat de 1801 est toujours en vigueur, permettant aux municipalités de subventionner directement les lieux de culte ! Pour autant, par rapport à cet article du 19 juin 2009, mes convictions face au communautarisme ne m'autorisent pas à octroyer aux autres religions ce dont je souhaiterais priver le catholicisme... Je ne vois pas non plus de différence entre une religion et une secte si ce n'est leur taille et donc leur puissance de nuisance...

Passant du coq à l'âne, je tiens à rappeler que la France est le troisième fournisseur d'armes de la planète avec 9% des crimes à son actif, il est vrai loin derrière la Russie et les États-Unis.

Quel rapport avec la choucroute ? On aura compris qu'il n'y en a aucun entre l'introduction de ce 16 février 2022 et l'article de 2009, mais comme demain nous faisons cap vers les plages de Normandie, fief du tourisme de guerre, ça se bouscule un peu...

mercredi 16 février 2022

Scénarios de rédemption


Nous avions d'abord été surpris par le long-métrage d'animation Princesse (2006) où Anders Morgenthaler entrelardait les séquences dessinées de bouts de film tournés avec une caméra amateur. La violence du propos justifiait que le passé traumatisant resurgisse incarné par des acteurs prétendument involontaires. En face, un trait original, aiguisé, où le monde de l'enfance peut virer au cauchemar : à la mort tragique de la mère, star du porno, une petite fille de cinq ans est récupérée par son oncle. Les flashbacks filmés, tremblés et maladroits, censés fournir les clefs du comportement du tandem, colère de l'oncle et précocité de l'enfant, sont insérés dans le lecteur VHS qui recrache l'horreur leur collant à la peau.


Trois ans plus tôt, cette noirceur existait déjà dans le court-métrage d'animation Araki: The Killing of a Japanese Photographer induisant la mort imaginaire du célèbre photographe japonais dont les clichés sulfureux firent et font encore scandale. Même scénario, même morale sans complaisance. Les cinéastes nordiques n'y vont pas de main morte.


Un an après Princesse que l'on peut considérer comme une œuvre marquante de l'animation adulte, le cinéaste danois récidive en 2007 avec un film où l'on sent la patte d'un auteur dès les premières images. Tourné exclusivement avec des comédiens, Ekko ne fait référence aux antécédents d'animateur de son auteur que par le journal en forme de flip book que tient le jeune héros. Le sujet est tel qu'il ne fait plus aucun doute quant aux références personnelles qui le poussent à filmer l'enfance volée. Cette fois un policier en pétage de plombs enlève son fils. L'inconscience des adultes entraîne certains enfants à prendre leur place, quitte à payer le prix de leur innocence. Comme dans ses précédentes œuvres, Morgenthaler fait preuve d'invention tant dans le montage que dans le scénario qui réserve des surprises. La transmission des névroses familiales sont remarquablement mises en images ou en scène. La violence règne là où elle a semé ses germes, les sentiments de culpabilité entraînant les pires désastres. À ne pas régler son compte au passé, l'histoire risque de se reproduire de génération en génération.

Article du 9 juin 2009

mardi 15 février 2022

Satoshi Kon l'illusionniste


Les films sur des réalisateurs donnent rarement envie de découvrir une œuvre dont on ignore tout. Avec le développement des DVD et autres Blu-Rays ils ressemblent à de gros bonus offrant aux amateurs une analyse telle que celles dont je bénéficiais lorsque j'étais étudiant à l'IDHEC, l'ancêtre de la FEMIS. Les séries Cinéastes de notre temps et Cinéma de notre temps où le documentariste, lui-même cinéaste renommé, adoptait le style du réalisateur ou de la réalisatrice présenté/e restent pour moi la plus belle réussite en la matière. Si je n'avais vu tous les films du cinéaste d'animation japonais Satoshi Kon, le documentaire de Pascal Alex Vincent me donnerait envie de foncer vers ceux que je ne connais pas. L'éditeur Carlotta s'est fait le spécialiste de la cinéphilie en publiant des auteurs reconnus dans des présentations exemplaires. Les fans de tel ou tel réalisateur ou film se régaleront des coffrets collector à tirage limité intégrant, comme avec Satoshi Kon l'illusionniste, des fac-similés de programmes originaux, des photographies, l'affiche, etc. Si l'on n'est pas fétichiste, on appréciera les versions plus sobres qui présentent néanmoins des suppléments de choix, ici une interview inédite de Satoshi Kon, la présentation de son dernier projet qui ne verra jamais le jour, des entretiens avec "la voix" de Paprika, Masashi Ando, charater designer qui inventa Chihiro et Paprika, l'écrivain Yasutaka Tsutsui, le réalisateur d'animation Jérémy Clapin.. Satoshi Kon étant mort brutalement en 2010, à l'âge de 46 ans, on peut cerner son œuvre dans ce documentaire à la lumière des témoignages de Mamoru Hosoda, Mamoru Oshii, Darren Aronofsky, Rodney Rothman, etc.

