70 septembre 2011 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 30 septembre 2011

Le salaire de l'amour


La séance diapo est déprimante. Je vois défiler les morts sur mon scanner. Mon père, mon oncle Gilbert, mes grands parents... La photo de 1965 avec ma sœur devrait être plus réjouissante. Nous sortons de la distribution des prix des lycées Claude Bernard et La Fontaine. Pourtant quelque chose me fait froid dans le dos. En ce temps-là nous recevions des livres pour les 1er et 2ème Prix de chaque matière, et un grand livre illustré pour celui d'Excellence ou d'Honneur. Agnès et moi faisions la fierté de nos parents. Il est midi. J'ai recadré la scène pour que l'on puisse deviner nos minois. Je porte un costume gris, une cravate, des mocassins et je fronce les yeux à cause du soleil. Ma petite sœur porte des gants et des chaussettes blanches. J'ai longtemps cru que cela avait été une époque radieuse. Avec le recul il me semble que si elle fut formatrice elle représente pour moi un véritable cauchemar dont je ne me réveillerai que quarante ans plus tard.


Le cadre exact d'abord. Zoom arrière. Mon père avait dû chercher le soleil pour nous auréoler de lumière dans le "jardin" du HLM où la seule nature était cette herbe rase et les peupliers qui donnaient leur nom à la rue. Nous habitions au quatrième étage avec le balcon de la salle à manger qui débordait sur le vide et une loggia le long de la chambre de ma sœur et la mienne comme celle en amorce au-dessus de nos têtes. Deux ans auparavant nous partagions la même avec des lits gigognes qu'il fallait déplier chaque soir.
Maintenant que je sais que je n'ai été bon élève que pour attirer la tendresse de ma mère qui ne l'exprimait jamais physiquement, je comprends que j'ai ramé pendant dix ans et pourquoi mes études m'apparurent si scolaires. Les responsabilités précoces avaient fait de moi un inquiet, mon souci de plaire m'apprit le volontarisme et l'utilité de se distinguer. Trois ans plus tard je ferai éclater ce carcan et savourerai que la vraie vie soit ailleurs. Personne ne s'en apercevrait avant que je ne redouble ma Terminale. L'année suivante je passerai le concours de l'Idhec, encore une fois pour faire plaisir à ma mère. Même si c'était pour une mauvaise raison, je dois reconnaître que c'est là que j'ai commencé à savoir qui j'étais vraiment, un rêveur qui a besoin de donner corps à ses rêves. Je lui dois forcément une fière chandelle.
Devenu père je ne pus jamais me résoudre à mettre ma fille sous pression comme j'avais vécu ma propre adolescence. Est-ce que cela a changé quoi que soit pour elle ? Je ne pense pas. La société ne fait rien pour que cela se passe intelligemment. Longtemps j'invoquai cet argument pour ne pas faire d'enfant. Ne pas lui faire subir ce que j'avais vécu. Et en effet cela a probablement été pire pour elle que pour moi. Aujourd'hui elle aussi fait ce qui lui plaît. Mais je compatis avec tous les mômes qui suivent des études en dépit du bon sens. À cet âge on n'a pas le choix. Sauf celui de s'accrocher à ses rêves.

jeudi 29 septembre 2011

Hugo Verlinde, le bleu du firmament


Hugo Verlinde, le bleu du firmament ! Comment l'entendre alors qu'il évolue dans le silence ? Pour être un bleu nous le sommes tous, artistes ou savants, contemplatifs et simples rêveurs, si loin de toute explication plausible, plus proches de la question sans réponse que d'une science exacte. Mais y en a-t-il une seule qui le soit ? Là où la poésie ne se périme jamais, la science est sans cesse démentie par de nouvelles découvertes. On le voit ces temps-ci avec l'éventuelle remise en cause de la célèbre théorie d'Albert Einstein quelquefois que les neutrinos aient vraiment franchi la vitesse de la lumière entre le CERN et le Gran Sasso. Pour qu'une science résiste au temps qu'elle soit au moins circonlocutoire, comme la musique, fut-elle des sphères ! Hugo Verlinde, comme de nombreux artistes d'aujourd'hui, base son œuvre sur le code tel que les musiciens l'ont toujours pratiqué. Ses élégants algorithmes ne font que quelques lignes, informatique uniquement basée sur les courbes des quatre fonctions sinus, cosinus, exponentielle et logarithme.
Le Vide (photo) de Hugo Verlinde exposé à la Galerie G m'a touché par sa plasticité, un mouvement souple, les nuances du bleu. L'installation se renouvelle sans cesse. D'abord interactive, elle est devenue générative, s'affranchissant d'artifices maladroits et superficiels qui ont longtemps alourdi nombreuses œuvres numériques. Celles qui nécessitent qu'on s'avale un mode d'emploi pour ressentir ou comprendre quoi que ce soit ne m'accrochent pas. Quitte à se plonger dans la lecture, qu'elle advienne seulement ensuite : "La science d’aujourd’hui ouvre une brèche en affirmant que la majeure partie de la matière constituant l’univers est manquante. Cette matière demeure invisible à nos yeux comme à nos télescopes. En vérité, le vide nous réserve encore bien des surprises. Les mots eux-mêmes semblent pointer dans cette direction : dans le vide il y a la vie, dans le vi(d)e, il y a la vie." Mon interprétation n'en est pas affectée. Préférer l'analyse post-visite à la littérature conceptuelle anticipante qui tient lieu de béquilles aux œuvres bancales.
Verlinde expose aussi Verticales au Cube pour les 10 ans du Cube, ainsi que Alcyone, Ether, Carré magique, Univers-îles et Totalité à la Galerie du Buisson. Enfin Lowave distribue le DVD Cosmogonies.
Lecteur de Stephen Hawking et Jean Audouze, la voûte céleste m'attire irrésistiblement, le firmament me donnant le vertige en faisant exploser mes propres codes.

mercredi 28 septembre 2011

Ils ont tous raison


Dans la vitrine de la librairie le nom de l'auteur du roman Ils ont tous raison me fait croire à un homonyme du cinéaste qui réalisa plusieurs films que j'ai adorés et évoqués ici-même : L'homme en plus (L'uomo in più, 2001), Les Conséquences de l'amour (Le conseguenze dell'amore, 2004), L'Ami de la famille (L'amico di famiglia, 2006), Il divo (2008). Je n'ai pas encore vu This Must Be The Place, mais il passe la semaine prochaine au Cin'Hoche en bas de la colline. Enquête faite, Paolo Sorrentino s'est essayé avec le même succès au roman qu'avec ses films qui ne rencontrent pourtant pas en France le succès mérité. Si Il divo est un film survitaminé et politique, Les conséquences de l'amour joue d'une narration de l'attente et l'utilisation du son et de la musique y est absolument remarquable...
Ils ont tous raison est un livre étonnant dont les qualités sont fondamentalement littéraires. Sorrentino (traduit en français par Françoise Brun) possède un style que la critique italienne a comparé à la puissance de Voyage au bout de la nuit de L.F. Céline. Son écriture dense et rythmée ne s'embarrasse d'aucun formatage, d'aucune bienséance. Le langage, souvent cru et imagé, est typiquement italien. Sous le portrait d'un chanteur cocaïnomane, macho brutal et désabusé, c'est l'Italie qui est griffonnée, ou plus exactement, griffée rageusement. "Le style, il n'y en a pas beaucoup dans une époque, le style, le style, ça demande énormément de travail, il faut sortir les phrases de leur signification habituelle, les sortir des gonds, les déplacer, forcer le lecteur à déplacer lui-même son sens, légèrement, il faut tourner autour de l'émotion..." bégayait Céline.

