70 décembre 2005 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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dimanche 25 décembre 2005

Festival d'Amougies 1969


J'ai réussi à sauver des bandes historiques : Frank Zappa faisant le boeuf avec Pink Floyd, avec Captain Beefheart, avec Ainsley Dunbar Retaliation, avec les Blossom Toes, avec Caravan, avec Sam Apple Pie... Plus l'intégralité des concerts de Soft Machine, Ten Years After, Nice, Yes, etc.

Bonnes nouvelles pour Noël ! Suite à un mail d'Aymeric Leroy, j'ai eu la curiosité de replonger dans mes archives et de tenter de récupérer les bandes que j'avais enregistrées au Festival d'Amougies, le premier festival de musique européen qui s'était tenu en Belgique après son interdiction sur le territoire français. Au programme, tous les groupes cités plus haut, ainsi que Colosseum (je n'en ai gardé que leur Valentyne Suite), Freedom (Dirty Water), Alexis Korner, Cruciferius, We Free avec Guilain, le G.E.R.M. de Pierre Mariétan, les Pretty Things, East of Eden, Gong avec Daniel Laloux au tambour napoléonien, etc. Mais le choc fut pour moi la découverte du free jazz, dès le premier soir, avec l'Art Ensemble de Chicago, pastichant les rockers mieux que les modèles ! Il faut avoir vu et entendu Joseph Jarman entièrement nu à la guitare électrique... J'étais soufflé. Hélas, je n'ai pas enregistré Archie Shepp, Don Cherry, Anthony Braxton, Sunny Murray, Burton Greene, Joachim Kühn avec J-F Jenny-Clarke et Jacques Thollot, Alan Silva, Kenneth Terroade, Grachan Moncur III, Dave Burrell, John Surman, Robin Kenyatta, Franck Wright, Steve Lacy, etc. J'étais venu pour les groupes qu'alors on appelait pop, et bien entendu pour Zappa, mais j'ai déjà raconté cette première rencontre initiatique dans Jazz Magazine. C'est d'ailleurs cet article qui m'a valu le mail d'Aymeric Leroy, en quête d'informations sur Amougies, et sur d'éventuelles bandes magnétiques rapportées du froid...
Nous dormions sous le chapiteau, enmitouflés dans nos duvets, défoncés par la musique plus que par les joints, nous étions bercés par les orchestres du matin lorsque nous craquions de sommeil et sombrions dans les bras de (M)orphée. Le premier matin, c'est moi qui ai découvert le seul robinet d'eau froide où nous puissions nous débarbouiller, derrière le café-restaurant, si je me souviens bien. J'avais apporté le petit magnétophone de ma soeur Agnès, des bobines de 8 cm de diamètre tournant en 4,75 cm/s. Matériel très rudimentaire. J'étais limité par le nombre de piles et de bandes magnétiques, par la qualité du microphone. Depuis une vingtaine d'années, je n'ai plus pu réécouter tout cela à cause de cette vitesse rarement accessible sur mes gros magnétophones. Comme je venais de numériser les archives familiales de ma compagne qui remontaient aux années 50, j'ai tenté le coup. J'ai lu en 9,5cm/s les bandes enregistrées en quart de piste mono pour ensuite les transposer d'une octave vers le bas. Ça ralentit à la bonne vitesse et du même coup cela double la longueur de la durée. Ça a marché !
Sur mes fiches en carton, il est stipulé que le concert de Soft Machine dure 1h03'23" (pas de Zappa ici contrairement à certaines suppositions de blogs sur le net, mais première apparition des cuivres). J'étais déjà bien pinchecorné pour préciser la durée à ce point. Pas de coupure entre les morceaux, juste une petite vers la fin. C'est Mike Ratledge qui me donne l'idée d'ajouter toutes ces pédales sur mon orgue Farfisa. Je veux trouver mon son, j'ajoute un modulateur en anneau aux wah-wah et distorsions. La prestation de Pink Floyd est de 1h22'41" : accord, Astronomy Domine, Green is the colour et Careful with that axe Eugene, nouvel accord avec Zappa qui improvise une vingtaine de minutes sur Interstellar Overdrive, puis retour à Set the controls for the heart of the sun et A saucerful of secrets ! La foule scande Les frontières ont s'en fout avec Mouna. Zappa improvise avec Ainsley Dunbar Retaliation (6'42), il engagera ensuite le batteur dans les Mothers... Le concert de Ten Years After (48'50) est nettement supérieur à leurs disques. Je suis encore fasciné par la virtuosité et le liberté de l'orgue de Keith Emerson avec les Nice : Intermezzo from the Karelia Suite, Don Edito el Gruva, Country Pie (j'ai du mal à relire ma fiche), Bach's Brandburger Concerto n°6 in B Flat, Hang on to a dream, Tchaïkovsky's Pathetic Symphony, She belongs to me, Rondo'69... Zappa improvise avec les Blossom Toes (25'54) ; le G.E.R.M. du corniste Pierre Mariétan interprète la Keyboard Study n°2 de Terrry Riley et Initiative de Mariétan. Après un Place of my own, Zappa joue avec Caravan sur If I could do it all over again, I'd do it all over you (6'46), puis le groupe joue As I feel I die, And I wish I was stoned, Magic man, Reelin' Feelin' Squealin' (je relis mes fiches toujours), Where but for caravan would I, Get Up !. Il semble que j'ai effacé le concert des Pretty Things, je me crois me souvenir de leur batteur escaladant le mat du chapiteau en jouant. Même chose avec East of Eden. Zappa joue Moonlight man avec Sam Apple Pie, mais surtout je peux réécouter le concert de Captain Beefheart avec Frank Zappa ! 38 minutes 42 secondes de délire : Zappa joue au début sur She's too much for my mirror. Il présente le groupe en avertissant le public qu'il pourrait manquer quelque chose s'il n'y prenait garde, il arrose l'harmonica de Beefheart pendant que celui-ci joue. Break. Zappa : Captain Bullshit !. Van Vliet : That's a good name. Et ils reprennent. L'orchestre interprète My human gets me blues, Wild Life, Hobo Chang Ba, et les vingt minutes finales de When Big Joan sets up avec Zappa... J'ai déjà raconté comme j'enjambe les barrières et vais interroger F.Z. pendant trois quarts d'heure, ce qui entamera une suite de rencontres dans les années qui suivent, comment le Capitaine me traverse comme un ectoplasme... J'attendrai aussi trente ans pour aller voir Robert Wyatt à Louth pour Jazz Magazine...
Je n'ai plus enregistré de festival qu'une seule fois, il me reste à écouter Zappa et Ponty à Biot ! La qualité de toutes ces bandes laissent évidemment à désirer, mais la valeur d'archive est intacte, la musique se laisse écouter avec la plus grande émotion, elle est légalement inexploitable, dommage, certains tueraient, paraît-il, père et mère pour les avoir. J'ai peur. Je pars mettre tout ça dans un coffre-fort en haut d'une montagne gardée par des aigles cruels et sanguinaires. On en reparlera. Joyeux Noël à ceux qui me lisent et que j'ai fait rêver ;-)