PAPRIKA, QUI CONTRÔLE LES RÊVES ?


Mon goût pour les épices à s'en relever la nuit me fait automatiquement vibrer en sympathie avec Paprika, le film "onirique" de Satoshi Kon. Oscillant entre le rêve et le cauchemar, le dernier long métrage (2006) du réalisateur de Perfect Blue est un délire absolu, sorte de "thriller théorique et critique où le rêve contamine le réel pour mieux montrer la valeur du cinéma" (je cite fluctuat.net dont les critiques [étaient] toujours affûtées). Si ce film d'animation japonais renvoie sans cesse à ce qu'est le cinéma depuis ses origines il ne manque pas de réfléchir au flot d'images qui nous submerge dès lors que nous allumons notre ordinateur. Bien malin celle ou celui capable de distinguer sans coup férir le vrai du faux. Les recherches sur la réalité virtuelle alimentent la paranoïa justifiée par les machines que nous avons créées. Qu'arrivera-t-il quand des puissances mal intentionnées en auront pris le contrôle, illégalement ou légalement ?
Du coup, j'ai commandé Millennium Actress, Tokyo Godfathers et la série Paranoia Agent, du même réalisateur, [regardés depuis, évidemment, avec le plus grand plaisir et intérêt, mais c'était il y a déjà 13 ans puisque cet article sur Paprika date du 20 avril 2009].

→ Pascal Alex Vincent, Satoshi Kon l'illusionniste, DVD ou Blu-Ray Carlotta, édition single 20€ / Édition Prestige Limitée Combo Blu-ray + DVD + Memorabilia 28€
→ Satoshi Kon, Paprika, double DVD ou Blu-Ray Sony dont de nombreux entretiens avec l'équipe du film, autour de 12€

lundi 14 février 2022

Le fil magnétique


C'est dans le XVème arrondissement. "Descendre" jusque là m'apparaissait probablement une montagne. Me faisant une douce violence, j'enfourche un Velib' jusque la rue de Lourmel. L'engin roule bien, mais la selle est sévère. Il fait beau. [Le vélo électrique a depuis réglé cette paresse.]
Il m'aura donc fallu un an pour répondre à l'invitation de Hugues Genevois de visiter le LAM (Laboratoire d'Acoustique Musicale ou encore Institut Jean Le Rond d'Alembert). Pourtant ce n'est pas l'envie qui me manque depuis que le Leipp fait partie de mes bibles. Acoustique et Musique est l'ouvrage de référence pour qui s'intéresse au sujet, une mine d'informations : Données physiques et technologiques, Problèmes de l'audition des sons musicaux, Principes de fonctionnement et signification acoustique des principaux archétypes d'instruments de musique, Les musiques expérimentales, L'acoustique des salles. Depuis sa réédition en 1976, j'y reviens chaque fois qu'une question physique se pose dans mon travail. L'ouvrage, simple et passionnant, se lit comme un livre policier. Je dis cela aussi de L'interprétation des rêves et des Cinq psychanalyses de Freud !


Le laboratoire, fondé par Émile Leipp en 1963, fourmille de physiciens-musiciens qui étudient tous les processus sonores, expérimentent des protocoles bizarres et fabriquent toutes sortes d'instruments acoustiques ou électroniques. Caroline Cance me fait passer des tests amusants et instructifs sur une interface gestuelle avec palette et stylet pour Puce Muse. En sortant, l'un des ingénieurs me montre sa collection d'appareils reproducteurs de son et en particulier un magnétophone à fil en état de marche. C'est l'ancêtre de la bande magnétique. Les premiers ont servi à l'armée, comme d'habitude. J'évoque la bobine qui trône sur une étagère de ma bibliothèque musicale et qui appartenait à mon père. N'ayant même jamais vu de lecteur, j'ignore tout de cet enregistrement. Je l'expose comme le rouleau de piano mécanique signé et numéroté de l'Étude n°7 que j'achetai un soir à Conlon Nancarrow, espérant rencontrer un jour quelqu'un qui possède l'instrument pour le lire. À ma prochaine visite [mais je n'y suis jamais retourné] j'apporterai la bobine de fil magnétique en même temps que je leur offrirai la paire de dictaphones Grundig qui appartenait à mon père. Mais il n'existe aucun enregistrement de sa voix plus fidèle que ma mémoire. J'entends son timbre quand il parle posément ou lorsqu'il pleure de rire, à la fois douce et articulée, un peu métallique. Vingt deux ans déjà... [Trente-trois aujourd'hui]