mardi 27 septembre 2011

Le musée du KGB


Premier gratte-ciel de Tallinn, l'Hôtel Viru fut construit en 1972 pendant l'occupation soviétique en intégrant les contraintes politiques matérielles inhérentes à la paranoïa et au contrôle obligatoire du régime. Si le vingt-deuxième étage abritait un immense restaurant panoramique, le vingt-troisième qui surplombait la capitale était interdit d'accès, sauf aux membres du KGB qui y travaillaient sans relâche. Les chambres de l'hôtel pouvaient être écoutées, les allées et venues du personnel surveillées, la ville quadrillée. C'était aussi le lieu où la nomenclature profitait au mieux de son séjour estonien, et pas toujours selon les concepts moraux affichés ! La visite du Musée du KGB vaut d'abord par le commentaire de la guide qui manie l'humour british avec le même zèle que son anti-communisme primaire. Les photographies exposées nous plongent dans un univers kitschissime hallucinant dont la mise en scène rappelle certains films de Fassbinder. Les documents d'époque jonchent les bureaux et les murs. Depuis la terrasse la vue sur la ville d'un côté et sur la mer baltique de l'autre est exceptionnelle.


Sur la porte de la salle des machines l'écriteau indique qu'il n'y a rien derrière cette porte ! S'y côtoient une foule d'appareils d'écoute, le central téléphonique, un magnétophone, des piles de papier et le petit matériel du parfait espion, micros cachés dans des assiettes, antennes de transmission, porte-monnaie piégés, etc. Nous imaginons que nos chambres ont depuis été refaites et qu'il n'existe plus aucun vestige dans le faux-plafond ou derrière le grand miroir devant lequel je tape mon article dans le plus simple appareil.


La pays récemment "connecté" est un modèle de modernité informatique à tel point que certains l'appellent e-Stonia. Les habitants peuvent payer la moindre chose avec leur carte de crédit. Ils n'ont plus besoin d'avoir un euro en poche. Cela peut poser parfois quelques problèmes comme samedi après-midi où un bug informatique empêcha toute transaction dans Tallinn pendant deux heures ! À l'école, au moment de voter, partout où cela est possible, les ordinateurs proposent une gestion que l'on pourrait considérer centrale, s'étendant comme un filet sur tout le pays. Le wi-fi est pourtant plus souvent absent qu'annoncé dans la publicité touristique. Cette excursion donne un avant-goût de ce qui pourrait nous attendre si tout était informatisé. Passé les bugs, c'est une société de contrôle où tous les services sont interconnectés avec, par exemple, des cartes d'identité truffées d'informations sur les citoyens. Le passé renversé semble avoir malgré tout laissé des traces sur le futur.

lundi 26 septembre 2011

Nabaz'mob à Tallinn, Estonie


Hans W. Koch (sur la photo devant Antoine Schmitt) ouvre le bal avec trois pièces musicales participatives. Proposition originale pour piano préparé, les spectateurs qui appellent des numéros depuis leurs téléphones portables font sonner ceux du compositeur qu'il a placés sur les cordes du piano à queue. Après un jeu de larsens solo me rappelant Pendulum Music de Steve Reich, des personnes du public montent sur scène saturer leurs ordinateurs portables de sons et de rectangles de couleurs.
Après un court entr'acte, les 100 lapins de notre opéra Nabaz'mob font la clôture de l'exposition Gateways organisée par le Goethe-Institut deux soirs de suite au Kumu Art Museum de Tallinn. Je viens de m'apercevoir que le second poème de 1971 qui figure sur mon billet de mardi dernier s'intitule Rabbit Soup. Pourvu qu'ils n'en prennent pas ombrage ! Plutôt que d'ajouter encore de joulies photos à celles déjà présentes sur le site, je choisis des images de notre équipe au travail pour illustrer les représentations de Tallinn.


Les petits rongeurs, qui ont eu vendredi les honneurs de la radio et de la télé nationales (émission ETV), remportent un beau succès. Comme nous demandons au public de ne pas prendre de photo pendant la représentation pour ne pas casser la magie de l'obscurité, à la fin du spectacle nous invitons les spectateurs à s'approcher. Antoine fait saluer le clapier pendant que les photographes en herbe le mitraillent. Comme nous répondons aux questions de la salle, une jeune fille demande pourquoi ce ne sont que des lapines, un enfant pourquoi leurs oreilles bougent. Il y a tant de façons de répondre. Rires.


La vieille ville est un peu trop proprette et pittoresque pour vraiment nous plaire, même si nous nous délectons d'une cuisine médiévale aux parfums inédits pour nos papilles. Nous préférons nous promener sur le port, dans les nouveaux quartiers branchés ou monter au 23ème étage de notre hôtel où est installé le musée du KGB. De là nous avons une vue plongeante, forcément circulaire, mais ça c'est une autre histoire...

vendredi 23 septembre 2011

SAS SOS


C'était le matin. J'avais encore le sourire. Nous étions un peu inquiets de l'heure de retard à l'aéroport Charles De Gaulle, craignant de rater notre correspondance à Stockholm. Arrivés là, personne au guichet d'embarquement pour rejoindre Tallinn. Sur le panneau d'affichage, écrit sur fond rouge "Prochaine information dans 30 minutes", mais le même message est répété toutes les demi-heures ! Jusqu'à ce que le vol de la compagnie estonienne disparaisse purement et simplement des écrans. Ça tournait mal…


D'odieuses tortues nous font poireauter debout pendant une heure et demie, tapant d'un doigt d'une seule main, prenant le temps d'un café, disparaissant régulièrement, ne donnant aucune information sur un éventuel autre vol alors que celui de la compagnie estonienne a été annulé sans aucune précision. Pas un mot d'excuse (redoutable sécheresse des hôtesses SAS, la compagnie d'aviation scandinave qui nous a déjà menés en bateau par le passé), pas la moindre compensation (quand je demande de bénéficier du même coupon repas que nos prédécesseurs dans la queue, la vieille pie me répond dix fois de suite "vous voulez rater votre avion ?" au lieu de me le tendre). Deux Chinois s'étonnent que les incapables n'aient pas déjà été déportées dans le Grand Nord. SAS nous fait tourner en bourrique. Dans le Boeing qui nous emmène à Oslo le plateau déverse sa crème sur ma veste, ma chemise et cet ordinateur où je passe mes nerfs. Pour une fois, nous sommes à l'avant de l'appareil, mais la sortie se fait exceptionnellement par l'arrière. Antoine tente d'enfiler son pull en gardant son sac en bandoulière, nous avalons des crevettes mayo avec un lance-pierre, mais le vol Oslo-Tallinn retarde à son tour. Dans ces moments il est appréciable d'être deux, et d'en rire. Nous aurons mis plus de douze heures pour rejoindre Tallinn qui est maximum à trois heures de Paris. Il faut toujours compter large lorsque l'on voyage pour le travail.