mardi 20 décembre 2005

Sexe, révolution, hérésies...


Trois images, trois couples !

En cette fin d'année pleine de bonnes résolutions, si si, le dvdphage suggère à tous les couples ensemble depuis déjà trois ans (c'est édifiant également pour les vieux couples et pour les amours naissantes) d'acquérir dans les plus brefs délais Un couple, film de 1960 totalement invisible et méconnu de Jean-Pierre Mocky. C'est une petite merveille d'intelligence, caustique et drôle, à l'époque interdite aux moins de 18 ans (c'est là qu'on voit que les moeurs ont un peu changé), jamais diffusée à la télé (ça se comprend aussi). La même année qu'A bout de souffle, et autrement plus corrosif ! Mocky était absolument génial lorsqu'on lui en donnait les moyens et qu'il en prenait le temps. Après avoir inventé le sens du mot draguer avec ses Dragueurs, son second film nous intime : "Mimi, y a de la bonne salade !"
Pour les retours dans le passé qui n'ont pas pris une ride, je dirais même d'une actualité toujours aussi brûlante, il faut absolument voir ou revoir Mister Freedom de William Klein (1969). Cette fois encore, c'est drôle et virulent. Le discours de l'état américain n'a pas changé, on est en pleine busherie... Delphine Seyrig y est sublime, les archives de 68 sont en 35mm couleurs (cas unique), on croise Gainsbourg, Rufus, Noiret, Montand, Sami Frey... Mais surtout, c'est pop ! Pop comme du Pop-Art, pop comme des bulles de bd qui éclatent... L'invention des années 60 ! Aaaaah, 69, année érotique, si si là aussi, c'est l'année de La voie lactée de Buñuel, un de mes préférés (coffret indispensable, avec Belle de Jour et Tristana ; jamais, sauf chez Demy, Catherine Deveuve n'aura été aussi extraordinaire)... Tiens, on retrouve Delphine Seyrig à la fin de La voie lactée, nous étions tous amoureux de sa voix. Puisqu'elle en est le personnage principal, j'en profite pour rappeler que Muriel est le plus beau film d'Alain Resnais, même si je m'étais cantonné aujourd'hui à trois comédies... Voilà donc trois comédies hilarantes et graves, une sur le sexe, une sur la politique américaine et un pamphlet blasphématoire sur les hérésies, alors que manque-t-il ? La sortie des Histoires du cinéma de Godard semble repoussée à janvier... Ah oui, Les premiers pas du cinéma de Serge Bromberg, chez Lobster qui nous offre déjà la collection Retour de flamme, rassemble une mine d'incunables magiques : deux dvd, un sur l'histoire du son au cinéma, l'autre sur la couleur, avec plus d'une trentaine de boni merveilleux, un ravissement, plein de surprises, de quoi être étonné.
Que demander de plus ? Une voix me sussure qu'il ne faudrait pas s'endormir pendant les fêtes, car les députés nous préparent un paquet de lois liberticides qui pourraient s'avérer infanticides : le piratage a bon dos, Internet cadenassé, les subsides de la copie privée s'évanouiront, et nombreux projets artistiques avec ; les intermittents à la sauce Medef, alors on n'a pas fini de se battre... Les dvd, ce n'est que le repos du guerrier !

mercredi 7 décembre 2005

Polymorphe, éclectique ou workoolique ?