Article du 27 juin 2009

vendredi 11 février 2022

La mélodie du malheur (pour de rire)


Ayant découvert The Hapiness of the Katakuris (Katakuri-ke no kōfuku), traduit en français La mélodie du malheur en référence au film de Robert Wise qu'il pastiche allègrement, je me jette sur la production hétéroclite de Takashi Miike. Le réalisateur japonais change de style d'un film à l'autre, et plus étonnamment à l'intérieur d'un même film, avec beaucoup de talent et un toupet rare, car il ne prépare que rarement le public à ses volte-face époustouflantes. Sacha m'avait bien averti du côté délirant de Miike, mais je ne m'attendais pas à tant d'invention et d'iconoclastie, animation et effets spéciaux à la clé !


La mélodie du malheur est une comédie musicale qui tient à la fois de Buñuel, du film d'horreur et du slapstick. La liberté de ton que le cinéaste se permet est rare dans le cinéma d'aujourd'hui et le mélange des genres n'est pas toujours apprécié de la critique. Plus connu pour ses films de yakuzas (trilogie Dead or Alive) ou gore (Audition), il signe aussi bien des films de science-fiction (Andromedia, Gods Puzzle) que le road-movie (même si la route laisse vite la place à la rivière) The Bird People in China dont le climat réalistico-poétique tranche avec les pétarades du western lamen Sukiyaki Western Django.


Ne manquez surtout pas celui-ci, en salle ou DVD, si vous aimez les films culte et inclassables qui secouent les neurones. Remake du coréen The Quiet Family de Kim Jee-woon, La mélodie du malheur rappelle aussi L'auberge rouge de Claude Autant-Lara, version nippone ! Les 70 films de Miike ne sont pourtant pas tous du même acabit, chacun y trouvant son bonheur selon ses goûts... Et pour les couleurs, Miike s'y entend !

Article du 23 juin 2009

jeudi 10 février 2022

Odyssey Tribute to Jean Jacques ARP Birgé


Si j'avais commandé mon Tombeau à Sacha Gattino pour mon 100ème Anniversaire, l'hommage que me rend Lionel Martin sur Bandcamp m'a surpris et évidemment très touché comme on peut s'en douter. Depuis le 18 janvier le saxophoniste lyonnais y publie un titre par jour pour constituer L.A.B / 22 ( Long.Amazing.Bundle ), un album fleuve, enregistrements live où il entend préserver la spontanéité créative. Odyssey Tribute to Jean Jacques ARP Birgé est le 21ème titre de cette saga qui exige un sacré souffle. Il fait suite à sa visite à Paris où nous avons fêté la future sortie de notre duo en vinyle, Fictions, inspiré par les nouvelles de Jorge Luis Borges et dont Ella & Pitr ont réalisé la pochette sérigraphiée par L'Apothicaire. Pour cette Odyssey de 15'45", que j'imagine clin d'œil à Jean Arp et Kubrick, entre le prologue d'Also sprach Zarathoustra de Richard Strauss et Lux Æterna de Ligeti, avec une référence à mon vieux synthé ARP 2600, Lionel Martin fait passer son soprano par des réverbérations, l'octaveur Akaï Head Rush, un harmoniseur et un effet de sa Line 6. Dans les petites notes de la page Bandcamp où tout cela est mis gracieusement en ligne, le saxophoniste précise : " Avec Christophe / chez Jean-Jacques / Ode à la création / Déjà de retour ". Lundi soir nous avions écouté le Tching Tchong Crew, Ornette Coleman avec Joe Henry, Double Negative de Low, New Grass d'Albert Ayler...


Christophe Charpenel suit partout photographiquement Lionel Martin dans ses pérégrinations expérimentales. Si le saxophoniste endosse souvent la panoplie du rhinocéros, c'est un caméléon capable de prendre une apparence différente selon les projets tout en restant sauvagement lui-même. J'ai plusieurs fois évoqué ses travaux dans Jazz Before Jazz Gottschalk revisité, Lionel Martin en situation, Lionel Martin en soliste tandis que Christophe Charpenel publiait son reportage photo de notre enregistrement sur Citizen Jazz. Quant à l'album Fictions, il est issu d'une session enregistrée au Studio GRRR le 11 mai 2021 à la suite de mon Pique-nique au labo. Pour le 33 tours 30 centimètres nous avons choisi cinq pièces qui font sens parmi les onze. J'ai relaté cette merveilleuse rencontre ici et . L'analogie au bestiaire, qui m'a toujours attiré, sera une fois de plus comblée par la future pochette d'Ella & Pitr qui nous ont épinglés comme des papillons...