(Coucher de soleil sur Oslo)
Arrivés enfin au Kumu Art Museum nous installons nos lapins jusque très tard dans la nuit, alors que nous devons aujourd'hui enchaîner radio, télé et spectacle. Nabaz'mob joue également demain soir pour la clôture de Gateways organisé à l'initiative du Goethe Institut.

jeudi 22 septembre 2011

Les pirates portent le bicorne


Hélène Collon me demande de développer suite à mon article où j'écrivis à propos des disques ‎"Les ventes mirobolantes n'avaient rien à voir alors avec le gâchis actuel causé par les majors qui essaient de faire porter le chapeau aux pirates alors que ce sont elles qui ont tout manigancé pour se débarrasser du problème des stocks."
Point par point donc, ou mot à mot.
Lorsque j'ai créé le label GRRR en 1975 les ventes de disques se portaient bien parce que l'offre était moins large. Il y avait dix fois moins de musiciens en France. Nous nous sommes battus pour que plus de jeunes aient accès à la création, aussi n'allons pas nous en plaindre aujourd'hui. Le fantasme de la célébrité développé par la télévision n'avait pas non plus pris ces proportions, le statut d'artiste n'était pas aussi envié, ce qui est une autre histoire. Les quinze minutes de célébrité évoqués par Andy Warhol n'étaient pas encore sur toutes les lèvres ni dans l'esprit de la jeunesse qui rêvait de voyager, de prendre la route, plutôt que jouer les saltimbanques.
Lorsque j'étais adolescent j'ai copié la discothèque des camarades qui avaient de l'argent (famille riche, s'entend), qui volaient dans les magasins ou qui y travaillaient, parfois les deux ! Ma culture s'est forgée en les enregistrant sur des bandes quart de pouce en 9,5 cm/s. La radio était aussi une mine, d'abord Salut les copains, puis le Pop Club de José Artur. Plus tard je cochai Télérama et recopiai les émissions de France Musique ou France Culture sur des cassettes. Il m'arrive aussi d'emprunter des films à l'excellente médiathèque de ma ville. Je possède ainsi des centaines de bandes magnétiques avec des disques, des concerts en direct, des raretés, etc. Lorsque mon salaire m'a permis d'acheter des vinyles, puis des CD et des DVD, j'ai su quoi choisir. Les moyens financiers des jeunes ne leur permettent pas plus aujourd'hui d'acquérir les albums dont les magazines, la radio, la télé, etc. font la promotion. Ils font donc des copies en mp3 le plus souvent, format qui leur esquinte un peu l'écoute critique, et les plus âgés s'acquittent de la somme exigée en téléchargeant sur des sites légaux. Mais rien n'a changé. La qualité d'un mp3 est à peine meilleure qu'une copie sur mini-cassette. Si la reproduction est plus simple techniquement, elle pousse à l'accumulation, mais de toute manière jamais ces jeunes "pirates" n'auraient acheté tout ce que leur baladeur ou leur ordinateur abritent. La circulation des œuvres est plus importante que leur protection.
La mort du disque a été annoncée par les majors, les cinq producteurs de disques d'alors, multinationales qui avaient par ailleurs déjà signé des accords avec des fournisseurs d'accès. Les indépendants se sont insurgés contre cette mort programmée, mais comme en Bourse ce sont les gros qui font la loi. À qui profitait le crime ? Au capital, évidemment, pour qui la mutation arrivait à point nommé : plus de gestion des stocks (considérables et j'en sais quelque chose alors que GRRR ne possède qu'une trentaine de références), licenciement des salariés qui s'en chargeaient, et bientôt plus d'enseigne autre que virtuelle, des économies gigantesques en perspective !
Belle hypocrisie renforcée par une campagne anti-pirates qui rend responsables les copieurs alors que la politique des majors, devenue frileuse dans ses investissements, ne permet plus d'investir sur de nouveaux artistes ou de nouveaux courants, forcément risqués à court terme. Les inventeurs sont donc cantonnés dans des niches et n'influencent plus le marché qui s'essouffle. L'avant-garde disparaît lorsque le gros des troupes ne suit pas. Elle est en tout cas dangereusement marginalisée.
Les lobbys de l'industrie musicale entraînèrent les sociétés d'auteurs à une erreur fatale pour leurs adhérents, la loi Hadopi. Cette loi inapplicable et absurde profitera encore une fois aux producteurs (le E de Sacem signifie Éditeurs) qui signeront des accords avec les gros diffuseurs sur le dos des auteurs (A, C et M pour Auteurs et Compositeurs de Musique). Les contrats avec YouTube ou Deezer ressemblent à la licence globale, sauf que les artistes sont les grands absents de la négociation. Les petits producteurs, les artistes qui n'œuvrent pas dans le mainstream seront les dindons de la farce, avec l'ensemble du public, grand perdant de l'affaire. Il est tout de même plus logique de verser quelques euros à répartir par les sociétés d'auteurs (modalités à définir !) plutôt que de payer un abonnement mensuel à un proxy qui brouille votre adresse IP, faisant croire au gendarme Internet que l'on vit à l'étranger...
Le tour de passe-passe visant la dématérialisation des supports en faisant endosser la manipulation au public est à l'image de celle dont est victime la population, censée choisir le moindre mal en guise d'expression démocratique. Comme toujours le capital choisit des boucs émissaires pour commettre ses méfaits. Les choix sont faits en amont. La résistance consistera à inventer de nouvelles formes, zones de non-droit où l'urgence de la création et la rencontre du public sont les principales motivations, objets suffisamment attractifs pour justifier l'acquisition matérielle, invention de nouveaux modèles économiques envisageables à petit budget, etc. L'ampleur de la tâche est énorme, mais les révolutions surprennent toujours.

mercredi 21 septembre 2011

Step Across The Border à La Gaîté Lyrique


Benoît Hické, qui est responsable d'un cycle de projections de documentaires musicaux à la Gaîté Lyrique intitulé musiquepointdoc, m'a demandé de présenter ce soir le film de Nicolas Humbert et Werner Penzel, Step Across The Border, documentaire-culte consacré au musicien anglais Fred Frith. Peut-être est-ce parce que j'avais interviewé le guitariste-compositeur pour le Journal des Allumés dont je me suis occupé pendant dix ans ? Peut-être parce que nous nous connaissons depuis longtemps grâce à l'ami Robert Wyatt ? Peut-être parce que ma musique est directement issue de mon passé cinématographique ? Ou pour toutes ces raisons à la fois ! Car Step Across The Border (publié en DVD chez Winter & Winter et en CD chez Recommended Records) est un film dont la forme est directement inspirée par la musique, calqué sur l'improvisation libre que pratiquent les musiciens que Fred Frith rencontre pendant ses concerts autour du monde. Ce road movie rappelle les inventions rythmiques de Vertov et Vigo, travaille le son sans hiérarchie à la suite de John Cage et profite de la cuvée exceptionnelle de 1990 dans la carrière de Frith. La semaine dernière comme je lui demande comment il appréhende le film vingt ans plus tard il me répond, fidèle à sa position d'alors : "I confess I haven't seen it lately! But I think it's wonderful (took me a long time to learn to see myself without being annoyed or critical (about myself that is) but after that I just enjoy it for what it is..." Traduction : "Je confesse ne pas l'avoir vu depuis longtemps ! Mais je pense qu'il est formidable (cela m'a pris du temps à apprendre à me voir sans m'ennuyer ou être critique (à mon propos, s'entend), et j'ai fini par l'apprécier pour ce qu'il est..." Mais ne grillons pas nos cartouches. C'est ce soir mercredi à 20h.

