dimanche 22 juin 2008
Capacité mémoire
Par Jean-Jacques Birgé,
dimanche 22 juin 2008 à 08:45 :: Pratique
"Parce que la mémoire est courte, les hommes accumulent d'innombrables pense-bêtes..." C'est ainsi que commence l'admirable film d'Alain Resnais, Toute la mémoire du monde sur l'ancienne Bibliothèque Nationale en 1956. Conçu par Rémo Forlani, musique de Maurice Jarre, le court-métrage est un petit chef d'œuvre. Aujourd'hui la BNF propose aussi en consultation les archives de l'Internet, 13 milliards de fichiers du domaine français pour un volume de 120 Téraoctects dont les plus anciens remontent à 1996. De son côté, Internet Archive annonce un système de stockage de 1,5 Po (Pétaoctet), soit 1 500 000 Go (1 500 To), pour un stockage actuel de 40 milliards de pages Web du monde entier.
Notre mémoire interne est limitée. Au fur et à mesure que nous grandissons, les souvenirs s'accumulent dans notre cerveau. S'il fallait se souvenir de toute notre vie, il en faudrait une seconde pour se remémorer la première. Un pari stupide. Nous effaçons des pans entiers de notre histoire, et pas seulement des détails, pour faire de la place aux nouvelles aventures. À côté de cela, nous stockons ce que nous pouvons dans nos tiroirs, sur des étagères, dans des placards, et il suffit parfois de les rouvrir pour que se déploient les scènes oubliées comme par enchantement, pour que les nœuds se défassent et révèlent les secrets enfouis. Raviver, revivre. Le monde s'arrête à l'instant où l'on s'y plonge. Plus l'espace de stockage est vaste, plus on le remplit. Nos greniers encombrés sont autant de chausse-trappes où l'oubli se répand, où la névrose prend ses racines. Catastrophes, révolutions, moments de désespoir ou de colère effacent à jamais ce qui s'est produit pour réinventer l'Histoire, la réécrire. De toutes manières, elle n'existe pas dans son unicité, il y a autant de versions que d'individus, d'où la nécessité des uns ou des autres de faire disparaître ce qui nous arrange ou nous dérange.
Le cerveau a une capacité limitée.
Je prends des notes, des photographies, je filme, j'enregistre, je classe, je fiche, je fouille enfin pour faire remonter à la surface des pans insoupçonnés du passé, recopiant momentanément dans ma mémoire centrale les informations archivées sur les supports externes.
30 000 diapositives du light-show, des milliers de photographies du Drame ou personnelles, autant de disques, de films, de livres, des lettres, des carnets, des objets, etc. J'hésite parfois à faire le tri, mais seul l'avenir peut décider de ce qui est à conserver ou pas. Un ami me dit que je pourrais avoir accès au dossier sur mon père que détiennent les Renseignements Généraux... Le mien, je le connais, il m'habite. Mais le plus important, l'aurai-je forcément oublié ?
En illustrations, la photo avec Bernard (prise par Horace) qui a suscité ce billet et la place du lecteur d'archives (système numérique du bureau des Rencontres d'Arles de la Photographie)...