→ Lionel Martin, Odyssey Tribute to Jean Jacques ARP Birgé, sur Bandcamp

mercredi 9 février 2022

Le jour et la nuit


Hier matin j'ai reçu un étrange colis cubique de Flensburg en Allemagne. Cette ville la plus septentrionale du pays est un port situé quasiment à la frontière danoise. Wikipedia ne dit pas qu'y résident le Kommissar Hjuler et sa femme, Mama Baer, un couple prolixe qui en est à 1333 publications (cf. Discogs), vinyles et cassettes confondues sur le label Psych.KG ! Y aurait-il donc plus fada que moi avec mes 171 heures d'inédits en 88 albums et 1153 pièces sur drame.org ? Probablement, à en juger par leur production sonore inspirée du mouvement Fluxus. S'il n'y avait que ça... Car leurs créations sont souvent accompagnées de tirages à part, signés et numérotés, des plus provocateurs. Leurs collages sacrifient parfois l'une des faces des 33 tours qu'ils détournent. Leur dernier méfait se trouvait dans le carton de la poste, quatre vitrines sous plexiglas dédiée à Un Drame Musical Instantané et ses trois fondateurs, abritant chacune une bouteille brisée d'excellents whiskys et un Polaroïd vernaculaire usurpant nos identités à tous les trois. Lorsque j'ai ouvert les deux cartons renfermant les dédicaces à Francis Gorgé et Bernard Vitet, une poussière de verre s'en est échappée. L'aspirateur de table aura au moins servi à quelque chose. Ces sculptures anticipent la sortie du 33 tours 30 centimètres Toxic Rice, retardé pour cause d'embouteillage dans les usines de pressage squattées dorénavant par les majors qui se sont infiltrées dans le circuit jusqu'ici parallèle du vinyle. Y figurera une pièce inédite de 19 minutes du trio du Drame enregistrée en 1976, soit juste avant l'album Trop d'adrénaline nuit, et sur l'autre face une autre de Kommissar Hjuler und Frau.


Pour l'instant, c'était aussi dans le gros paquet, ce sont deux cassettes de 15 minutes par face qui voient le jour et la nuit. La rouge pour le jour, la bleue pour la nuit. La face A de la première présente un duo que j'ai enregistré en 1975 avec Francis Gorgé qui avait branché sa Gibson SG Standard sur mon ARP 2600. On parle là de guitare électrique et de synthétiseur. À l'époque nous jouions survoltés, les doigts dans la prise. Sur la face B Mama Baer offre une pièce répétitive à la guitare électrique suivie d'une pièce pluvieuse manipulée magnétiquement. Les quatre font les paires (l'épeire est une araignée qui squatte mon jardin) et se renvoient mutuellement l'ascenseur à plus de quarante ans de distance. L'entretien roux-combalusien est facile, les pannes sont extrêmement rares. L'image de couverture renvoie explicitement au mouvement kidnappé par le couple sous le terme Fluxus +/-.
La parution sur cassette m'interroge forcément : format court, quinze minutes par face, clin d'œil à la décroissance, nostalgie d'une époque oubliée prenant le dessus sur la qualité de reproduction. J'ai évidemment choisi les morceaux en conséquence. La face A de la bleue qui annonce la couleur en façade abrite deux inédits d'Un Drame Musical Instantané, User's Guide de 1980 et After All de 1984. Bernard Vitet est à la trompette et aux bendirs, Francis Gorgé joue de la guitare, classique ou électrique, j'utilise l'ARP, une guimbarde, un instrument à anche sur la première, et le PPG sur la seconde. Les improvisations sont tendres. On y entend d'abord nos voix détaillant, et le patch de mon synthé, et le jeu sur les cordes. J'ai toujours été attiré par le Discours de la Méthode, comme avec le spectacle Rideau ! qui date de la même année. Si le bugle expose son inimitable timbre lyrique et velouté, il ne s'interdit pas les citations historiques ! La face B propose une pièce de 2008 de Mama Baer, Ruecklaufambition, mélange hirsute de bandes, guitare et voix, suivie de Mitnichten enregistrée en duo en 2015 avec Kommissar Hjuler à la percussion et diffusant également des enregistrements radiophoniques, comme elle. Si je compare ici leur choix aux dix-sept vinyles de poésie sonore reçus en amont pour me montrer leur genre de production, il me semble que leurs pièces d'art brut ont été soigneusement sélectionnées pour répondre à celles que j'avais envoyées.