mardi 20 septembre 2011

Le Parti Pirate entre au Parlement de Berlin


Démocratie directe, laïcité, liberté totale sur le Net, gratuité des transports en commun, accès libre et égal pour tous à la culture, la connaissance et l’information, renationalisation des réseaux d’eau, de gaz et d’électricité, légalisation des drogues, droit de vote à 14 ans et pour tous les étrangers, des classes de 15 élèves maximum, gratuité de la cantine scolaire, et un salaire de base garanti pour tous…
Si la gauche française n'était pas aussi dépassée elle s'inspirerait de la plateforme politique du Parti Pirate allemand qui vient de remporter 9% des suffrages à Berlin, et ce avec les moyens du bord, campagne électorale gérée en interne. La jeunesse dessine l'avenir, or nos politiciens assagis ne cherchent qu'à rassurer les vieux. Il est vrai que l'on devient vieux très tôt dans nos pays. La puissance des lobbies semble avoir raison de tous les partis, mais le résultat de 9% du Parti Pirate à Berlin qui le fait entrer au Parlement (15 sièges) montre que les choses peuvent changer. Son homologue français ne rassemble pourtant que 130 adhérents ! La frilosité réformiste de la gauche française laisse craindre le pire quand il faudrait redonner de l'espoir à tous les révoltés contre la société inique où nos vivons.


Un aperçu de la campagne du Parti Pirate berlinois...

Mon Journal en 75 volumes (1971-2005)


La veille j'étais resté plongé dans mes archives photographiques. Si interroger le passé fait resurgir des histoires enterrées et réveille quelques tristesses, les rêves d'enfant ne se sont jamais dissipés. Ils ont pris corps. Désirant dater les concerts de Lard Free au Gibus et au Bus Palladium auxquels j'avais participé avec Gilbert Artman, Richard Pinhas et un claviériste nommé Peter, j'ai ouvert mon Journal de 1975. Surprise de découvrir qu'il était quotidiennement annoté, activités, pensées, poèmes, partitions, même la musique que j'écoutais... J'avais tenu un diary en 1964 en Angleterre, un autre aux États-Unis en 1965, et conservé quelques bandes dessinées maladroites plus anciennes, mais la première page date de l'été 1971...


À gauche une image, à droite un poème ou une chanson. J'appuie sur le bouton de l'appareil. Il avait d'abord été le Journal de notre communauté. Nous l'avions commencé en quittant nos parents. Antoine et Michaëla l'illustrèrent, comme Francis, Philippe ou Alexandre. J'y avais collé des lettres dans leurs enveloppes, étalé mes états d'âme. Je tourne les pages. La seconde arbore encore un dessin d'Antoine Guerrero dont les œuvres coloraient notre light-show de son imaginaire, entre science-fiction et heroïque-fantaisie...


De 1971 à 2005 j'ai rempli 75 volumes de taille et d'épaisseur fort diverses. Les poèmes et les humeurs ont progressivement laissé la place au travail, feuilles de mixage, liste de matériel à emporter, brouillons de textes théoriques, et quelques récits de voyage. Il était plus sûr d'écrire dans un cahier que sur des feuilles volantes qui, inclassables, s'envolent facilement. Les éléments correspondant à chaque œuvre sont rangés à part, dans de grandes enveloppes où les titres sont griffonnés au feutre, comme les impôts, les feuilles de salaire et les factures sont classés par année. Je ne m'en étais pas aperçu, mais le dernier cahier date de l'année où j'ai commencé ce blog dont ce billet est le 2134ème.

lundi 19 septembre 2011

Birgé Gorgé Shiroc en couleurs


Théâtre de la Gaîté Montparnasse 1975. J'avais réussi à décrocher huit dimanches soir de suite, jours de relâche, du 9 novembre au 28 décembre, pour lancer notre trio tout neuf avec Shiroc. Il n'y avait pas beaucoup de monde, mais sur mon Journal quotidien, déjà tenu scrupuleusement, j'ai noté le nom des amis qui sont venus nous écouter. J'y rencontrai Marianne. Thierry Dehesdin en profitait pour faire des photos. Juste après, Francis Gorgé et moi inviterons le percussionniste sur notre premier disque, Défense de, signé Birgé Gorgé Shiroc. Il a bien accroché. Bel article dans Rock & Folk. Les ventes mirobolantes n'avaient rien à voir alors avec le gâchis actuel causé par les majors qui essaient de faire porter le chapeau aux pirates alors que ce sont elles qui ont tout manigancé pour se débarrasser du problème des stocks. J'ai raconté ici comment cet album fut par la suite propulsé disque-culte, jusqu'à être réédité par le label israélien MIO. Les vinyles épuisés depuis belle lurette s'achètent à prix d'or et il ne nous reste qu'une poignée de CD. À l'époque, comme Meidad Zaharia m'avait demandé d'ajouter des bonus tracks du même groupe j'avais retrouvé plus de six heures d'inédits qui furent gravés sur le DVD vendu avec et où figure également mon premier film, La nuit du phoque. Je lui avais remis toutes les photos en ma possession, des noir et blanc. En fouillant récemment mes archives je suis tombé sur une quarantaine de diapos en couleurs réalisées également par Thierry et oubliées.


Francis était le guitariste du groupe. Il jouait aussi de la basse. Nous improvisions à 100% en structurant la soirée selon les patches que je préparais pour mon synthétiseur qui n'avait aucune mémoire.
J'en ai profité pour scanner les diapositives de notre premier concert au Lycée Claude Bernard en 1971 avec Epimanondas et H Lights, de notre quartet avec un second percussionniste, Gilles Rollet, au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris et de quelques photos de Dagon à la Fac Dauphine où je jouais en robe de chambre et béret rouge.


À la Gaîté le contrat avec le théâtre stipulait que nous devions nous produire dans le décor de la pièce qui s'y jouait alors. Cela nous plaisait plutôt. J'ai toujours trouvé les scènes musicales froides et impersonnelles. L'éclairage ne suffit pas à créer une ambiance cohérente avec la dramaturgie musicale. Dès sa création en 1976, Un Drame Musical instantané construisait ses propres décors pour plonger les spectateurs dans un spectacle total.