Les news : Les Actualités (double album des Allumés du Jazz) et le n°14 du Journal qui lui est consacré, Les Portes (installation d'art contemporain avec Nicolas Clauss), Somnambules live en quartet, Une Médée pour Anne-Laure Liégeois, les Robots pour le Futuroscope, Nabaztag qui s'améliore en grandissant, le site des Ptits repères... Je dors peu.

Au lieu d'écrire sur le mien, je fais des commentaires sur celui des autres ! Par exemple, le passionnant blog d'Etienne Mineur qui photographie à tour de bras les beaux livres de ses potes ou qui dégotent des merveilles sur le net.

Je suis trop afféré sur mon boulot. Je termine la réalisation du double album des Allumés du Jazz (livret de 40 pages, 24 x 20 cm, de Daphné Postacioglu, qui nous a été conseillée par Etienne après qu'elle ait effectué un stage chez incandescence, décidément merci Etienne !). 34 inédits de 30 labels indépendants plus allumés que jazz, 130 minutes. J'ai intercalé des bouts de voix envoyés par les labels, des interviews téléphoniques ou au Studio GRRR, pour qu'on ait les oreilles fraîches à chaque nouveau morceau... Et il y a le Journal n°14 qui lui est entièrement consacré. Abonnez-vous en envoyant vos coordonnées à all.jazz@wanadoo.fr, c'est gratuit ! Le Journal est gratuit, pas Les Actualités, c'est le titre de l'album, 18 euros pour 34 inédits, ça vaut le jus !

J'ai 3 autres projets sur le feu, ce qui me laisse peu de temps pour bloguer ou sortir. L'installation Les Portes que nous terminons avec Nicolas Clauss, sera créée à l'Espace Paul Ricard, Place de la Concorde, du 7 au 28 avril pendant le Festival Nemo. Retenez aussi le spectacle live Somnambules le 28 janvier au Triton (Mo Mairie des Lilas) avec le violoncelliste Didier Petit et la chanteuse Pascale Labbé. Ne le manquez pas, ce n'est pas souvent qu'on performe ainsi... avec les images de Nicolas sur grand écran, et ma pomme aux machines musicales !

J'ai hâte de voir la pièce sur laquelle je travaille pour la formidable metteuse en scène Anne-Laure Liégeois, Une Médée. Le texte est passionnant, les comédiens exceptionnels, l'équipe adorable, je me verrais bien emprunter une nouvelle direction vers le théâtre. J'ai imaginé un dispositif simple, façade et fond de scène, des micros cravate, un travail sur des ambiances musicales inspirées par mon souvenir d'Elektra de Richard Strauss (le plus tendu de tous les opéras, un cri qui ne s'arrête pas) et mes envies de géographie (j'oppose histoire et géo, l'histoire éternel recommencement, la géographie immuabilité des catastrophes, je sais ça revient au même, mais ça ne fait pas le même bruit). Et puis je déteste les dispositifs complexes qui font passer la technologie avant le sens, on y perd l'essentiel... Travailler à l'économie de moyens pour préserver intacte l'imagination, renvoyer la technique à ce qu'elle est, un outil qui permet de rêver (la connaître pour pouvoir l'oublier, merci Patron - le patron était le surnom de Jean Renoir). Soigner les possibles, l'interprétation individuelle de chaque spectateur, le son et la musique s'y prêtent si bien. Je n'ai pour l'instant utilisé que des ambiances "naturelles" ou de civilisation, et seulement un instrument, le cadre du piano, maximum de tension dans la famille des cordes... J'attends de savoir si nous allons traiter une partie des voix intérieures en studio. J'aimerais bien essayer Melodyne. La création est au CDN de Montluçon début février 2006.

Last but not least, j'avance à grands pas dans ma partition quadriphonique pour le Futuroscope. Michel Koukia m'a demandé 20 minutes en boucle pour l'antichambre de l'attraction sur les robots (la queue des visiteurs durerait une heure). Gros boulot ! Je compose une dizaine de petites séquences variées qui doivent faire œuvre au bout du compte. Je commence avec des automates (boîtes à musique reconstituées), j'enchaîne avec des voix (robots, avez-vous donc une âme ?), des machines, de la musique très rythmique, plus populaire qu'intello, enfin je fais semblant de le croire... J'y bosse jour et nuit. J'utilise de vieux machins qui n'ont pas joué depuis belles lurettes et qui trônent dans la cabine, la Pâte à Son et Flux Tune (modules créés avec Fred Durieu), la voix de Pascale passée dans le H3000, plein d'autres voix et divers reportages, des vrais, des faux, le Theremin (référence obligée aux films du genre), encore des sons de piano préparé...

J'aimerais bien prendre quelques jours de repos. Ça fait rigoler Françoise.