→ Jean-Jacques Birgé & Francis Gorgé / Mama Baer, + +, split-MC Psych.KG 573, 22.90€+17.99€ de port via Discogs, soit un total de 40.89€ / 30€ avec le port sur drame.org
→ Un Drame Musical Instantané / Mama Baer & Kommissar Hjuler, FLUXUS +/-, split-MC Psych.KG 575, 22.90€+17.99€ de port via Discogs, soit un total de 40.89€ / 30€ avec le port sur drame.org
→ Copies uniques avec assemblage sous vitrine pour le split-LP Toxic Rice d'Un Drame Musical Instantané / KHj+F., Psych.KG 567/FLUX !

mardi 8 février 2022

sɹǝʌuǝ,l à ɹǝsuǝd


éuɹnoʇǝɹ ʇnoʇ sıns ǝɾ
ǝʇdɯoɔ uǝ sıɹd sɐd ʇuos ǝu sʇuǝɔɔɐ sǝl ǝpnʇıqɐɥ,p ǝɯɯoɔ sıɐɯ
sǝlɐʇıdɐɔ sǝl ǝnb snld sɐd
ʇuɐsnɯɐ ʇsǝ,ɔ sɐɔ snoʇ uǝ
ǝƃɐssǝɯ ǝl ɔǝʌɐ ǝɔuɐʇsıp ǝun ʇınpoɹd ɐlǝɔ

En 1993, j'avais écrit le texte d'une chanson dont voici un extrait. Trop maladroite, nous ne l'avons jamais terminée. L'idée m'en était venue parce que Freddie m'appelait "Monsieur Tout-à-l'envers" :

J'ai toujours fait les pieds au mur
Pour pouvoir mille lieues réfléchir
Enfant je réinventais mes jouets
En les retournant à toute allure
Et dans ma chambre se déguisaient
De nouvelles histoires à dormir
Debout musique le matin tôt
Pour ondes courtes et pompe à vélo

Penser à l'envers
Les plaies ne me disent rien qui vaille, la gêne
Penser à l'envers
Et contre tout ce qui nous étouffe, sans peine
Penser à l'envers
Défoule des foules...

Reprendre les acides et les bases
Un petit degré sur le rapporteur
Et c'est la boule qui chavire
Les continents qui se rejoignent
Des passés s'ils font table rase
Y a pas d'avenir sans les leurres
Ne pas y croître pour grandir
Crochus les atomes s'éloignent

Penser à l'envers
Les plaies ne me disent rien qui vaille, les filles
Penser à l'envers
Et contre les toux qui vous étouffent, pastille
Penser à l'envers
Des foules dessoûle...

˙˙˙suoɯ à ɹoıslǝɔxǝ,l ǝp ǝlqɐʇ ǝun,p ɔuız ǝl ɹns oʇoɥd ɐɯ sıɹd ɐ ǝuıoʇuɐ

Depuis cet article du 28 avril 2009, la chanson inachevée est en index 22 de l'album Chansons sur le site drame.org

lundi 7 février 2022

Lire aux cabinets


Lire au cabinets est le titre d'un opuscule d'Henry Miller écrit en 1952. Prétexte à d'intéressantes réflexions sur la lecture, les cinquante pages de ce petit livre rose (ed. Allia, 6,10€) interrogent le temps que pour la plupart nous ne prenons pas. Il monte en épingle notre solitude nécessaire et le besoin de faire plusieurs choses à la fois. Certaines peuvent sembler stériles comme choisir des ouvrages sans réelle consistance pour nous accompagner dans l'expulsion de nos selles, mais lire en mangeant pose des questions du même ordre. Pour mon propre usage, je retiens essentiellement que j'aurais préféré, n'en déplaise à l'auteur, me pencher sur son ouvrage, chapitre 13 des Livres de ma vie, assis sur la rondelle plutôt que suant au soleil. Rien ne me conforte plus que de choisir le livre exact qui rime avec l'activité présente, le paysage traversé, l'humeur du moment. Nicolas emporta Les enfants de minuit dans son périple indien comme je relisais Sophocle et Platon dans les îles grecques. Il en est de même pour mes accompagnements musicaux, en voiture ou à la maison ; je choisis du rock dans les grands parcs américains, de la musique bretonne au Finistère, du rap lao à la frontière chinoise, le premier mouvement de la première symphonie de Charles Ives si je suis totalement déprimé, Dario Moreno pour un réveil musclé, etc. Il n'y a que le cinéma que j'aborde à contrepied pour briser ma journée marathon et me plonger dans un autre monde, quasi schizophrène, encourageant la passivité. Quant aux cabinets, j'alterne la lecture des magazines avant de tirer la chasse et les ficher à la poubelle et la respiration ventrale, sachant bien qu'il n'existe aucun rapport de cause à effet entre la lecture et la défécation. Leur seul point commun est une pratique exigeant détente et concentration.