Sur la photo je reconnais mon instrumentarium de l'époque. J'ai bêtement vendu mon ARP 2600 en 1994, mais conservé les patches qui tiendraient lieu de partitions si je rencontrais un ancien spécimen. Mon petit mixeur rudimentaire, les deux magnétophones à bandes et ma sono Yamaha, responsable de ma hernie discale et de mes trois disques écrasés (non, ils n'ont jamais appartenu au label GRRR), ne sont plus, mais je possède toujours le sax alto, les diverses flûtes, le melodica, toutes ces percussions ainsi que la cythare et la senza. Par contre j'ai rasé ma barbe et perdu mes cheveux.

vendredi 16 septembre 2011

Sun Ra à la Fondation Maeght




Devant scanner une tripotée de diapositives pour mon prochain roman en couleurs j'ai finalement acheté le Plustek OpticFilm 7400 consacré à ce format. Le résultat est nettement plus précis qu'avec mon scanner habituel équipé de cette option. C'est également plus simple et plus rapide.
Réalisant mes tests avec une photographie du contrebassiste Alan Silva je la lui accroche sur son mur FaceBook. Nous étions le 3 août 1970 à la Fondation Maeght et il venait d'arriver des États Unis avec le Sun Ra Arkestra dans lequel il jouait du violon coincé entre les genoux. On l'aperçoit derrière le Maître, c'est ainsi que l'appelaient ses musiciens intergalactiques, dans la photo en bas à gauche. Mes clichés ne valent évidemment pas ceux de Philippe Gras qui était sur place avec Yasmina, la "black woman" chantée par Archie Shepp, qui remonta ensuite à Paris en auto-stop avec ma petite sœur, à leurs risques et périls puisqu'elles frôlèrent le viol sur l'autoroute du soleil. J'ai raconté ici comment nous avions été adoptés par l'Arkestra et comment j'avais été à l'origine des retrouvailles d'Alan Silva et Frank Wright, mais je ne me souvenais pas de ces photos ni des sculptures dans les jardins de la Fondation. J'arrive à reconnaître Nimrod Hunt et John Gilmore, difficilement les autres. Dans Le silence, les couleurs du prisme & la mécanique du temps qui passe, Daniel Caux a merveilleusement raconté les Nuits passées là-bas, avec Albert Ayler et La Monte Young... Mes images rendent pourtant bien la folie de Sun Ra et son pétillant carnaval.
Après ces tests j'ai donc commencé à scanner les diapositives de notre voyage aux USA en 1968. Chaque image est une surprise. Je n'étais pas très doué, mais l'ensemble constitue un extraordinaire révélateur qui fait sortir du noir la mémoire ensevelie sous des décennies de nouvelles aventures.

jeudi 15 septembre 2011

Des jouets et des hommes au Grand Palais


Catalogue bleu, catalogue rose, vous avez le choix si vous voulez garder un épais souvenir de l'exposition qui se tient jusqu'au 23 janvier dans les Galeries Nationales du Grand Palais à Paris. Le sexe des enfants détermine considérablement les jouets qui leur sont offerts qui à leur tour formatent les futurs adultes. Des jouets et des hommes est un voyage dans le temps orienté vers le passé ou l'avenir, selon l'âge et l'imagination du visiteur.
Les quatorze installations de Pierrick Sorin, dans le rôle du directeur artistique omniprésent, aident les grands garçons à régresser, à libérer les fantasmes qui nous ont construits. Par un trucage optique à la Méliès l'artiste habite des décors ludiques lui offrant, et à nous-mêmes qui nous y projetons à notre tour, l'occasion de retomber en enfance. Comme cela reste très mâle, on eut été curieux du choix d'une femme à qui confier une partie de ces scènes drôles, cruelles, astucieuses, capable de se laisser aller aussi librement à ces clowneries égotistes. Ses petits théâtres holographiques sont pour beaucoup dans la réussite du projet.


Ils nous aident à traverser le miroir, vitrines et cordages qui enferment les magnifiques objouets de musée rassemblés par Dorothée Charles et Bruno Givreau, les transformant en écrans/écrins de nos rêves oubliés. C'est à ce stade que tout se joue. Le portrait de Claude Lévi-Strauss à quatre ans sur son cheval mécanique, peint par son père, ou L'enfant au toton de Chardin (que nous avions animé et filmé l'an passé en 3D avec Pierre Oscar Lévy), annoncent la couleur. Les mômes déjà geeks pourront s'abrutir devant les jeux vidéo tandis que d'autres embarqueront avec leurs parents sur cet arche de Noé où les échelles de taille relativisent considérablement ce que nous sommes devenus ou ce qu'ils deviendront. Les filles admireront les poupées et leurs maisons, les garçons les petits soldats et les automobiles, tous se pâmeront devant les animaux, les robots et les personnages venus du cinéma ou de la télévision.
Dans la dernière salle, Pierrick Sorin nous refait passer de ce côté-ci du miroir, en brûlant nos jouets, mais sans perdre de vue le Rosebud de Citizen Kane, la neige tombant sur nous comme dans une boule de cristal renversée, ultime référence à notre courte existence.
On peut prolonger la visite sur le site de l'exposition où l'artiste présente un copieux WebDoc, Des jouets, un Sorin, découpé en 27 épisodes.


Repasser en revue les merveilles exposées m'a donné envie de retrouver le film tourné en 16mm par mon père lorsque j'avais trois ans sur la terrasse de la rue Vivienne. J'irai presque jusqu'à aller chercher au grenier les rares jouets que je n'ai pas donnés à des enfants, Dinky Toys, bouts de train électrique, soldats Starlux, et ceux en plomb de mon père dont de magnifiques pompiers devant une maison en flammes. Vous non plus, n'attendez pas Noël pour vous précipiter au Grand Palais !

mercredi 14 septembre 2011

Françoise Romand - radio 17h - film 20h30


Comme déjà annoncé dans le Carnet de vendredi, Françoise est aujourd'hui sous les projecteurs. Deux évènements complémentaires illuminent cette journée, d'une part l'émission de France Culture Sur les docks lui est consacrée (écoute libre et podcast), d'autre part son dernier film Thème Je (The Camera I) est projeté en avant-première ce soir à 20h30 au Cin'Hoche, Bagnolet, en la présence de la réalisatrice (entrée gratuite, venez avec vos amis, mais pas avec les enfants !). On peut d'ailleurs enchaîner les deux, l'émission pouvant inciter celles et ceux qui ne connaissent pas le travail de Françoise Romand à prendre le métro jusqu'à la station Gallieni. Le Cin'Hoche, qui appartient à la municipalité, possède deux salles et une excellente programmation, premières exclusivité avec films en version originale.
Frédéric Aron a donc composé un "documentaire" pour France Culture avec un soin tout particulier, en collaboration avec Vincent Abouchar qui s'est chargé de la réalisation. Après plusieurs repérages, Aron a choisi de tourner son émission dans les différentes pièces de notre maison, la salle de montage pour interroger Sylvie Najosky, l'une des organisatrices du Festival Face à Face du film gay et lesbien de Saint-Étienne (Françoise vient de publier le DVD Gais Gay Games autour des jeux olympiques LGBT de Cologne), la salle de projection pour Noël Burch, célèbre théoricien du cinéma et réalisateur qui fut l'un des formateurs de Françoise à l'Idhec et a suivi son parcours depuis Mix-Up ou Méli-Mélo, au salon pour moi (en plus de partager sa vie, j'ai composé la musique des derniers films de Françoise, dont les trois derniers sortis en DVD, Ciné-Romand, Gais Gay Games en collaboration avec Sacha Gattino et Thème Je avec Bernard Vitet). J'y raconte la rencontre avec Françoise qui peut être considérée comme une petite mise en scène typique de sa fantaisie. L'émission est passionnante, avec un petit bémol à la clef, l'utilisation anecdotique de musiques exogènes qui n'ont absolument rien à voir avec le monde sonore de Françoise qui jusque là avait collaboré avec les compositeurs Nicolas Frize et Bruno Coulais, ou l'ingénieur du son François de Morand... On croirait avoir soudain zappé sur une station radio privée. Dommage, on frisait la perfection.
Par contre, aucune réserve sur le cinquième DVD de Françoise dont on fêtera ce soir la sortie puisqu'elle est sa propre productrice. Elle y raconte d'ailleurs comment elle dut vendre son appartement pour financer ce projet intime commencé en 1999 et terminé cette année. Si le film est une comédie, parfois dramatique, les passages "sexe" excluent le public enfants. À l'issue de la projection on trouvera les cinq DVD parus, ainsi que le CD Carton, composé avec Bernard Vitet, dont les chansons accompagnent Thème Je.