Republication de cet article du 31 mai 2009 qui m'évite ainsi un surcroît de travail alors que ce week-end j'ai répondu à un entretien-fleuve en anglais pour un magazine slovène, plus un article pour l'Université de Saint-Étienne...

vendredi 4 février 2022

La nostalgie du futur


Il y a trois ans, à la mort de ma mère, nous avons vendu son appartement dont la terrasse offrait un panorama à 360° sur Paris et la banlieue. Michel rappelle de temps en temps les fêtes extraordinaires qu'adolescents nous organisions sur le toit, projetant les images du light-show sur l'immeuble d'en face. Maman savait le nombre de copains entassés dans ma chambre aux paires de chaussures laissées à l'entrée. Mes parents faisaient figure d'exception de nous laisser fumer des pétards sans commentaires. Ils se souvenaient avoir été jeunes eux aussi, ce que certains ont piteusement effacé. Il est certain que nous sommes parfois inquiets pour nos progénitures, sachant les terribles accidents auxquels nous avions miraculeusement échappé, ou pas.

Lorsque j'avais 15 ans nous avons déménagé de la rue des peupliers à la route de la Reine. C'était juste après 1968 et avant mon entrée à l'Idhec qui coïncidera avec la vie en communauté rue du Château. Nous passâmes alors des conventions familiales aux rêves d'aventures vers lesquels notre adolescence nous conduisait par tous les sens. Pendant les années qui avaient précédé, j'avais déjà tâté de ce que la jeunesse offre de meilleur. L'indépendance fut dès lors le maître mot. Pendant mes années de lycée, j'avais moins souvent regardé par la fenêtre que je ne m'étais plongé dans l'obscurité fluorescente de la lampe de Wood ou dans des rêveries stéréo prises entre les deux oreillettes de mon casque hi-fi.
En prenant cette photo depuis mon ancienne chambre [...] certains détails attirent mon attention : une petite pièce en avancée sur la façade d'en face, le mur quasi aveugle qui surplombe la station-service, la route toute droite jusqu'au pont de Saint-Cloud et le Parc ! C'était ma campagne, mes sous-bois, ma jungle.
Tout au fond ses collines surplombaient des images d'enfance où nous donnions rendez-vous à mes grands-parents sur l'immense pelouse. Depuis la banquette arrière de la Peugeot 203, la majestueuse grille d'entrée en fer forgé menait forcément à quelque château de cape et d'épée. Un gardien distribuait des tickets. Il fallait ensuite emprunter de longues allées rectilignes avant d'atteindre l'autre bout du Parc, plus secret. Jeune homme, j'alternerai de romantiques promenades à l'humide odeur d'humus et les miniatures japonaises du Jardin Albert Kahn. Le parc se prêtait aux confidences, le jardin aux photos-souvenirs.
Comme j'essaie de me rappeler cette époque lointaine, je suis étonné de constater le nombre de vies qu'un être humain est susceptible de posséder, et de perdre. En regardant les jeunes gens dans la rue, je comprends que certains plaisirs me sont désormais interdits, mais que les ayant déjà vécus je ne peux avoir aucun regret. J'ai déjà été jeune, serai-je jamais vieux ? S'il est une nostalgie, elle ne peut venir que ce dont on ne sait rien encore et qui pourrait nous échapper. Ma curiosité est plus forte que mes dépits. Je m'accroche, je dévore. Pour goûter la saveur du présent et envisager l'avenir et son cortège de surprises, je n'ai d'autre choix que de mettre en perspective ce qui m'a fait comme je suis. L'histoire. Tout à l'heure je disais à Sacha que j'accorde autant d'importance aux inventions les plus renversantes qu'aux sources premières dont elles sont les variations rebelles. L'origine du monde et l'ève future dans le même bain. Le blues ancestral et l'utopie la plus abracadabrante. La régression primale et la pensée la plus pointue. Le grand écart.

Article du 30 mai 2009

jeudi 3 février 2022

Le ballet Triadique


[À la fin du siècle dernier] je passai une semaine de rêve sur l'orgue de la Cathédrale de Stuttgart pour un ballet qui ne vit jamais le jour. L'interrogatoire que je dus subir en amont de la part des hautes autorités écclésiastiques restera un moment d'anthologie surréaliste dont je me sortis plutôt bien, sans tricher mais répondant sur le fil du rasoir. Je composai ma partition en répertoriant tous les tuyaux produisant des sons incongrus. De ce voyage ne me restent que quelques cartes postales du Ballet triadique d'Oskar Schlemmer (1923) et chaque fois que je regarde ces images une foule de pensées m'envahit. J'imagine des sons inouïs proches de Maurizio Kagel et une chorégraphie cinétique dont je n'ai jamais eu l'occasion de voir aucune reconstitution. J'en ai néanmoins trouvé un petit extrait sur YouTube :