mardi 13 septembre 2011

WTC 9/11 (2010) World To Come


J'ai commandé WTC 9/11, le nouvel album de Steve Reich, par intérêt parce que c'est le seul répétitif qui m'ait toujours emballé, par fétichisme parce que je les possède presque tous, par goût parce que j'adore les interprétations du Kronos Quartet dont il ne m'en manque pratiquement aucun, par tolérance parce que les commémorations du 11 septembre 2001 occultent impérialistiquement le 11 septembre 1973 quand les avions américains prêtaient main forte à Pinochet pour dézinguer Salvador Allende, par mélomanie parce qu'une copie mp3 comme celle que je vous offre ci-dessus ne vaut pas la qualité d'un CD et pour bien d'autres aussi bonnes que mauvaises raisons.
J'ai copié-collé la pochette censurée qui risquait de blesser des étatsuniens que les images de leur télé ne gênent pas lorsqu'il s'agit de montrer les ravages de leur armée et de leur politique un peu partout sur la planète, et la définitive qui me fait m'interroger sur ce que cache cet écran de fumée.
J'ai écouté les nouvelles compositions un peu déçu, parce que le système de "mélodie du discours", qu'avait également utilisé avec talent René Lussier pour Le trésor de la langue, n'a jamais été aussi poignant que sur Different Trains, chef d'œuvre inégalé de Reich. Il consiste à orchestrer la mélodie de voix parlées préalablement enregistrées, ici aiguilleurs du ciel, pompiers, voisins de New York, etc. Déçu aussi parce que le Mallet Quartet et les Dance Patterns, qui complètent le court album, sont deux œuvrettes n'apportant pas grand chose à l'édifice. Déçu parce que j'attends chaque fois un miracle et le propre des miracles est de se produire quand on ne les attend pas.
On lira partout dans la presse que WTC 9/11 est une des œuvres majeures de Steve Reich parce que tout ce qui touche à l'énigme du 11 septembre donne des frissons, parce que la plupart des journalistes découvrent ce compositeur avec quarante ans de retard, parce que c'est politiquement correct à l'image de la pochette définitive du CD. L'album se laisse écouter, mais les quelques dissonances ne suffisent pas à Steve Reich pour se renouveler et l'on préférera cent fois Different Trains ou les premières pièces plus expérimentales comme It's Gonna Rain ou Come Out qui dégagent une rage romantique d'une puissance insoupçonnable.

lundi 12 septembre 2011

3", BD au zoom infini


La nouvelle bande dessinée de Marc-Antoine Mathieu est un livre-objet qui deviendra vite culte tant sa réalisation colle à son concept original. Cet ovni (olibrius voyant non identifiable) est le cousin direct de Michelangelo Antonioni pour son film Blow-Up et surtout Michael Snow pour le film Wavelength et son récit photographique retors Cover To Cover. Du premier il s'approche par une enquête policière dont les fils tiennent à l'agrandissement d'une image, du second par un zoom interminable, unique plan séquence dont les effets de miroir produisent des effets de champ-contrechamp vertigineux où réside la clef de l'intrigue. Le tout sans paroles, par le seul talent du dessinateur-scénariste.
En acquérant la version papier parue aux Éditions Delcourt nous avons illico accès à un site Internet où nous est offerte une version numérique. Illico est le mot puisque l'action, ralentie au gré du lecteur, dure exactement trois secondes. Aucun gadget ici, mais deux manières de lire l'histoire et d'apprécier l'art de Marc-Antoine Mathieu. Sa bande dessinée peut être considérée comme le story-board du film dont la vitesse de lecture est réglable dans un sens comme dans l'autre, un effet snowien là aussi ! J'ai encore pensé à l'excellente série Le relief de l'invisible réalisée par Pierre Oscar Lévy où l'on zoome dans la matière jusqu'à l'infiniment petit pour repartir en arrière vers l'infiniment grand. Jean Cocteau, dans le chapitre Des distances de son Journal d'un inconnu précise bien qu'il n'existe rien de grand ni de petit, mais seulement des distances. Portée par tant d'anagrammes, de réflexions quasi palindromiques, d'indices à déchiffrer, la trajectoire du photon qui nous emmène jusqu'à la lune est, sur le site, l'objet d'un forum (spoiler) où débattent les lecteurs comme lors du lancement de Mulholland Drive.


Puisque nous nageons dans les références à espérer cerner une œuvre hors normes et que celle-ci en abonde, j'avais découvert Mathieu en cherchant un auteur de la trempe de Francis Masse, un autre de mes héros, héros qui sera d'ailleurs présent au Monte-en-l'air ce soir lundi à 17h pour la sortie de son (Vue d’artiste) et la réédition des Deux du balcon. J'ai craint un moment la fermeture de la librairie qui avait simplement déménagé 71 rue de Ménilmontant / 2 rue de la Mare, 75020 Paris, dans un espace spacieux permettant les expositions. À n'en pas douter, 3" s'y trouve en bonne place, nos yeux zoomant éperdument sur les merveilles graphiques rassemblées.

vendredi 9 septembre 2011

Carnet de Françoise Romand


Avec le développement du numérique grand public il est devenu banal de raconter que chacun peut aujourd'hui faire un film, un disque, un livre ou devenir photographe. C'est sans compter le budget de promotion et la soumission des organes de presse aux grands groupes industriels qui les possèdent. L'argent appelle le commentaire. Si les petits producteurs ont du mal à imposer leurs productions que dire des indépendants qui travaillent dans le luxe de leur liberté de création ? Devant la paresse des journalistes spécialisés les blogueurs ont la place de s'exprimer, même si leur impact est moindre dans un premier temps.
J'en sais quelque chose pour avoir produit une trentaine d'albums depuis 1975 sur mon propre label, GRRR. Mon dernier en date, duo avec Michel Houellebecq, n'a pas atteint les 500 exemplaires alors que le poète (il s'agit de textes issus du Sens du combat et de La poursuite du bonheur) avouait "quelque chose d'assez rare dans ma vie : une collaboration avec un musicien, réussie." Aucun média littéraire ou généraliste ne l'a évoqué, ni en bien, ni en mal. Seuls les magazines de musique l'ont chroniqué. L'objet a beau être superbe (pochette et livret d'Étienne Auger), il n'atteint pas sa cible.
La même mésaventure touche les DVD de Françoise Romand. Si ses deux premiers, Mix-Up ou Méli-Mélo et Appelez-moi Madame furent chroniqués, elle les attribue au fait qu'ils furent produits par Antenne 2, TF1 et l'INA. Le suivant, entièrement financé par la réalisatrice, Ciné-Romand, passa presqu'inaperçu. Aussi s'inquiète-t-elle pour la sortie cette semaine des deux nouveaux, Gais Gay Games et Thème Je, qui souffrent des mêmes qualités tant cinématographiques (saluées par le célèbre critique américain Jonathan Rosenbaum) que graphiques dans leur habillage stylé (pochettes de Claire et Étienne Mineur, ou de Caroline Capelle). Un site Internet présente l'ensemble avec le même soin, et ils sont tous distribués par Lowave.


Mais rien ne vaut la projection en salle. Ainsi la première de Thème Je aura lieu au Cin'Hoche à Bagnolet mercredi prochain 14 septembre à 20h en présence de Françoise Romand. Vous y êtes cordialement invités, d'autant que la séance sera exceptionnellement gratuite ! Venez nombreux (la salle est grande) et faites honte aux professionnels qui manquent furieusement de curiosité...
Si vous désirez vous mettre en appétit, le même jour à 17h, France Culture diffuse son émission Sur les docks dédiée au travail de la réalisatrice avec, en guest stars, Noël Burch, Sylvie Najosky et votre serviteur.

P.S.: le choix du photogramme illustrant cet article n'est pas innocent. Qu'inventer pour attirer l'attention ?!

jeudi 8 septembre 2011

Mildred Pierce de Todd Haynes


Les mini-séries apparaissent comme de très longs métrages diffusés en plusieurs parties à la télévision américaine. De plus en plus de metteurs en scène de cinéma y viennent, attirés par des formats et une liberté que Hollywood ne permet pas. Si Boardwalk Empire initié par Martin Scorcese est un ratage à l'image de tous ses deniers films, Mildred Pierce de Todd Haynes, qui se passe dix ans plus tard en pleine Dépression, soulève d'intéressantes questions sur le statut des femmes, aujourd'hui comme hier, comme il l'avait déjà abordé avec Safe et Loin du paradis. Fidèlement adapté du roman de James M. Cain, également auteur du facteur sonne toujours deux fois, Haynes s'affranchit de la magnifique version de 1945 de Michael Curtiz avec Joan Crawford en confiant le rôle omniprésent à Kate Winslet et en creusant pendant quatre heures trente les fantasmes de la classe moyenne et le malaise de la "femme au foyer" dans un mélodrame qui rappelle Douglas Sirk et Fassbinder.


Vouloir le meilleur pour ses enfants les gâte souvent, tout en leur fournissant le moyen de s'éloigner quand le but était de se les attacher. Le conflit entre la mère et la fille interprétée adulte par Evan Rachel Wood naît de leur émancipation à toutes deux. La lâcheté des hommes est un handicap qui ne leur facilite pas les choses, que ce soit Bert l'ex-mari de Mildred, l'ami de la famille Wally Burgan ou le playboy Monte Beragon, respectivement interprétés par Brían F. O'Byrne, James LeGros et Guy Pearce. Seules sa voisine (Melissa Leo) ou les serveuses de son restaurant montrent une véritable solidarité avec elle.
Le film prend son temps, les neuf ans du drame se déroulant au fil des cinq parties produites par HBO (ce ne sont pas des épisodes comme dans les séries proprement dites). La musique est un peu trop illustrative, à l'image de la reconstitution historique soignée, sauf lorsque Veda, la fille de Mildred, s'acharne sur son piano ou, mieux, lorsqu'elle chante l'Air des Clochettes de l'opéra Lakmé de Léo Delibes, dont les paroles réfléchissent parfaitement son désespoir à elle, "fille de parias, rêvant de douces choses"... C'est bien le nœud de toute l'histoire, le désir d'ascension sociale que le statut de femme rend d'autant plus complexe. Et les meilleures évocations historiques prennent tout leur sens à la lumière de notre actualité.

mercredi 7 septembre 2011

Cas de conscience


La soirée bien avancée, quelqu'un a lancé pour qui allions-nous voter... La question des primaires socialistes fut évacuée illico par les plus engagés. Aux mêmes celle des présidentielles semblait prématurée. La participation elle-même posait cas de conscience. P. affirma d'emblée qu'il ne voterait pas « socialiste » au second tour. Certain qu'il aurait fallu mimer des guillemets à l'américaine pour annoncer la couleur, deux crochets prédateurs avec les majeurs et les index. En jouant le jeu prétendument démocratique nous cautionnons depuis quarante ans un régime qui n'a fait qu'empirer. Si les politiques ont perdu leur pouvoir au profit des banquiers et des grands patrons, l'Internationale du Capital, qu'importe le résultat des urnes ! Le changement ne viendra jamais parce que j'aurai glissé mon bulletin ou appuyé sur un bouton. Même l'extrême-droite qui fait si peur aux démocrates serait contrainte d'obéir aux lois du marché... F. s'offusqua de la comparaison, anti-racisme oblige. Je rappelai le discours de 1991 de Chirac :
« Notre problème, ce n'est pas les étrangers, c'est qu'il y a overdose. C'est peut-être vrai qu'il n'y a pas plus d'étrangers qu'avant la guerre, mais ce n'est pas les mêmes et ça fait une différence. Il est certain que d'avoir des Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d'avoir des musulmans et des Noirs […] Comment voulez-vous que le travailleur français qui habite à la Goutte-d'or où je me promenais avec Alain Juppé il y a trois ou quatre jours, qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler ! [applaudissements nourris] Si vous ajoutez à cela le bruit et l'odeur [rires nourris], eh bien le travailleur français sur le palier devient fou. »
Je pense plutôt au vacarme que doivent endurer ceux qui habitent le long du boulevard périphérique, de la voie ferrée, près des pistes de l'aéroport, au centre-ville. Pire, certaines villes, selon les vents, respirent l'œuf pourri de l'usine à papier, le vomi de chat des éponges Spontex, le brûlé des poulets grillés en batterie, etc. Sont-ce les mêmes qui subissent la musique arabe, les jeux des enfants et les parfums de l'Orient ?
J'ignore sincèrement ce que je ferai le 22 avril 2012. La tentation est grande d'exprimer mon désaccord avec la supercherie et d'aller manifester mes choix directement dans la rue. C'est ce que suggère la dernière pub de Chanel en quatrième de couve de Libé, non ? Tout est récupéré, broyé, digéré, transformé en spectacle. Qu'attendent pour se soulever ceux qui n'ont rien ? Le jasmin est un parfum de jeunes, une fleur qui fait du bruit.

mardi 6 septembre 2011

Repérages à Beauvais


Les draps qui les recouvrent transforment les œuvres en fantômes. Des murs semblent suinter des fresques inachevées. Se promener dans les salles fermées du Musée Départemental de l'Oise a la magie des coulisses, comme si le lieu était constitué de chausse-trappes, de portes dérobées, de couloirs secrets. Le mystère hante ces lieux fermés depuis douze ans au public et bientôt en rénovation.