Marc Boucher, en citant Mathématique de la danse (1926) donne corps à mes rêves : "Songeons aux possibilités que nous permettent d’envisager l’extraordinaire progrès technologique d’aujourd’hui, tel que représenté par les instruments de précision, les appareils scientifiques de métal et de verre, les prothèses, l’habit fantaisiste du scaphandrier ou l’uniforme du militaire. Imaginons ensuite que ces produits, qui sont au service des fonctions rationnelles à une époque aussi fantastique et matérialiste que la nôtre, puissent être appliqués au domaine inutile de l’art. Nous obtiendrons alors plus de fantaisie que ce que l’on retrouve dans les visions de E.T.A. Hoffman ou dans celles du Moyen Âge". Attaché au geste instrumental, j'imagine un jour pouvoir revêtir un costume qui ait la fonction d'interface pour contrôler mes sons et ma musique tout en faisant jaillir la lumière du tableau vivant.

Article du 23 mai 2009

mercredi 2 février 2022

Forbidden Zone, obligatoire !


Souvent j'oublie ce que j'avais écrit, et même ce que j'avais vu et entendu. Mes lecteurs/trices ne sont pas toujours ceux et celles d'alors. Ainsi je republie d'anciens articles, comme celui-ci du 20 mai 2009 qui me donne envie d'y revenir. Sans nostalgie aucune. Juste raviver la mémoire en réactualisant les liens...


Zone interdite [...] est un film ébouriffant de Richard Elfman terminé en 1980, devenu cultissime sauf en France où il est resté jusqu'ici plutôt confidentiel. Forbidden Zone est un film complètement dingue, à localiser entre Hellzapoppin et le Rocky Horror Picture Show. On y décèlera l'influence de Spike Jones et, à son tour, comment il agira de façon déterminante sur l'œuvre de Tim Burton dont le premier long-métrage date de cinq ans plus tard, d'autant que le compositeur de cette comédie musicale hirsute n'est autre que Danny Elfman, le frère du réalisateur, tous deux faisant d'ailleurs partie du célèbre Oingo Boingo...


Les extraits sont plus éloquents que mes propres élucubrations sur ce film tordant, incisif et dont la partition musicale est une petite merveille. Le DVD, édité en France par Le Chat qui Fume, offre une foule de suppléments : Voyage dans la Zone Interdite, scènes inédites, commentaires caustiques, clip d'Oingo Boingo et un entretien avec Marie-Pascale Elfman...


C'est ainsi que j'apprends que les frères Elfman ont traîné leurs guêtres avec le Grand Magic Circus de Jérôme Savary au début des années 70, à une époque où nous fréquentions les mêmes espaces d'intervention. Je me disais bien que Marie-Pascale me rappelait quelqu'un. Quant à Susan Tyrell, elle jouait dans Cry Baby de John Waters, un indéniable cousin des Elfman. Pour mémoire, Danny Elfman, qui joue ici le rôle de Satan, est le compositeur du générique des Simpson, de Desesperate Housewives et de presque tous les films de Tim Burton, parmi lesquels L'étrange Noël de Mr Jack (The Night Before Christmas) dont les chansons entretiennent de nombreux points de ressemblance avec celles de Forbidden Zone.