Hier matin nous avons donc fait un saut à Beauvais pour repérer la salle Thomas Couture où sera représenté notre opéra Nabaz'mob du 5 au 23 octobre prochains. Chaque lieu impose une scénographie différente. Ici le public limité à dix-neuf visiteurs à la fois, pour raison de sécurité, assistera à la représentation du haut d'une petite estrade tandis que le clapier s'étalera à ses pieds dans l'obscurité. L'acoustique de la salle autorise la diffusion acoustique, soit cent petits haut-parleurs, un dans chaque estomac lagomorphe.
Après le déjeuner, nous visitons la cathédrale gothique dont la mégalomanie lui fut fatale tout au long de son histoire. Première de son espèce au Xe siècle, la Basse-œuvre fut détruite après d'innombrables incendies. Elle est remplacée par l'actuelle au XIIIème, la Haute-Œuvre, qui s'écroulera plus d'une fois. Après la nef, la flèche "la plus haute de toute la Chrétienté", cent-cinquante-trois mètres, y passera avec le clocher. Aujourd'hui encore, à l'intérieur, les chutes de pierre ont obligé partout l'installation d'étais en bois pour que le ciel ne tombe pas sur la tête des fidèles. Le résultat de cette démesure est franchement tarte et risible.


Nous préférons admirer les magnifiques sirènes musiciennes situées sous l'une des tours de l'entrée du Musée, découvertes dans les années soixante alors que le XIXe siècle les avait enfouies derrière la chaudière ! Il en reste quatre, sur les huit probables, qui jouent de la cornemuse (une pipasso ?), d'un flageolet et d'un tambourin, de la viole (viola da braccio) et d'un instrument à cordes étrangement appelé trompe marine. En admirant ici les fresques, ailleurs les bas-reliefs comme dans l'Égypte ancienne, j'adore imaginer la musique que l'on pouvait jouer alors, puisqu'aucune trace ne nous est parvenue. Des os de mammouth retrouvés en Russie m'avaient laissé perplexe sur la musique qui avait pu en germer. C'est pareil avec les instruments contemporains les plus bizarres dont je fais couramment l'acquisition et qui me laissent libre d'inventer tout ce qui me passe par la tête !

lundi 5 septembre 2011

Rêve de lapins


Depuis Marseille Poussière rêve-t-elle toujours de lapins ? Le sud ne semble pas friand de rongeurs lyriques. Nous n'avons jamais été invités que dans le sud-ouest. La nouvelle tournée de Nabaz'mob se dirigera encore cette fois vers l'étoile polaire. D'abord Tallinn en Estonie où notre opéra sera représenté deux fois au Kumu Art Museum pour la clôture de l'exposition Gateways les 23 et 24 septembre, puis en installation au Musée Départemental de l'Oise à Beauvais, dans l’ancien Palais des Évêques-Comtes, du 5 au 22 octobre avant rénovation de la salle Thomas Couture fermée depuis douze ans. Ce monument historique comporte une porterie du XIVème siècle ornée d'une célèbre peinture murale de sirènes musiciennes ! Ce matin Antoine et moi enfourchons nos destriers et fonçons à bride abattue faire un repérage des lieux tandis que Poussière continue de rêver sur le dos, la patte levée derrière l'oreille, dans une position de cantatrice montée sur ses grands chevaux, alors qu'en vérité sa méditation molle la fait plutôt ressembler à une crème.

vendredi 2 septembre 2011

David Fray, héritier de Glenn Gould


Comment faire partager ses émotions avec des lecteurs qui n'ont encore rien vu, rien entendu, surtout lorsqu'il s'agit d'un interprète de musique classique ? Ce fut aisé pour Pascale qui me prêta simplement le DVD de David Fray dirigeant trois concertos de Bach (en la majeur BWV 1055, en fa mineur BWV 1056, en sol mineur BWV1058) depuis son piano tandis que Bruno Monsaingeon le filme comme il le fit dans le passé avec Yehudi Menuhin, Paul Tortelier, Nadia Boulanger, Piotr Anderszewski... Et évidemment Glenn Gould. C'est justement à ce pianiste incomparable que l'on associe le jeune David Fray. Et la comparaison est troublante. Heureusement Fray s'en inspire sans le copier.


Plein d'entrain communicatif, faisant totalement corps avec la musique, visionnaire affuté, Fray possède aussi un jeu qui rappelle celui de Gould, varié et nuancé, coloré, militant. C'est la seconde fois en effet que Bach m'emporte au delà de ce que j'imaginais. Le travail de Monsaingeon transforme les répétitions en une vertigineuse leçon de musique, que ce soit avec la Deutsche Kammerphilarmonie de Brême ou chez Fray, seul à Paris. Le DVD publié par Virgin Classics / Medici Arts fin 2008 mérite bien son titre : Swing, Sing & Think (Swinguez, chantez et réfléchissez). Pourquoi les grands interprètes, de Granados à Gould, des Busch au Kronos, de Bruno Walter à Toscanini, me paraissent toujours swinguer comme des jazzmen ? Fray cherche sans cesse à se rapprocher du chant comme s'il était l'essence même de la musique et les instruments de l'orchestre une transposition outillée, comme le geste prolonge la pensée. Son approche intelligente de Bach lui laisse la liberté d'inventer, de se l'approprier, de le rendre vivant.
Que les filles (ou les garçons) ne rêvent pas, le jeune trentenaire beau comme un cœur est marié à à l'actrice italienne Chiara Muti, fille du célèbre chef d'orchestre Ricardo Muti qui s'est illustré récemment en mouchant Berlusconi en direct à la télévision italienne, et en musique ! Il y a d'ailleurs de la révolte chez le jeune pianiste et chef, un désir de s'affranchir de la partition sans la trahir. Chaque époque a proposé des interprétations différentes des classiques. Celle de David Fray porte la marque de son temps.

jeudi 1 septembre 2011

L'usure de la Banque Postale


Pour dépanner un ami coincé chez lui qui devait faire parvenir d'urgence de l'argent à son fils je suis allé faire la queue à la Poste. L'astuce consiste à envoyer du liquide instantanément par "mandat urgent cash". Ayant écrit le nom du destinataire et justifié de mon identité j'ai dû m'acquitter d'un taux usuraire de 16% pour faire transiter le liquide d'un département à l'autre ! 92,80 € pour les 80 attendus. Déjà que je ne portais pas La Poste dans mon cœur depuis que son activité principale est devenue bancaire sa commission pour dépanner ses usagers m'a fait bondir au plafond, d'autant que ce sont en général les classes défavorisées qui y ont recours. Le fiston n'eut plus qu'à présenter sa pièce d'identité et le numéro que je lui ai téléphoné pour toucher son oseille. Quel service coûte tant dans cette transaction ? Et moi qui me plaignais des grandes banques !
En ce milieu d'après-midi mères de famille, chômeurs et petits vieux ont failli en venir aux mains à cause d'une personne qui avait grillé la queue. Les préposés sous pression préféraient ne rien entendre. Quel que soit le quartier, aller à la Poste vous fait plonger dans la réalité sociale comme prendre le métro ou se promener à dix heures du soir. J'avoue préférer acheter mes timbres sur Internet, faire du vélo et choisir les coins où une épicerie berbère est ouverte tard. Et puis, surtout, si je ne me mets pas en colère je me force à sourire, quitte à avoir l'air d'un fou. Cela ne coûte rien.