mardi 1 février 2022

Pourquoi je préfère les disques au flux


À 15 ans, lorsque j'ai découvert les émotions que me produisait la musique, j'ai acheté quelques disques, mais mon porte-monnaie n'était pas à la hauteur de ma curiosité boulimique et de mon enthousiasme adolescent. Trois amis me fournissaient en matière première que j'enregistrais en 9,5 cm/s sur un magnétophone quart de piste qui me servit plus tard à immortaliser les disques de mes débuts. Le premier m'ouvrit les portes du free jazz et de la pop déjantée : pas plus fortuné que moi, Michel volait les 33 tours chez Lido Musique, il est devenu DJ à la radio et continue de nous faire découvrir des raretés insoupçonnées. Le second avait des parents friqués qui le gâtaient, il était surtout branché par la pop américaine, du folk au rock psychédélique, Philippe a hélas succombé à une overdose qui n'avait rien de musical. Le troisième vendait ces objets de désir à l'angle de la rue de Luynes et du boulevard Saint-Germain, chez Givaudan alors le meilleur importateur parisien, ce furent par exemple Sun Ra, Harry Partch et le reggae naissant, j'ignore ce que François est devenu. J'ai continué à emprunter la discothèque de Jean-André qui m'a initié à la musique contemporaine, à l'opéra et au classique. Je possède toujours les doubles pages à carreaux où je recopiais l'intégralité des notes de pochette imprimées au dos des vinyles. C'est ainsi que s'est construite ma culture musicale et que j'ai amélioré mon anglais !
De temps en temps je pouvais m'offrir les objets qui comptaient le plus à mes oreilles, les Mothers of Invention, Captain Beefheart, Bonzo Dog Band, Terry Riley, La Monte Young, Pink Floyd, Family, White Noise, etc., et plus tard, en fonction des époques, l'ancien et les nouveaux jazz, la musique classique et contemporaine, la chanson française, les musiques extra-européennes, etc. Cet important corpus est maigre face aux bandes magnétiques représentant trois mois de musique 24 heures sur 24. Aujourd'hui elles prennent surtout la poussière. Je suis passé aux cassettes sur lesquelles j'enregistrais France Musique et France Culture en cochant à l'avance les émissions sur les pages radio de Télérama. Ma base de données était sur fiches cartonnées jusqu'à ce que j'utilise le logiciel File Maker Pro. Et puis le CD est arrivé alors que mes moyens financiers s'étaient améliorés. Avant un déménagement j'avais déjà vendu la plupart des 78 tours hérités de ma famille, je me suis débarrassé d'une grosse partie de mes disques noirs, sauf le classique et ceux auxquels je tenais le plus. Le problème est évidemment le stockage. Malgré les dizaines de mètres de linéaire, les étagères arrivent régulièrement à saturation. Rédigeant des petites chroniques sur cette page je reçois chaque jour des services de presse. J'écoute tout et ne peux me résoudre à vendre ceux qui ne m'intéressent pas, pour des raisons de décence vis à vis des artistes qui me les ont adressés. J'en donne autant que je peux, mais ce sont évidemment ceux qui me plaisent le moins. Que ce soit les livres ou les disques, un de rentré devrait provoquer un de sorti, mais je n'arrive pas à m'y tenir.


Voilà une longue introduction à l'annonce du titre de cet article ! J'ai pensé à l'écrire en écoutant ce matin des albums dématérialisés. Selon l'application utilisée, les morceaux s'enchaînent en léger fondu ou en les espaçant toujours de la même longueur de silence. Or choisir le bon nombre de secondes entre chaque pièce fait partie de mon travail de création lorsque je fabrique les miens. Ensuite je ne sais pas toujours ce que j'écoute lorsque se déroule le flux. J'ai besoin des notes de pochette, des paroles des chansons, du minutage, du nom des musiciens, ainsi que de l'iconographie qui enveloppe l'objet. À mes yeux les images représentent un morceau de plus, la transposition visuelle de l'univers sonore. Les enveloppes cartonnées, formes ramassées de l'original, que m'envoient les attachés de presse, ne suscitent que rarement le désir d'écrire. J'avoue n'acheter que des disques dont la présentation apporte quelque chose de plus que la simple écoute.
En tant que producteur moi-même, au compteur une cinquantaine de vinyles et CD ainsi que près d'une centaine d'albums dématérialisés (mais ça c'est une autre histoire !), j'ai toujours apporté un soin énorme à l'objet-disque, dans sa présentation iconographique et récemment augmenté de copieux livrets remarquablement mis en page par les meilleurs graphistes. Les considérer ainsi les rend incopiables, puisqu'ils ne peuvent être réduits à l'aspect purement sonore. Il me semble que c'est la meilleure réponse à ce qu'on appelle abusivement le piratage. Provoquer le désir au lieu de réprimer est forcément plus sympathique. Petit a parte pour rappeler que ce n'est pas le piratage, mais les plateformes comme iTunes, Deezer ou Spotify qui pénalisent le plus les artistes. J'ignore ce que deviendra l'industrie du disque dans l'avenir. Les indépendants se battent bien contre les majors, certes David contre Goliath. Il est important de se souvenir que le support influence aussi les œuvres. La partition écrite répondait à la nécessité de voyager à une époque où l'enregistrement n'existait pas. La tradition orale avait d'autres avantages. Le 78 tours privilégiait les formats courts. Le 33 tours 30 centimètres était structuré sur la base des deux faces. Le CD offrait des durées plus longues et des musiques à petit bruit que les craquements de surface interdisaient. La musique en ligne m'a permis, par exemple, de fabriquer un album qui dure 24 heures ! Mais rien ne vaut le plaisir de fabriquer un bel objet, comme les 30 centimètres qui se profilent pour les mois à venir, éditions limitées et numérotées en sérigraphie ou en volume réalisées avec des plasticiens. On y reviendra !